EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. APPROFONDIR LES LIENS QUI UNISSENT NOTRE NATION À SON ARMÉE
Le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » est le pilier des politiques publiques qui visent à rapprocher les Français de leur outil de défense , à entretenir auprès d'eux la mémoire des sacrifices consentis par ceux qui ont servi la France au combat tout au long du vingtième siècle et à rappeler le sens de leur engagement . Il assure le financement de la Journée défense et citoyenneté (JDC ; action n° 1), qui a pris la suite de la Journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) instituée lors de la suspension de l'appel sous les drapeaux. Il fixe également le cadre de la politique de mémoire du ministère de la défense (action n° 2).
Pour 2015, le montant des crédits de paiement demandés pour ce programme est de 41,75 millions d'euros , soit une baisse de 64,4 % par rapport à la loi de finances pour 2014. Cette forte diminution s'explique par la réforme de la gouvernance de la masse salariale au sein du ministère de la défense, qui passe par le regroupement de l'intégralité de ses crédits de titre 2 au sein du programme 212 « Soutien de la politique de défense » de la mission « Défense ». Les dépenses de personnel de la direction du service national (DSN), qui figuraient jusqu'à présent à l'action n° 1 du programme 167, en sont donc retirées alors qu'elles représentaient en 2014 75,1 millions d'euros.
Corrigés de ce transfert, les moyens affectés au fonctionnement de la JDC ne varient quasiment pas par rapport à l'an dernier et sont même en très légère hausse, à 19 millions d'euros (+ 300 000 euros). La politique mémorielle, après avoir connu deux années de très forte hausse (+ 43,3 % entre 2012 et 2013 puis + 33 % entre 2013 et 2014), connaît une légère baisse de ses crédits ( - 3,4 % ) pour l'année 2015.
Tableau n° 1 : Evolution des crédits de paiement du programme 167
(en millions d'euros)
Action |
LFI 2014 |
PLF 2015 |
Variation |
N° 1 : Journée défense et citoyenneté |
93,9 |
19,1 |
- 79,6 % |
N° 2 : Politique de mémoire |
23,5 |
22,7 |
- 3,4 % |
Total |
117,4 |
41,8 |
- 64,4 % |
Source : Projet annuel de performance de la mission annexé au PLF
Le déséquilibre entre les deux actions du programme constaté jusqu'à présent, la JDC représentant encore l'an dernier 80 % de ses crédits contre 20 % pour la politique de mémoire, est corrigé et même inversé avec le déplacement des crédits de titre 2 de la DSN vers le programme 212. Désormais, l'action n° 2 constitue 54 % de l'ensemble des crédits du programme contre 46 % pour l'action n° 1.
Votre rapporteur pour avis juge que la centralisation de l'intégralité des crédits de titre 2 du ministère de la défense au sein d'un même programme est une mesure de bonne gestion, qui doit permettre un meilleur pilotage et une meilleure maîtrise de la masse salariale et de l'évolution des effectifs, dans un contexte budgétaire très difficile pour la défense. Qui plus est, le maintien de l'effort en faveur d'une politique de mémoire ambitieuse traduit le succès des commémorations qui ont eu lieu en 2014 et la nécessité, pour les nombreuses échéances des années à venir (jusqu'en 2015 pour l'anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, jusqu'en 2018 pour le centenaire de la Première Guerre mondiale), de poursuivre dans la même voie afin de faire vivre dans notre société la mémoire des femmes et des hommes, anonymes ou illustres, qui ont façonné notre histoire au cours du siècle dernier.
A. APRÈS L'ACHÈVEMENT DE LA RÉFORME DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ, ALLER PLUS LOIN DANS L'ÉVEIL À LA CITOYENNETÉ ET À L'ESPRIT DE DÉFENSE
La JDC est au coeur du parcours de citoyenneté auquel est appelé tout jeune Français avant sa majorité. Elle doit être effectuée par l'ensemble d'une classe d'âge entre la date du recensement, obligatoire à seize ans, et l'âge de vingt-cinq ans. Avant cet âge, tout jeune qui ne serait pas en règle avec cette obligation ne peut se présenter aux concours et examens d'Etat, comme ceux du permis de conduire ou permettant l'accès à la fonction publique.
Un jeune réalise sa JDC à dix-sept ans et demi en moyenne, tandis qu'à vingt-cinq ans plus de 95 % 3 ( * ) d'une classe d'âge est en règle. Cela ne doit pas masquer le fait que plus de 33 500 jeunes n'ont pas participé à cette découverte de leur rôle de citoyen et de leurs forces armées, s'interdisant ainsi l'accès à la plénitude de leur citoyenneté. Il est indispensable que des efforts supplémentaires soient entrepris pour que l'intégralité des jeunes Français suive cette démarche à forte portée symbolique qui en fait des citoyens à part entière.
Graphique n° 2 : Evolution du nombre de participants à la Journée défense et citoyenneté (JDC)
Source : Ministère de la défense
La DSN et la JDC ont subi de profondes réformes afin de garantir l'effectivité de cette journée. Avec le transfert de sa mission de conservation des archives au service historique de la défense (SHD), la DSN a désormais pour unique mission l'organisation de la JDC. Celle-ci a lieu dans 259 sites 4 ( * ) dans l'hexagone et outre-mer et mobilise, en plus des 1 160 agents civils et militaires de la DSN affectés dans des centres du service national (CSN), 7 630 animateurs issus des armées et de la gendarmerie nationale, dont près d'un quart de réservistes.
Comme le reconnaissait le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, la vocation première de la JDC est la « sensibilisation à l'esprit de défense ». Afin de la recentrer sur cet aspect essentiel, une place plus large est désormais réservée à la présentation des enjeux de défense et de sécurité, via notamment la projection d'une dizaine de films courts relatifs aux missions, aux moyens et aux métiers des armées.
La JDC est également l'occasion pour d'autres organismes publics de sensibiliser les participants à des enjeux de société essentiels , comme le font, pour le don du sang, l'établissement français du sang ou, pour le service civique, l'agence du service civique. Ces partenariats sont indispensables car la JDC est un outil de communication sans équivalent en direction de la jeunesse française. Il convient toutefois de ne pas les multiplier , au risque de lui faire perdre sa cohérence d'ensemble et de la faire dévier de sa finalité première.
Confrontée à l'augmentation prévisible de l'effectif des classes d'âge ayant l'obligation de participer à la JDC, qui est estimé à 763 000 en 2015 mais devrait passer à 800 000 en 2018 , la DSN mène des projets de simplification des démarches à destination des jeunes. A terme, la dématérialisation des échanges sera totale, depuis le recensement en ligne jusqu'à la réception de la convocation à la JDC et de ses attestations.
Le taux de satisfaction des usagers de la JDC s'en ressent positivement puisque, telle qu'elle est présentée par l'indicateur 1.1 du programme, la qualité de la prestation offerte par la DSN et les armées est jugée satisfaisante par 87,7 % des participants en 2013 , en hausse de trois points par rapport à 2010. Le Gouvernement espère atteindre 88 % en 2014 puis 90 % à partir de 2015 pour cette évaluation de la JDC par chaque participant à la fin de la journée.
Tableau n° 3 : Mesure de la satisfaction des jeunes à l'issue de la JDC
Qualité de la prestation offerte
|
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 1 |
2015 2 |
84,4 % |
85,5 % |
86,2 % |
87,7 % |
88,3 % |
90 % |
|
Impact positif de la JDC
|
86,3 % |
86,1 % |
86,5 % |
88,3 % |
88,5 % |
90 % |
1 Au 15 juillet
2 Prévision
Source : Ministère de la défense
Par ailleurs, selon les résultats d'une enquête réalisée 5 ( * ) sur un panel représentatif de 10 751 jeunes, de huit à douze mois après l'accomplissement de leur JDC, 73 % d'entre eux ont trouvé la JDC intéressante et 88 % ont jugé qu'elle leur avait permis de s'informer sur les métiers de la défense.
Votre rapporteur pour avis est satisfait de constater que la très grande majorité des jeunes estiment que la JDC renforce leur connaissance des enjeux liés à la défense de notre pays et au lien consubstantiel que celle-ci entretient avec l'exercice de la citoyenneté. Il n'en reste pas moins qu'elle ne produit pas les mêmes effets sur le corps social et la jeunesse française que le service national .
Sans remettre en cause le bien-fondé de la professionnalisation de nos forces armées, indispensable pour faire face à l'évolution des menaces pesant sur notre pays, il est indéniable que la suppression de la conscription a eu pour résultat de fragiliser l'entrée des jeunes dans la communauté nationale , en faisant disparaître un creuset où les différences d'origine géographique et sociale s'estompaient, et qui constituait un lieu privilégié de l'apprentissage de l'autonomie et de sortie de l'adolescence.
Le service civique sous sa forme actuelle, qui repose sur le volontariat, est insuffisant puisqu'il ne devrait concerner que 45 000 jeunes en 2015 . Le jeudi 6 novembre dernier, le Président de la République a fait part de sa volonté d'élargir le service civique voire, à terme, de le rendre « universel » et obligatoire. Evoquant une durée de mission plus courte, deux ou trois mois contre six mois à un an aujourd'hui, il a précisé que son coût serait nul puisqu'il reposerait sur du temps « donné » par les volontaires.
Tout en regrettant le flou d'une telle annonce, votre rapporteur pour avis en partage la philosophie . Il semble toutefois nécessaire que la défense y soit davantage associée afin que cette période de service soit également l'occasion d'approfondir le lien armée-jeunesse ébauché lors de la JDC.
Il serait ainsi opportun de s'inspirer des différentes formes de préparations militaires (PM), stages d'initiation en immersion dans des unités qui permettent à des jeunes de découvrir la vie militaire et le métier de soldat. Avant de songer à les rendre obligatoires, il est indispensable de mieux les faire connaître auprès de ceux à qui elles s'adressent, c'est-à-dire les personnes de seize à trente ans, ce qui aurait sans nul doute pour effet d'en augmenter les effectifs. Ouvertes aux jeunes garçons comme aux jeunes filles, ces PM peuvent devenir l'ossature de cette expérience commune à une génération qui a disparu en 1995 avec la suspension de l'appel sous les drapeaux.
* 3 95 % pour la classe 1987 et 95,6 % pour la classe 1988.
* 4 Pour 71 % des sites militaires et pour 39 % des sites civils.
* 5 Par un organisme indépendant sur la base d'un questionnaire préparé par la délégation à l'information et à la communication de la défense (Dicod), et dont les résultats ont été publiés en janvier 2014.