B. LA BNF, UN GRAND ÉTABLISSEMENT PUBLIC SOUS TENSION

1. De grandes ambitions mais des moyens comptés
a) Une progression des crédits consentis à la BnF mais une baisse programmée de la valeur réelle de la subvention pour charges de service public

Que ce soit par la subvention pour charge de service public dotée de 188,8 millions d'euros en 2015, par la dotation en fonds propres fixée à 18 millions d'euros, ou par les moyens prévus pour la rénovation du « quadrilatère Richelieu » avec 13,2 millions d'euros, la BnF est, de loin, le premier destinataire des soutiens de l'État récapitulés au titre du programme « livre et industries culturelles ». Elle absorbe donc 82 % des crédits du programme, soit 220 millions d'euros.

Les crédits qui lui sont réservés représentent près de trois fois les ressources apportées par l'État aux autres bibliothèques actives dans l'hexagone (4 390 bibliothèques publiques environ). Les concours apportés par la BnF aux bibliothèques décentralisées, pour leur être très utiles, sont évidemment très loin de compenser cet écart d'attention porté par l'Etat à l'une et aux autres.

La dotation budgétaire de la BnF progresserait globalement de 6,4 millions d'euros en 2015 sous l'effet de l'augmentation de la dotation en fonds propres et des crédits consacrés à « l'opération Richelieu ». Au total, les moyens accordés par le budget ministériel à la BnF augmenteraient de 3 %.

L'augmentation globale des dotations attribuées à la BnF ne doit pas faire illusion . Seules les dotations capitalistiques progressent, mais cette évolution n'est que l'effet d'un renforcement des exigences financières de l'État, qui souhaite que l'établissement contribue davantage au financement des opérations immobilières concernant son patrimoine. Il s'agit ainsi tout au plus d'une restructuration concernant les financements afférents.

De son côté, la subvention pour charges de service public serait stabilisée par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Mais, cette stabilisation en euros courants implique une dégradation du soutien ministériel en euros constants.

Ainsi la valeur réelle du soutien budgétaire accordé à la BnF en 2015 se déprécierait si le projet de budget était voté.

b) Une situation financière qui se tend

La BnF est le premier opérateur du ministère de la culture par le nombre d'emplois (2 287) et par le budget (256 millions d'euros, soit davantage que la subvention versée par l'État).

Malgré l'importance relative du soutien budgétaire, la situation budgétaire de l'établissement n'en est pas moins tendue.

Le budget de la BnF avait été multiplié par dix en vingt ans selon les constatations du rapport que l'IGF avait consacré à la Bibliothèque en 2009. Il représentait alors environ 250 millions d'euros.

Depuis, il s'est encore un peu étoffé puisque le budget prévisionnel pour 2014 totalisait 256,8 millions d'euros dont 223,4 millions pour le fonctionnement et 33,4 millions pour l'investissement.

Malgré cette aisance apparente, le budget de l'établissement est confronté à des tensions.

Les données suivantes qui ont structuré le contrat de performance pour la période 2009-2011 et son avenant pour les années 2011-2013 en témoignent.

Pour les années 2009-2011 :

- un budget global passant de 222,5 millions d'euros à 228,08 millions d'euros, soit une progression de 2,5 % ;

- un budget d'investissement en baisse (de 33,7 à 32,8 millions d'euros) ;

- la suppression de 64 emplois ;

- une subvention de fonctionnement en hausse de 185,75 millions d'euros en 2009 à 189,3 millions d'euros en 2011 ;

- une subvention d'investissement constante, autour de 15,2 millions d'euros.

L'avenant pour les années 2011-2013 a légèrement revu à la baisse les prévisions du contrat de performance pour 2011 et a inscrit la trajectoire financière de la BnF sur une pente baissière.

Le budget global pour 2011 a été fixé à 224,1 millions d'euros (contre 228,08 millions prévus) avec une cible pour 2013 à 216,93 millions d'euros, soit un ajustement de 11,15 millions d'euros par rapport à la programmation budgétaire du contrat de performance initial pour 2011 et une réduction de la voilure budgétaire de 5 % en trois ans.

Le niveau des suppressions d'emplois a été porté à 101, dans le cadre du maintien de la subvention de fonctionnement au niveau atteint en 2011 (185,4 millions d'euros, soit 4 millions de moins qu'initialement envisagé) et d'une subvention d'investissement de 14,67 millions d'euros légèrement en retrait par rapport aux prévisions.

L'analyse de la structure des dépenses fait ressortir des évolutions. Pour la période du contrat de performance, la progression des dépenses immobilières (+12,2 %) avait été le fait marquant. L'avenant voit les sommes consacrées à ces dépenses baisser. En revanche, il poursuit l'effort destiné aux actions de diffusion et de valorisation tandis que les financements alloués aux collections sont globalement stabilisés au cours de la période 2009-2013

Au total, les évolutions des dépenses de la BnF au cours de la période 2008-2013 auront été marquées par des redéploiements traduisant l'inertie des dépenses de personnel et un effort de diffusion et de valorisation au détriment des autres objectifs de la BnF, en particulier de son action de numérisation des documents.

Sur la période 2008-2013, les grands postes de dépenses auront évolué comme suit selon ces perspectives pour 2013 au regard des chiffres du compte financier de 2008 :

- dépenses de personnel : +7,8 %

- dépenses de fonctionnement : -6 %

- amortissements : -15,8 %

- investissements : -3,7 %.

L'évolution des dépenses par destination (du budget primitif de 2009 aux prévisions pour 2013 inscrites à l'avenant du contrat de performance) aura été la suivante :

- pour le patrimoine immobilier : -5,2 %

- pour les collections : -1,1

- pour la diffusion et la valorisation : + 6,58 %

- pour les fonctions support : -9,7 %.

D'autres données confirment le resserrement des contraintes subies par l'établissement.

Les « restes à payer » sur l'opération Richelieu ne cessent de croître et ils pèseront à l'avenir sur les ressources budgétaires mobilisables pour répondre aux nécessitées associées aux priorités de la BnF telles qu'énoncées au nouveau contrat de performance conclu pour la période 2014/2016. Par ailleurs, la BnF semble devoir s'attendre à être de plus en plus sollicitée pour financer cette opération à laquelle elle a consacré 12 millions d'euros.

La BnF est obligée de ponctionner son fonds de roulement pour assurer son financement. Le compte financier 2013 fait état d'un prélèvement limité, de 1,5 millions d'euros. Mais, pour 2014, ce sont 7,9 millions d'euros qui auront été ôtés aux réserves de l'établissement.

Enfin, si elle rencontre des succès ponctuels, la politique de diversification des ressources est aléatoire.

Dans ce contexte, les efforts réalisés pour dégager des marges de manoeuvre par une réduction des dépenses de fonctionnement sont décrits comme non négligeables par le management mais leur effet pratique mériterait d'être mieux quantifié et leur prolongation risque de se heurter à des planchers de besoins, sans compter les nécessités du climat social.

Les dépenses de fonctionnement sont pour 61 % des dépenses de personnel (135,7 millions d'euros dont 28 millions de charges de pensions). Les dépenses de personnel sont tributaires d'une série de variables que la tutelle s'efforce de piloter notamment à travers l'évolution du plafond d'emplois autorisé à l'opérateur. De 2 335 en loi de finances initiale pour 2014 (LFI), il passerait à 2 267 en LFI pour 2015 soit - 68 emplois (- 3 %). Mais, de leur côté, les emplois hors plafond augmenteraient de douze unités, passant de 8 à 20, si bien que les gains de productivité portés par les décisions relatives au plafond d'emploi seraient ramenés au total à 2,4 %.

La capacité de la BnF à faire face à ses besoins d'investissement se pose d'autant plus que la qualité du patrimoine immobilier de la bibliothèque inquiète. Il serait utile de cerner plus précisément le souhaitable et le possible en la matière. Des ajustements du périmètre immobilier de l'établissement ont été évoqués par son président au cours de son audition par votre commission de la culture 4 ( * ) . Ils devront être conduits en concertation avec l'ensemble des parties prenantes, au service d'une rationalisation des implantations. Mais, il faut bien considérer qu'une certaine urgence entoure la mise à niveau tant des capacités de stockage de la BnF que de la sécurité de certaines implantations. La proximité de la Seine fait encourir à la bibliothèque des risques d'inondation potentiellement catastrophiques, illustrant la tendance à la déréalisation qui accompagne parfois les grands projets.

En bref, la BnF ne navigue plus sur le long fleuve tranquille de la sérénité budgétaire.

2. « Être bibliothèque nationale » à l'heure du numérique
a) Diagnostics

Sur un plan plus fondamental, la question qui se pose est celle des orientations stratégiques qui peuvent être données à une bibliothèque nationale dans un monde numérique . Le précédent contrat de performance s'est achevé en 2013. Il a fait l'objet d'une évaluation conjointe par l'Inspection générale des bibliothèques (IGB) et l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC). Celle-ci fait état d'un bilan globalement positif. Conseil a toutefois été donné de resserrer les priorités de la BnF.

Dans son rapport de 2009, l'inspection générale des finances (IGF) avait déjà abouti à une telle conclusion. Elle avait formulé 22 propositions (principales) qu'il est possible de regrouper en deux catégories : la gestion des moyens et des « process », d'une part, les orientations stratégiques, d'autre part.

Les recommandations formulées par l'IGF dans ces deux domaines étaient globalement empreintes de la préoccupation d'augmenter l'efficience de la BnF en combinant une rationalisation des moyens et un ajustement des ambitions réorientées vers des objectifs plus qualitatifs.

Les principales propositions du rapport de l'IGF relatif à la BnF

Gestion des moyens et des process

- Mieux piloter les recettes et les dépenses par la mise en place d'une comptabilité analytique et d'un contrôle de gestion

Accélérer le versement de la subvention en tenant compte des besoins réels de l'établissement

Aller au terme de la logique de déconcentration de la gestion des ressources humaines

Définir une cible et une structure d'emplois afin de mieux intégrer l'impact du numérique

Se doter d'un schéma directeur immobilier avec une stratégie de resserrement des implantations en visant un objectif de trois à cinq sites à l'horizon 2010 en se désengageant de l'Opéra Garnier et du site de Sablé-sur-Sarthe voire d'Avignon et de l'Arsenal et en rassemblant les activités de conservation et de numérisation sur les sites de Bussy-Saint-Georges et François-Mitterrand

Lancer rapidement les travaux de rénovation du quadrilatère Richelieu en réduisant le besoin de financement par cession de bâtiments annexes

Se doter d'une gestion dynamique des espaces et des collections et mieux exploiter les capacités du centre technique de Bussy-Saint-Georges

Externaliser tout ou partie des fonctions pouvant être réalisées à moindre coût par un prestataire extérieur : la reproduction, activité structurellement déficitaire (quelles activités ne le sont-elles pas), le catalogage des ouvrages étrangers, le courrier

Améliorer les conditions d'accueil du public

Rationaliser le circuit du livre en mutualisant les fonctions de magasinage, de service au public, en réorganisant la filière des acquisitions à titre onéreux, en centralisant la fonction catalogage

Réduire le taux d'encadrement

Optimiser certaines dépenses de fonctionnement courant : véhicules, nettoyage, ascenseurs...

Permettre un dépôt légal sous forme numérique

Orientations stratégiques

Revoir à la baisse l'ambition du dépôt légal d'Internet et encadrer juridiquement la consultation des archives du Web

Réorienter la politique de numérisation vers une stratégie plus qualitative et partenariale et diversifier les sources de financement, notamment en développant le mécénat mais aussi le volet commercial de Gallica 2 afin d'en faire un site patrimonial privé de référence

Se doter des outils de pilotage des investissements informatiques de la BnF

Assurer la réussite du projet SPAR (système de préservation et d'archivage réparti) « tiers archivage » en étendant l'offre de location d'espace numérique avec une juste tarification et l'adaptation des capacités à la demande effective

Rendre gratuit l'accès à la bibliothèque du Haut-de-jardin

Améliorer la qualité de service

Adopter une politique ambitieuse de levée de fonds en matière de mécénat, de location d'espaces et de location d'expositions itinérantes

Envisager la cession de pièces détenues en plusieurs exemplaires

Fixer un objectif d'équilibre financier pluriannuel de la politique d'expositions et développer la culture du résultat dans la politique éditoriale

Ces recommandations semblent avoir été partiellement prises en considération dans le cadre de la formalisation du nouveau contrat de performance de l'établissement.

Pour la BnF, les trois grandes priorités stratégiques pour la période 2014-2016 sont de :

- garantir l'accès aux collections nationales, aujourd'hui et demain ;

- partager ses richesses et savoir-faire ;

- optimiser les ressources au service de ses missions fondamentales.

Le nouveau contrat de performance de la BnF 2014-2016

Le nouveau contrat de performance de la BnF affiche une volonté de resserrement de ses objectifs à horizon 2016 autour de trois axes :

- garantir l'accès aux collections de la Bibliothèque aujourd'hui et demain ;

- partager les richesses et les savoir-faire de la Bibliothèque ;

- optimiser les ressources de la Bibliothèque au service de ses missions fondamentales.

Ces ambitions se veulent intégrer les préoccupations suscitées par l'exécution du précédent contrat : « la capacité à poursuivre l'enrichissement des collections dans toute leur diversité ; l'amplification de la gestion dynamique des espaces et des collections ; l'amélioration du signalement des ressources numériques et de la visibilité des catalogues ; la mise en oeuvre d'un projet d'ampleur de numérisation de la presse ; la relance de la fréquentation et la diversification des publics à travers l'action pédagogique et éditoriale ».

L'élargissement de l'accès aux collections passe par plusieurs axes d'actions .

1) L'enrichissement des collections dans toute leur diversité annonce la poursuite d'une politique d'acquisition patrimoniale soutenue qui suppose une recherche de mécénat et l'affectation prioritaire des recettes tirées de la participation de la BnF au projet Le Louvre-Abou Dhabi. Une croissance raisonnée des acquisitions courantes sous forme numérique devrait contribuer à cet objectif. La politique de numérisation sera actualisée et mieux communiquée aux publics ; elle devra tenir compte des conclusions de la mission d'évaluation sur la politique publique de numérisation des ressources culturelles conduite au titre de la Modernisation de l'action publique.

2) La collecte et l'accessibilité des documents devront être améliorées . Le champ du dépôt légal sera étendu aux publications numériques ce qui suppose une réforme de la partie réglementaire du code du patrimoine. Parallèlement, une concertation avec les éditeurs est en cours pour réduire le nombre d'exemplaires imprimés à déposer. Les oeuvres numériques feront l'objet d'un catalogage identique à celui des documents imprimés.

3) La dimension de signalement du catalogage sera améliorée et les données bibliographiques de la BnF seront ouvertes dans le cadre du service data.bnf.fr.

4) Les conditions de conservation doivent être réunies . La numérisation des ouvrages tiendra compte des exigences de conservation. Le magasin numérique SPAR sera développé. De même, alors que la saturation des sites François-Mitterrand et Bussy-Saint-Georges devrait intervenir en 2017, il faudra augmenter leurs capacités. Une extension du dernier site pourrait intervenir pour un coût estimé de 36 millions d'euros.

Un meilleur partage des richesses et les savoir-faire de la Bibliothèque par sept champs d'action .

1) Un service aux lecteurs d'excellence et une ouverture à de nouveaux publics, avec, en particulier, une perspective d'ouverture de la bibliothèque de recherche à des communautés élargies . L'objectif est de faire passer la fréquentation de cette bibliothèque de 390 000 à 410 000 entrées entre 2014 et 2016. De même la bibliothèque du Haut-de-jardin devrait être ouverte à tous. Elle devra accueillir 560 000 visiteurs en 2016 contre 505 000 en 2014 par une amélioration de son potentiel (équipement en wifi, amplitude horaire, places disponibles...). Enfin, l'accès à distance des collections sera amélioré par le développement des offres numériques. Au total, l'objectif est d'augmenter la fréquentation d'ensemble (physique et services en ligne) de 25 % en deux ans .

2) Un enrichissement de l'offre culturelle nationale et une contribution à l'éducation culturelle et artistique . L'objectif est de réussir chaque année à organiser une exposition pouvant attirer de 50 à 60 000 visiteurs, de valoriser le patrimoine graphique au moyen d'événements récurrents et de mieux « éditorialiser » les collections. De même les actions pédagogiques devront être développées, en particulier dans le cadre du site de « l'Arsenal » destiné à devenir la Maison des métiers du Livre.

3) Le renforcement de Gallica comme outil de partage des richesses de la Bibliothèque et de ses partenaires . L'enrichissement de Gallica est un objectif majeur qui devra mobiliser toute la gamme des financements accessibles : fonds propres, subventions du Centre national du livre, mécénats, projets de recherche, investissements d'avenir du commissariat général à l'investissement. L'objectif est de couvrir la totalité des 3 millions de documents imprimés du fonds français libre de droits avec une double optique, quantitative et qualitative. Un nouveau marché de numérisation de masse pluriannuel sera lancé en 2014 ouvert à 30 % aux bibliothèques partenaires. Un marché de numérisation de la presse sera lancé en 2015 et le nombre de pages numérisées passera dès 2014 à 500 000 contre 350 000 pages aujourd'hui. Le programme de numérisation et de diffusion des livres indisponibles du XX e siècle mobilisera la BnF pour une partie des process nécessaires : la prise de vue numérique. L'éditorialisation de Gallica progressera et la mutualisation des coûts sera améliorée dans le cadre des partenariats conclus par la Bibliothèque avec le développement de « Gallica marque blanche ».

4) Le renforcement des partenariats avec les territoires . Les bibliothèques de dépôt légal imprimeur seront associées au dépôt légal de l'Internet codifié à l'article R.132-23-2 du code du patrimoine. Les programmes de signalement et de valorisation numérique des fonds patrimoniaux seront développés notamment dans le cadre de Gallica Territoires et la numérisation partenariale sera renforcée. Pour répondre à la demande des bibliothèques, une diversification de l'offre d'outils numériques mutualisés interviendra en particulier avec les services liés au Catalogue collectif de France.

5) La mise à disposition de l'expertise de la BnF à des communautés professionnelles sera étendue dans le cadre de SPAR et de son offre de tiers archivage, du projet PLATON (Plateforme de transfert des ouvrages numériques) pour la réception des dépôts, par la publication annuelle des références des livres indisponibles à destination des éditeurs, auteurs et ayants droit sur le service Internet ReLIRE et par la participation de la BnF à la constitution d'un registre des métadonnées.

6) La consolidation des engagements internationaux de la BnF passera par le développement d'Europeana et des relations avec les établissements analogues. De même dans le cadre du Réseau numérique francophone la BnF enrichira le portail dédié et développera par ailleurs sa contribution à la francophonie. Une ambitieuse politique de coopération internationale s'appuiera sur l'expertise de la BnF.

7) La participation aux programmes de recherche nationaux et internationaux sera développée. En particulier, la BnF entend progresser sur la connaissance des usages en ligne du patrimoine numérique.

L'optimisation des ressources de la Bibliothèque devra mobiliser des gains d'efficacité .

1) Les ressources humaines devront être adaptées au nouveau contexte. Une cartographie des emplois et un état prévisionnel des besoins seront dressés alors que les métiers des agents sont appelés à évoluer.

2) Les ressources propres devront être accrues . À ce titre est curieusement mentionnée l'extension des partenariats, mais les objectifs chiffrés portent sur le développement du mécénat (un maintien à 13,6 millions d'euros pour la période) et les recettes d'exploitation avec une cible à 9,3 millions d'euros en 2016 contre 7,52 millions en 2014.

3) Une évaluation des modes de gestion qui devrait permettre des économies, en particulier dans les fonctions de maintenance et de logistique.

4) L'adaptation des actifs immobiliers et informatiques avec, en particulier, l'achèvement de la phase 1 du chantier « Richelieu » et l'actualisation du schéma immobilier.

5) Une contribution aux impératifs de développement durable.

Source : Confiance, partage, innovation ; contrat de performance 2014-2016 : BnF, Ministère de la culture

Ces « priorités » ne révolutionnent pas l'objet social de la BnF.

b) Pour une ambition

À la BnF s'impose de répondre à la question, identitaire, de son sens. Elle ne trouvera d'issue heureuse que dans la « désinhibition » de la BnF et le retour à de grandes ambitions.

Celles-ci supposent des choix d'identité autour de sa vocation communicationnelle . Quelle doit être la destination précise de ses sites physiques (ouvrir ou spécialiser), c'est toute la question ? L'audition du président de la BnF par votre commission de la culture s'est révélée, sur ce point, rassurante. La BnF va faire des efforts d'ouverture, notamment vers les jeunes publics. Il faut s'en féliciter et l'encourager.

Par ailleurs, la grande affaire de la BnF est évidemment devenue l'adaptation de ses activités (le dépôt légal) et de ses propriétés (son patrimoine) au numérique.

Sur ce point, des critiques avaient pu être formulées dans le cadre du rapport mentionné de l'IGF. L'ambition numérique de la BnF, pour avoir alors été consacrée comme pertinente n'en avait pas moins été « égratignée ».

Elle avait été qualifiée « d'encyclopédique » par la mission confiée par le conseil de modernisation des politiques publiques en octobre 2008 à l'IGF. Celle-ci avait considéré que cette orientation était peu adaptée dans le contexte du développement très rapide de la bibliothèque numérique universelle du moteur de recherche Google. Elle avait fait valoir que la numérisation « productiviste » conduite par la BnF ne découlait pas de choix raisonnés de valorisation patrimoniale alors même que la perspective de concurrencer le géant américain était illusoire.

De fait, le projet de bibliothèque numérique de Google se déploie irrésistiblement, malgré les péripéties qu'il rencontre.

Google et le livre, une conquête brutale et ambiguë

Déjà doté d'un catalogue de 7 millions d'ouvrages numérisés en 2008, Google avait numérisé 20 millions de livres en 2013. Les livres numérisés par Google proviennent de bibliothèques partenaires dont de nombreuses bibliothèques universitaires (Harvard, Oxford, Stanford...) mais aussi quelques grandes bibliothèques publiques, généralement locales parmi lesquelles la bibliothèque de Bavière, de New York et, en France, la bibliothèque municipale de Lyon.

Cette opération s'est faite à marche forcée et elle a suscité de vives réactions de la part des éditeurs et des auteurs dont les épisodes juridiques, judiciaires ou contractuels, ne sont pas arrivés à leur terme.

Des actions judiciaires ont été engagées contre Google qui n'avait ménagé aux ayants droit qu'une faculté de demander le retrait de leurs ouvrages ( opt-out ) moyennant un accord de dédommagement passé avec quelques représentants nationaux d'éditeurs couvrant les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l'Australie.

Un temps invalidé par le juge américain enjoignant les parties à passer à un système d' opt-in , c'est-à-dire d'autorisation préalable, cet accord a finalement été validé au nom du principe d'usage équitable (« fair use ») dès lors que seuls des extraits des livres sous droits sont consultables sur le site.

À côté de ces événements judiciaires, des accords ponctuels ont été conclus avec quelques grands éditeurs, dont Hachette. Leurs termes ne sont évidemment pas tous connus.

Quels que soient les objectifs stratégiques de la firme (certains évoquent une opération de « data mining » destinée à améliorer les performances du moteur de recherche qui en fait la valeur), on peut illustrer la position dominante de Google et celle, relative, de la bibliothèque numérique de la BnF en mentionnant l'expertise de l'IGF selon laquelle, la bibliothèque numérique de la BnF atteindra au mieux la taille du seul fonds ancien de la bibliothèque municipale de Lyon. Or, celle-ci ne représentait à l'époque du rapport de l'IGF que 5 % des ouvrages disponibles sur Google Book Search. Depuis, cette échelle de grandeur a encore chuté.

Ce n'est pas sans raison qu'une inflexion vers des choix plus qualitatifs avait été recommandée par la mission. Toutefois, cette suggestion paraît à votre rapporteur pour avis tomber un peu à plat. La numérisation effectuée par la BnF, quantitativement distancée par Google, la devance sans conteste sur le plan qualitatif.

Il faut y voir une perspective heureuse, sous la condition qu'elle soit pleinement valorisée. La BnF doit imposer son modèle de « good book » versus le « fast book » des géants de l'Internet sans pour autant réserver ses productions numériques à un cercle trop restreint. Mission difficile mais ardente obligation.

La numérisation est évidemment un objectif majeur et justifié de la BnF .

Depuis 2007, le volume des ouvrages concernés est passé de 6 000 à 100 000 ouvrages numérisés par an (objectif). Cet objectif est passé par la conclusion de contrats de numérisation de masse avec des entreprises privées à travers une structure filiale dédiée BnF Partenariats.

Pour mener à bien la numérisation de son patrimoine, la BnF a conclu des contrats via une filiale BnF Partenariats, répondant par-là semble-t-il à une exigence de son financeur public, la Caisse des dépôts et consignations. Ainsi que l'a reconnu le Président de la BnF lors de son audition par votre commission de la culture, le 20 octobre dernier, la préoccupation de diversifier les financements des missions de la BnF a joué un grand rôle dans le montage créé pour procéder aux opérations de numérisation. La BnF a trouvé auprès de la Caisse des dépôts et consignations des financements dans le cadre des fonds gérés par elle pour réaliser le programme d'investissements d'avenir. Ces apports sont conditionnés à la conclusion de partenariats et d'un retour sur investissement.

Quelques éclaircissements sur l'impact financier ultime de ce choix mériteraient d'être apportés à l'heure où les écarts de taux entre emprunteurs publics et privés atteignent des sommets.

Sur un autre plan, on peut mentionner que les deux inspections qui se sont récemment penchées sur la BnF (voir supra ) font valoir que la formule du partenariat permet à la numérisation de se faire plus rapidement que si elle était traitée en propre par la BnF. Les moyens techniques des entreprises partenaires permettent ainsi une accélération bienvenue. Pour autant, des difficultés sont apparues dans l'exécution de certains contrats, les documents du fonds de la BnF ayant de fortes singularités. Par ailleurs, les effets sur les lecteurs des documents ainsi numérisés créent un trouble. Bousculant les habitudes des usagers, la consultation et l'utilisation des documents concernés est désormais onéreuse, même lorsque les oeuvres sont libres de droit. Il est souhaitable que le consentement à payer soit favorisé par une pratique subtile de « l'onéreux ».

En toute hypothèse, la BnF semble progresser sur la voie de la numérisation mais il serait souhaitable de dépasser certaines inerties.

Il faut relever d'abord que le dépôt légal numérique a connu d'heureux progrès. La Hadopi a su protéger la BnF, en luttant efficacement contre les mesures de protection techniques excessives dont certains assujettis ont indûment accompagné l'observance de leurs obligations.

La BnF a su mobiliser le concours du Centre national du livre pour contribuer efficacement au plan de numérisation des livres indisponibles du XX è siècle (voir infra ). Il reste que sa contribution est limitée par le rôle de teneur de liste que lui a conféré la loi et dont il s'acquitte avec la base ReLire. En revanche, la BnF ne peut numériser les livres sous droits qu'à la condition d'obtenir une licence le lui permettant. Un choix alternatif aurait pu donner un rôle moins secondaire à la BnF dans l'opération de numérisation en question.

Par ailleurs, la BnF a considérablement développé sa bibliothèque numérique en ligne Gallica à partir tant de son fonds propre que des fonds des éditeurs ou des bibliothèques partenaires. À la fin 2013, le nombre des documents en ligne, qui s'élevaient à 531 157 en décembre 2008, est de 2 890 030, soit à peu près la cible fixée.

En 2013, 788 900 documents ont été mis en ligne, soit une progression de 37,5 % auxquels s'ajoutent 347 232 documents sous droits accessibles via le site intra-muros . Les performances de fréquentation de Gallica s'améliorent. Celle-ci progresse avec + 30 % de visites en 2013 à 14,2 millions. Par ailleurs, la durée moyenne de visite est jugée satisfaisante (plus de 14 minutes). Cependant, par rapport à la cible du contrat de performance, l'objectif initial n'a été atteint qu'à hauteur de 75 %, obligeant à une réduction des ambitions en cours de route.

Enfin, la BnF est le premier contributeur au projet de bibliothèque européenne Europeana, la France fournissant près de la moitié de son contenu depuis son ouverture au public.

Cependant le paysage n'est pas seulement idyllique.

Le coût de la numérisation est élevé. Elle engage un coût direct, celui du processus de numérisation lui-même, et des coûts connexes, de stockage et de conservation à long terme, qui sont récurrents. Les coûts directs de numérisation s'élevaient à 43,7 euros par ouvrage à l'époque de la rédaction du rapport. Étant donné les objectifs de numérisation de la BnF, 300 000 documents sur trois ans, le coût direct annuel s'en déduit (4,37 millions d'euros). Les coûts indirects sont nettement supérieurs. En toute hypothèse, les moyens disponibles semblent avoir été insuffisants dans le passé pour aboutir aux objectifs sélectionnés par la bibliothèque. En particulier, le programme de numérisation de la presse aurait dû être ralenti ainsi que l'archivage numérique des fonds audiovisuels.

Bien entendu, les opérations de conservation et de mise en valeur de son patrimoine écrit (monographies, journaux...) sont une contrainte forte en même temps qu'un défi pour un établissement dont la fréquentation, au mieux, stagne.

Toutefois, les arbitrages fonctionnels auxquels a conduit la situation financière de la BnF dans le passé peuvent apparaître paradoxaux puisque la réduction des moyens consacrés aux collections qu'ils ont entraînée a été considérable, supposant une forte diminution de la part des dépenses consacrées aux opérations de numérisation (de 44 % en 2009 à 24 % en 2011). Des opérations portant sur des documents fragiles ont été reportées, les productions d'e-pub ont été bien inférieures aux objectifs et la numérisation des journaux anciens a pris un retard préoccupant au vu des enjeux de conservation.

S'il est regrettable que la contrainte budgétaire soit ainsi reportée sur ce qui est une grande priorité de l'établissement, il faut nuancer cette remarque. Des raisons techniques en lien avec le recours par la BnF à des contrats de partenariat qui peuvent demander un assez long temps d'élaboration ont sans doute joué et la baisse des prix de certaines opérations est alléguée par les deux inspections pour expliquer la diminution observée.

Si la numérisation a progressé à un rythme globalement satisfaisant, il faudra entre deux et trois décennies au rythme actuel pour numériser le fonds ce qui n'est guère acceptable. C'est en ce sens qu'on peut admettre l'utilité de choix plus ciblés. Ils permettraient d'optimiser le programme de numérisation placé sous une contrainte budgétaire qui risque de se renforcer à l'avenir compte tenu des observations exprimées sur les hypothèques budgétaires auxquelles la BnF est confrontée.

Mais, il ne faut pas exclure une « sortie par le haut ». À cet égard, la situation d'Europeana est consternante . Il appartient aux bibliothèques publiques de l'Union européenne de contribuer à promouvoir un projet ambitieux dans la perspective de structurer une offre de lecture de qualité dont les impacts sont susceptibles d'aller bien au-delà des murs des bibliothèques. Il faut encourager la BnF à porter un tel dessein qu'inexplicablement la programmation budgétaire européenne a complètement délaissé.


* 4 Audition de M. Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France (BnF) le 20 octobre 2014.

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