B. UN « PACTE FINANCIER ET FISCAL DE SOLIDARITÉ » AU SEIN DE L'EPCI (ARTICLE 9)
Outre le pilotage désormais intercommunal de la politique de la ville, une réelle solidarité financière au sein des EPCI devra être garantie.
1. L'élargissement progressif de la dotation de solidarité communautaire (DSC)
La dotation de solidarité communautaire (DSC) constitue un moyen de renforcer la solidarité financière entre les communes membres d'un même EPCI.
Créée en 1992 43 ( * ) pour les seules communautés de ville, la dotation de solidarité communautaire correspond alors au « solde restant disponible sur le produit de la taxe professionnelle à la suite du versement des attributions de compensation et du prélèvement communautaire » et ses « critères de répartition entre les communes membres sont fixés librement par le conseil de communauté, statuant à la majorité des deux tiers ».
Outre son extension aux autres catégories d'EPCI (à fiscalité professionnelle unique), le caractère péréquateur de la DSC a été progressivement renforcé .
Ainsi, la loi du 12 juillet 1999 44 ( * ) a prévu :
- d'une part, que les communautés urbaines (catégorie créée par la loi précitée de 1999) ont l'obligation d'instituer une DSC dont les critères de répartition sont déterminés « notamment » en fonction des écarts de revenu par habitant et de potentiel fiscal ou financier 45 ( * ) par habitant ;
- d'autre part, que les autres catégories d'EPCI peuvent « instituer une dotation de solidarité communautaire dont le principe et les critères de répartition entre les communes membres (...) sont fixés par le conseil de l'établissement public de coopération intercommunale (...) en tenant compte notamment de l'importance de la population, du potentiel fiscal par habitant et de l'importance des charges de ses communes membres ».
Enfin, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales 46 ( * ) a donné un caractère péréquateur à la DSC des EPCI autres que les communautés urbaines (CU), celle-ci étant « répartie en tenant compte prioritairement » de la population et du potentiel fiscal ou financier par habitant, les autres critères étant fixés librement par le conseil.
Néanmoins, le montant de la DSC demeure fixé par le conseil communautaire (statuant à la majorité simple pour les CU, à la majorité des deux tiers pour les autres catégories d'EPCI) et il peut donc s'avérer très faible .
2. Une DSC souvent insuffisamment péréquatrice
Le rapport précité de notre collègue député François Pupponi a mis en évidence les limites du fonctionnement actuel de la DSC.
Ainsi, seules 25 % des communautés de communes (CC) à fiscalité professionnelle unique (FPU) et 68 % des communautés d'agglomération (CA) ont instauré une DSC ; 66 % des CC et 30 % des CA concernés par la politique de la ville (ayant sur leur territoire une ZUS, une ZFU ou une CUCS) n'ont pas de DSC.
Par ailleurs, il note que la DSC paraît « davantage constituer une variable d'ajustement aux pactes financiers intercommunaux qu'un réel mécanisme de péréquation au profit des communes concernées par la politique de la ville » et relève que plus le potentiel financier par habitant d'une commune est élevé, plus elle perçoit une part de DSC importante. Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que la DSC peut être utilisée comme un moyen de convaincre une commune « riche » de rejoindre un EPCI relativement plus pauvre.
Néanmoins, on observe que plus une commune présente un revenu moyen par habitant élevé au sein de l'EPCI, moins elle perçoit de DSC. Cette tendance est particulièrement marquée pour les CU, qui ont l'obligation de fixer une répartition de la DSC fondée notamment sur l'écart de revenu par habitant.
3. Promouvoir la solidarité interne aux EPCI concernés par la politique de la ville
L'article 9 du présent projet de loi, dans sa version initiale, prévoyait d' élargir aux EPCI signataires d'un contrat de ville le régime des DSC applicable aux communautés urbaines (obligation d'instituer une DSC, dont le montant et la répartition sont fixés à la majorité simple du conseil communautaire et répartie notamment en fonction du revenu par habitant et de la richesse des communes membres).
À l'initiative de son rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a profondément modifié la logique retenue.
Ainsi, considérant que « nombre d'intercommunalités consentent déjà un effort particulier et que la DSC n'apparaît pas forcément indispensable 47 ( * ) », notre collègue François Pupponi a proposé de remplacer l'obligation d'instituer une DSC pour les EPCI signataires d'un contrat de ville par un « pacte fiscal et financier » conclu par l'EPCI et ses communes membres.
Néanmoins, une métropole, une communauté urbaine ou un EPCI signataire d'un contrat de ville devra définir des « objectifs de péréquation et de renforcement des solidarités financières et fiscale entre ses communes membres sur la durée du contrat de ville » (2°).
Lors de la signature du contrat de ville, l'EPCI élabore donc, avec ses communes membres, un « pacte financier et fiscal de solidarité » dont l'objectif est de réduire les disparités de charges et de recettes entre communes membres.
Il est précisé que ce pacte « tient compte » de diverses relations financières existant entre l'EPCI et ses communes membres, à savoir :
- « des efforts de mutualisation des recettes et des charges déjà engagés ou envisagés à travers les transferts de compétences » ;
- « des règles d'évolution des attributions de compensation » ;
- « des politiques communautaires poursuivies à travers les fonds de concours ou la dotation de solidarité communautaire » ;
- « ainsi que des critères retenus par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour répartir, le cas échéant, les prélèvements ou reversements au titre du fonds national de péréquation des ressources intercommunales » (FPIC).
L'absence d'élaboration d'un tel « pacte financier et fiscal de solidarité » dans la première année de mise en oeuvre du contrat de ville est « sanctionnée » par la création obligatoire d'une DSC « dont au moins 50 % du montant doit être réparti en fonction de critères de péréquation concourant à la réduction des disparités de potentiels financiers entre les communes ».
Par rapport aux règles relatives à la répartition de la DSC des CU, une DSC créée dans ces conditions est donc encadrée plus précisément puisque les critères péréquateurs doivent concerner 50 % du montant de la dotation. Si la détermination de ces critères est laissée à la libre appréciation de l'EPCI, un objectif est clairement fixé : il s'agit de la réduction des écarts de potentiels financiers entre communes membres.
Aussi, on peut supposer que dans une telle situation, les EPCI auront recours aux critères « habituels » de répartition : potentiel financier, revenu par habitant, proportion de logements sociaux dans chaque commune membre.
Par ailleurs, l'obligation d'instituer une DSC applicable aux CU est étendue aux métropoles (1°).
* 43 Article 94 de la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République.
* 44 Article 86 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
* 45 La référence au potentiel financier a été introduite par l'article 97 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
* 46 Article 185 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
* 47 Rapport n° 1554 fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine par François Pupponi, 14 novembre 2013.