C. MODERNISER LE DIALOGUE INTERNE À LA GENDARMERIE NATIONALE SANS LA DÉSTABILISER
1. Préserver une institution dont le fonctionnement actuel offre un haut niveau de satisfaction
Lors des travaux préparatoires à l'examen du projet de loi d'actualisation de la programmation militaire, nos collègues Robert del Picchia et Gilbert Roger avaient approfondi la question de la réforme du droit d'association au sein des armées. En ce qui concerne la gendarmerie nationale, il résultait de ces travaux qu'il ne semblait pas exister une demande très forte de droits supplémentaires d'association au sein de la gendarmerie et que les réformes en cours (notamment le passage à l'élection au sein du CFMG) permettaient déjà dans de répondre une large mesure aux enjeux.
Dès lors, lors de l'examen du texte au Sénat, votre commission avait tenu à maintenir un encadrement strict des APNM. Elle avait notamment adopté des amendements de son rapporteur, Jean-Pierre Raffarin, revenant sur les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, qui avait élargi le champ d'expression des APNM ainsi que leur pouvoir d'ester en justice et prévu une intégration sous cinq ans aux conseils de la fonction militaire (CFM). Par ces modifications, conservées dans le texte définitif, votre commission avait marqué son attachement à la préservation de l'outil militaire et aux modes de concertation déjà en place au sein de l'institution 6 ( * ) .
Vos rapporteurs ne peuvent que réitérer cette analyse, pertinente aussi bien pour les trois armées que pour la gendarmerie nationale.
Certes, il est tout-à-fait nécessaire qu'il existe au sein de la gendarmerie, pour la hiérarchie comme pour les parlementaires, des interlocuteurs reconnus et compétents capables de mettre en exergue les difficultés et les préoccupations que la tradition de discrétion des gendarmes ne permettent pas toujours de faire émerger. En outre, il s'agit ici du respect d'engagements internationaux que la France a bien entendu pris en connaissance de cause. Toutefois, ces réformes doivent veiller à ne pas déstabiliser le fonctionnement interne de la gendarmerie nationale ainsi que celui des instances de concertation déjà existantes, d'autant que la Gendarmerie nationale, comme on l'a vu, a déjà amorcé un processus de rénovation du dialogue interne.
Ainsi que l'a déclaré le ministre de l'Intérieur lors de son audition par votre commission : « Le CFMG demeure la seule instance de représentation légitime des militaires de la gendarmerie ».
Faut-il encore souligner à quel point cette institution constitue, par son efficacité, sa rigueur et la disponibilité de ses personnels, aux côtés de la police nationale, une pièce essentielle du dispositif français de sécurité, dont les accomplissements sont observés et salués par de nombreux pays et dont il importe de préserver l'efficacité ?
2. Les préoccupations qui s'expriment actuellement par le biais des instances de concertation et de participation déjà existantes
Le dialogue au sein de la gendarmerie, en cours de rénovation, a déjà permis de faire émerger certaines des principales préoccupations des militaires de la gendarmerie. Selon les informations recueillies auprès du ministère de l'intérieur par vos rapporteurs, ces préoccupations sont essentiellement les suivantes :
- en matière de ressources humaines, les militaires de la gendarmerie, dont l'engagement opérationnel et l'exercice des responsabilités sont importants, souhaitent bénéficier de mesures témoignant de la reconnaissance de cet investissement. Ils sont attentifs à ce que les dispositifs indiciaires et indemnitaires soient les plus justes et les plus cohérents et sont en particulier soucieux de l'équilibre entre leurs statuts et ceux des agents de la fonction publique. La rémunération des personnels en début de carrière et la condition des gendarmes adjoints volontaires sont particulièrement suivies ;
- dans le domaine de l'emploi et des effectifs, les forces de gendarmerie mobile sont particulièrement sollicitées, sur le territoire métropolitain et ultramarin. Leur taux d'emploi est très important, induisant des temps de formation insuffisants et une gestion complexe des personnels (temps de récupération, permissions, etc.). Les fortes contraintes qui s'imposent ainsi aux gendarmes mobiles les conduisent à solliciter une augmentation des effectifs dans les escadrons, notamment à Paris ;
- beaucoup de gendarmes considèrent que les réformes successives de la procédure pénale complexifient le travail des enquêteurs. Par ailleurs, ils estiment que le transfert de la mission de transfèrement des détenus à l'administration pénitentiaire (AP) ne fonctionne pas de manière optimale dans certains endroits ;
- les postes non pourvus dans les unités opérationnelles sont observés avec beaucoup d'attention (pour le programme 152 en 2014, le plafond d'emplois s'établissait à 97 157 ETPT alors que l'on dénombrait 95 195 ETPE au 31 décembre). Les entrées tardives dans l'année en école de gendarmerie accentuent le phénomène et génèrent de l'insatisfaction. Ce phénomène, qui crée des difficultés d'organisation du service et alourdit la charge de travail individuelle, a été également souligné par l'association entendue par vos rapporteurs dans le cadre de l'élaboration du présent rapport ;
- dans le domaine des équipements, le renouvellement partiel annuel de véhicules ne suffit pas à combler les besoins. Le parc est vieillissant et les gendarmes souhaitent voir les ateliers automobiles remis à la main des chefs opérationnels de la gendarmerie pour retrouver une gestion de proximité. Le parc informatique constitue également un point de crispation, les équipements tardant à être renouvelés ; l'insuffisance de la puissance des ordinateurs et les longueurs d'accès ou d'exécution des applications « métier » sont sources de mécontentement ;
- enfin, l'immobilier domanial reste un sujet important malgré les efforts budgétaires consentis (plan d'urgence de 70 millions d'euros par an à partir de 2015, cf. ci-dessus), qui sont jugés insuffisants pour faire face à l'entretien, à la construction et aux travaux de réhabilitation lourde.
* 6 L'association entendue par vos rapporteurs a principalement regretté que les APNM ne soient pas intégrées en tant que telles au CFMG. Elle considère en effet que cette non-intégration sera contreproductive en incitant les associations à porter sur la place publique des difficultés qui auraient pu être directement traitées au sein du CFMG.