EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a été déposé le 21 août 2013 sur le bureau de l'Assemblée nationale. Le Gouvernement n'a engagé la procédure accélérée que le 9 janvier 2014, le texte étant adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 18 février, sur le rapport de notre collègue Fabrice Verdier au nom de la commission des affaires économiques. Transmis au Sénat, ce texte a aussi été envoyé au fond à la commission des affaires économiques, qui a désigné notre collègue Yannick Vaugrenard en qualité de rapporteur.
Votre commission des lois s'est saisie pour avis de ce texte au titre de ses compétences en matière de droit commercial et de droit administratif.
Ainsi, votre commission a examiné en premier lieu la réforme du statut des baux commerciaux tel qu'il est fixé par le code de commerce (articles 1 er A à 6, 7 bis , 8 et 30 du projet de loi). En application de l'article L. 145-1 du code de commerce, le régime des baux commerciaux s'applique « aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité », quel que soit le propriétaire de ce fonds, qu'il s'agisse d'un fonds de commerce, exploité par un commerçant ou une société commerciale, ou bien d'un fonds artisanal 1 ( * ) .
Le statut des baux commerciaux constitue un outil juridique unique pour régir des situations très diverses, ce qui rend sa réforme difficile, en raison de l'impact variable des modifications envisagées selon les situations et les intérêts concernés. Qu'y a-t-il de commun, en effet, entre un bail conclu entre un commerçant retraité propriétaire d'un local commercial en pied d'immeuble d'habitation et un petit commerçant, un bail conclu entre un gestionnaire de centre commercial et une chaîne nationale ou internationale de magasins et un bail conclu entre une grande société foncière et une société multinationale pour la location d'une tour de bureaux ?
Sans remettre en cause le nouvel équilibre entre bailleur et locataire qui résulte du présent projet de loi, votre commission a veillé à assurer la clarté et la cohérence juridique ainsi que le caractère opérationnel de ses dispositions, au besoin en les complétant et, parfois, en proposant de supprimer celles dont l'utilité n'était pas avérée lorsque le droit applicable paraissait faire l'objet d'un consensus. Elle a aussi manifesté le souci d'éviter de faire naître de nouveaux risques contentieux pour les bailleurs comme pour les locataires. Il en est ainsi, notamment, pour les nouvelles règles d'indexation des loyers commerciaux à la suite de l'abandon de l'indice du coût de la construction, qui nécessitaient une clarification des indices applicables, pour l'établissement d'un état des lieux pour les baux commerciaux et pour le mécanisme des répartition des charges entre bailleur et locataire.
Votre commission a aussi examiné les dispositions relatives au statut juridique des entreprises , en l'espèce des très petites entreprises (articles 13, 16 bis , 17 à 19 et 30 du projet de loi).
Le projet de loi réalise une réforme du régime de l'auto-entrepreneur , longtemps réclamée par les milieux de l'artisanat au motif que ce régime fiscal et social avantageux créé par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie serait à l'origine de distorsions de concurrence au détriment des artisans. L'objectif de cette réforme consiste à limiter les disparités d'obligations entre ce régime et les différents régimes applicables aux très petites entreprises 2 ( * ) .
Dans la mesure où l'auto-entrepreneur est un régime fiscal et social, mais pas un statut juridique, votre commission ne s'est pas saisie pour avis de cette réforme. Cependant, elle a examiné les nouvelles règles d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (article 13 du projet de loi). Elle a aussi formulé quelques observations mitigées sur l'opportunité d'établir un rapport sur la mise en place d'un statut unique de l'entreprise individuelle (article 16 bis du projet de loi).
En outre, votre commission a spécialement examiné les simplifications apportées au régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (articles 17 à 19 du projet de loi), institué par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, examinée au fond par votre commission sur le rapport de notre collègue Jean-Jacques Hyest 3 ( * ) . Votre commission a souhaité clarifier, préciser et compléter ces simplifications, qui ne devraient cependant pas permettre de remédier, selon votre rapporteur, au relatif insuccès de ce régime de patrimoine d'affectation professionnelle longtemps réclamé par les milieux de l'artisanat, insuccès que notre collègue Antoine Lefèvre a eu l'occasion d'analyser dans le cadre de son avis sur projet de loi de finances pour 2014 4 ( * ) .
Votre commission a également examiné plusieurs dispositions traitant des relations entre commerçants et personnes publiques (articles 7, 20 AA, 30 bis et 30 ter du projet de loi). Les personnes publiques peuvent intervenir par le biais de leurs prérogatives de puissance publique pour maintenir ou soutenir des activités commerciales sur leur territoire ou à travers leur domaine public sur lequel s'exercent des activités commerciales.
Votre commission a ainsi approuvé l'extension aux établissements publics de coopération intercommunale, aux sociétés d'économie mixte et aux établissements publics locaux de l'usage du droit de préemption des locaux commerciaux , réservé actuellement aux communes (article 7 du projet de loi).
En revanche, votre commission a proposé de supprimer la disposition selon laquelle l'attribution d'une subvention à une société commerciale pouvait avoir pour contrepartie une restriction de la distribution des dividendes, car elle lui a semblé manifestement contraire à la jurisprudence constitutionnelle en matière de droit de propriété et de liberté d'entreprendre, d'autant plus qu'elle n'avance aucun motif d'intérêt général (article 20 AA du projet de loi).
Par ailleurs, deux amendements du Gouvernement visant à faciliter les conditions d'utilisation du domaine public à des fins d'activité commerciale ont été adoptés pat l'Assemblée nationale (articles 30 bis et 30 ter du projet de loi). D'une part, serait ainsi consacré, pour le titulaire d'une autorisation d'occupation dans une halle ou un marché communal, le droit de présenter un successeur. D'autre part, la possibilité de solliciter, en prévision de l'acquisition d'un fonds de commerce, une autorisation d'occupation du domaine public, serait admise, avec transmission de l'autorisation aux héritiers en cas de décès du titulaire de l'autorisation pour poursuivre l'exploitation du fonds.
Si votre commission a approuvé ces dispositions, elle a veillé à préciser les dérogations aux principes législatifs ou jurisprudentiels ainsi introduites, notamment pour mettre en mesure la personne publique de contrôler l'usage de son domaine et les occupants qui l'utilisent. Elle a aussi clarifié l'innovation juridique consistant à permettre de constituer un fonds de commerce sur le domaine public.
Enfin, pour assurer leur coordination avec des projets de loi qui lui ont été envoyés au fond, votre commission a examiné les règles de prévention des conflits d'intérêts des membres de la commission nationale d'aménagement commercial et de la commission nationale d'aménagement cinématographique (articles 20 quater et 24 bis du projet de loi) et l'obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les listes des candidats pour l'élection des chambres de métiers et de l'artisanat (article 28 du projet de loi).
Sur l'ensemble des articles ainsi examinés, votre commission a adopté les 27 amendements présentés par son rapporteur.
Sous réserve de l'adoption de ses amendements, votre commission a donné un avis favorable aux dispositions du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises dont elle s'est saisie pour avis.
* 1 Les articles L. 145-1 à L. 145-3 du code de commerce prévoient également quelques cas particuliers d'application ou d'exonération du bail commercial (établissements d'enseignement, entreprises publiques, baux conclus par des personnes publiques, cas des baux emphytéotiques...).
* 2 Cette réforme consiste notamment dans l'unification du régime fiscal de l'auto-entrepreneur avec celui de la micro-entreprise, l'obligation d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ainsi que le basculement dans le régime social de droit commun des travailleurs indépendants en cas de dépassement d'un certain seuil de chiffre d'affaires.
* 3 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l09-362/l09-362.html
* 4 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a13-162-8/a13-162-8.html