C. LE PRÉLÈVEMENT SUR LE FONDS DE ROULEMENT DE L'ADEME (ARTICLE 14) : UNE GESTION DE COURT TERME QUI POSERA LA QUESTION DU FINANCEMENT DE L'AGENCE DÈS SON BUDGET POUR 2017
Pour financer ses actions dans les domaines de l'environnement, de l'énergie et du développement durable, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dispose d'un budget d'intervention dit « incitatif » stabilisé depuis 2013, en autorisations d'engagement annuelles, à 590 millions d'euros 39 ( * ) et d'un budget de fonctionnement de 83 millions d'euros en 2015 .
Ses ressources sont très majoritairement alimentées par un reversement des produits de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dont le montant est plafonné, depuis 2013, à 448,7 millions d'euros - niveau que le présent projet de loi de finances propose de reconduire en 2016 -, le reste provenant de ressources propres.
En pratique, les engagements de l'Ademe correspondent à des dépenses à décaisser sur une période pluriannuelle , le versement des aides s'échelonnant en général sur trois à cinq ans en fonction du rythme de réalisation des investissements. Ainsi, les décaissements réalisés sur une année résultent à plus de 80 % d'engagements juridiques pris antérieurement.
Selon les données fournies par l'agence à votre rapporteur pour avis, ces décaissements atteindront, en 2016, 605 millions d'euros du fait de la montée en puissance progressive des échéances liées aux engagements accumulés depuis le Grenelle de l'environnement en 2009. À niveau de ressources constant, il en résultera une insuffisance structurelle de financement de 129 millions d'euros qui devrait s'amplifier jusqu'à atteindre un niveau proche de 160 millions d'euros à partir de 2018 .
Pour y faire face, l'agence dispose certes d'un fonds de roulement abondé, entre 2009 et 2014, par un niveau d'encaissements annuels de TGAP alors supérieurs aux décaissements de l'époque pour atteindre, au 31 décembre 2014, 434 millions d'euros, soit près de six mois de fonctionnement de l'agence . Mais depuis l'exercice 2015, la tendance s'inverse en raison de la croissance des décaissements, le fonds de roulement commençant à être consommé au rythme d'au moins 100 millions d'euros par an . L'agence devant par ailleurs disposer, chaque année, d'un niveau minimal de trésorerie de l'ordre de 100 millions d'euros pour assurer les premiers décaissements de l'année avant le versement de la TGAP, un tel rythme de consommation du fonds pose la question du financement de l'Ademe dès l'exercice 2018 .
C'est dans ce contexte que l'article 14 du présent projet de loi de finances entend opérer, au profit du budget de l'État, un prélèvement de 90 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'agence dans le cadre de la contribution au redressement des finances publiques demandé aux opérateurs de l'État.
Or, s'il est vrai qu'un tel prélèvement préserve , comme indiqué dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi, « un fonds de roulement suffisant » aux activités de l'agence pour l'année 2016 , cette ponction obligera, de fait, à réévaluer le mode de financement de l'Ademe dès la préparation de son budget pour 2017 , ce que le Gouvernement ne peut ignorer.
Votre rapporteur pour avis ne peut que déplorer cette gestion de court terme et sera particulièrement vigilant sur les conditions dans lesquelles le financement de l'agence, aux actions à l'efficacité reconnue, sera assuré dans les prochaines années. Ajouté aux efforts déjà demandés sur le budget de fonctionnement de l'Ademe - les effectifs devraient ainsi diminuer de 2 % en 2016 -, un tel prélèvement est en outre contradictoire avec l'élargissement attendu de ses missions dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
* 39 Ce budget se décompose en plusieurs programmes budgétaires dont, pour l'essentiel, les programmes « chaleur renouvelable » (221 millions d'euros, soit 37 % du budget), « déchets et économie circulaire » (189 millions, 32 %), « bâtiment économe en énergie » (52 millions, 9 %), « démarches territoriales énergie/climat » (29 millions, 5 %), « sites pollués et friches » (24 millions, 4 %) et « communication nationale / formation » (13 millions d'euros, 2 %).