III. DE NOUVELLES COMPÉTENCES POUR L'ANRU QUI APPELLENT À UNE NÉCESSAIRE VIGILANCE
A. LE CO-INVESTISSEMENT, PAR DES PRISES DE PARTICIPATION DANS DES SOCIÉTÉS CONCOURANT AU RENOUVELLEMENT URBAIN
Le 4° de l'article 2 du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine prévoit notamment l'insertion d'un nouvel article 10-3 à la loi précitée du 1 er août 2003 qui confère à l'ANRU la compétence pour la mise en oeuvre du nouveau programme national de renouvellement urbain et développe ses modalités d'intervention.
Ainsi, outre l'accord de concours financiers, l'ANRU serait désormais également habilitée « à créer ou à céder des filiales, à acquérir, à étendre ou à céder des participations dans des sociétés, groupements ou organismes intervenant exclusivement dans des domaines énumérés au troisième alinéa du I de l'article 9-1 et concourant au renouvellement urbain dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville » (II du nouvel article 10-3).
L'ANRU pourrait désormais intervenir en tant que co-investisseur par des prises de participations dans des sociétés exclusivement dédiées au renouvellement urbain des quartiers, en particulier, selon l'étude d'impact du projet de loi, des sociétés civiles immobilières foncières, des sociétés par actions simplifiées pour le portage immobilier ou encore des sociétés d'investissement régional « créées par la loi SRU 33 ( * ) ».
Cette nouvelle forme d'intervention serait conforme aux orientations du Comité interministériel des villes (CIV) du 19 février 2013, qui engageait notamment à « explorer les conditions de faisabilité du passage d'un modèle « tout subvention » à un modèle combinant subvention et co-investissement pour les objets dégageant des recettes et de potentiels retours sur investissement » . Pour autant, les subventions resteraient le mode principal d'intervention de l'ANRU.
Lors de son audition par votre rapporteur, Pierre Sallenave, directeur général de l'ANRU, a expliqué que l'implication de l'Agence permettrait ainsi de rassurer et d'inciter les autres investisseurs, notamment privés.
L'étude d'impact du projet de loi met également en évidence le manque d'investissements immobiliers pour des « objets à caractère économique » (création ou restructuration de centres commerciaux, portage de locaux d'activité ou de lots de copropriétés, construction de logements locatifs pour la diversification de l'habitat, construction d'équipements tels que des maisons de santé) pourtant « potentiellement rentables financièrement et recelant de forts enjeux pour l'avenir des territoires [...] du fait d'une carence d'opérateurs aguerris à ces objets, d'un retrait des investisseurs publics existants et/ou d'un sous-dimensionnement des opérateurs existants dotés de modèles économiques inadaptés » . Ainsi, les investisseurs privés ne se seraient que très peu engagés, faute de visibilité et de partenaires publics, selon un constat partagé dans le cadre de la mise en oeuvre du premier PNRU.
Tout prise de participation ou création de filiale serait soumise à autorisation préalable de l'autorité administrative, par « arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et, pour les organismes n'ayant pas la forme de société commerciale, du ministre chargé du budget, ainsi que du ou des ministres intéressés » 34 ( * ) .
Cette possibilité de co-investissement pour l'ANRU vise ainsi à développer l'activité économique et commerciale des quartiers, conformément aux objectifs fixés dans le cadre des contrats de ville et du nouveau PNRU.
Selon les informations fournies par le ministère délégué à la ville, cette nouvelle compétence de l'ANRU serait exercée dans le cadre du nouveau programme d'investissement d'avenir (PIA2) adopté dans la loi de finances pour 2014 n° 2013-1278 du 29 décembre 2013. Elle ne concernerait, en aucun cas, la dotation de 5 milliards d'euros allouée pour le financement du NPNRU, réservée aux subventions « classiques ».
Ainsi, l'action « Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain » du programme 414 « Ville et territoires durables » (mission « Ecologie, développement et mobilité durables ») confie à l'ANRU la gestion d'une enveloppe de 250 millions d'euros de fonds propres destinés à la « diversification des fonctions dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville » (axe 2 de l'action). Le choix de cet opérateur a été effectué compte tenu de sa connaissance de la dynamique des quartiers en politique de la ville et de son réseau territorial.
Selon le projet annuel de performances pour 2014 de la mission, l'ANRU devrait ainsi être un « co-investisseur avisé et principalement minoritaire ». En outre, les opérations financées devront « présenter une ambition forte en matière de performance énergétique et environnementale, ou une innovation singulière ».
Seuls des investissements à caractère économique dans les quartiers prioritaires seraient concernés, à l'instar de pépinières d'entreprises, de locaux d'activité et espaces commerciaux et de constructions d'équipements tels que des maisons de santé.
Votre commission considère que cette nouvelle compétence de l'ANRU devra être suivie avec vigilance dans son application . En effet, le coeur d'activité de l'agence doit demeurer la mise en oeuvre du PNRU et du nouveau PNRU .
Par ailleurs, il n'appartient pas à l'ANRU de supporter des risques économiques en tant qu'investisseur, ce qui ne devrait, toutefois, pas être le cas dans les faits puisque, dans le cadre de la mise en oeuvre du PIA2, elle n'aurait que la qualité de gestionnaire de fonds du Trésor, pour le compte de l'Etat .
Il convient également de rappeler que différents acteurs interviennent déjà en tant qu'investisseurs dans la rénovation urbaine , en particulier la Caisse des dépôts et consignations et l'Etablissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Si, d'après l'étude d'impact, il n'est pas « toujours aisé de les mobiliser dans des secteurs souffrant d'un déficit d'image, ni de les combiner de la manière la plus efficiente », il semblerait pertinent à votre commission de trouver les moyens d'y parvenir.
Enfin, selon les informations du Gouvernement, cette action du PIA devrait être menée en parfaite articulation avec la Caisse des dépôts et consignations, compte tenu de son expertise sur les projets d'investissement et de son analyse risque-investisseur.
* 33 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
* 34 Premier alinéa de l'article 2 du décret n° 53-707 du 9 août 1953 relatif au contrôle de l'État sur les entreprises publiques nationales et certains organismes ayant un objet d'ordre économique ou social.