B. UNE RATIONALISATION DE LA GESTION DES CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE À POURSUIVRE

1. Des dépenses à rationaliser

En premier lieu, votre rapporteur observe que les travaux d'extension ou de modernisation des centres de rétention administrative (CRA) ont fait l'objet de retards parfois importants.

Ainsi, la réhabilitation du CRA et de la zone d'attente (ZA) de Mayotte, validée par le cabinet du ministre de l'intérieur le 10 mars 2011, a fait l'objet d'un ordre de service de démarrage du marché le 8 octobre 2012, pour une fin prévisionnelle fixée au 8 décembre 2014. Toutefois, le délai de réalisation a fait l'objet de trois prolongations de délais, portant la date prévisionnelle de fin de travaux au 4 juin 2015.

L'extension du CRA de Coquelles, inscrite au plan triennal du 25 juillet 2005, a été remise en cause avant d'être finalement relancée en juin 2014. La livraison du projet est prévue pour l'été 2018.

Par ailleurs, alors même qu'en 2013, la baisse des crédits avait été justifiée par les économies permises par l'élaboration prochaine de cahiers des charges nationaux dans le domaine de la maintenance et de l'entretien des CRA, le projet annuel de performance pour l'année 2015 fait état d'une étude supplémentaire dans le but de rationaliser encore ces dépenses, sans évoquer les résultats des audits précédents : « Une étude a été confiée en 2014 au Centre d'études sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) pour élaborer un référentiel de prestations et de marchés, et ainsi optimiser les coûts de fonctionnement des CRA (cahiers de maintenance technique type pour homogénéiser la rédaction des marchés, cahiers des charges nationaux, référentiels, amélioration de la qualité d'usage des locaux, formations dispensées aux chefs de CRA). » 6 ( * )

Votre rapporteur s'interroge donc sur l'articulation de cette étude supplémentaire avec les travaux menés sur un sujet proche en 2013 par un groupe de travail inter-directionnel du ministère de l'intérieur.

2. La persistance de centres sous-occupés

Comme l'avait souligné notre ancienne collègue Mme Hélène Lipietz, dans ses rapports pour avis pour les crédits de la mission immigration, hors asile, en 2013 7 ( * ) et en 2014 8 ( * ) , les CRA se caractérisent par un taux d'occupation variable.

C'est également ce qu'a relevé le rapport d'information que Mme Éliane Assassi et votre rapporteur ont consacré à la rétention administrative où il a été observé que le taux d'occupation des centres de rétention administrative avait régulièrement baissé, passant d'un taux d'occupation de 68 % en 2008 à 43 % en 2012 9 ( * ) .

Pour l'année 2013, ce taux d'occupation est de 48 % , ce qui traduit un progrès par rapport à 2012. Pour le premier semestre 2014, ce taux est évalué à 54,7 % 10 ( * ) .

Même s'il semble se stabiliser, le taux d'occupation reste faible . De plus, certaines structures sous-occupées disposent parfois d'un nombre élevé de places : ainsi, le CRA de Toulouse Cornebarrieu a un taux d'occupation de 36 % en 2013, alors même qu'il compte 126 places, ce qui en fait l'un des CRA les plus importants. Votre rapporteur observe toutefois que le CRA de Nîmes, dont la sous-occupation avait été relevée par notre collègue Hélène Lipietz lors de son rapport pour avis pour l'année 2014 11 ( * ) a fait l'objet d'une réduction de capacité de moitié à compter du 1 er janvier 2014.

Des efforts de rationalisation de ces structures pourraient donc être encore poursuivis.

3. Les économies encore trop modestes permises par les salles d'audience délocalisées

La création de salles d'audience délocalisées à proximité de CRA, justifiée par la réduction du nombre d'escortes devant les tribunaux de grande instance, n'a pas réellement permis d'opérer d'économies significatives.

En premier lieu, il existe peu de salles d'audience délocalisées : sur les 23 CRA et les 16 ZA permanentes, six sites seulement devaient disposer d'une annexe du TGI : les CRA de Coquelles, de Nîmes, de Marseille, du Mesnil-Amelot et de Toulouse et la ZA de Roissy.

Parmi ces salles d'audience, seules trois sont actuellement  utilisées : celles dépendant des CRA de Coquelles, de Marseille et du Mesnil-Amelot. Les annexes de Nîmes et de Toulouse n'ont pu être mises en service car elles étaient situées dans l'enceinte des CRA, la Cour de cassation ayant précisé dans son arrêt du 16 avril 2008 que « la proximité immédiate exigée par l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est exclusive de l'aménagement spécial d'une salle d'audience dans l'enceinte d'un centre de rétention » 12 ( * ) .

En outre, dans le cas du CRA de Coquelles, une part non négligeable des audiences des juges des libertés et de la détention se tient également au TGI de Boulogne-sur-Mer, distant de 30 km.

En second lieu, d'importants travaux préalables ont été rendus nécessaires dans certains cas pour séparer effectivement la salle d'audience des locaux de rétention, à la suite de la décision précitée de la Cour de cassation.

Ainsi, la salle d'audience à proximité des deux CRA du Mesnil-Amelot n'est entrée en fonction que le 14 octobre 2013, après de nombreux surcoûts.

L'annexe du TGI de Bobigny, située à proximité de la ZA de Roissy n'a toujours pas été ouverte, malgré d'importants travaux d'aménagement : livré en 2001, l'ensemble, qui ne répondait pas aux obligations du cahier des charges du ministère de la justice, n'a jamais été mis en service. Des travaux complémentaires ont été menés à compter de 2009. Alors que la mise en oeuvre de l'annexe était annoncée en septembre 2013, de nouveaux travaux ont été imposés à la suite des préconisations de la commission Bacou-Guillenschmidt, nommée par la garde des sceaux pour étudier la question.

Ces travaux, consistant à séparer totalement les locaux de l'annexe de ceux du CRA ont été menés pour un montant d'environ 200 000 euros. D'ultimes travaux apparaissent encore nécessaires, ne permettant pas la mise en oeuvre immédiate de ces locaux : il s'agit de transformer l'une des salles d'audience en salle d'attente afin que les personnes retenues soient à la disposition de la justice jusqu'au délibéré et à l'expiration du délai d'appel par le procureur.

Les économies qui auraient pu être procurées grâce à ces salles d'audience délocalisées sont donc encore trop limitées en raison des coûts élevés exposés en matière de construction et d'entretien de ces salles.

Votre rapporteur observe qu'il n'est pas envisagé de construire de nouvelles salles d'audiences au titre de l'exercice budgétaire 2015.

Au-delà des économies potentielles procurées par ces salles, votre rapporteur considère que cette solution permet aussi d'éviter des déplacements pénibles pour les personnels des centres comme pour les étrangers retenus.


* 6 Projet annuel de performance pour la loi de finances 2015, « immigration, asile et intégration », p. 33.

* 7 Rapport pour avis n° 154 tome XI (2012-2013), fait au nom de la commission des lois, p. 9.

* 8 Rapport pour avis n°162 tome XI (2013-2014), fait au nom de la commission des lois, p. 10.

* 9 Rapport d'information n° 773 (2013-2014) de Mme Éliane Assassi et M. François-Noël Buffet, La rétention administrative : éviter la banalisation, garantir la dignité des personnes , fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 juillet 2014, p. 29.

* 10 Votre rapporteur observe toutefois que les taux d'occupation au premier semestre de l'année en cours sont systématiquement supérieurs au taux final d'occupation.

* 11 Rapport pour avis n° 162 tome XI (2013-2014), fait au nom de la commission des lois, p. 10.

* 12 Civ., 1 ère , 06-20390, 16 avril 2008.

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