III. UNE MODERNISATION CONTINUE DES OPÉRATEURS ET DES DISPOSITIFS DE SOLIDARITÉ À DESTINATION DES ANCIENS COMBATTANTS
La reconnaissance de la Nation envers ses anciens combattants et leurs ayants-droit ne se traduit pas seulement par le versement de la retraite du combattant ou l'indemnisation de l'invalidité causée par le service mais également par une politique d'action sociale et d'aide aux plus défavorisés d'entre eux à toutes les étapes de leur vie.
Complément indispensable des prestations d'ordre général, la solidarité nationale envers les anciens combattants en difficulté est mise en oeuvre par deux établissements publics de l'Etat, l'Onac et l'Institution nationale des invalides (INI). A l'aube de transformations majeures dans les caractéristiques des populations d'anciens combattants, avec le vieillissement de la majeure partie d'entre eux et l'apparition d'une nouvelle génération d'âge actif, elle doit s'adapter à ces nouveaux besoins et moderniser son cadre juridique et ses modalités d'intervention.
A. L'ONAC ET L'INI, DES OPÉRATEURS EN PLEINE MUTATION
Opérateur de proximité au service du monde combattant, l'Onac a connu depuis 2007 d'importantes réformes qui ont élargi ses attributions et modernisé son fonctionnement dans un contexte budgétaire difficile. La disparition de la DSPRS lui a confié l'entretien et la rénovation des nécropoles et des hauts lieux de mémoire, le traitement de l'ensemble des cartes et titres, la liquidation de la retraite du combattant ou encore la réception des demandes de PMI, instruites ensuite par la DRH-MD. Depuis 2014, l'Onac est devenu le guichet unique auquel peuvent s'adresser les harkis et les rapatriés au sujet des prestations auxquelles ils sont éligibles. Il devrait absorber la mission interministérielle aux rapatriés, tandis que le service central des rapatriés devrait devenir, à terme, l'un de ses pôles spécialisés.
Devant ces profondes mutations , qui peuvent être source de tensions pour une structure aussi symbolique que l'Onac, celui-ci a réussi à se réorganiser , créant plusieurs pôles déconcentrés dédiés à des missions particulières (gestion des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire, traitements des demandes de cartes au titre des Opex, etc.) et spécialisés sur une thématique. Il a dans le même temps réussi à maintenir son maillage départemental , auquel le monde combattant est très attaché et qui lui permet d'assurer un service de proximité à destination de tous ses ressortissants.
L'Onac a toutefois dû faire de très importants efforts en matière de gestion des ressources humaines . Notre collègue Philippe Marini a calculé qu'entre 2008 et 2012, pour ses missions traditionnelles, ses effectifs avaient diminué de 14,4 % 41 ( * ) . Comme l'a souligné sa directrice générale à votre rapporteur pour avis lors de son audition, les transferts de compétences ont très rarement été accompagnés des moyens humains afférents ou des connaissances techniques nécessaires à leur exercice. Au final, la rationalisation de l'organisation a permis de dégager un gain de cent cinquante emplois grâce à la simplification des procédures et à la mutualisation du travail.
Dans le même temps, l'Onac doit s'adapter à l'évolution du nombre et des besoins de ses ressortissants . Selon les travaux réalisés cette année par le contrôle général des armées, ils étaient près de 3 millions en 2013 mais leur nombre devrait diminuer de 21 % sur les cinq prochaines années et de 38,5 % sur dix ans, pour s'établir aux alentours de 1,8 millions .
Tableau n°
12
: Evolution du
nombre de ressortissants de l'Onac
entre 2013 et 2023
2013 |
2018 |
2023 |
Evolution |
|
Combattants 42 ( * ) |
1 419 300 |
1 187 400 |
922 400 |
- 35 % |
Titulaires d'une pension militaire d'invalidité (PMI) ou d'une pension de victime civile (PVC) 43 ( * ) |
131 500 |
93 000 |
64 200 |
- 51 % |
Total des ayants droit |
1 550 800 |
1 280 400 |
986 600 |
- 36,4 % |
Ayants cause des titulaires d'une PMI ou d'une PVC |
80 200 |
72 300 |
45 800 |
- 42,9 % |
Veuves de ressortissants |
1 128 400 |
799 500 |
655 300 |
- 41,9 % |
Orphelins de guerre |
222 700 |
200 600 |
147 100 |
- 33,9 % |
Total des ayants cause |
1 431 300 |
1 072 400 |
848 200 |
- 40,7 % |
Total des ressortissants |
2 984 100 |
2 352 800 |
1 834 800 |
- 38,5 % |
Source : Contrôle général des armées
Ce constat démographique s'impose à l'Onac et conditionne les choix stratégiques qui vont être les siens dans les années à venir. Confronté d'un côté au vieillissement avancé de la majeure partie de ses ressortissants, qui restent issus des générations du feu des conflits du vingtième siècle, et de l'autre à la montée en puissance de la quatrième génération du feu , dont les membres vont pouvoir bénéficier de la carte du combattant avant trente ans, l'Office va devoir adapter son offre de services en conséquence . Les femmes et les hommes ayant servi en Opex ont bien peu en commun avec les soldats des deux guerres mondiales ou de la guerre d'Algérie. Leurs attentes et leurs besoins, notamment en matière de reconversion et d'accompagnement professionnels, sont différents et il appartient à l'Etat, via l'Onac, d'y répondre.
Pour remplir ses missions, l'Onac est financé grâce à une subvention pour charges de service public . D'un montant de 57,35 millions d'euros en 2015, elle est en très légère baisse par rapport à 2014 ( 57,47 millions d'euros ) en raison de la suppression de cinq équivalents temps plein travaillé (ETPT), pour un effectif de 875 ETPT en 2015. Ce niveau était déjà le sien en 2011 : corrigée de l'inflation, elle diminue donc depuis quatre ans déjà .
La traduction de ces nouvelles orientations se trouve dans le contrat d'objectifs et de performance (COP) conclu entre l'Etat et l'Onac pour la période 2014-2018 et approuvé par son conseil d'administration le 20 octobre dernier. Il prend la suite du contrat d'objectifs et de moyens (COM) qui couvrait la période 2009-2014 et est construit autour de quatre axes :
- recentrer l'action de l'Office sur ses publics et ses missions fondamentales ;
- adapter la politique sociale de l'établissement à la diversité de ses ressortissants et garantir les droits des rapatriés ;
- conforter la promotion de la mémoire au niveau local ;
- conforter et rationaliser le maillage territorial de l'Office et poursuivre l'effort de modernisation des méthodes et outils d'administration et de gestion.
Le COP identifie clairement les priorités qui doivent être celles de l'Onac pour les quatre prochaines années, en particulier améliorer sa visibilité auprès de la quatrième génération du feu, s'engager davantage en faveur de la réadaptation et de la réinsertion des militaires blessés mais aussi parvenir à transmettre ses établissements médico-sociaux à des acteurs professionnels des secteurs concernés afin d'assurer leur pérennité.
L'Onac gère en effet neuf écoles de reconversion professionnelle (ERP) et huit établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). 97 % des stagiaires accueillis par les ERP sont des travailleurs handicapés qui y sont orientés par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), tandis que les ressortissants de l'Onac ne représentent que 48 % des résidents des Ehpad. Ne correspondant plus au coeur de métier de l'Office et financées essentiellement par les agences régionales de santé (ARS) et les départements, ces structures pèsent sur ses comptes.
Leur cession est envisagée depuis plusieurs années mais s'est jusqu'à présent heurtée à d'importantes difficultés juridiques. Le rapport de la MAP de 2013 et les décisions prises par le Cimap ont relancé ce processus. Votre rapporteur pour avis partage l'appréciation de la directrice générale de l'Onac selon laquelle il est nécessaire de le mener à bien dans les meilleures conditions car ces établissements représentent une « épée de Damoclès » pesant sur l'Onac. Il faut donc s'assurer que l'ensemble des ERP seront transférées à un même organisme , car elles représentent aujourd'hui 30 % de l'offre publique en la matière et sont quasiment les seules à proposer des formations permettant l'acquisition d'un BTS. Quant aux Ehpad, il faut chercher, après un dialogue avec les ARS, à les adosser à des établissements publics hospitaliers locaux. Dans ces deux cas, une concertation avec le monde combattant doit avoir lieu et ses représentants siégeant au conseil d'administration de l'Onac doivent être associés à la procédure afin d'éviter qu'elle n'aboutisse au démantèlement d'un outil mis en place pour les « gueules cassées » il y a plus de quatre-vingt-dix ans.
De son côté, l'Ini est la « maison des combattants âgés, malades ou blessés au service de la patrie » (art. L. 528 du CPMIVG). Elle accueille, dans un centre de pensionnaires qui compte 91 lits, les invalides bénéficiaires du CPMIVG, dispense des soins en consultation ou en hospitalisation dans son centre médico-chirurgical et participe aux études et à la recherche sur l'appareillage des handicapés. Elle bénéficie en 2015 d'une subvention pour charges de service public d'un montant identique à celui de 2014, soit 12,09 millions d'euros .
Après un COP 2010-2013 qui s'est conclu par une mission d'audit interministérielle IGF-Igas-CGA dont votre rapporteur pour avis n'a pu obtenir les conclusions, la conclusion du prochain COP est suspendue à l'avancée des réformes du service de santé des armées (SSA) et de ses hôpitaux d'instruction des armées (HIA) en région parisienne. La fermeture de l'hôpital du Val-de-Grâce, annoncée pour 2017, pourrait être accompagnée de celle du centre de soins de l'Ini.
De plus, des modifications législatives de son statut seront bientôt examinées par le Parlement. En effet, l'article 55 du projet de loi relatif à la santé , déposé à l'Assemblée nationale le 15 octobre 2014, habilite le Gouvernement, par ordonnance, à « mettre en cohérence les dispositions législatives relatives au service de santé des armées et à l'Institution nationale des invalides » avec celles issues de ce projet de loi et à « adapter les dispositions relatives à l'organisation, au fonctionnement et aux missions du service de santé des armées et de l'Institution nationale des invalides ainsi que les dispositions pertinentes du code de la santé publique de manière à assurer une meilleure articulation de ce service et de cette institution avec les dispositifs de droit commun, et notamment celui du service public hospitalier, dans le respect des obligations particulières que ce service et cette institution assument au titre de la défense nationale ».
Votre rapporteur pour avis sera attentif aux modifications proposées afin de garantir qu'elles ne remettent pas en cause les spécificités de l'Ini dans les traitements et l'accompagnement qu'elle apporte aux anciens combattants.
* 41 Source : Philippe Marini, L'Onac-VG : un nouvel horizon pour de nouvelles missions, rapport d'information n° 132 (2013-2014) fait au nom de la commission des finances.
* 42 Titulaires de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation.
* 43 Et qui ne sont titulaires ni de la carte du combattant, ni du titre de reconnaissance de la Nation.