EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. DES AGENCES SANITAIRES SOUS FORTE PRESSION BUDGÉTAIRE MALGRÉ L'ATTRIBUTION DE MISSIONS NOUVELLES

Le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui relève de la responsabilité de la direction générale de la santé, poursuit trois objectifs généraux :

- piloter le réseau des agences sanitaires et animer celui des agences régionales de santé (ARS) ;

- développer les stratégies de santé publique et réduire la vulnérabilité de la population face à des évènements sanitaires graves ;

- moderniser l'offre de soins et garantir sa qualité.

La mise en oeuvre de ces orientations se décline en huit actions. L'ensemble d'entre elles se caractérisent, par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, par une diminution des crédits, à l'exception de celle destinée au pilotage de la politique de santé publique.

Cette dernière vise principalement à mieux coordonner et relayer les actions de santé publique, à travers, par exemple, le renforcement des systèmes d'information de gestion des crises ou l'amélioration du fonctionnement de la Conférence nationale de santé.

Figure n° 2 : Evolution des crédits des actions du programme 204 entre 2014 et 2015 (à périmètre constant)

(en millions d'euros en AE et en CP)

Intitulé de l'action

LFI 2014

PLF 2015

Variation

11 Pilotage de la politique de santé publique

85,2

93,2

+ 9,3 %

12 Accès à la santé et éducation à la santé

26,3

25,2

- 4,3 %

13 Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins

8,8

7,9

- 10,0 %

14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

65,9

62,1

- 5,6%

15 Prévention des risques liés à l'environnement, au travail et à l'alimentation

21,0

18,1

- 13,9%

16 Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires

18,2

11,6

- 36,4%

17 Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain

144,9

138,6

- 4,3%

18 Projets régionaux de santé

130,9

123,9

- 5,3%

19 Modernisation de l'offre de soins

189,4

170,1

- 10,2%

Total

690,6

650,66

- 5,8%

Source : Commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performance 2015 de la mission « Santé » et des réponses au questionnaire du rapporteur spécial)

La diminution des crédits du programme 204 s'explique assez largement par l'importance des efforts de rationalisation et de baisse des dépenses de fonctionnement auxquels sont appelées les agences sanitaires. A cet égard, l'évolution de l'enveloppe budgétaire tient également compte des orientations définies par le projet de loi relatif à la santé présenté en Conseil des ministres le 15 octobre 2014 dans le prolongement de la stratégie nationale de santé lancée par le Gouvernement en 2013.

Votre rapporteur juge légitime et logique qu'une contribution soit demandée aux opérateurs sanitaires en particulier comme à l'ensemble des opérateurs de l'Etat. Il relève cependant que l'ampleur des efforts demandés atteint progressivement un stade critique si l'on en juge d'après les profondes inquiétudes exprimées par chacun d'entre eux. Ces tensions apparaissent d'autant plus fortes qu'elles interviennent dans un contexte de relative incertitude sur la refonte du paysage des agences sanitaires telle qu'envisagée par le Gouvernement dans le projet de loi relatif à la santé.

A. D'IMPORTANTES BAISSES DE MOYENS DANS LE CONTEXTE D'UNE RESTRUCTURATION À VENIR PAR LA PROCHAINE LOI DE SANTÉ

1. Huit agences sanitaires aux caractéristiques diverses financées en partie sur le programme 204

A travers le programme 204, le projet de loi de finances pour 2015 finance, à titre principal ou complémentaire, huit opérateurs de l'Etat participant à la mise en oeuvre des politiques nationales de prévention et de sécurité sanitaire.

De tailles diverses, ces opérateurs créés au fil du temps, sans schéma d'organisation global, sont tous placés sous la tutelle exclusive du ministère de la santé et des affaires sociales à l'exception de trois d'entre eux - l'Anses, l'Inca et l'EHESP - dont la tutelle reste partagée.

Figure n° 3 : Présentation des huit agences sanitaires subventionnées par le programme 204 en 2015

Opérateur

Missions

Budget

Agence nationale
de sécurité du médicament ( ANSM )

Instituée par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé, elle s'est substituée le 1 er mai 2012 à l'Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (Afssaps).

Sa mission est double : garantir la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie et garantir à tous les patients un accès équitable à l'innovation.

Son budget (environ 135 M €) est couvert principalement par une subvention de l'Etat qui représente 86 % des crédits de l'action 17 .

Les autres ressources de l'agence sont constituées de produits provenant de l'agence européenne du médicament (EMA), de l'OMS, du Conseil de l'Europe ainsi que de conventions d'études et de recherche.

Agence nationale
de sécurité sanitaire de l'alimentation, du travail et de l'environnement ( Anses )

Créée le 1 er juillet 2010 par la fusion de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), elle fournit une expertise scientifique indépendante et pluridisciplinaire. Elle peut être saisie par les associations de consommateurs, de protection de l'environnement et de défense des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles (AT-MP).

La tutelle de l'agence étant partagée entre plusieurs ministères (santé, agriculture, environnement, travail, consommation), son budget (environ 130 M €) est couvert par des subventions issues de différents programmes. La subvention inscrite au programme 204 compte pour environ 75 % des crédits de l'action 15 .

Les autres ressources de l'agence sont issues notamment de taxes sur les produits phytosanitaires et de crédits de recherche.

Agence de la biomédecine ( ABM )

Outre les missions relatives au prélèvement et à la greffe d'organes, de tissus et de cellules confiées depuis 1994 à l'Etablissement français des greffes (EFG), elle assure, en application de la loi relative à la bioéthique de 2004 , des missions transversales (scientifiques, éthiques et régaliennes) dans quatre grands domaines de la biologie et de la médecine humaine (reproduction, embryologie, diagnostic prénatal, génétique, recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires). La loi de bioéthique de 2011 lui assigne de nouveaux objectifs (baisse du taux d'opposition au don d'organes, élargissement du cercle des donneurs vivants et de recours au don croisé, évaluation des pratiques du dépistage de la trisomie 21).

Son budget (environ 87 M €) est couvert à hauteur d'environ 16 % par la subvention du programme 204 qui représente environ 10 % de l'action 17 .

Ses recettes sont en outre constituées d'une dotation globale versée par l'assurance maladie, de ressources propres (registre France Greffe de moelle et Eurocord), et d'autres subventions versées dans le cadre du plan Cancer et par des organismes internationaux.

Opérateur

Missions

Budget

Institut national
de prévention et d'éducation pour
la santé ( Inpes )

Institué par la loi relative à la politique de santé publique de 2004 , il met en oeuvre, pour le compte de l'Etat et de ses établissements publics, des programmes de santé publique et apporte son concours à la mise en oeuvre des projets régionaux de santé (PRS).

Son budget (environ 84 M €) est constituée d'une subvention qui représente 96 % des crédits de l'action 12 , d'une dotation de l'assurance maladie, de recettes fiscales, d'une subvention de la Cnav et de ressources propres.

Etablissement
de préparation
et de réponse aux urgences sanitaires ( Eprus )

Créé par la loi de 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur , il assure la gestion des moyens de lutte contre les menaces graves, tant du point de vue humain (réserve sanitaire) qu'au plan matériel (produits de santé).

Son budget (environ 143 M €) est constitué d'une subvention qui représente 92 % des crédits de l'action 16 .

Institut national
de veille sanitaire ( InVS )

Créé par la loi du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme , il a pour mission la surveillance et l'observation permanentes de l'état de santé de la population, la veille et la vigilance sanitaires, l'alerte sanitaire et une contribution à la gestion des situations de crise sanitaire.

Son budget (environ 60 M €) est constitué à hauteur de 92 % de la subvention inscrite au programme 204 où elle représente environ 58 % des crédits de l'action 11.

Institut national du cancer (INCa)

Créé en 2005 sous la forme d'un GIP entre l'État et les principaux acteurs de la lutte contre le cancer (Cnam, INSERM, CNRS, fédérations hospitalières, associations de patients), il est chargé de coordonner les actions de lutte contre le cancer.

Sa tutelle étant partagée entre plusieurs ministères (santé, recherche), son budget (environ 97 M €) est constitué de plusieurs subventions. Celle inscrite au programme 204 représente environ 87 % des crédits de l'action 14 .

Ecole des hautes études en santé publique ( EHESP )

L'EHESP assure la formation des personnes ayant à exercer des fonctions de direction, de gestion, d'inspection ou de contrôle dans les domaines sanitaires, sociaux ou médico-sociaux et assure un enseignement supérieur et des activités de recherche en santé publique.

Sa tutelle étant partagée par plusieurs ministères (santé, enseignement supérieur et recherche), son budget (environ 57 M €) est constitué de plusieurs subventions. Celle inscrite au programme 204 représente environ 13 % des crédits de l'action 11. L'établissement dispose par ailleurs de ressources propres.

Source : commission des affaires sociales

2. La poursuite de la réduction des subventions pour charges de service public et des plafonds d'effectifs

Dans la continuité des précédents exercices, les agences sanitaires relevant du programme 204 devront s'astreindre à de nouveaux efforts de productivité et d'efficience pour prendre leur part dans les mesures de redressement des finances publiques. La poursuite de cette démarche de rationalisation se traduit par la réduction tant des subventions pour charges de service public allouées aux agences que des plafonds d'emplois auxquels ces dernières sont soumises.

Pour 2015, le projet de loi de finances réduit de près de 14 millions d'euros les crédits dédiés aux subventions pour charges de service public inscrits sur le programme 204. Leur montant total est ainsi ramené de 315 millions cette année à 301 millions d'euros l'année prochaine, soit une baisse de 4,4 % à périmètre constant . A l'horizon 2017 selon la programmation pluriannuelle, la réduction devrait atteindre 12,9 %.

Le taux de réduction des subventions est ainsi largement supérieur à l'objectif fixé par la lettre de cadrage du Premier ministre du 7 mai 2014. Celle-ci prévoyait en effet une contraction d'au moins 2 % en 2015.

Figure n° 4 : Evolution des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme 204

(en millions d'euros)

Opérateur

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation 2014/2015

Agence de la biomédecine (ABM)

13,6

15,1

14,9

- 1,3 %

Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)

116,4

123,3

119,3

- 3,2 %

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)

13,3

13,7

13,6

- 0,7 %

Ecole des hautes études en santé publique (EHESP)

10,3

10,4

10,0

- 3,8 %

Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus)

15,2

17,3

10,7

- 38,2%

Institut national du cancer (INCa)

52,3

55,6

54,2

- 2,5 %

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES)

12,9

24,1

24,0

- 0,4 %

Institut national de veille sanitaire (InVS)

53,7

55,5

54,3

- 2,2 %

Total à périmètre constant

315,0

301,0

- 4,4 %

Source : Commission des finances du Sénat (à partir du projet annuel de performance de la mission « Santé » pour 2015)

Si tous les opérateurs sans exception sont concernés par la baisse des subventions, l'Eprus, l'ANSM, l'Inca et l'InVS sont particulièrement touchés.

La très forte réduction de la subvention de l'Eprus, qui atteint 38 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014, tient compte, selon le projet annuel de performance de la mission « Santé », « des économies réalisées par l'établissement sur le dispositif de stockage, sur le programme de rationalisation du renouvellement des produits et sur ses dépenses de fonctionnement ainsi que de l'objectif de diminution du niveau de son fonds de roulement prévisionnel à horizon 2015 ». Depuis 2011, l'établissement s'est en effet engagé dans une démarche de rationalisation du renouvellement des stocks de produits de santé visant à lisser ses acquisitions sur plusieurs exercices. La réduction de la subvention inscrite au programme 204 s'inscrit plus généralement dans la perspective de la fusion de cet établissement avec l'InVS et l'INPES au sein d'un opérateur unique qui devrait être opérationnel à compter de 2016.

En 2015, la subvention allouée à l'ANSM, qui constitue quasiment la seule ressource de l'agence, devrait quant à elle s'élever à un peu plus de 119 millions d'euros, ce qui correspond à une baisse de 3,2 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances pour 2014 et de 7,2 % par rapport à ceux votés pour 2013. La dotation destinée à l'Inca diminue quant à elle de 1,4 million d'euros, soit une baisse de 2,5 % par rapport à 2014.

Parallèlement à cette baisse des subventions, la diminution des plafonds d'autorisations d'emplois devrait atteindre 2 % en 2015, tous opérateurs confondus. Le plafond d'ETPT autorisés passe ainsi de 2 579 ETPT en 2014, à 2 527 ETPT en 2015, soit une suppression de 52 emplois.

Figure n° 5 : Evolution du nombre d'emplois des opérateurs rémunérés par le programme 204

Opérateur

LFI 2014

PLF 2015

Variation 2014 et 2015

(sous plafond)

sous plafond

hors plafond

sous plafond

hors plafond

Agence de la biomédecine (ABM)

256

15

251

16

- 5 (- 2,0 %)

Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)

1 003

6

983

6

- 20 (- 2,0 %)

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)

1255

70

1281

70

+ 26 (+ 2,0 %)

Ecole des hautes études en santé publique (EHESP)

337

64

329

71

- 8 (- 2,4 %)

Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus)

30

0

30

0

0,0 %

Institut national du cancer (INCa)

154

10

151

12

- 3 (-1,9 %)

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes)

129

4

127

5

- 2 (- 1,6 %)

Institut national de veille sanitaire (InVS)

402

9

392

9

- 10 (- 2,5 %)

Total sous plafond

2 579

110

2 527

121

- 52 (- 2,0 %)

Source : Projet annuel de performance (PAP) de la mission « Santé » pour 2015

En volume, l'ANSM demeure l'opérateur le plus touché par la baisse du nombre d'ETPT . Son plafond d'emplois est fixé à 989 ETPT pour 2015, soit une diminution de 20 ETPT - c'est-à-dire 2 % de ses effectifs - au regard du plafond inscrit en loi de finances initiales pour 2014. Par rapport à 2013, la baisse atteint 28 ETPT. Dans la perspective de sa fusion avec l'INPES et l'Eprus en 2015, l'InVS devra composer avec une baisse de 10 ETPT, les effectifs de deux autres agences restant quasiment stables.

Dans le cadre d'une seconde délibération sur le projet de loi de finances pour 2015, l'Assemblée nationale a adopté à l'initiative du Gouvernement un amendement qui minore encore davantage les crédits du programme 204. Une baisse supplémentaire de 3 millions d'euros est en effet prévue, justifiée par « la poursuite de l'effort de rationalisation des missions portées par les opérateurs sanitaires ».

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