EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
Article 47
Modification du dispositif d'exonération en faveur de l'emploi saisonnier agricole et suppression de l'exonération de cotisations salariales au titre du contrat vendanges
(articles L. 741-16 et L. 741-16-1 du code rural et de la pêche maritime)
I. - Le droit en vigueur.
L'exonération de cotisations sociales pour les travailleurs saisonniers est un dispositif ancien , créé en 1985 et modifié à de nombreuses reprises. La loi de finance rectificative pour 2010 avait remplacé l'exonération partielle de cotisations patronales pour les travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TO-DE) par une exonération totale de cotisations, jusqu'à un salaire représentant 2,5 SMIC. Le dispositif prévoyait une dégressivité de l'exonération, jusqu'à devenir nulle à 3 SMIC. Il limitait le bénéfice de la mesure à 119 jours par an et par salarié.
La loi de finances pour 2013 avait légèrement remanié le dispositif , en sortant les cotisations d'accident du travail du champ de l'exonération. Mais surtout, elle avait recentré l'exonération sur les bas salaires, en abaissant à 1,25 SMIC le seuil pour bénéficier de l'exonération totale, et mis en place une dégressivité jusqu'à 1,5 SMIC. Cette mesure avait permis de faire baisser la facture pour le programme 154 : en effet, le budget de l'État était mis à contribution pour rembourser à la MSA la perte de recettes due à l'exonération. De plus de 600 millions d'euros, le coût du dispositif est passé à environ 450 millions d'euros.
Le contrat vendanges , pour sa part, avait été mis en place en 2002, dans un contexte de pénurie de main d'oeuvre, pour permettre aux viticulteurs d'embaucher facilement de la main d'oeuvre temporaire. Le contrat vendanges est en effet limiter à un mois. Les salariés saisonniers embauchés pour les vendanges au moyen de ce contrat à durée déterminée particulier, prévu à l'article L. 718-4 du code rural et de la pêche maritime, bénéficient d'une exonération de cotisations salariales de sécurité sociale. Ce dispositif est valable sans plafond de rémunération, dans le but d'améliorer la rémunération des saisonniers concernés et de rendre ces emplois plus attractifs. Plus de 300 000 contrats vendanges sont signés chaque année. Les vendanges peuvent ainsi être effectuées par des salariés du régime général en congé, des retraités, des étudiants, ou tout autre travailleur occasionnel.
II. - Le dispositif du projet de loi.
L'article 47 du projet de loi de finances pour 2015 procède à deux modifications :
- d'une part, il supprime le bénéfice de l'exonération TO-DE pour les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (ETARF). Cette mesure vise à favoriser l'embauche de salariés permanents, pour lesquels il existe par ailleurs des dispositifs d'allègement du coût du travail. Les allègements au titre du dispositif TO-DE au bénéfice des ETARF est actuellement évalué à 19 à 21 millions d'euros par an ;
- d'autre part, il supprime l'exonération de cotisations salariales au titre des contrats vendanges . Cette suppression est justifiée par le Gouvernement par le caractère peu attractif du contrat vendanges en termes de rémunération, mais surtout au moyen d'un argument juridique : un dispositif proche de réduction dégressive de cotisations salariales avait été adopté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et censuré par le Conseil constitutionnel 2 ( * ) , au motif qu'il s'agissait d'une différence de traitement ne reposant pas sur une différence de situation entre les assurés d'un même régime de sécurité sociale et sans rapport avec l'objet des cotisations salariales de sécurité sociale.
III. - La position de votre commission.
La sortie des ETARF du dispositif TO-DE paraît justifiée à votre commission : en effet, les ETARF bénéficient d'autres mesures : le CICE leur permet d'alléger leurs charges pour 39 millions d'euros, alors que ces entreprises ne sont pas particulièrement exposées à la concurrence internationale. Les mesures prises au titre du pacte de responsabilité et de solidarité leur permettent également de bénéficier de 13 millions d'euros d'exonérations de charges. Au total, ces sommes excédent les montants que représente l'exonération TO-DE. En outre, cette suppression incite à utiliser davantage de salariés dans une situation moins précaire.
En revanche, concernant le contrat vendanges, votre commission ne partage pas les arguments avancés à l'appui de la suppression de l'exonération totale de cotisations sociales dont il bénéficie .
Vos rapporteurs pour avis notent que le contrat vendanges n'est pas supprimé : des retraités ou salariés, déjà affiliés à leur propre régime de sécurité sociale, pourront continuer à signer des contrats vendanges. Mais des charges salariales devront être payées par les employeurs.
Le coût du contrat vendanges en sera donc accru, car pour maintenir la rémunération nette, il faudra augmenter la rémunération brute. Or, le taux horaire de rémunération est souvent bien supérieur au salaire minimum : il le serait d'environ 35 % en Champagne. La charge supplémentaire n'est donc pas négligeable. Le risque, en décourageant les contrats vendanges, seraient de favoriser dans les régions de viticulture d'appellation le développement de la récolte mécanique, moins qualitative mais plus compétitive.
Enfin, les arguments juridiques tenant à l'inconstitutionnalité du contrat vendanges ne sont pas évidents : au demeurant, le Conseil constitutionnel n'avait pas censuré le dispositif lors de son examen de la loi de finances pour 2012. La position du salarié sous contrat vendange est très particulière. Il est souvent déjà affilié à un autre régime de sécurité sociale. Lui faire payer des cotisations qui n'ouvrent aucun droit est peu justifiable. Au final, la rupture du principe d'égalité ne paraît pas caractérisée.
Pour toutes ces raisons, votre commission a adopté, sur proposition de vos rapporteurs pour avis Gérard César et Jean-Jacques Lasserre, un amendement rétablissant l'exonération de cotisations salariales qui s'attachent au contrat vendanges.
Votre commission propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 2 Décision n° 2014-698 du 6 août 2014.