C. UNE HAUSSE DES EMPLOIS À CONFIRMER

1. Des emplois fortement affectés par la RGPP

La révision générale des politiques publiques (RGPP), qui a débuté en 2009, a largement concerné la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Au total, la direction a ainsi connu une baisse de 632 ETPT entre 2008 et 2012. Cette diminution des emplois a concerné en priorité la fonction soutien afin de préserver la fonction éducative. Elle a également rendu nécessaire une restructuration des services déconcentrés. Par ailleurs, le recentrage de l'action de la PJJ sur le pénal et l'abandon progressif des missions au civil a également permis de préserver la fonction éducative malgré la baisse des emplois alloués.

2. Un redressement progressif

En 2013, cette tendance s'est inversée avec la création de 75 ETPT au titre de la réduction des délais de prise en charge dans le milieu ouvert, de l'accompagnement pédopsychiatrique au sein des centres éducatifs fermés (CEF) et de la diversification des prises en charge. Toutefois, compte tenu des crédits effectivement alloués au programme 182 par la loi de finances initiale pour 2013, la PJJ n'a pu en réalité financer que 26 ETPT de plus qu'en 2012.

En 2014, 78 emplois destinés à l'ouverture de nouveaux CEF et au renfort des actions menées pour la santé des mineurs ont été alloués au programme 182, se traduisant par la création de 83 ETPT.

La création d'emplois amorcée en 2013 se poursuit dans le projet de loi de finances pour 2015, le plafond d'emplois du programme pour 2015 étant de 8 567 ETPT, soit + 60 ETPT par rapport au plafond d'emplois 2014. Cette évolution tient compte notamment de l'extension en année pleine de 2014 sur 2015 de 32 ETPT et de la création de 28 ETPT pour 56 emplois , au titre du renforcement des centres éducatifs fermés et du milieu ouvert.

Selon Mme Catherine Sultan, directrice de la PJJ entendue par votre rapporteure, cette augmentation du nombre d'emplois est appréciable même si les ressources humaines restent calibrées au plus juste par rapport aux besoins de la PJJ.

D. DES CRÉDITS DU SECTEUR ASSOCIATIF HABILITÉ (SAH) TOUJOURS EN BAISSE

1. Une nouvelle baisse de 3,8 %

Rappelons que ces crédits correspondent aux prestations réalisées par les établissements et services du secteur habilité « justice » à la demande des juges des enfants, des juges d'instruction et des magistrats du parquet. Le prix de ces prestations intègre, pour chaque type de prise en charge, les dépenses de fonctionnement, les frais de siège, de personnel, d'investissement, de provisions et de charges financières. L'imputation des charges s'opère à partir des systèmes d'information comptables sur la base des facturations effectivement réalisées.

En 2013, la diminution cumulée du budget affecté au SAH était de 73,5 millions d'euros depuis 2008, soit une baisse d'environ 24 %. Le budget accordé au secteur associatif passait en 2014 (LFI 2014) de 240 millions d'euros à 232,2 millions.

Pour 2015, les crédits SAH, intégrés à l'action n° 1 « mise en oeuvre des décisions judiciaires », s'élèvent à 225 400 000 euros.

Cette nouvelle baisse d'environ 3,8 % des crédits du SAH succède ainsi à plusieurs années de diminution continue.

Crédits SAH
(en M€)

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (PLF)

Evolution 2015/2010

Evolution 2015/2014

Loi de Finances Initiale

254,2

240

242

240

234

225,4

- 28,8

-11,32 %

- 8,6

-3,81 %

Taux de mise en réserve (en %)

0,05

0,06

0,06

0,07

0,08

Report de charges n+1

34,4

35,5

39,5

20

Source : ministère de la justice.

Selon le ministère de la justice, toutefois, l'appréciation de cette baisse doit être nuancée. En effet, la budgétisation du SAH en 2014 était surévaluée par rapport à la charge réelle de l'exercice qui se situait aux environs de 221 millions d'euros. Par ailleurs, les crédits 2015 tiennent compte d'une progression de 1 % du glissement vieillesse-technicité (GVT) par rapport au projet de loi de finances pour 2014. Ainsi, selon le ministère, ces crédits permettent d'assurer le bon fonctionnement des établissements et services en reconduisant les moyens pour 2014 et en couvrant l'augmentation des dépenses de personnels du SAH.

2. Une certaine inquiétude du secteur associatif habilité

Cette appréciation n'a pas été partagée par les principales associations du secteur associatif habilité, entendues par votre rapporteur, qui jugent à l'inverse la poursuite de la baisse des crédits du SAH inquiétante et regrettent une diminution forcée de l'activité des associations de ce secteur, qui porte en particulier atteinte à la capacité des associations à fournir une réponse diversifiée à la délinquance des mineurs.

Il est vrai que la diminution de l'activité du secteur associatif habilité depuis plusieurs années concerne l'ensemble des composantes du SAH :

Secteur habilité Justice

2010

2011

2012

Total

Total

Total

Investigation

32 466

23 080

21 279

Enquête sociale

7 201

1 197

3

IOE

24 869

7 717

7

MJIE

396

14 166

21 269

Placement judiciaire

5 863

5 025

4 605

Collectif

4 859

4 250

3 894

Collectif Traditionnel

2 367

1 825

1 588

Collectif Spécialisé

2 492

2 425

2 306

dont CER

1 208

1 128

1 033

dont CEF

1 284

1 297

1 273

Lieux de vie

456

402

376

Individualisé - CHD

375

260

245

Familial

173

113

90

Milieu ouvert

13 068

11 630

10 778

Mesures et sanctions éducatives

13 068

11 630

10 778

AEMO + Suivi jeune majeur

558

158

101

Réparation

12 510

11 472

10 635

Ensemble

42

51 397

39 735

36 662

Source : ministère de la justice.

Les fédérations d'associations s'inquiètent particulièrement de la stagnation du budget prévu pour les mesures de réparation pénale, dont l'utilité est pourtant largement reconnue (cf. encadré ci-après). En effet, la baisse depuis plusieurs années du nombre de mesures de ce type conduit nécessairement à une réduction d'effectifs dans les services, généralement de petite taille, qui les mettent en oeuvre, au risque d'une désorganisation de ces services et d'une perte de qualité des actions menées.

Le point sur la mesure de réparation pénale

Dans le précédent rapport pour avis sur l'évolution des crédits de la PJJ, notre ancien collègue M. Nicolas Alfonsi avait déjà relevé la diminution du nombre de mesures de réparation pénale. Pour l'année 2015, il est prévu une stagnation du budget attribué à la réparation pénale.

Préconisée notamment par l'article 40 de la convention Internationale des droits de l'enfant, la mesure de réparation pénale à l'égard des mineurs a été introduite dans l'ordonnance du 2 février 1945 par la loi du 4 janvier 1993 portant réforme du code de procédure pénale. Il s'agit d'une mesure éducative prononcée à l'égard d'un mineur, âgé de 13 à 18 ans, auteur d'une infraction pénale, et permettant au mineur d'engager une action volontaire de réparation à l'égard de la victime ou de la collectivité qu'il a lésée. Elle peut être prononcée à tous les stades de la procédure.

La réparation pénale est une mesure de courte durée (quatre mois) fixée par décision judiciaire. Elle comprend deux phases. Dans un premier temps, un travail éducatif vise à favoriser un processus de responsabilisation chez le mineur tout en l'aidant à comprendre la portée de son acte tant pour la victime que pour la société. Dans un second temps, après avoir associé les titulaires de l'autorité parentale, le mineur effectue une activité de réparation du préjudice afin de se réinscrire dans le corps social. La notion d'individualisation est au coeur de la mesure : l'activité est mise en oeuvre en fonction de l'âge du jeune, de sa maturité, de sa situation et de l'infraction commise.

Il faut souligner que la mesure de réparation pénale se rapproche ainsi par plusieurs aspects de la notion de justice restaurative . Or, rappelons que celle-ci a récemment été consacrée, en ce qui concerne les majeurs, par l'article 18 de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, qui dispose que « Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu'à l'auteur d'une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l'infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu'après que la victime et l'auteur de l'infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en oeuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l'autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l'administration pénitentiaire ».

Au 30 novembre 2013, 32 807 mesures de réparation avaient été suivies dont 23 766 mesures par le secteur public de la PJJ (72 % des mesures) et 9 041 par le secteur associatif habilité (28 % des mesures). Entre 2007 et 2013, le nombre de mesures suivies par les secteurs public et associatif a progressé de 11 % mais de manière irrégulière (- 1 % entre 2012 et 2013) et selon un rythme particulier pour chaque opérateur : les réparations suivies en secteur public progressent de 30 % entre 2007 et 2013 et de 2 % entre 2012 et 2013. Le nombre de réparations suivies en secteur associatif habilité a en revanche diminué de 17 % depuis 2007 dont - 7 % pour la seule année 2013.

Le secteur public a réduit de moitié son délai de prise en charge des mesures de réparation pénale (de 48 à 33 jours entre 2007 et 2012) malgré l'augmentation du nombre de mesures confiées. Parallèlement, ce délai est passé de 44 à 34 jours dans le secteur associatif. La mise en oeuvre depuis le 1 er janvier 2014, de l'article 12-3 modifié de l'ordonnance du 2 février 1945, prévoyant la convocation du mineur devant les services éducatifs dans un délai maximum de cinq jours, favorise la réduction de ce délai de prise en charge.

La réparation pénale est très appréciée des magistrats. Elle représente ainsi 19 % des mesures confiées au milieu ouvert.

Pour l'application des mesures, les services éducatifs de milieu ouvert associent les collectivités locales, les associations et la société civile. Des conventions sont formalisées à l'échelon du service avec ces partenaires et précisent les modalités d'organisation, le contenu de l'activité et les responsabilités réciproques. La mise en oeuvre peut également découler d'un partenariat formalisé dans des accords-cadres nationaux (ainsi avec la Poste, la Croix Rouge, la SNCF).

Cette diminution des crédits du SAH résulte de dynamiques convergentes dans ses différents secteurs d'intervention : diminution de l'activité pénale, rationalisation des mesures d'investigation, raréfaction des mesures de protection des jeunes majeurs.

Toutefois, force est de constater qu'elle résulte aussi en partie d'un jeu de vases communicants entre le secteur public de la PJJ et le SAH . En effet, la création de nouveaux emplois pour la PJJ suppose également, nécessairement, de nouveaux moyens de fonctionnement. Le titre III, qui inclut le financement du secteur associatif habilité, est donc forcément concerné. Les crédits de ce titre III étant globalement à la baisse en loi de finances initiale pour 2015, le financement du SAH en est automatiquement affecté.

Par ailleurs, les associations estiment qu'une amélioration de la situation financière du secteur pourrait résulter de l'extension de la possibilité de financer les associations par dotation globale de financement . Rappelons en effet qu'un décret du 26 décembre 2011 permet à la PJJ d'assurer le financement des centres éducatifs fermés (CEF) par dotation globale de financement, réforme effective depuis le 1 er janvier 2013. Ce décret prévoit la possibilité d'étendre ce mode de financement à d'autres dispositifs que les CEF. Selon les informations transmises à votre rapporteure par le ministère de la justice, cette possibilité fera l'objet de propositions en 2015 « en fonction des moyens qui seront mis à disposition de la DPJJ ».

Enfin, les fédérations d'associations souhaiteraient que soit effectuée une étude sur les raisons ayant conduit à une diminution importante du nombre des associations habilitées depuis quatre ans (environ - 25 %) : il s'agirait, par exemple, notamment de savoir dans quelles mesures cette diminution résulte d'une sélectivité accrue de la PJJ ou d'une moindre demande d'habilitation des associations.

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