Avis n° 166 (2015-2016) de MM. Alain GOURNAC et Michel BOUTANT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 19 novembre 2015

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N° 166

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME XI

SÉCURITÉS :
GENDARMERIE NATIONALE

Par MM. Alain GOURNAC et Michel BOUTANT,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 164 à 170 (2015-2016)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS POUR AVIS

1. - Le budget de la gendarmerie nationale connaitra en 2016 une hausse modérée. La demande de crédits s'élève à 8 269,8 millions d'euros en autorisations d'engagement, en augmentation de 2,42 % par rapport à 2015, et à 8 122 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 0,8 %. Les crédits de titre 2 pour rémunérations et charges sociales, qui représentent comme en 2015 environ 85 % des crédits du programme, se monteront en 2016 à 6 896,2 millions d'euros (AE=CP), soit une hausse de 0,7 %. Les dépenses hors titre 2 s'élèveront à 1 373,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit +12,1 %) et 1 225,7 millions d'euros en crédits de paiement (soit +1,36 %). Au sein de ce « hors titre II », les dépenses de fonctionnement s'établiront à 1 113,8 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse de 0,16 % par rapport à 2015. En revanche, les dépenses d'investissement s'élèveront à 103 millions d'euros en crédits de paiement, soit +22 % environ. En outre, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement traduisant le plan de lutte contre l'immigration clandestine et qui prévoit 19,85 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

2. - Pour que ces augmentations de crédits puissent pleinement produire leurs effets, il est toutefois nécessaire que les crédits mis en réserve, qui représenteront 98 millions d'euros, soient débloqués suffisamment tôt au cours de l'exercice 2016.

3. - le plafond d'emploi pour 2016 est porté par le PLF à 97 657 emplois ETPT, soit une augmentation de 442 ETPT, dont 100 postes au titre du décret d'avance du 9 avril 2015 pour la lutte contre le terrorisme et 184 postes résultant du schéma d'emploi pour 2016, après une augmentation de 162 postes en 2015. Le plan de lutte contre l'immigration clandestine se traduit par un apport de 370 emplois supplémentaires. Cette hausse des emplois est nécessaire pour faire face à l'accroissement des missions de la gendarmerie nationale : l'intensification de la lutte contre le terrorisme et la réponse à la crise migratoire s'ajoutent en effet aux missions traditionnelles de police de proximité, de police judiciaire et de maintien de l'ordre.

4. - Bien qu'un effort soit accompli pour renouveler les équipements de gendarmes ainsi que leurs véhicules, avec notamment l'acquisition prévue de 2 000 véhicules légers en 2016, cet effort ne permet pas encore de garantir un renouvellement optimal des capacités de la gendarmerie nationale. De même, la deuxième annuité du plan triennal d'urgence pour le traitement des logements les plus délabrés du parc domanial, dont la mise en oeuvre a débuté en 2015 et dont la déclinaison pour 2016 prévoit 70 millions d'euros en autorisation d'engagement pour réhabiliter environ 5 000 logements, permettra de continuer à éliminer les « points noirs » de l'hébergement des gendarmes sans pour autant assurer un renouvellement du parc domanial.

5. - Plusieurs associations professionnelles nationales de militaires (APNM), dont le statut a été introduit par la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, ont été créées et ont commencé leur activité en faveur de la condition militaire au sein de la gendarmerie nationale. Il sera nécessaire d'évaluer la manière dont les nouvelles modalités du dialogue qui en résultent se combinent avec celles résultant des procédures de concertation préexistantes au sein de la gendarmerie nationale.

À l'issue de sa réunion du mardi 17 novembre 2015, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « gendarmerie nationale », les membres du groupe Les Républicains s'abstenant.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La gendarmerie nationale assume une large variété de missions : sécurité quotidienne, maintien de l'ordre, enquêtes judiciaires et police technique et scientifique sur la majeure partie du territoire national métropolitain et outre-mer ; missions à l'étranger sur les théâtres d'opération de nos armées ou au sein des forces internationales ; missions de renseignement et de prévention du terrorisme, etc.

Forte de la présence au coeur des territoires des brigades et des communautés de brigades, la gendarmerie nationale est toujours considérée par les habitants et par les élus locaux comme un élément essentiel de la sécurité et de la présence du service public sur le territoire.

Si la gendarmerie nationale est désormais rattachée au ministère de l'intérieur, elle conserve son statut militaire, clef d'un investissement complet des gendarmes au service de la population. Contrepartie de cet investissement, la gendarmerie doit recevoir un traitement équitable par rapport aux autres forces de sécurité et disposer d'effectifs suffisants et des moyens nécessaires pour assurer le fonctionnement courant et l'entretien des casernements.

À cet égard, le projet de loi de finances pour 2016 traduit certes la priorité donnée par le Gouvernement à la mission « Sécurités ». Ainsi, les autorisations d'engagement du programme 152 augmentent de 2,4 % et les crédits de paiement de 0,8 %. En outre, compte tenu des amendements adoptés par l'Assemblée nationale, ce sont 554 nouveaux postes qui viendront renforcer les effectifs. Toutefois, ces moyens supplémentaires devront non seulement permettre à la gendarmerie de poursuivre ses activités traditionnelles mais aussi de renforcer son engagement dans la lutte contre le terrorisme. Or, l'ampleur et la difficulté de la tache apparaissent immenses après les terribles attaques qui ont frappé notre pays le 13 novembre dernier. En outre, la lutte contre l'immigration clandestine appellera également une mobilisation particulière des gendarmes en 2016. Dès lors, le présent avis sera amené à porter une appréciation nuancée sur l'évolution des crédits prévue par le projet de loi de finances pour 2016, eu égard aux immenses enjeux.

Enfin, le présent avis sera l'occasion de faire un bilan d'étape de la création des associations professionnelles nationales de militaires dans la gendarmerie 1 ( * ) , dont l'activité viendra désormais s'ajouter à celle des organes de participation et de concertation déjà existants.

I. DES CRÉDITS EN LÉGÈRE HAUSSE POUR 2016

La mission « Sécurités », à laquelle appartient le programme 152 « Gendarmerie nationale », bénéficie d'un traitement favorable au sein de l'ensemble du budget. Elle constitue en effet une politique prioritaire définie comme telle par le Président de la République. Ainsi, l'article 22 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour 2012-2017 prévoit que « la mission « Sécurités », qui recouvre les crédits alloués à la police nationale et à la gendarmerie nationale, bénéficiera, entre 2013 et 2015, de créations d'emplois ».

A. UNE ÉVOLUTION FAVORABLE AU SEIN DES MISSIONS DU BUDGET DE L'ÉTAT...

La gendarmerie nationale est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2016, d'un montant de 8 269,8 millions d'euros en autorisations d'engagement, en augmentation de 195,8 millions d'euros, soit + 2,42 % par rapport à 2015 . Les crédits de paiement s'élèveront quant à eux à 8 122 millions d'euros, en hausse de 63,8 millions d'euros (+ 0,8 %) .

Les crédits de titre 2 pour rémunérations et charges sociales, qui représentent comme en 2015 environ 85 % des crédits du programme , se montent en 2016 à 6 896,2 millions d'euros (AE=CP), soit une hausse de 47,3 millions d'euros par rapport à 2015 (+ 0,7 %).

Les dépenses hors titre 2 s'élèveront à 1 373,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (+148,2 millions d'euros, soit + 12,1 %) et 1 225,7 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 16,4 millions d'euros ou + 1,36 %.

Au sein de ce « hors titre II », les dépenses de fonctionnement s'établiront en 2016 à 1 113,8 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse de 0,16 % par rapport à 2015 .

En revanche, les dépenses d'investissement s'élèveront à 103 millions d'euros en crédits de paiement en 2016, soit + 18,5 millions d'euros par rapport à 2015, + 22 % environ.

En outre, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement traduisant le plan de lutte contre l'immigration clandestine et qui prévoit 19,85 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

Enfin, le plafond d'emploi pour 2016 est porté par le PLF à 97 657 emplois ETPT, soit une augmentation de 442 ETPT, dont 100 postes au titre du décret d'avance du 9 avril 2015 pour la lutte contre le terrorisme et 184 postes résultant du schéma d'emploi pour 2016, après une augmentation de 162 postes en 2015.

B. ... QUI NE POURRA TOUTEFOIS PRODUIRE SES EFFETS QUE SI LES CRÉDITS MIS EN RÉSERVE SONT DÉBLOQUÉS

Lors de leur audition par vos rapporteurs, le directeur général de la gendarmerie nationale et les associations de gendarmes ont rappelé que la problématique de la mise en réserve des crédits revêt une acuité particulière dans le cas de la gendarmerie nationale du fait de la structure des crédits du programme 152. Rappelons que le taux de mise en réserve est passé à 8 % en 2015 contre 7 % en 2014 et 5 % en 2006. S'appliquant à l'ensemble des dépenses hors titre II des crédits du programme, la réserve se montera ainsi en 2016 à 98 millions d'euros environ, soit 1,2 % de l'ensemble des crédits de la mission.

Or, les dépenses hors titre II de la gendarmerie nationale sont très rigides. À titre d'exemple, les loyers se monteront à eux seuls à plus de 500 millions d'euros en 2016, les dépenses d'énergie et fluides à 84 millions d'euros, etc. Au total, les dépenses de fonctionnement et d'investissement de la gendarmerie sont à 75 % des dépenses obligatoires, loyers et paiements contractuels.

Dès lors, vos rapporteurs soulignent que la levée de la réserve est essentielle pour assurer le paiement des nouveaux équipements indispensables au maintien en condition opérationnelle des forces de la gendarmerie .

Ils se félicitent par conséquent que, lors de son audition devant votre commission, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, ait indiqué, d'une part, en ce qui concerne l'exercice 2015, qu'un dégel de 38 millions d'euros a eu lieu le 23 septembre permettant de couvrir les dépenses de la gendarmerie mobile, d'acquérir des véhicules et des munitions, des discussions étant en cours au sein du Gouvernement pour le déblocage du solde (45 millions d'euros) avant la fin de l'exercice budgétaire ; d'autre part, en ce qui concerne l'exercice 2016, que le dégel des crédits aurait lieu dès le début de l'année afin que les moyens nécessaires à l'acquisition des véhicules, des protections, des armes et des munitions soient disponibles.

C. DES EFFECTIFS TOUJOURS EN HAUSSE

Les créations d'emplois au ministère de l'intérieur en 2016

1. Au titre du PLF 2016 : 492 créations nettes

1.1 - Les créations d'emplois : 796

• P.L.A.T (Plan de lutte anti-terroriste) : + 445

Police nationale

+ 390

Gendarmerie nationale

+ 55

• Hors P.L.A.T. : + 287

Police nationale

+ 158

Gendarmerie nationale

+ 129

• Hors PN/GN : + 64

OFII

+ 40

OFPRA

+20

ANTAI

+ 4

1.2 - Les réductions d'effectifs : - 304

Administration territoriale

-200

Administration centrale (CPPI)

-94

Sécurité civile

-10

2. Depuis la finalisation du PLF 2016, de nouvelles décisions favorables : 1 120 créations nettes

2.1 - Phénomènes migratoires - Forces de sécurité : + 900

Police nationale

+ 530

Gendarmerie nationale

+ 370

2.2 - Prise en charge des réfugiés : + 220

Accueil 1000 réfugiés « Merkel » - OFPRA + OFII

+ 14

Prise en charge des réfugiés (septembre 2015) :

. OFPRA

. OFII

. Préfectures

. DGEF

+ 206

+80

+86

+30

+10

NB : Les créations d'effectifs de l'OFII et de l'OFPRA ont pu être prises en compte dans le PLF 2016.

3. BILAN CONSOLIDE (sous réserve des débats parlementaires)

Créations

Réductions

Solde NET

POLICE

+ 1078

+ 1078

GENDARMERIE

+ 554

+ 554

PREFECTURES

+ 30

- 200

- 170

AUTRES SERVICES

+254

-104

+ 150

TOTAL

+ 1612

Source : ministère de l'intérieur

1. Un plafond d'emploi en hausse...

Le ministère de l'Intérieur est l'un des rares à bénéficier d'une augmentation significative de ses personnels en 2016 (+428 ETPT après 654 créations nettes en 2015). En tenant compte des amendements déposés par le Gouvernement, le ministère bénéficiera de 1 612 effectifs supplémentaires en 2016. Dès lors, comme chaque année depuis 2012, le plafond d'emploi de la gendarmerie nationale va augmenter en 2015 :

en ETPT

2012

2013

2014

2015

2016

Officiers

Plafond d'emplois

6 966

7 015

6 912

6 896

6 910*

Réalisation

6 512

6 473

6 404

6 376*

6 372*

Sous-officiers

Plafond d'emplois

73 164

74 208

74 213

73 975

74 093*

Réalisation

72 171

72 999

72 693

73 161*

73 058*

Volontaires

Plafond d'emplois

12 505

12 579

12 459

12 390

12 259*

Réalisation

13 177

12 254

12 663

12 496*

12 238*

Civils

Plafond d'emplois

3 223

3 291

3 583

3 954

4 395*

Réalisation

3 308

3 557

3 435

3 520*

4 030*

Total

Plafond d'emplois

95 858

97 093

97 167

97 215

97 657*

Réalisation

95 168

95 283

95 195

95 553*

95 698*

*chiffres prévisionnels

Le plafond d'emplois s'établira ainsi à 97 657 emplois temps plein travaillé. Cette augmentation de 442 emplois par rapport à 2015 (+ 0,45 %) résulte des mouvements suivants :

+ 100 ETPT correspondant au plan de lutte anti-terrorisme pour l'année 2015, dont 93 % ont effectivement été incorporés à ce jour dans les unités nationales et territoriales chargées de la lutte anti-terroriste et permettent d'améliorer les capacités d'observation, de surveillance et d'analyse y compris en matière de cybermenace ;

+ 313 ETPT dans le cadre de la mise en oeuvre de l'apprentissage dans la fonction publique ;

+ 184 ETPT correspondant à l'impact du schéma d'emplois pour 2016, soit + 200 ETPT en création d'emplois sur le terrain, - 71 ETPT pour les suppressions de postes en administration centrale et + 55 ETPT au titre de l'annuité 2016 du plan lutte anti-terrorisme ;

- 1 ETPT au titre de l'actualisation de la mesure de périmètre visant à intégrer dans le plafond d'emplois du programme 152 les effectifs mis à la disposition de divers organismes extérieurs (+ 1 ETPT pour EDF et - 2 ETPT pour la Banque de France) ;

- 154 ETPT correspondant aux transferts, dont 125 ETPT transférés au profit du programme 107 « Administration pénitentiaire » dans le cadre de la reprise des missions d'extractions judiciaires par la direction de l'administration pénitentiaire (DAP).

En outre, 370 nouveaux emplois sont prévus au titre du plan de lutte contre l'immigration clandestine (amendement du Gouvernement adopté par les députés, cf. ci-dessus). Du fait de cet amendement, la gendarmerie nationale bénéficiera au total d'un apport de 554 nouveaux postes en 2016 (184 prévus par le PLF 2016 initial et 370 prévus par le plan de lutte contre l'immigration clandestine).

2. ...mais une sous-exécution toujours importante de ce plafond d'emplois

Il est normal qu'il existe un certain écart entre le plafond d'emploi d'un programme et les emplois effectifs, dans la mesure où une souplesse est nécessaire pour tenir compte des décalages dans l'année de la réalisation des recrutements ou encore des dates réelles de départ à la retraite des agents, qui ne sont pas parfaitement prévisibles.

Toutefois, le programme gendarmerie se caractérise par une sous-exécution particulièrement importante du plafond d'emploi , notamment soulignée par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution budgétaire 2014 : « il convient d'observer une tendance de plus en plus prononcée à la sous-exécution du plafond d'emplois de la mission [sécurités] : l'écart entre prévision et exécution est ainsi passé de -549 à -2 935 ETPT en trois ans. Le phénomène de sous-exécution traditionnellement observé sur le programme 152, (...) atteint cette année un pic (-1 972 ETPT) ».

Cette sous-exécution est due à un écart persistant entre la masse salariale prévue et le plafond d'emplois. Vos rapporteurs estiment que cet écart, trop important, a tendance à fausser quelque peu la discussion des crédits du programme par le Parlement. Il conviendrait donc de le réduire autant que possible en prévoyant qu'un plus grand nombre des postes du plafond d'emploi soit réellement pourvus.

3. Les transformations d'emplois

Le processus de recentrage des militaires de la gendarmerie sur leur coeur de métier, en cours depuis plusieurs années, se traduit par la constitution progressive d'une fonction de soutien . Ainsi, entre 2008 et juin 2015, près de 2 350 postes militaires ont été transformés, dont plus de 1 550 au profit de personnels civils et 800 au profit des militaires des corps de soutien (sous-officiers du corps de soutien technique et administratif - CSTAGN, et officiers du corps technique et administratif - OCTA).

L'an dernier, l'objectif à l'horizon 2019 était d'environ 5 000 militaires des corps de soutien pour assurer le soutien opérationnel et de 5 000 agents civils pour assurer le soutien non-opérationnel.

Toutefois, le transfert hors du programme 152 des missions de soutien non-opérationnel au sein notamment des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) se traduit par une évolution à la baisse de l'effectif des agents servant sous statut civil sur le programme 152.

Pour tenir compte de cette évolution, il est désormais prévu qu'à l'horizon 2019, environ 4 900 militaires des corps de soutien assureront le soutien opérationnel et 4 750 agents civils le soutien non-opérationnel en gendarmerie, pour le périmètre du programme 152. Pour contribuer à cet objectif, environ 3 340 postes initialement tenus par des officiers ou sous-officiers de gendarmerie auront été, à ce même horizon, transformés au profit de militaires des corps de soutien ou de personnels civils.

4. Des mesures catégorielles ciblées

Les personnels des escadrons de gendarmerie mobile ont vu leur indemnité journalière d'absence temporaire revalorisée à compter du 1 er juillet 2015 pour être portée progressivement d'ici le 1 er janvier 2017 de 30 euros à 39 euros, soit une hausse de 30 % pour un coût de 3,6 millions d'euros en 2016. Cette revalorisation était attendue depuis plus de 10 ans.

Par ailleurs, les sous-officiers bénéficieront d'une revalorisation indiciaire et d'une mise en cohérence dans les progressions indiciaires des personnes occupant des emplois de commandement d'unité opérationnelle de premier niveau.

5. La prévention des risques psychosociaux

Les associations entendues par vos rapporteurs ont attiré leur attention sur les risques psychosociaux dans la gendarmerie nationale, singulièrement les risques de suicides.

À ce sujet, le dispositif régional de soutien mis en place depuis 2008 a été renforcé en 2015. En 2016 seront recrutés 7 psychologues cliniciens de plus au profit des régions les plus sollicitées.

D. DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT ET D'INVESTISSEMENT TOUJOURS CONTRAINTS

1. Des moyens de fonctionnement stables

Le montant des crédits hors titre II s'élèvera à environ 1 226 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 16,4 millions d'euros. Parmi ces crédits, les dépenses de fonctionnement se monteront à environ 1 114 millions d'euros, en baisse de 1,73 million d'euros (-0,16 %). Globalement, les dépenses de fonctionnement sont en réalité quasi préservées dans la mesure où la baisse des cours du pétrole induit des économies importantes en matière de chauffage des bâtiments et de carburant.

Le directeur général de la gendarmerie nationale s'est félicité, lors de son audition par vos rapporteurs, du maintien d'un montant au titre du « fonctionnement courant lié à l'agent » d'environ 207,55 millions d'euros, destiné aux dépenses de consommables de bureau, au frais de déplacement des personnels et aux frais liés aux mutations.

Des loyers toujours élevés

Les loyers représentent une part importante des frais de fonctionnement du programme 152.

Rappelons que les locations immobilières relèvent de plusieurs dispositifs :

- casernes ou annexes de casernement construites et louées sur la base du décret n° 93-130 du 28 janvier 1993 ;

- casernes ou annexes de casernements conformément aux modalités propres aux baux emphytéotiques administratifs ;

- casernes ou annexes de casernements dans le cadre d'un montage privé ;

- logements hors caserne soumis aux évolutions de l'indice de référence des loyers (IRL), de l'indice du coût de la construction (ICC) ou de l'indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) ;

- loyers budgétaires.

La loi de finances initiale pour 2014 avait prévu 480,1 millions d'euros pour régler ces loyers, dont 21,8 millions d'euros de loyers budgétaires. Au final, la dépense s'est élevée à 490,3 millions d'euros en AE et 490,2 millions d'euros en CP.

En 2015, les loyers ont été évalués à 499,5 millions d'euros en loi de finances initiale, dont 24,9 millions d'euros de loyers budgétaires. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une dépense de 504,4 millions d'euros .

2012

2013

2014

2015

2016

(PLF)

2017 (Tendanciel)

Loyers privés

444,8 (AE)

440 (CP)

460,2 (AE)

467,8 (CP)

467,1 (AE)

466,7 (CP)

474,6 (AE/CP)

597,9 (AE)

479,3 (CP)

740,3 (AE)

485,9 (CP)

Loyers budgétaires

20,5 (AE)

20,5 (CP)

22 (AE)

22 (CP)

23,2 (AE)

23,5 (CP)

24,9 (AE/CP)

25,1 (AE/CP)

26 (AE/CP)

Total

465,5 (AE)

460,3 (CP)

482,2 (AE)

489,8 (CP)

490,3 (AE)

490,2 (CP)

499,5 (AE/CP)

623 (AE) 2 ( * )

504,4 (CP)

766,2 (AE)

511,9 (CP)

À noter qu'en 2016, la gendarmerie pourrait bénéficier de ressources extrabudgétaires :


• des crédits devraient être ouverts sur le programme 723 « contribution aux dépenses immobilières » dans le cadre du transfert au ministère de l'intérieur d'une fraction des produits de cessions immobilières, conformément aux règles interministérielles. Le montant sera connu en fonction des cessions effectivement réalisées et des conditions de mise en oeuvre de la loi Duflot sur le logement social ;


• 5 millions d'euros environ seront prélevés sur le programme 309 « entretien des bâtiments de l'État » afin de réaliser des opérations de maintenance immobilière ;


• 0,3 million d'euros de fonds de concours seront financés par EDF et ENR'CERT dans le cadre du dispositif « certificat d'économie d'énergie », dispositif qui va être relancé grâce aux opérations prévues dans le cadre du plan d'urgence de l'immobilier domanial de la gendarmerie.

2. Des moyens d'investissement qui permettent de faire face au plus urgent
a) Des travaux de rénovation des casernes indispensables : la poursuite du plan triennal d'urgence

La disponibilité des gendarmes est permise par leur statut militaire et par leur obligation statutaire d'occuper un logement par nécessité absolue de service, obligation d'ailleurs rappelée dans la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale. Le logement est ainsi un élément essentiel dans le fonctionnement de la gendarmerie comme dans la vie des militaires de la gendarmerie et leurs familles .

La gendarmerie occupe au total 3 873 casernes dont 667 domaniales. Les 3 206 autres casernes sont locatives et appartiennent à des collectivités territoriales ou des partenaires privés. Pour compléter le parc de logements en caserne, 8 370 logements individuels sont pris à bail hors caserne et 1 746 font partie d'ensembles immobiliers locatifs.

Grâce notamment à l'effort consenti par les collectivités locales, le parc locatif a bénéficié de travaux de construction et de rénovation significatifs depuis une dizaine d'années.

Cependant, dans un contexte de contraction des crédits hors titre 2 de la gendarmerie, les crédits d'investissement immobiliers ont été réduits de moitié entre 2007 et 2012, passant de 202 à 100 millions d'euros . Faute de crédits, et malgré le recours à des financements innovants, le parc domanial n'a cessé de se dégrader : le parc de logements a 42 ans de moyenne d'âge ; celui des locaux de service 49 ans.

Selon les standards utilisés par les bureaux d'étude, le maintien à niveau du parc immobilier de la gendarmerie nécessiterait une dépense annuelle de 200 millions d'euros pour des constructions de casernes ou des réhabilitations lourdes et de 100 millions d'euros pour la maintenance lourde . Selon la Cour des comptes, si l'on estime à trente ans la durée de vie moyenne d'une caserne n'ayant pas bénéficié d'une maintenance conforme aux standards du marché, la gendarmerie devrait consacrer annuellement 160 millions d'euros à la construction domaniale. Or, entre 2003 et 2008, 122 millions d'euros seulement y ont été consacrés chaque année et à partir de 2010, une centaine de millions d'euros par an.

La DGGN, compte tenu de ce contexte budgétaire tendu, n'envisage plus, sauf besoin particulier, la réalisation de constructions neuves mais privilégie les opérations de réhabilitation lourde et de maintenance de l'existant . La programmation des opérations de maintenance est ainsi effectuée selon des critères d'urgence liés :

- à la mise aux normes des installations afin d'assurer la sécurité des personnes et de garantir la conformité à la réglementation en vigueur ;

- à l'amélioration des logements ;

- au maintien en condition opérationnelle des installations et à leur adaptation aux missions nouvelles ;

- à la dégradation accélérée des infrastructures. Une centaine de casernes domaniales exigeraient en effet des interventions urgentes (dont certaines des mises aux normes en matière de sécurité - électricité, incendie, ascenseurs, etc).

Pour l'année 2014, un montant de 9,8 millions d'euros était ainsi destiné à la maintenance. A l'instar de l'année de gestion précédente, une part importante de ce budget (5 millions d'euros) a permis de constituer un fonds de « maintenance urgente » ayant pour but de faire face aux obligations dans les domaines réglementaires et de la sécurité. Sur ce montant, les opérations concernant la sécurité des personnes représentent 4 millions d'euros. En outre, 2,5 millions d'euros ont été consacrés à la réalisation des opérations les plus urgentes ayant un impact sur les conditions de vie des familles de gendarmes (clos-couvert, chauffage, etc.).

Dès lors, à l'occasion de son audition par vos rapporteurs, le directeur général a souligné l'importance du plan triennal d'urgence pour le traitement des logements les plus délabrés du parc domanial, dont la mise en oeuvre a débuté en 2015 et dont la déclinaison pour 2016 (seconde année d'exécution) prévoit 70 millions d'euros en autorisation d'engagement pour réhabiliter environ 5 000 logements . Ce plan d'urgence est essentiellement destiné à l'entretien et la réhabilitation des logements en vue de supprimer les « points noirs ». Le plan prévoit ainsi d'engager une trentaine d'opérations de réhabilitation lourde et de mise aux normes de casernes et les secondes phases de réfection du clos et du couvert des casernes de Bouliac et de Gap.

Le tableau ci-après retrace les crédits dédiés à la maintenance et l'entretien des casernements de 2012 à 2015 et les prévisions pour 2016 (ouverts en LFI et prévus en PLF) :

AE (LFI) en M€ courants

2012

2013

2014

2015

2016
(prév.)

Maintenance lourde - réhabilitation (titre 5)

52,7

19*

9,8

79,3

81,8

Entretien courant (titre 3)

44

46,4

47,2

35

42,1

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution du nombre de logements et d'hébergements restructurés, en détaillant les mises en chantier et les livraisons réalisées sur les années 2011 à 2014 et prévues pour 2015 et 2016 :

Mises en chantier

Nombre de logements restructurés et

Nombre d'hébergements
(gendarmerie mobile ou gendarme adjoint)

2011

499

2012

594

2013

319

2014

138

2015 (prévisions)

1090

2016 (prévisions)

1660

Livraisons

Nombre de logements restructurés et

Nombre d'hébergements
(gendarmerie mobile ou gendarme adjoint)

2011

106

2012

122

2013

264

2014

215

2015 (prévisions)

169

2016 (prévisions)

370

La chute sensible du nombre de mises en chantier en 2013 et 2014 est liée aux niveaux de dotations pour ces deux années de gestion. En revanche, dès 2015, les mises en chantier reprennent une dynamique soutenue du fait du plan d'urgence pour la mise à niveau du parc immobilier domanial de la gendarmerie, ce dont vos rapporteurs ne peuvent que se féliciter.

b) Un effort de renouvellement du parc automobile

Les véhicules légers et deux-roues du parc opérationnel ont respectivement un âge moyen de 7 ans 4 mois et 6 ans 4 mois, pour un potentiel moyen de 155 000 km et 77 000 km.

Le respect des critères de réforme, désormais fixés pour les véhicules légers à 8 ans et 200 000 km, nécessiterait l'acquisition de 3 000 véhicules par an (hors véhicules spécifiques tels que les poids lourds), soit un besoin annuel d'environ 60 millions d'euros. Cette cible n'étant plus atteinte depuis 4 ans (1 273 véhicules achetés en 2011, 916 en 2012, 1 356 en 2013, 1 444 en 2014 ), la durée de service des véhicules a dû être prolongée pour atteindre 10 ans .

Ainsi, en 2014, la construction initiale du budget d'équipement inscrivait 40 millions d'euros au titre du renouvellement du parc automobile. L'ensemble de ces crédits a fait l'objet d'un gel dans le cadre de la mise en réserve de précaution. 12 millions d'euros ont été finalement annulés au titre de la loi de finance rectificative 2014 sur cette même enveloppe. Ainsi, in fine , 28 millions d'euros ont été débloqués et ont permis l'acquisition de 1 444 véhicules au profit de la gendarmerie.

En 2015, sur 3 308 commandes passées au titre de 2014 et 2015, 1 715 véhicules ont été livrés, ce qui correspond à 100 % des commandes passées en 2014 et 36 % des commandes passées début 2015. En tout état de cause, toutes les commandes de début 2015 seront livrées avant la fin de l'année.

Un montant de 40 millions d'euros sera consacré en 2016 au renouvellement du parc automobile , soit les crédits nécessaires à l'acquisition de 2 000 véhicules supplémentaires. Ce nombre n'atteint toutefois toujours par le seuil (3 000 véhicules) permettant d'assurer un renouvellement normal des voitures .

c) Les nouvelles technologies

Le déploiement du projet NEOGEND permettra de doter les gendarmes d'outils mobiles d'accès aux systèmes d'information, dans une logique de proximité et de souplesse dans l'emploi des forces, en particulier en milieu rural. Le directeur général de la gendarmerie nationale a ainsi fait part à vos rapporteurs du projet de doter l'ensemble des gendarmes de terrain d'une tablette informatique permettant d'automatiser de nombreuses tâches répétitives. A ce plan centré sur la mobilité, s'ajoutera le volet 2016 du plan de modernisation technologique de la gendarmerie qui permettra de développer des dispositifs de pré-plaintes en ligne ou encore d'aide à la décision s'appuyant sur les données de masse (Big Data).

II. UNE ACTIVITÉ IMPACTÉE PAR LA LUTTE ANTI-TERRORISTE ET PAR LA CRISE MIGRATOIRE

A. UN EFFORT SUPPLÉMENTAIRE ENCORE À CONFIRMER POUR PRÉVENIR ET RÉPRIMER LES ACTES TERRORISTES

La lutte contre le terrorisme concerne au premier chef les forces de l'ordre. Une série de mesures est ainsi venue renforcer les moyens et les outils de la police et de la gendarmerie nationales dans ce domaine depuis le début de l'année 2015. Par ailleurs, de nouveaux efforts en crédits et en effectifs ont été annoncés après les attaques du 13 novembre 2015.

1. Un effort budgétaire particulier dans le cadre du plan global de lutte contre le terrorisme du 21 janvier 2015
a) Des crédits supplémentaires...

Le 21 janvier 2015, à la suite des attentats des 7 et 9 janvier, le Gouvernement a annoncé un plan global de lutte contre le terrorisme , dont la réalisation doit s'échelonner sur trois ans. Le cadre budgétaire du financement de ces mesures pour l'année 2015 a été prévu par le décret d'avance n° 2015-402 du 9 avril 2015.

Ainsi, pour 2015, 397 millions d'euros sont prévus dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme : 150 millions d'euros pour le ministère de la défense, sans ouverture de crédits nouveaux, ainsi que 247,3 millions d'euros ouverts par le décret d'avance pour les services des ministères de l'intérieur, des finances et des comptes publics, de la justice, des affaires étrangères et du Premier ministre.

En ce qui concerne le ministère de l'intérieur, gestionnaire de la mission « Sécurités », le décret prévoit 75,3 millions d'euros (AE=CP) sur le programme Police nationale et 35 millions d'euros pour le programme Gendarmerie nationale , dont 12 millions d'euros pour les dépenses de personnel.

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le décret permet ainsi de financer : - 18,9 millions d'euros de nouveaux équipements : véhicules, armements et équipements de protection, lutte contre les drones malveillants et financement du plan de renforcement des moyens du Groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et des pelotons d'intervention de la gendarmerie nationale (PSIG) ;

- 2 millions d'euros dans le cadre d'un plan de renforcement et de modernisation technologique des services ;

- 2,1 millions d'euros de dépenses liées aux recrutements.

En outre, les dépenses de personnel supplémentaires ont permis d'augmenter les effectifs de la gendarmerie nationale de 100 ETPT au titre du renseignement territorial et d'unités opérationnelles des services spécialisés (2,9 millions d'euros), ainsi que la mobilisation des réserves civile et opérationnelle (9,1 millions d'euros).

b) ... complétés par un dégel précoce des crédits déjà votés

Par ailleurs, dès le début de l'année, la DGGN a demandé le dégel d'une partie des crédits mis en réserve 3 ( * ) , à hauteur de 55 millions d'euros, afin d'amplifier cet effort de lutte contre le terrorisme . Ces crédits permettent ainsi l'acquisition de moyens de protection et d'armement (6 millions d'euros); le renforcement de la capacité d'intervention des hélicoptères (1 million d'euros) ; l'acquisition de nouveaux véhicules (17 millions d'euros) ; l'optimisation et le renforcement des moyens radios et informatiques (11 millions d'euros), l'engagement, en 2015, des escadrons de gendarmerie mobile (20 millions d'euros). Un total de 38 millions d'euros ont été débloqués sur la réserve à ce jour, le reste des nouveaux moyens devant être financé par le dégel du solde de la réserve (45 millions d'euros au 2 novembre 2015).

Enfin, 100 000 jours-emploi de réservistes de la gendarmerie sont financés.

2. La poursuite de l'effort en 2016 : une véritable remise à niveau est nécessaire

L'effort budgétaire au titre de la lutte anti-terroriste se poursuivra en 2016 avec un montant de 5,2 millions d'euros notamment consacrés à la modernisation informatique de la gendarmerie.

Par ailleurs, 2016 verra la mise en place d'une instance de coordination, l'état-major opérationnel de prévention du terrorisme, qui facilitera l'échange d'informations entre les services qui concourent à la lutte anti-terroriste.

Enfin, après les attaques de Paris du 13 novembre 2015, le Gouvernement a annoncé un nouveau renforcement de l'ensemble des forces de l'ordre, de la justice et des douanes afin d'adapter notre appareil sécuritaire à des groupes terroristes dotés de moyens très importants et dont les attaques sont toujours plus meurtrières.

Si, dans un contexte budgétaire difficile, les effectifs de la gendarmerie nationale ont bien été renforcés depuis trois ans, les moyens de fonctionnement et d'investissement doivent encore être renforcés . Il est impératif qu'une telle remise à niveau soit accomplie le plus rapidement possible.

B. UNE FONCTION « RENSEIGNEMENT » QUI CONTRIBUE EFFICACEMENT À LA LUTTE ANTI-TERRORISTE

1. Des résultats tangibles

Il convient de souligner le travail accompli par la sous-direction à l'anticipation opérationnelle (SDAO), créée en 2012 pour doter la gendarmerie d'un niveau de centralisation du renseignement recueilli par les brigades sur le terrain.

La SDAO coordonne le renseignement opérationnel, notamment à travers le service spécialisé de veille et d'exploitation de l'information d'alerte. Elle enrichit ainsi le dispositif national et transmet les informations obtenues en zone gendarmerie aux services spécialisés, en concertation avec le service central du renseignement territorial (SCRT).

Grâce à cette organisation du renseignement, la gendarmerie a été, selon le ministre de l'Intérieur, à l'origine de 41 signalements de départ vers les zones de djihad . À l'occasion de l'enquête sur les attentats de Charlie Hebdo, elle a également recueilli et partagé 25 notes de renseignement en lien avec les investigations. Elle a par ailleurs été saisie de seize enquêtes de disparitions inquiétantes en lien avec un projet à caractère terroriste et a ouvert 170 enquêtes relatives à des faits d'apologie du terrorisme, notamment à travers les réseaux sociaux. Enfin, les opérations de lutte contre la cybercriminalité, désormais basées à Pontoise (cf. l'encadré ci-dessous), complètent l'éventail de la lutte anti-terroriste.

Le nouveau pôle judiciaire de la gendarmerie nationale de Pontoise

Le projet de regroupement sur un site unique (quartier Lange à Pontoise) des diverses composantes du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN) répond à une nécessité opérationnelle et fonctionnelle.

Les travaux du PJGN ont débuté le 23 avril 2012 et se sont achevés le 6 janvier 2015. Cette opération comprend la réalisation de laboratoires, des plateaux opérationnels et des locaux administratifs dans un ensemble de 17 000 m² de surface utile. La gendarmerie a ainsi rassemblé sur un site unique l'ensemble de ses capacités judiciaires spécialisées. Trois entités aux compétences en matière de renseignement, de technologie numérique et de criminalistique sont désormais rassemblées :

- l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) ;

- le service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale (SCRCGN) ;

- le centre de lutte contre les cybercriminalités numériques (C3N) ;

- cette opération globale a également permis d'optimiser les structures immobilières en Île-de-France avec la reconstruction des locaux de service et techniques du groupement de gendarmerie départementale du Val-d'Oise (GGD 95) dont la livraison est intervenue en janvier 2013. Plusieurs bâtiments annexes ont été réalisés : un mess et un centre médical (5,82 millions d'euros), deux bâtiments d'hébergement d'un montant respectif de 2,9 et 3,8 millions d'euros ainsi qu'une zone technique (6,1 millions d'euros). Ces travaux ont été achevés fin juillet 2014. La tranche de travaux dévolue aux voiries et espaces verts a été réalisée en mai 2015 (2 millions d'euros). Le coût global des travaux pour la construction de l'ensemble immobilier (GGD 95 et PJGN) s'élève à 128 millions d'euros.

L'installation du PJGN à Pontoise a permis à la gendarmerie d'optimiser son parc immobilier à Rosny-sous-Bois qui a accueilli en particulier un escadron de gendarmerie mobile (EGM) et où sera développée une capacité d'hébergement de 2 EGM déplacés afin de répondre aux besoins liés aux unités des forces mobiles employées en région parisienne.

Quant aux logements, il avait été envisagé dans un premier temps d'en construire 480 en recourant au dispositif AOT/LOA. Cette possibilité a finalement été abandonnée au profit d'une opération locative. Le préfet du département mandaté par le ministère de l'Intérieur a signé le 24 février 2011 un protocole d'accord entre l'État et la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise qui prévoit sur la ZAC de Bossut la construction des 360 logements locatifs nécessaires au seul pôle de police judiciaire, les personnels du groupement restant dans leurs logements actuels.

Le terrain d'implantation est situé sur l'ancien quartier militaire « BOSSUT » à Pontoise, qui était la propriété de Cergy Pontoise Aménagement (CPA). À l'issue de l'appel d'offres réalisé fin 2011, le groupement « Immobilière 3F-VOH » a été retenu pour réaliser la construction de cet ensemble immobilier. Le permis de construire a été délivré en janvier 2013 et le lancement des travaux a été autorisé en avril 2013. Cet ensemble immobilier a été livré en mai 2015.

2. De nouveaux outils

Le décret désignant le « deuxième cercle » des services de renseignement, prévu par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, sera prochainement examiné par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). La SDAO devrait ainsi pouvoir utiliser une grande partie des techniques ouvertes aux services de la communauté du renseignement, à l'exclusion, notamment, de certains algorithmes utilisés dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

C. UN NOUVEAU PLAN DE LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE

Compte tenu de la « crise migratoire » actuelle, le Premier ministre a annoncé, le 16 septembre devant le Parlement, le recrutement de 900 ETPT supplémentaires dans les unités de forces mobiles de la police et de la gendarmerie et au sein de la police de l'air et des frontières. En effet, les forces mobiles sont déjà particulièrement utilisées depuis le début de l'année, soit dans le cadre du plan Vigipirate, soit aux frontières (Calais, Vintimille). Les députés ont ainsi adopté un amendement permettant d'ajouter 370 ETPT aux forces de la gendarmerie. Ces renforts alimenteront les escadrons de gendarmerie mobile.

D. UN RENFORCEMENT DES PELOTONS DE SURVEILLANCE ET D'INTERVENTION DE LA GENDARMERIE NATIONALE (PSIG)

Vos rapporteurs constatent que le contexte national difficile met l'ensemble des agents des forces de l'ordre présents sur le terrain sous forte pression. Cette pression s'exerce particulièrement sur les unités d'intervention. Dans ce contexte, il est essentiel que ces unités disposent de compétences solides et sans cesse réactualisées ainsi que d'un équipement performant et en parfait état de fonctionnement.

Dès lors, vos rapporteurs se félicitent de l'annonce par le ministre de l'Intérieur, le 30 octobre 2015 à Rouen, d'un plan de modernisation des brigades anti-criminalité (BAC) de la police nationale et des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie nationale (PSIG) dit plan « BAC-PSIG 2016 » qui répond à ces préoccupations.

Ce plan vise en effet à apporter des moyens supplémentaires à des personnels mieux formés, dans le cadre d'une doctrine d'intervention spécifique.

1. Un effort de recrutement et de formation des personnels des PSIG

Pour la gendarmerie nationale, ce plan se traduira d'abord par un effort sur les recrutements et sur le formation des personnels des 150 PSIG implantés dans les zones les plus sujettes aux troubles à l'ordre public, avec la mise en place d'un processus de sélection spécifique , la reconnaissance de savoirs particuliers et l'édiction de règles propres en matière de gestion de la ressource humaine. Dans le cadre de la formation continue décentralisée, un module d'enseignement à distance sera ainsi instauré. Les militaires affectés dans les PSIG devront impérativement l'avoir suivi. Enfin, la formation de « formateurs relais » régionaux et départementaux permettra le développement d'une instruction spécifique régulière. En outre, l'offre de formation de ces unités sera densifiée avec la mise en place d'un référentiel de formation spécifique.

Par ailleurs, dans le cadre des efforts accomplis pour rapprocher les forces de l'ordre de la population, un module spécifique de formation consacré à la déontologie de l'interpellation sera mis en place. Il s'agit d'aider les agents des BAC et les PSIG à gérer avec sang-froid des situations difficiles et stressantes, à la fois pour protéger les gendarmes et les policiers eux-mêmes et pour assurer des pratiques d'interpellation pleinement conformes à l'éthique républicaine.

2. Des moyens supplémentaires

Le deuxième axe du plan consistera à fournir aux BAC et aux PSIG des moyens supplémentaires pour qu'ils puissent accomplir au mieux leurs missions.

Ainsi, près de 10 millions d'euros seront consacrés au renforcement du parc automobile des PSIG et des BAC, dont près de 3,3 millions d'euros pour les PSIG , ce qui permettra d'affecter 150 véhicules supplémentaires aux pelotons de la gendarmerie. Concernant l'armement et les équipements de protection, 6,6 millions d'euros seront dédiés à leur optimisation, dont 4,9 millions d'euros pour les protections individuelles des gendarmes des PSIG. Les unités bénéficieront désormais d'une protection individuelle et balistique renforcée (protège-épaules, protège-tibias, gilets porte plaques balistiques, casque pare-balles). Des armes plus modernes seront systématiquement mises à leur disposition : bâtons de protection télescopique, pistolets à impulsion électrique, armes longue portée disposant d'une aide à la visée. Des dispositifs de transmissions opérationnelles plus efficaces et plus modernes (dispositifs de « bulle tactique ») seront déployés.

3. Une nouvelle doctrine d'intervention

Le troisième axe du plan concerne la mise en place d'une nouvelle doctrine d'action et d'intervention pour que les BAC et les PSIG puissent gagner en efficacité face aux nouvelles formes de délinquance, notamment les plus violentes, qu'il s'agisse de délinquance de droit commun ou de cette forme spécifique de criminalité organisée que constitue le terrorisme. En cas de situation de crise, les BAC et les PSIG doivent en effet pouvoir intervenir le plus rapidement possible en renfort des premières patrouilles engagées.

Il s'agira ainsi de renforcer les dispositifs d'échanges opérationnels via les centres de commandements à l'échelon départemental, celui-ci constituant la pierre angulaire du dispositif de conduite opérationnelle, chargée de la coordination de l'action des BAC, des PSIG et de l'ensemble des patrouilles engagées, mais aussi du renseignement des autorités, de l'intégration des services partenaires et de l'intervention des unités spécialisées.

La mise en oeuvre du plan devra également permettre de conduire une réflexion globale permettant d'anticiper les situations les plus graves . Il s'agit ainsi de développer au sein des directions générales et de la préfecture de police des réflexions permanentes, nourries par des retours d'expérience et un travail prospectif, pour prendre en compte le plus globalement possible l'environnement d'intervention des BAC et des PSIG, anticiper le développement de nouveaux moyens ou encore l'évolution du cadre juridique d'emploi.

Enfin, la création de 150 PSIG renforcés - dits « Sabre » - s'intègre dans le cadre du plan et de la doctrine spécifique d'intervention qu'a développée la gendarmerie pour faire face à tout type de crise. Ces unités seront disposées dans les zones les plus exposées aux troubles graves à l'ordre public, en cohérence avec l'implantation des autres unités d'intervention, les brigades territoriales, ainsi que les unités d'intervention spécialisée.

E. LE POINT SUR LES OPEX EN 2015-2016

Bien que désormais rattachés au ministère de l'intérieur, les gendarmes participent toujours aux opérations menées à l'étranger par les armées françaises. En particulier, les prévôts sont chargés d'enquêter sur les crimes et délits dont sont auteurs ou victimes les militaires français. D'autres gendarmes participent aux missions de l'ONU, notamment pour former et encadrer les forces de l'ordre locales.

En 2015, la gendarmerie est engagée dans 17 opérations extérieures , dans des cadres civils et militaires, sur 12 théâtres d'opérations .

Elle concourt ainsi à l'action de la France à l'étranger pour la stabilisation de pays ou de régions en crise, le retour à l'Etat de droit, le respect des droits de l'homme, la sécurité de nos représentants et de nos ressortissants, et plus largement la préservation de l'influence et des intérêts nationaux de la France.

Les gendarmes contribuent également à la sécurité intérieure de la France et de l'espace européen à travers la lutte contre les grands trafics illicites internationaux (drogues, armes ou êtres humains), les filières d'immigration illégale, le terrorisme et ses bases dans les États faillis.

L'engagement en OPEX de la gendarmerie s'est progressivement déplacé de l'Afghanistan et des Balkans vers l'Afrique francophone, et en particulier vers la bande sahélo-saharienne . Au 30 juin 2015, 103 militaires de la gendarmerie nationale étaient déployés en opérations.

OPERATIONS

TOTAL

HAITI (MINUSTAH)

2

IRAK (renfort sécurité de l'ambassade)

28

KOSOVO (mission civile EULEX)

7

LIBAN (FINUL)

4

MALI (EUCAP SAHEL, ONU (MINUSMA) et BARKHANE)

22

NIGER (EUCAP SAHEL et BARKHANE)

7

REPUBLIQUE CENTRE AFRICAINE (SANGARIS et EUFOR MINUSMA)

9

REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE (LICORNE et ONUCI)

10

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO (MONUSCO)

5

TCHAD (opération BARKHANE)

5

JORDANIE (opération CHAMMAL)

3

UKRAINE (EUAM)

1

• TOTAL

103

Ces effectifs sont ainsi engagés dans le cadre de missions militaires et de police civile, sous l'égide de l'ONU, de l'OTAN, de l'Union européenne ou sous mandat national.

Pour financer ces OPEX, la gendarmerie est dotée depuis 2007 de crédits à hauteur de 15 millions d'euros/an (dont 11 millions d'euros en titre 2). La prévision pour 2015 se monte à 10,1 millions d'euros. Cette prévision de dépenses est réajustée en fonction des engagements de la gendarmerie nationale sur les différents théâtres.

Masse salariale

(Titre 2)

Fonctionnement courant et transport

(Titre 3)

Alimentation

(Titre 3)

Investissement

(Titre 5)

Total

2012

18,8

7,7

1,8

2,4

25,7

2013

11,1

4,1

0,9

0,6

16,8

2014

8,5

3,5

0,1

0,4

12,5

2015

7

0,9

1,1

1,1

10,1

F. UNE RÉSERVE OPÉRATIONNELLE BIEN EMPLOYÉE

Les réservistes citoyens, aux côtés de ceux de la réserve opérationnelle, participent au rayonnement de la gendarmerie nationale. Ils sont à même d'apporter un concours précieux dans des domaines aussi divers que l'intelligence économique, la cybercriminalité ou la sensibilisation des décideurs civils aux problématiques de défense et de sécurité nationales.

Années

Effectifs

(au 31/12)

Activité

Jours par engagé

Crédits

(rémunération)

notifié 2014

23 292

468 452 j.

20,1 j.

39,5 M€

notifié au 30/06/2015

22 819

219 018 j.

9,6 j.

43,5 M€

Les réservistes de la gendarmerie sont employés pour assurer un large éventail de missions :

- le renfort au quotidien des unités territoriales de la gendarmerie départementale. À ce titre, il convient de souligner l'engagement de plusieurs milliers de réservistes, tout au long de la période estivale, pour la sécurité publique dans les zones d'affluence saisonnière ;

- la sécurisation de grands événements nationaux ;

- le renforcement des capacités de renseignement, notamment dans le domaine de l'intelligence économique territoriale ;

- le renforcement de la protection des personnes lors d'événements sportifs de grande ampleur : Tour de France cycliste, 24 heures du Mans, etc.

L'emploi des réservistes de la gendarmerie a été consacré en 2014 à plus de 79 % à des missions opérationnelles, en complément d'importants efforts consentis dans le domaine de la formation afin de développer les aptitudes professionnelles des réservistes recrutés directement dans la société civile.

En outre, en 2015, les réservistes de la gendarmerie ont été intégrés dans le dispositif opérationnel de lutte anti-terroriste mis en place par la gendarmerie nationale . Ils renforcent les unités territoriales sous forme de détachements autonomes (détachements de surveillance et d'intervention), participent à la sécurité et à la surveillance des sites sensibles et apportent de manière permanente un soutien au dispositif de renseignement et d'information de la gendarmerie en jouant, grâce à la diversité de leur recrutement, le rôle de capteurs actifs auprès de leurs lieux de résidence et des milieux socioprofessionnels auxquels ils appartiennent.

Par ailleurs, la réserve citoyenne, seconde composante de la réserve militaire, constitue une autre voie de développement du lien armées-Nation. Si elle est complémentaire de la réserve opérationnelle, elle s'en distingue par son caractère bénévole. Constituée de volontaires agréés par l'autorité militaire en raison de leurs compétences, de leur expérience ou de leur intérêt pour les questions de défense et de sécurité nationales, la réserve citoyenne de la gendarmerie compte ainsi 1 304 membres au 30 juin 2015 .

G. LES AUTRES COMPOSANTES DE L'ACTIVITÉ EN 2015

Les grands équilibres entre les activités opérationnelles et de soutien demeurent stables de 2012 au premier semestre 2015.

La gendarmerie consacre ainsi près des trois quarts de son activité à l'exercice de ses missions opérationnelles malgré un contexte budgétaire contraint . On observe par ailleurs une progression notable des missions judiciaires.

L'activité de concours aux ministères (parfois qualifiés de missions périphériques) diminue de manière sensible, cette tendance témoignant également de la volonté de la gendarmerie de concentrer davantage de moyens sur ses missions de sécurité :

III. L'INSTITUTION D'UN DROIT D'ASSOCIATION PROFESSION-NELLE DES GENDARMES, CONSÉQUENCE DES DÉCISIONS DE LA CEDH : PREMIER BILAN

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, vos rapporteurs ont souhaité faire le point sur un sujet commun à la gendarmerie et aux autres forces militaires : le droit d'association. En effet, la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense a instauré un inédit régime juridique des « associations professionnelles de militaires » (APNM) afin de mettre en conformité notre législation avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme telle qu'interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans deux arrêts récents.

Du fait de leur condition de militaires, ce régime bénéficie aux gendarmes. Des gendarmes ont d'ailleurs joué un rôle déterminant dans cette évolution.

A. UNE INTERDICTION TRADITIONNELLE DES ASSOCIATIONS PROFESSIONNELLES REMISE EN CAUSE PAR LA CEDH

1. Une interdiction qui s'appuyait sur des principes fondamentaux et qui était tempérée par l'existence de plusieurs mécanismes de concertation

L'interdiction faite aux militaires d'adhérer à un syndicat ou à un groupement constitué pour soutenir des revendications d'ordre professionnel, qui figure à l'article L. 4121-4 du Code de la défense, remontait à la Monarchie de Juillet et était étroitement lié à la mise en place d'un statut général des militaires. Ce principe a résisté à plusieurs réformes, y compris à la professionnalisation des armées en 1996. De même, l'article 6 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires a suivi la recommandation de la commission Denoix de Saint Marc en maintenant l'interdiction de toute association professionnelle militaire à caractère syndical. Le rapport de la commission avait en effet souligné, dans la continuité de la jurisprudence et des textes précédents, que « La discipline militaire ne saurait s'accommoder de l'apparition d'un pouvoir peu ou prou concurrent de la hiérarchie. L'ingérence dans l'activité des forces, la remise en question de la cohésion des unités, voire de la disponibilité et du loyalisme des militaires, en sont les risques majeurs et donc inacceptables ».

Cette interdiction s'appuyait notamment sur le principe de neutralité de l'armée, nécessaire au respect de la discipline militaire . En outre, dans une QPC récente 4 ( * ) , le Conseil Constitutionnel a tiré des articles 5, 15, 20 et 21 de la Constitution une exigence de « nécessaire libre disposition de la force armée » à laquelle l'exercice de mandats électoraux ou fonctions électives par les militaires en activité ne saurait porter atteinte.

Le Conseil d'Etat considérait également jusqu'à présent cette interdiction faite aux militaires de constituer des groupements professionnels comme conforme à la Constitution et aux traités en vigueur. Ainsi, dans un avis du 1 er juin 1949, il avait écarté la thèse selon laquelle le sixième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, garantissant la liberté syndicale, s'appliquerait aux militaires.

En outre, rappelons qu'outre l'obligation qui incombe au chef de veiller aux intérêts de ses subordonnés (article L. 4121-4 du code de la défense), il existe dans notre législation plusieurs mécanismes destinés à permettre l'expression des militaires sur leur condition .

- La concertation (article L. 4124-1) au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) et des conseils de la fonction militaire (CFM).

Rappelons que le CSFM comprend, outre 6 représentants d'associations de militaires retraités, 79 militaires en position d'activité élus pour 4 ans parmi les membres des CFM et représentant l'ensemble des catégories de personnel. Il « exprime son avis sur les questions de caractère général relatives à la condition et au statut des militaires ».

Il existe par ailleurs sept conseil de la fonction militaire (CFM) : armée de terre, marine nationale, armée de l'air, gendarmerie nationale , direction générale de l'armement, service de santé des armées et service des essences des armées. Ils comprennent de 15 à 88 membres désignés par tirage au sort pour quatre ans parmi des volontaires et étudient toute question relative à leur armée, direction ou service concernant les conditions de vie, d'exercice du métier militaire ou d'organisation du travail. Ils procèdent également à une première étude des questions soumises au CSFM.

Le conseil de la fonction militaire « gendarmerie » (CFMG) :
fonctionnement actuel et évolutions

I - Fonctionnement du CFMG

Le CFMG se réunit actuellement à raison de deux sessions ordinaires par an. Comme pour les autres CFM, l'ordre du jour de ces sessions comporte, d'une part, les textes figurant à l'ordre du jour du CSFM et préalablement soumis aux CFM pour avis, et d'autre part, des sujets propres à la gendarmerie, inscrits à l'initiative de l'administration ou des membres du CFMG.

S'agissant des sujets spécifiques à la gendarmerie nationale, les sessions du CFMG permettent notamment la concrétisation des travaux des différents groupes de travail thématiques , dans lesquels se répartissent ses membres, et dont l'objectif est d'aboutir à la mise en place d'un dispositif ou d'un texte réglementaire faisant consensus. Ces sessions sont enfin le lieu d'un dialogue avec les autorités hiérarchiques et politiques.

La variété des sujets traités par le CFMG dépasse les seules questions de ressources humaines. À titre d'exemple, en 2013, ont été abordées les questions des retraites, de la sécurité routière, de la parité homme-femme ou encore de l'approvisionnement en carburant ; en 2014, ont été évoqués les sujets de la gestion des inaptitudes, de l'avancement professionnel et du droit d'association des militaires.

Enfin, l'existence depuis 2009 d'un groupe de liaison émanant du CFMG, qui peut être convoqué à tout moment, ainsi que la possibilité, lorsque l'actualité le nécessite, de réunir le Conseil en session extraordinaire, apportent à la concertation en gendarmerie la réactivité nécessaire.

II - Les réformes du CFMG

Les principales réformes en cours s'articulent autour de 4 domaines :

La légitimité : afin d'accroître la légitimité des membres du CFMG, le principe du tirage au sort va être abandonné au profit de l'élection. Les personnels militaires pourront choisir leurs représentants au sein de l'instance nationale. Les formes de l'élection sont en cours de définition.

La représentativité : une nouvelle répartition des sièges du conseil va être réalisée en proportion des effectifs des régions (et niveaux assimilés). La configuration actuelle, qui date de la création du CFMG en 1990, ne correspond plus à la répartition statutaire, organique et géographique des effectifs des militaires de la gendarmerie. Cette réforme a également pour effet de modifier le nombre de membres titulaires du CFMG (75 au lieu de 79).

La reconnaissance des compétences acquises : l'investissement des membres du CFMG sera reconnu au sein de la gendarmerie par la délivrance d'un « code savoir » matérialisant les connaissances acquises notamment dans le domaine des ressources humaines. Les militaires concernés pourront alors faire valoir leurs acquis dans le cadre d'une demande d'affectation dans un poste réclamant des compétences dans le domaine RH.

La spécificité : à la demande du directeur général de la gendarmerie nationale et pour tenir compte de la spécificité de l'institution, le ministre de la défense a autorisé l'organisation d'une troisième session ordinaire annuelle sans lien avec l'ordre du jour du CSFM. En effet, les deux sessions ordinaires annuelles ne permettent pas de dégager suffisamment de temps pour traiter des sujets propres à la gendarmerie.

- La représentation (article D. 4121-3-1) et la participation (article D. 4121-3) des militaires.

Au sein de la gendarmerie, des instances de représentation et de participation des personnels ont ainsi été mises en place au plan local jusqu'au niveau régional. Trois niveaux hiérarchiques sont concernés : les régions de gendarmerie (et équivalents), les groupements de gendarmerie (et équivalents) ainsi que les compagnies (et équivalents, escadrons notamment). À chacun de ces échelons, des militaires ont reçu des mandats pour représenter leurs pairs et assurer la participation.

Des présidents du personnel militaire (PPM) sont ainsi élus au niveau de la compagnie . Ces PPM représentent tous les militaires d'active de l'unité considérée, sans distinction de grade, de statut ou de lien au service. Les PPM animent la participation avec les commandants d'unité sur les thèmes qui ont des conséquences pour le moral de la formation.

Au niveau du groupement , un référent « officiers » et un référent « sous-officiers/volontaires » représentent leur corps auprès du commandant de groupement. Ces représentants traitent des questions catégorielles mais aussi de tous les thèmes qui relèvent de la compétence du titulaire du commandement. Une attention particulière est portée aux volontaires de la gendarmerie, que le référent « sous-officiers/volontaires » suit avec l'aide d'un volontaire qu'il a désigné.

Au niveau régional , le « conseiller concertation » anime le dialogue interne. Désigné par le commandement dans une liste arrêtée par un collège de militaires mandatés, il traite de toutes les questions collectives ou individuelles qui relèvent du commandant de région.

Enfin, des commissions de participation , réunissant représentants et commandement, complètent le dispositif au niveau départemental et régional. Ces représentants doivent assumer un rôle de « capteurs » des préoccupations et des attentes des personnels, conseiller leurs pairs et éclairer la hiérarchie. Chaque représentant des personnels bénéficie d'une formation spécifique dès le début de son mandat et d'un temps dédié pour exercer ses fonctions.

Le dispositif du dialogue local est ainsi constitué d'un peu plus de 2 000 représentants.

Le directeur général de la gendarmerie nationale a également désigné à ses côtés deux conseillers, l'un sous-officier et l'autre officier, pour compléter le dispositif du dialogue interne. Ces conseillers sont en relation avec le secrétaire général du CFMG et les conseillers concertation des régions. Par ailleurs, le secrétaire général du CFMG est le conseiller dialogue social militaire du DGGN.

Concertation et participation sont imbriquées, les membres des instances locales ayant un accès privilégié à la fonction de membre du CFMG. La gendarmerie nationale dispose ainsi d'une chaîne de dialogue interne continue, des unités élémentaires jusqu'au niveau central et qui couvre tant les questions locales que les sujets structurants pour l'institution.

- Le Haut comité d'évaluation de la condition militaire, organisme d'évaluation indépendant, est par ailleurs chargé d'éclairer le Président de la République et le Parlement sur la situation et l'évolution de la condition militaire (article D. 4111-1).

- Enfin, il faut rappeler que les militaires ou anciens militaires font déjà usage de leur droit de se réunir en associations en dehors de la défense de leurs intérêts professionnels dans un but d'échange, d'entraide, de soutien moral ou matériel. Les associations de retraités, quant à elles, sont représentées au sein du CSFM.

2. Deux arrêts de la CEDH ont remis en cause l'interdiction du droit d'association des militaires

Article 11 de la Convention européenne des Droits de l'Homme


• 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.


• 2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat.

Si le paragraphe 1 de l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme garantit la liberté de réunion et la liberté d'association, y compris de former des syndicats, les restrictions posées par le paragraphe 2 (« Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'État ») étaient auparavant interprétées par la CEDH comme autorisant des restrictions au droit syndical dès l'instant qu'elles avaient une base en droit interne et n'étaient pas arbitraires. Le Conseil d'État en avait d'ailleurs déduit que l'interdiction de se syndiquer prévue en France pour les militaires était compatible avec la CEDH.

Toutefois, la CEDH avait déjà commencé à resserrer le champ des « restrictions légitimes » au droit syndical dans une décision de grande chambre du 12 novembre 2008, Demir et Baykara c/Turquie.

Le 2 octobre 2014, la CEDH a rendu deux arrêts condamnant la France en raison de l'interdiction faite aux militaires de se syndiquer. La première affaire concernait précisément un gendarme, Jean-Hugues Matelly , qui avait créé en 2008 l'association « Forum gendarmes et citoyens », ouverte aux gendarmes en activité ou retraités et aux civils. La Direction générale de la Gendarmerie nationale avait contraint M. Matelly et les autres gendarmes en activité à démissionner de cette structure et le Conseil d'Etat avait rejeté en 2010 un recours exercé contre cette injonction. La seconde affaire concernait l'Association de défense des droits des militaires (Adefdromil), créée en 2001 par deux militaires. Le Conseil d'Etat avait rejeté les recours de ce groupement contre des actes administratifs, en s'appuyant sur l'interdiction de se syndiquer pour les militaires.

Dans ces deux affaires, la Cour a considéré que « l'interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d'y adhérer », qui figure à l'article L. 4121-4 du Code de la défense, portait atteinte à la liberté d'association protégée par l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme, liberté qui comprend le droit de fonder des syndicats et de s'y affilier . L'existence d'instances de concertation, que la décision de la CEDH ne remet d'ailleurs nullement en cause, ne saurait remplacer la reconnaissance d'un droit d'association au profit des militaires. Ceux-ci doivent pouvoir créer et adhérer librement à des groupements ayant pour objet la défense et la promotion de leurs intérêts professionnels et bénéficiant des droits et moyens nécessaires à l'exercice de leurs missions, notamment celui d'agir en justice.

Les éléments essentiels de la liberté syndicale telle que définie par le droit européen et que le droit français doit mettre en oeuvre sont ainsi le droit de fonder un syndicat, le droit d'y adhérer ou de ne pas y adhérer, le droit pour le syndicat de choisir ses membres et de se doter de statuts, ainsi qu'un droit au dialogue social, c'est-à-dire le droit de chercher à persuader l'employeur d'écouter ce qu'il a à dire au nom de ses membres et le droit de mener des négociations collectives.

Enfin, les arrêts obligent la France à garantir la jouissance effective du droit syndical par différentes mesures positives telles que la protection contre les discriminations ou contre des mesures arbitraires de dissolution ainsi que l'octroi de certaines facilités aux organisations professionnelles.

B. UN PROJET DE LOI MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

Le Président de la République a chargé M. Bernard Pêcheur, président de la section de l'administration du Conseil d'Etat 5 ( * ) , de réaliser une étude sur les conséquences de ces deux arrêts au regard du droit interne . Le rapport de M. Pêcheur a été remis au Président de la République le 18 décembre dernier et comporte un avant-projet de loi tendant à insérer dans le code de la défense un régime d'associations professionnelles adapté à l'état militaire, très largement repris dans le projet de loi d'actualisation de la programmation militaire adopté le 28 juillet dernier .

Il s'agissait, par cette réforme, de renforcer le dialogue au sein de la communauté militaire sans affaiblir nos forces armées ni dénaturer l'état militaire.

Afin d'assurer la conciliation de ces deux objectifs, le projet de loi faisait usage de la marge de manoeuvre ménagée par la CEDH. Celle-ci autorise en effet des restrictions, « mêmes significatives », aux modes d'action et d'expression que pourraient avoir des associations professionnelles militaires, compte tenu de la « spécificité des missions incombant aux forces armées ». Selon la convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour, ces restrictions doivent toutefois rester légitimes, c'est-à-dire prévues par la loi, justifiées et proportionnées, et ne doivent pas porter atteinte aux « éléments essentiels de la liberté syndicale » cités ci-dessus.

Dès lors, le principe de la réforme suggérée par le rapport Pêcheur était simple : effectuer une modification circonscrite de notre législation, suffisante pour assurer sa conformité à la jurisprudence de la CEDH mais qui évite d'aller trop loin afin de ne pas porter atteinte aux autres exigences constitutionnelles qui prévalent en la matière (intérêts fondamentaux de la Nation, impératifs de la défense nationale, préservation de l'ordre public et nécessaire libre disposition de la force armée).

Pour autant, il ne s'agit pas d'une réforme au rabais . En effet, le rapport souligne, fort justement selon vos rapporteurs, que, dans une période où l'armée française est très engagée dans le monde et soumise à des contraintes budgétaires parfois douloureuses, « l'Etat gagnerait à transformer la contrainte que constituent les arrêts de la Cour en une opportunité de consolider et revivifier le dialogue interne ».

Concrètement, la réforme proposée a consisté à autoriser la création d'associations professionnelles au sein de l'armée et des formations rattachées . Il ne s'agit pas de simples associations régies par la loi du 1 er juillet 1901, mais d'« associations professionnelles nationales de militaires (APNM) » soumises à un régime juridique spécifique.

La création et l'adhésion à des syndicats au sens du code du travail restent en revanche interdites.

En effet, rien n'obligeait à doter les nouveaux organismes du statut de « syndicat » tel que le code du travail le définit . Cela aurait d'ailleurs été incompatible avec les autres principes constitutionnels évoqués ci-dessus. A titre d'exemple, la possibilité reconnue à un syndicat militaire de se fédérer avec un syndicat civil aurait ouvert la voie, selon le rapport Pêcheur, à « une importation dans la sphère militaire de débats et de thèmes syndicaux qui lui sont étrangers ».

La loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire précitée a ainsi prévu que ces associations, exclusivement nationales pour éviter un émiettement excessif, auront pour objet exclusif la préservation et la promotion des intérêts des militaires en ce qui concerne la « condition militaire » , telle que précisément définie en des termes excluant notamment les questions d'organisation des armées.

Chacune de ces associations est ouverte à tout militaire , quel que soit son grade, ses fonctions ou son sexe, appartenant au moins à l'une des trois armées ou service de soutien interarmées ou formation rattachée. Y seront admis les réservistes, les personnels civils détachés dans les forces armées mais non les anciens militaires , qui risqueraient de peser d'un poids trop important dans ces associations par rapport aux personnels en fonction.

L'activité des APNM est étroitement encadrée par la loi : ainsi, elles ne peuvent porter atteinte aux valeurs républicaines ni aux principes fondamentaux de l'état militaire ni à l'ensemble des obligations s'imposant aux militaires (disponibilité, loyalisme, neutralité, discipline...) et ne doivent pas s'immiscer dans la définition de la politique de défense et les choix opérationnels. Les associations sont également tenues à une obligation d'indépendance et ne peuvent constituer des unions ou fédérations qu'entre elles.

Les APNM disposent par ailleurs d'un certain nombre de moyens d'action et d'expression :

- le droit d'agir en justice pour demander l'annulation d'actes réglementaires relatifs à la condition militaire et de décisions individuelles dans la mesure où elles portent atteinte aux intérêts collectifs de la profession, à l'exclusion des mesures d'organisation des services afin de prévenir tout risque de déstabilisation ;

- le droit de se constituer partie civile dans le cas où les APNM subiront un préjudice direct ;

- le droit de se réunir et de s'exprimer publiquement et en interne ;

- le droit de faire valoir leur position auprès des autorités ministérielles et du commandement et de saisir l'inspection générale des armées.

Restent bien entendu interdites la grève, les manifestations sur la voie publique et les pétitions.

Certaines des APNM peuvent en outre être reconnues représentatives afin de participer au dialogue institutionnel. Cette représentativité est conditionnée au respect de certaines conditions de transparence financière et d'ancienneté (un an minimum) et de certains critères d'influence et d'audience (nombre et diversité des adhérents, niveau des cotisations).

Les APNM représentatives se voient ainsi accorder des droits et facilités supplémentaires :

- être reçues périodiquement par le chef d'état-major ou le directeur compétent (ou par le ministre et le chef d'état-major des armées pour les associations représentatives au niveau interarmées) ;

- siéger dans les organes délibérants des établissements publics et organismes nationaux intervenant dans le champ de la condition militaire (Caisse nationale militaire de sécurité sociale, IGESA...) ;

- être entendues par le Haut conseil d'évaluation de la condition militaire ;

- disposer d'un local propre ;

- bénéficier d'un crédit de temps majoré pour leur président ;

- bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu pour les adhérents au titre des cotisations versées (article 8 du projet de loi).

Les APNM représentatives au niveau interarmées peuvent en outre participer au CSFM. Pour ce faire, les APNM devront être représentatives d'au moins trois forces armées et de deux formations rattachées.

C. MODERNISER LE DIALOGUE INTERNE À LA GENDARMERIE NATIONALE SANS LA DÉSTABILISER

1. Préserver une institution dont le fonctionnement actuel offre un haut niveau de satisfaction

Lors des travaux préparatoires à l'examen du projet de loi d'actualisation de la programmation militaire, nos collègues Robert del Picchia et Gilbert Roger avaient approfondi la question de la réforme du droit d'association au sein des armées. En ce qui concerne la gendarmerie nationale, il résultait de ces travaux qu'il ne semblait pas exister une demande très forte de droits supplémentaires d'association au sein de la gendarmerie et que les réformes en cours (notamment le passage à l'élection au sein du CFMG) permettaient déjà dans de répondre une large mesure aux enjeux.

Dès lors, lors de l'examen du texte au Sénat, votre commission avait tenu à maintenir un encadrement strict des APNM. Elle avait notamment adopté des amendements de son rapporteur, Jean-Pierre Raffarin, revenant sur les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, qui avait élargi le champ d'expression des APNM ainsi que leur pouvoir d'ester en justice et prévu une intégration sous cinq ans aux conseils de la fonction militaire (CFM). Par ces modifications, conservées dans le texte définitif, votre commission avait marqué son attachement à la préservation de l'outil militaire et aux modes de concertation déjà en place au sein de l'institution 6 ( * ) .

Vos rapporteurs ne peuvent que réitérer cette analyse, pertinente aussi bien pour les trois armées que pour la gendarmerie nationale.

Certes, il est tout-à-fait nécessaire qu'il existe au sein de la gendarmerie, pour la hiérarchie comme pour les parlementaires, des interlocuteurs reconnus et compétents capables de mettre en exergue les difficultés et les préoccupations que la tradition de discrétion des gendarmes ne permettent pas toujours de faire émerger. En outre, il s'agit ici du respect d'engagements internationaux que la France a bien entendu pris en connaissance de cause. Toutefois, ces réformes doivent veiller à ne pas déstabiliser le fonctionnement interne de la gendarmerie nationale ainsi que celui des instances de concertation déjà existantes, d'autant que la Gendarmerie nationale, comme on l'a vu, a déjà amorcé un processus de rénovation du dialogue interne.

Ainsi que l'a déclaré le ministre de l'Intérieur lors de son audition par votre commission : « Le CFMG demeure la seule instance de représentation légitime des militaires de la gendarmerie ».

Faut-il encore souligner à quel point cette institution constitue, par son efficacité, sa rigueur et la disponibilité de ses personnels, aux côtés de la police nationale, une pièce essentielle du dispositif français de sécurité, dont les accomplissements sont observés et salués par de nombreux pays et dont il importe de préserver l'efficacité ?

2. Les préoccupations qui s'expriment actuellement par le biais des instances de concertation et de participation déjà existantes

Le dialogue au sein de la gendarmerie, en cours de rénovation, a déjà permis de faire émerger certaines des principales préoccupations des militaires de la gendarmerie. Selon les informations recueillies auprès du ministère de l'intérieur par vos rapporteurs, ces préoccupations sont essentiellement les suivantes :

- en matière de ressources humaines, les militaires de la gendarmerie, dont l'engagement opérationnel et l'exercice des responsabilités sont importants, souhaitent bénéficier de mesures témoignant de la reconnaissance de cet investissement. Ils sont attentifs à ce que les dispositifs indiciaires et indemnitaires soient les plus justes et les plus cohérents et sont en particulier soucieux de l'équilibre entre leurs statuts et ceux des agents de la fonction publique. La rémunération des personnels en début de carrière et la condition des gendarmes adjoints volontaires sont particulièrement suivies ;

- dans le domaine de l'emploi et des effectifs, les forces de gendarmerie mobile sont particulièrement sollicitées, sur le territoire métropolitain et ultramarin. Leur taux d'emploi est très important, induisant des temps de formation insuffisants et une gestion complexe des personnels (temps de récupération, permissions, etc.). Les fortes contraintes qui s'imposent ainsi aux gendarmes mobiles les conduisent à solliciter une augmentation des effectifs dans les escadrons, notamment à Paris ;

- beaucoup de gendarmes considèrent que les réformes successives de la procédure pénale complexifient le travail des enquêteurs. Par ailleurs, ils estiment que le transfert de la mission de transfèrement des détenus à l'administration pénitentiaire (AP) ne fonctionne pas de manière optimale dans certains endroits ;

- les postes non pourvus dans les unités opérationnelles sont observés avec beaucoup d'attention (pour le programme 152 en 2014, le plafond d'emplois s'établissait à 97 157 ETPT alors que l'on dénombrait 95 195 ETPE au 31 décembre). Les entrées tardives dans l'année en école de gendarmerie accentuent le phénomène et génèrent de l'insatisfaction. Ce phénomène, qui crée des difficultés d'organisation du service et alourdit la charge de travail individuelle, a été également souligné par l'association entendue par vos rapporteurs dans le cadre de l'élaboration du présent rapport ;

- dans le domaine des équipements, le renouvellement partiel annuel de véhicules ne suffit pas à combler les besoins. Le parc est vieillissant et les gendarmes souhaitent voir les ateliers automobiles remis à la main des chefs opérationnels de la gendarmerie pour retrouver une gestion de proximité. Le parc informatique constitue également un point de crispation, les équipements tardant à être renouvelés ; l'insuffisance de la puissance des ordinateurs et les longueurs d'accès ou d'exécution des applications « métier » sont sources de mécontentement ;

- enfin, l'immobilier domanial reste un sujet important malgré les efforts budgétaires consentis (plan d'urgence de 70 millions d'euros par an à partir de 2015, cf. ci-dessus), qui sont jugés insuffisants pour faire face à l'entretien, à la construction et aux travaux de réhabilitation lourde.

D. L'ÉTAT DES LIEUX DES APNM DANS LA GENDARMERIE EN NOVEMBRE 2015

L'association Gend XXI s'est constituée en APNM. Ses statuts ont été déposés en préfecture et le ministère de la défense a donné son agrément à l'association. Cette association est actuellement en discussion avec des associations des autres armées pour créer une fédération.

Par ailleurs, l'association « Gendarmes et citoyens » a modifié ses statuts et est désormais dirigée par des gendarmes actifs. Il s'agit toujours d'une association « loi 1901 » mais elle devrait rapidement se transformer en APNM.

L'association de défense des droits des militaires-gendarmerie (ADEFDROMIL) est également en cours de constitution en APNM.

Enfin, d'autres associations d'entraide « historiques » de la gendarmerie pourraient présenter un projet d'APNM en début d'année 2016.

Il convient de noter que deux mesures ont été prises au sein de la Gendarmerie nationale pour préparer l'arrivée des nouvelles APNM :

- ouverture d'un forum dédié aux associations, participant à la reconnaissance du fait associatif ;

- nomination d'un conseiller pour le dialogue social militaire auprès du DGGN, le secrétaire général du CFMG, interlocuteur qui sera chargé de répondre aux attentes de l'ensemble des associations.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du mardi 17 novembre 2015.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. - Monsieur le Président, mes chers collègues, en 2016, la gendarmerie nationale sera dotée d'environ 8,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement, en augmentation de +2,4 % par rapport à 2015. Les crédits de paiement s'élèveront quant à eux à 8,1 milliards d'euros, en hausse de +0,8 %.

Les crédits de titre 2 pour rémunérations et charges sociales, qui représentent comme en 2015 environ 85 % des crédits du programme, se montent en 2016 à près de 6,9 milliards d'euros, soit une hausse de +0,7 % par rapport à 2016.

Au sein du « hors titre II », les dépenses de fonctionnement s'établiront en 2016 à 1,1 milliard d'euros en crédits de paiement, en baisse de 0,16 % par rapport à 2015.

Par ailleurs, les dépenses d'investissement s'élèveront à 103 millions d'euros, soit + 18,5 millions d'euros par rapport à 2015.

Enfin, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement traduisant le plan de lutte contre l'immigration clandestine et qui prévoit environ 19,8 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement ainsi que 370 postes supplémentaires. Au cours d'une seconde délibération, l'Assemblée nationale a toutefois adopté un amendement du Gouvernement, qui prévoit une baisse de 20 millions d'euros des crédits des programmes police nationale et gendarmerie nationale afin de contribuer au respect de la norme de dépense en valeur de l'État.

Au total, la hausse des crédits de paiement demandés pour la gendarmerie sera de +1 %, contre +0,8 % avant adoption des deux amendements. Cette hausse reste modérée et ne traduit pas encore selon moi un effort suffisant, à la hauteur de la situation exceptionnelle que nous vivons.

Certes, le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Favier, nous a quelque peu rassurés sur la question du dégel de la réserve.

Comme vous le savez, le taux de mise en réserve est passé à 8 % en 2015. S'appliquant à l'ensemble des dépenses hors titre II, la réserve se montera ainsi à 98 millions d'euros environ pour la gendarmerie, soit 1,2 % des crédits de la mission en 2016. Or, les dépenses hors titre II de la gendarmerie nationale sont très rigides. À titre d'exemple, les loyers se monteront à eux seuls à plus de 500 millions d'euros en 2016, les dépenses d'énergie et fluides à 84 millions d'euros, etc. Au total, les dépenses de fonctionnement et d'investissement de la gendarmerie sont à 75 % des dépenses obligatoires, loyers et paiements contractuels.

Dès lors, la levée de la réserve est essentielle pour assurer le paiement des nouveaux équipements indispensables aux activités des forces de la gendarmerie.

Or, le ministre de l'Intérieur a précisé, lors de son audition devant notre commission le 3 novembre dernier, en ce qui concerne l'exercice 2015, qu'un dégel de 38 millions d'euros a eu lieu le 23 septembre permettant de couvrir les dépenses de la gendarmerie mobile et d'acquérir des véhicules et des munitions, des discussions étant en cours pour le déblocage du solde. Ensuite, en ce qui concerne l'exercice 2016, il a annoncé que le dégel des crédits aurait lieu dès le début de l'année afin que les moyens nécessaires à l'acquisition des véhicules, des protections, des armes et des munitions soient disponibles.

Un effort est certes également accompli en ce qui concerne les effectifs.

Après une augmentation de 162 postes en 2015, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une augmentation de 554 nouveaux postes. Aux 184 postes prévus par le PLF 2016 initial s'ajoutent en effet 370 postes prévus par le plan de lutte contre l'immigration clandestine.

Il faut cependant tenir compte de l'écart entre le plafond d'emplois et les effectifs réels. Le programme gendarmerie se caractérise en effet par une sous-exécution particulièrement importante de ce plafond d'emploi, écart de près de 2 000 emplois souligné par la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution budgétaire 2014.

Cette sous-exécution est due à un écart persistant entre la masse salariale prévue et le plafond d'emplois et a tendance à fausser quelque peu la discussion budgétaire. Il conviendra donc de le réduire autant que possible à l'avenir.

Au total, le budget de la gendarmerie, comme celui de l'ensemble des forces de sécurité, tel qu'il est prévu par le PLF 2016 dans son état actuel, ne me semble pas répondre de manière adéquate au terrible défi qui nous est lancé.

D'abord, bien que les augmentations d'effectifs ne soient pas négligeables, elles ne seront pas suffisantes à elles seules pour rendre la gendarmerie plus efficace compte tenu de l'affaiblissement qui se poursuit des moyens de fonctionnement. Cet affaiblissement touche tous les aspects du fonctionnement courant de la gendarmerie ainsi que les véhicules. En fait, ce budget accentue l'évolution qui fait du programme 152 un budget de plus en plus consacré aux crédits de personnels, qui dépassent 85 % du total. Parallèlement, les moyens de fonctionnement et d'investissement qui seraient nécessaires pour renouveler les véhicules, moderniser les systèmes informatiques et donner aux enquêteurs les moyens de répondre aux immenses défis qui se posent à eux aujourd'hui, ne sont pas assurés.

Avant de conclure, je voudrais évoquer le sujet des associations professionnelles de militaires (APNM). Nous avons en effet reçu l'association « Gend XXI ». Comme vous le savez, c'est la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire qui a permis la constitution de ces nouveaux organismes.

Aujourd'hui, l'association Gend XXI s'est donc constituée en APNM. Elle est actuellement en discussion avec des associations des autres armées pour créer une fédération. L'association « Gendarmes et citoyens » a également modifié ses statuts et est désormais dirigée par des gendarmes actifs. Elle devrait rapidement se transformer en APNM. Enfin, l'association de défense des droits des militaires-gendarmerie (ADEFDROMIL) est également en cours de constitution en APNM.

Je note que l'association que nous avons entendue a tenu un langage modéré et respectueux de l'institution. Je pense, à titre personnel, que les associations peuvent être utiles en permettant une meilleure remontée des difficultés rencontrées par les gendarmes, ce qui est positif : ils ont parfois tendance à être excessivement silencieux ! Il faudra toutefois rester vigilant. Les représentants de Gend XXI nous ont ainsi dit que si les associations estimaient ne pas être assez associées au dialogue interne, elles seraient naturellement tentées de parler davantage aux médias, ce qui ne serait pas forcément une bonne chose !

Pour conclure, le budget qui nous est présenté ne me semble pas, en l'état, à la hauteur de la menace, en particulier de la menace terroriste dont nous avons malheureusement pu mesurer l'intensité vendredi. Le Président de la République a annoncé des moyens supplémentaires en personnel pour l'ensemble des forces de sécurité. Il est nécessaire que les moyens de fonctionnement suivent ! En l'absence de précisions suffisantes à ce stade sur la manière dont cet effort supplémentaire sera intégré au PLF 2016, je vous propose que la commission donne un avis de sagesse aux crédits du programme 152. Nous pourrons ensuite nous déterminer à titre personnel, en fonction des précisions qui nous seront données par le ministre de l'Intérieur en séance, selon que nous jugerons l'effort prévu suffisant ou non.

Je laisse maintenant la parole à Michel Boutant.

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. - Monsieur le Président, mes chers collègues, je souligne d'abord que, par rapport au budget initialement présenté, de nouvelles annonces ont été faites à la suite des attentats du 13 novembre, dont la création de 5 000 postes supplémentaires pour les forces de sécurité dans les deux prochaines années. En ce qui concerne le fort taux de dépenses de personnel du programme, il en a toujours été ainsi et c'est une situation normale. Quant aux fortes dépenses de loyer, elles sont la contrepartie de l'obligation de disponibilité des gendarmes.

Je souhaite ensuite évoquer deux sujets pour lesquels un effort budgétaire particulier a été engagé.

En premier lieu, comme les autres forces de sécurité, la gendarmerie nationale est, depuis les attentats du mois de janvier, en première ligne pour lutter contre le terrorisme.

Dans le cadre du plan global de lutte contre le terrorisme du 21 janvier 2015, le décret d'avance du 9 avril 2015 a ainsi permis un effort budgétaire particulier.

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le décret a prévu 35 millions d'euros pour le programme 152, dont 12 millions d'euros pour les dépenses de personnel. Il a ainsi permis de financer 18,9 millions d'euros de nouveaux équipements : véhicules, armements et équipements de protection, notamment pour intensifier la lutte contre les drones malveillants et renforcer les moyens du Groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et des pelotons d'intervention de la gendarmerie nationale (PSIG) ; 2 millions d'euros dans le cadre d'un plan de renforcement et de modernisation technologique des services ; 2,1 millions d'euros de dépenses liées aux recrutements.

En outre, les dépenses de personnel supplémentaires ont permis d'augmenter les effectifs de la gendarmerie nationale de 100 ETPT au titre du renseignement territorial et d'unités opérationnelles des services spécialisés ainsi que de mobiliser les réserves civile et opérationnelle, qui vont sans doute être encore plus mobilisées à l'avenir.

L'effort budgétaire au titre de la lutte anti-terroriste se poursuivra en 2016 avec un montant de 5,2 millions d'euros notamment consacrés à la modernisation informatique de la gendarmerie.

En matière de lutte anti-terroriste, je souhaite souligner le travail accompli par la sous-direction à l'anticipation opérationnelle (SDAO), créée en 2012 pour doter la gendarmerie d'un niveau de centralisation du renseignement recueilli par les brigades sur le terrain. La SDAO coordonne ainsi le renseignement opérationnel, notamment à travers le service spécialisé de veille et d'exploitation de l'information d'alerte. Elle enrichit le dispositif anti-terroriste national et transmet les informations obtenues en zone gendarmerie aux services spécialisés, en concertation avec le service central du renseignement territorial (SCRT).

Lors de son audition du 3 novembre, le ministre de l'Intérieur nous a ainsi indiqué que la gendarmerie a été à l'origine de 41 signalements de départ vers les zones de djihad et qu'elle avait recueilli et partagé 25 notes de renseignement en lien avec les investigations à l'occasion de l'enquête sur les attentats de Charlie Hebdo. Enfin, les opérations de lutte contre la cybercriminalité, désormais basées au nouveau pôle de Pontoise, complètent l'éventail de la lutte anti-terroriste.

Le décret désignant le « deuxième cercle » des services de renseignement, prévu par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, a d'ailleurs été examiné par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). La SDAO pourra ainsi utiliser une grande partie des techniques ouvertes aux services de la communauté du renseignement, à l'exclusion, notamment, de certains algorithmes utilisés dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

Deuxième sujet d'actualité qui a des conséquences importantes pour le budget de la gendarmerie, la gestion de la « crise migratoire » que nous connaissons depuis quelques mois.

Un total de 900 ETPT supplémentaires vont ainsi être recrutés dans les unités de forces mobiles de la police et de la gendarmerie et au sein de la police de l'air et des frontières, dont 370 pour la gendarmerie mobile. En effet, les forces mobiles sont déjà particulièrement utilisées depuis le début de l'année, soit dans le cadre du plan Vigipirate, soit aux frontières (Calais, Vintimille).

Je voudrais ensuite évoquer l'effort positif accompli pour préserver les « fondamentaux » de la gendarmerie nationale dans un contexte budgétaire globalement restrictif.

Les crédits hors titre 2 augmenteront de 1,36 %. Le programme Gendarmerie contribue à l'effort de redressement des finances publiques mais son caractère prioritaire est ainsi manifeste. Le directeur général de la gendarmerie nationale nous a fait part de sa satisfaction à cet égard même s'il a également indiqué que les crédits demeureront un peu inférieurs aux niveaux de renouvellement optimal des moyens.

À titre d'exemple, un montant de 40 millions d'euros sera consacré en 2016 au renouvellement du parc automobile, soit les crédits nécessaires à l'acquisition de 2 000 véhicules supplémentaires. Ce nombre n'atteint toujours par le seuil de 3 000 véhicules permettant d'assurer un renouvellement normal des voitures mais il traduit un effort certain par rapport aux années précédentes.

Il convient également de souligner l'importance du plan triennal d'urgence pour le traitement des logements les plus délabrés du parc domanial, dont la mise en oeuvre a débuté en 2015 et dont la déclinaison pour 2016 prévoit 70 millions d'euros en autorisation d'engagement pour réhabiliter environ 5 000 logements. Ce plan d'urgence est essentiellement destiné à l'entretien et la réhabilitation des logements en vue de supprimer les « points noirs ». Le plan prévoit ainsi d'engager une trentaine d'opérations de réhabilitation lourde et de mise aux normes de casernes ainsi que les secondes phases de réfection du clos et du couvert des casernes de Bouliac et de Gap.

Enfin, le déploiement du projet NEOGEND permettra de doter les gendarmes d'outils mobiles d'accès aux systèmes d'information, dans une logique de proximité et de souplesse dans l'emploi des forces, en particulier en milieu rural. Le directeur général de la gendarmerie nationale nous a ainsi fait part du projet de doter l'ensemble des gendarmes de terrain d'une tablette informatique permettant d'automatiser de nombreuses tâches répétitives. A ce plan centré sur la mobilité, s'ajoutera le volet 2016 du plan de modernisation technologique de la gendarmerie qui permettra de développer des dispositifs de pré-plaintes en ligne ou encore d'aide à la décision s'appuyant sur les données de masse (Big Data).

Enfin, je voudrais évoquer le bilan selon moi très positif de l'utilisation de la réserve opérationnelle de la gendarmerie. De toutes les réserves militaires, c'est celle qui fonctionne le mieux. En 2014, environ 23 000 réservistes ont été mobilisés pour 468 452 jours d'activités. Les réservistes ont été intégrés en 2015 dans le dispositif opérationnel de lutte anti-terroriste mis en place par la gendarmerie nationale. Ils ont ainsi renforcé les unités territoriales sous forme de détachements autonomes (détachements de surveillance et d'intervention), participé à la sécurité et à la surveillance des sites sensibles et apporté de manière permanente un soutien au dispositif de renseignement et d'information de la gendarmerie. Ils jouent en effet, grâce à la diversité de leur recrutement, le rôle de « capteurs » auprès de leurs lieux de résidence et des milieux socioprofessionnels auxquels ils appartiennent.

En conclusion, même si la situation budgétaire reste tendue et malgré certains points noirs persistants comme l'immobilier domanial, pour lequel un effort important sera toutefois fait en 2016, les crédits de la gendarmerie nationale sont préservés et même renforcés dans certains domaines. En outre, la posture de la gendarmerie a été dûment adaptée au contexte sécuritaire issu des événements de janvier dernier et la récente crise migratoire a également été réellement prise en compte. Dès lors, nous avons toutes les raisons de donner un avis favorable à ce budget.

M. Daniel Reiner. - S'agissant des crédits de la gendarmerie, il ne faut pas aller jusqu'à la caricature ! Combien d'escadrons de gendarmes ont été supprimés entre 2002 et 2012 ? Cela donnera la mesure de l'effort accompli cette année !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. - La situation que nous vivons est exceptionnelle. Après les événements du mois de janvier, je n'ai pas eu le sentiment que la menace était suffisamment prise au sérieux, notamment dans le monde rural. On aurait souhaité un effort beaucoup plus important. Les moyens, notamment informatiques, sont très insuffisants !

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. - Pour répondre à Daniel Reiner, ce sont 15 escadrons de gendarmerie qui ont été supprimés entre 2002 et 2012.

M. Jeanny Lorgeoux. - Les crédits hors titre II sont en hausse ; je voterai donc ce budget. Si j'étais dans l'opposition, aurais-je la sagesse de le voter aussi ? Je l'espère !

M. Yves Pozzo di Borgo. - Le rapport de notre collègue Philippe Dominati sur le renseignement a suggéré que les services souffraient sans doute d'un certain manque de coopération et de coordination. Dans le contexte actuel, il conviendrait peut-être de renforcer la fonction renseignement au sein de la gendarmerie pour obtenir davantage de résultats.

Mme Hélène Conway-Mouret. - La gendarmerie prévôtale est-elle toujours aussi active ?

M. Jacques Legendre. - Si le Président de la République a annoncé hier des mesures nouvelles pour la gendarmerie, c'est bien parce que le budget présente en l'état des lacunes par rapport à l'état de la menace aujourd'hui. Si les annonces sont concrétisées avant le vote en séance, nous serons sans doute amenés à prendre une position différente.

M. Jacques Gautier. - Nos rapporteurs ont travaillé sur un projet de budget qui va être modifié. Le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé des amendements améliorant les effectifs ; dans ces conditions je préconise que notre groupe s'abstienne. Si les amendements attendus sont présentés, nous pourrons voter en faveur des crédits de la gendarmerie nationale, à laquelle nous sommes tous attachés.

M. André Trillard. - Si ce budget était celui d'une entreprise, un tel rapport entre les frais de personnel et les dépenses d'investissement ne laisserait pas d'inquiéter !

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. - Pour répondre à Mme Conway-Mouret, les gendarmes sont toujours aussi sollicités dans leurs fonctions de prévôts auprès de nos forces armées en opérations extérieures.

M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Je comprends parfaitement la volonté de faire pression pour que le Gouvernement dépose les amendements qu'il a annoncés. Si in fine le budget de la gendarmerie est celui que le Président de la République a évoqué, nous l'adopterons. Je mets donc aux voix le texte.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités », les membres du groupe Les Républicains s'abstenant.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Jeudi 22 octobre 2015 :

Direction générale de la gendarmerie nationale :

- général d'armée Denis FAVIER, directeur général

- colonel Jean-Pierre AUSSENAC, chef du bureau de la synthèse budgétaire

Association « Gend XXI » :

- M. Frédéric LE LOUETTE, vice-président

- M. Francis PREVEL, secrétaire général


* 1 Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 2 Les valeurs prévisionnelles en AE en terme de loyers privés intègrent le changement de réglementation qui, à compter du 1 er janvier 2016, demande que tous les nouveaux baux fassent l'objet d'un engagement d'AE pour la totalité de leur durée ferme.

* 3 Cf. page 10

* 4 Décision n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014

* 5 Cf compte rendu de son audition par la commission : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20150112/etr.html#toc2

* 6 L'association entendue par vos rapporteurs a principalement regretté que les APNM ne soient pas intégrées en tant que telles au CFMG. Elle considère en effet que cette non-intégration sera contreproductive en incitant les associations à porter sur la place publique des difficultés qui auraient pu être directement traitées au sein du CFMG.

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