II. UNE STABILITÉ DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

L'évolution de la délinquance des mineurs est particulièrement suivie par l'opinion publique et fait l'objet de nombreuses analyses parfois contradictoires. Il convient d'abord de se reporter aux éléments statistiques disponibles puis de consulter dans un second temps les études plus qualitatives qui se penchent notamment sur les questions de la récidive et de la désistance 6 ( * ) .

A. DES DONNÉES QUI NE CONFORTENT PAS L'HYPOTHÈSE D'UNE AUGMENTATION DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

1. Une délinquance des mineurs qui augmente moins vite que celle des majeurs

En 2002, 180 000 mineurs et presque 730 000 majeurs étaient mis en cause. En 2013, ils sont respectivement 195 000 et 911 000. Il convient de souligner que l'augmentation de la population mineure en cause sur la période (+ 8 %) s'est réalisée à un rythme trois fois inférieur à celui de la croissance des majeurs mis en cause (+ 25 %). Par ailleurs, en 2002, les mineurs composaient 19,89 % des mises en cause. En 2013, ils n'en ont représenté que 17,59 %. La baisse de la part de la population mineure mise en cause est un processus continu sur les dix ans observés .

Source : ministère de la justice.

2. Les atteintes aux personnes

En ce qui concerne les atteintes aux personnes, les mineurs, qui représentent 22 % de la population vivant en France, représentent seulement 15 % des personnes mises en cause pour violences en 2002 et 14 % en 2013 . Malgré un discours ambiant parfois alarmiste, ils sont donc moins souvent mis en cause pour ce type de délinquance que les majeurs , qui composent 78 % de la population et 85 % des mis en cause. De fait, seules les années 2007 à 2009 ont vu ce motif d'infraction progresser plus vite chez les mineurs (+ 17 %) que chez les majeurs (+ 13 %). Les années 2010 à 2013 ont même vu baisser les violences imputées aux mineurs (-7 %) quand celles imputées aux majeurs augmentaient (+ 8 %). Toutefois, la part des violences augmente chez les mineurs sur la période (de 16 % à 22 % des mises en cause entre 2002 et 2013), évolution partagée avec les majeurs (23 % des mises en cause en 2002 et 29 % en 2012).

B. DES ÉTUDES INTÉRESSANTES SUR LA RÉITÉRATION ET LA DÉSISTANCE

1. Bilan des études déjà réalisées

Concernant le taux de réitération et le taux de récidive, le ministère de la justice a produit entre 2007 et 2012 cinq études statistiques détaillées. En particulier, deux études comparables dans leurs méthodes (extractions du casier judiciaire) et menées en 2007 et 2011 ont permis de tirer certaines conclusions.

L'étude de 2007, menée par le service de la statistique du ministère de la justice, s'est ainsi penchée sur la réitération d'infraction après condamnation, à partir des données des casiers judiciaires des mineurs ayant eu une condamnation inscrite en 1999, 2000 et 2001. Les cohortes ont ainsi pu être suivies pendant une période d'au moins trois ans, en incluant la période post-majorité. Le taux de désistance atteint 45 % dans cette étude (soit 55 % de réitérants).

Dans l'étude de 2011 réalisée par la PJJ, étaient suivis des mineurs placés en centre éducatif fermé entre 2003 et 2007. Cette étude évalue le taux de désistance entre 15 et 45 % (entre 55 et 85 % de réitérants) en fonction, notamment, de la durée du séjour. Les mineurs qui restent plus de 170 jours réitèrent significativement moins que les autres.

Ces études conduisent ainsi à distinguer, par rapport au taux de réitération :

- les mineurs primo-délinquants. Il s'agit de la cohorte des mineurs qui ont eu une première condamnation inscrite au casier judiciaire entre 1999 et 2001 (enquête 2007) ;

- les mineurs déjà délinquants. Il s'agit de la cohorte des mineurs qui ont eu une condamnation inscrite au casier judiciaire entre 1999 et 2001, mais qui ne constituait pas la première condamnation inscrite au casier judiciaire (enquête 2007) ;

- les mineurs placés en CEF entre 2004 et 2006 (enquête 2011).

Source : ministère de la justice.

Les mineurs déjà délinquants ont ainsi des taux de réitération relativement élevés : 46 % au bout d'un an, 73 % au bout de trois ans, même s'ils n'atteignent pas ceux des mineurs placés en CEF (83 % au bout de trois ans). Par contre, les primo-délinquants ont des taux de réitération beaucoup plus faibles (40 % au bout de trois ans).

En outre, l'étude de 2007 montrait que les mesures les plus contraignantes, réservées aux mineurs les plus délinquants (placement dans un établissement, liberté surveillée, mise sous protection judiciaire) conduisent respectivement à des taux de réitération de 76 %, 63 % et 61 %. Les taux de réitération relevés dans l'étude de 2011 pour les mineurs placés en CEF sont cohérents avec ces résultats.

Enfin, les deux études convergent pour montrer que, quel que soit le domaine d'infraction considéré, la réitération concerne prioritairement des vols et recels.

2. Les nouvelles études en cours

La DPJJ a lancé de nouvelles études pour approfondir la question de la réitération et de la désistance. Par ailleurs, une réflexion est actuellement en cours sur la modification du logiciel de gestion de l'activité et des mesures éducatives (GAME) créé par l'arrêté du 20 mars 2012. Il s'agirait d'introduire de nouvelles fonctionnalités permettant le suivi quantitatif des mesures confiées aux établissements et services du secteur public de la PJJ et du secteur associatif habilité ainsi qu'un suivi plus qualitatif de l'évolution du mineur en cours de sa prise en charge. Le motif de l'infraction pourrait être inclus dans ce traitement. Cette nouvelle version de GAME devrait permettre une meilleure connaissance du public suivi par la DPJJ. Toutefois, compte tenu des données personnelles qui seraient contenues dans ce traitement automatisé, l'adoption d'un décret en Conseil d'État après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) apparaît nécessaire.

Votre rapporteure souligne l'intérêt de poursuivre les recherches afin de parvenir à une vision aussi précise et dépassionnée que possible de la délinquance des mineurs et de leur devenir après leur passage devant la justice. Lors de son audition, Mme Marie-Pierre Hourcade, présidente de l'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), a également regretté le fait que l'existence et le contenu de ce type d'études soient insuffisamment portés à la connaissance des magistrats.


* 6 La notion de « désistance » signifie qu'après une condamnation ou tout autre type de rencontre du délinquant avec la justice, celui-ci ne revient pas devant celle-ci.

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