II. LE RENOUVELLEMENT DES HOMMES ET DES NAVIRES, NECESSAIRE POUR DONNER UN AVENIR À LA PÊCHE MARITIME EN FRANCE.

A. UN CONTEXTE FAVORABLE À LA MODERNISATION DE LA PÊCHE MARITIME ET AU DÉVELOPPEMENT DE L'AQUACULTURE.

1. Une conjoncture économique plus favorable.
a) Une consommation qui se maintient, malgré un faible taux d'auto-approvisionnement.

Avec une consommation annuelle moyenne par habitant de 35 kg de poissons, crustacés et coquillages par personne, et une dépense totale des ménages de 7 milliards d'euros, la France se situe dans la fourchette haute de l'Union européenne.

Pour autant, environ 85 % de notre consommation provient d'importations . Sans prendre en compte le saumon et la crevette, qui sont massivement consommés et très peu produits en France, le taux d'autosuffisance atteint à peine 50 %.

La tendance à la réduction des quantités pêchées s'est accompagnée d'une meilleure valorisation : le total des débarquements de pêche fraiche ou congelée dans les criées de France métropolitaine est passé de plus de 600 000 tonnes au début des années 2000 à un peu plus de 500 000 en 2014, mais la valeur de la pêche française a désormais tendance à progresser légèrement pour s'établir à 1,1 milliards d'euros 3 ( * ) , notamment tiré par l'activité touristique dans les zones côtières. Conchlyliculture et pisciculture représentent respectivement des productions de 546 millions d'euros et 162 millions d'euros.

Les perspectives de consommation domestique restent bien orientées. En outre, il existe de réelles perspectives de développement de la demande mondiale de produits aquatiques : l'Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime qu'elle augmentera de 2,6 % en 2015. Dans ce contexte, les cours de plusieurs espèces-phares, comme le saumon et le cabillaud, continuent de progresser. La tendance lourde à l'augmentation de la demande devrait aussi favoriser le développement de l'aquaculture.

b) Une amélioration de la situation économique des pêcheurs.

Le secteur des pêches maritimes a connu de graves difficultés économiques depuis le début des années 2000 . La hausse des prix du carburant, combinée au renforcement des règlementations environnementales réduisant l'accès à la ressource, ont conduit à de nombreux arrêts d'activité.

Certes, en 20 ans, la taille de la flotte de pêche a été fortement réduite, passant en France métropolitaine de 6 593 navires en 1995 à 4 537 en 2013, comme partout ailleurs en Europe. Le segment de la flotte hauturière, qui apporte l'essentiel des captures, a été presque divisé par deux, passant de 1 715 navires de plus de 12 mètres à 916 navires sur la même période.

Comme le montre le rapport Deprost-Suche 4 ( * ) publié en février 2015, la rentabilité de l'activité de pêche maritime en France a décru sur longue période, et a plutôt tendance à être plus faible pour les plus gros navires.

Mais, la période récente a permis une amélioration de la rentabilité, du fait de la baisse des prix mondiaux du pétrole . Les dépenses de carburant représentent certes encore 214 millions d'euros sur un total de 970 millions d'euros de charges de fonctionnement des entreprises de pêche françaises, mais le maintien de prix bas de l'énergie constitue une réelle bouffée d'oxygène pour les pêcheurs depuis maintenant un peu plus de deux années.

2. L'impératif de maîtrise accrue de l'enjeu environnemental.
a) Une meilleure maîtrise des ressources halieutiques.

L'activité de pêche maritime est étroitement dépendante des ressources halieutiques disponibles . La PCP a dû faire face au problème structurel de la surpêche, avec une stratégie constante de réduction de la taille des flottes de pêche.

La dernière réforme de la PCP a ajouté de nouvelles contraintes, en particulier l'obligation de débarquement de toutes les captures, avec interdiction de rejeter les poissons à la mer.

En outre, la détermination des quotas devra être effectuée en recherchant l'atteinte du rendement maximum durable (RMD) d'ici 2020, ce qui implique des réductions de quotas sur certaines espèces et dans certaines zones.

L'impératif environnemental suppose aussi de mettre en oeuvre des techniques de pêche plus respectueuse des écosystèmes marins, par exemple en interdisant la pêche dans certaines zones à certains endroits, ou encore en réglementant la taille des filets pour ne pas attraper de juvéniles.

Les efforts entrepris commencent à payer . Si l'état des stocks est toujours problématique en méditerranée, la situation s'améliore en Atlantique Nord-Est, zone au sein de laquelle près de 80 % des pêches des flottilles métropolitaines sont réalisées. La plus grande disponibilité du poisson dans les zones de pêche traditionnelles dans lesquelles la France a été plutôt bien dotée en quotas lors de la mise en place de la PCP, constitue indéniablement un atout économique pour la pêche française.

Au niveau européen, la connaissance des stocks s'améliore , avec 72 stocks évalués dans le secteur de l'Atlantique Nord-Est, de la mer du Nord et de la Baltique, contre seulement 59 en 2006, selon la dernière communication de la commission européenne sur les possibilités de pêche 5 ( * ) . Le nombre de stocks exploités au niveau du RMD est passé dans le même temps de 2 à 26. Enfin, désormais, ce sont 36 stocks pour lesquels les totaux admissibles de capture (TAC), déclinés ensuite en quotas par pays, sont fixés en fonction du RMD.

Votre rapporteur se félicite d'une telle évolution, même si la plus grande vigilance doit s'appliquer aux autres zones de pêche , pour lesquels une discipline collective aussi forte que celle imposée par la PCP n'existe pas.

b) Des inquiétudes persistantes.

Si l'enjeu environnemental semble mieux maîtrisé, il ne l'est pas encore totalement et une vigilance s'impose pour reconstituer les stocks qui ne sont pas encore au RMD . Pour la France, plusieurs pêcheries sont concernées : la sole en golfe de Gascogne et en Manche-Est, le cabillaud et l'églefin en mer celtique, pour lesquels les quotas devraient drastiquement baisser, ou encore le bar dans l'Atlantique, espèce pour laquelle la Commission européenne envisage un moratoire sur la pêche durant six mois.

Il est évident que les restrictions imposées aux pêcheurs menacent la survie même de l'activité de certains navires. Au-delà des mesures d'accompagnement socio-économiques, qui sont plus difficiles à mettre en oeuvre désormais dans la mesure où les crédits européens ne pourront plus financer de plans de sortie de pêche après 2017, une nouvelle approche des modalités de gestion des TAC et quotas pourrait être envisagée. À cet égard, votre rapporteur souligne la nécessité de passer d'une approche annuelle à une approche pluriannuelle de la gestion des quotas . L'ancien ministre Frédéric Cuvillier l'affirmait lui-même lors des Assises de la pêche et des produits de la mer organisés à Boulogne-sur-Mer les 16 et 17 juin dernier : « c'est vers les quotas pluriannuels qu'il faut mettre le cap ». Une telle gestion pluriannuelle a besoin de s'appuyer sur une expertise scientifique solide.

Enfin, la pêche reste la cible de fortes critiques sur ses effets sur les écosystèmes marins . Des efforts ont été faits pour moderniser les engins de pêche ou encore prévenir les prises accessoires, mais les critiques se poursuivent. La question de la pêche en eaux profondes, par exemple, fait l'objet de demandes récurrentes d'interdiction pure et simple. Or, la pêche est nécessaire au renouvellement de la biomasse marine . En outre, il est préférable de mener la pêche maritime dans le cadre des règles nationales, avec des navires français, plutôt que de laisser libre cours à une pêche effectuée par des navires battant d'autres pavillons, ne respectant aucune règle sociale et environnementale.

Si votre rapporteur n'est pas défavorable au développement des aires marines protégées, il convient que celles-ci ne deviennent pas de vastes zones de non-pêche , ce qui au passage modifierait potentiellement les équilibres des écosystèmes marins.


* 3 FranceAgrimer, les filières pêche et aquaculture en France - Edition mai 2015.

* 4 Le renouvellement de la flotte de pêche, rapport de MM. Pierre Deprost et Jean-Michel Suche.

* 5 Communication du 2 juin 2015 de la Commission au Parlement et au Conseil sur la consultation sur les possibilités de pêche pour 2016 au titre de la politique commune de la pêche (COM(2015) 239 final).

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