C. ...MAIS DES POINTS DE VIGILANCE
1. Des réductions d'émissions de dioxyde de carbone à nuancer
Les chercheurs ont constaté un décalage entre les valeurs d'émissions mesurées lors de l'homologation des véhicules, et celles qui correspondent à leur utilisation normale . Ainsi, selon une étude réalisée à la demande de la Commission européenne et citée par le Commissariat général au développement durable, un tiers de la baisse des émissions de dioxyde de carbone observée depuis 2002 serait due à une optimisation des conditions dans lesquelles ces tests sont réalisés (par le recours à des pneus spéciaux, à un certain type de revêtement du sol...).
2. Un soutien insuffisant aux petits véhicules thermiques vertueux
Votre rapporteur soutient la volonté d'un retour à l'équilibre budgétaire du dispositif, qui est au fondement même d'un mécanisme de « bonus-malus ».
Le maintien d'un soutien fort à l'achat des véhicules électriques ou hybrides possède en outre l'avantage de soutenir les filières automobiles françaises, très bien positionnées sur ces segments de marché.
Source : Ademe
Type de véhicule |
Emissions de CO 2 (en g par km) |
A |
Inférieures ou égales à 100 |
B |
De 101 à 120 |
C |
De 121 à 140 |
D |
De 141 à 160 |
E |
De 161 à 200 |
F |
De 201 à 250 |
G |
Supérieures à 250 |
Votre rapporteur regrette la diminution sensible des aides accordées aux petits véhicules thermiques à essence , segment sur lequel les constructeurs français sont pourtant bien positionnés. Les véhicules qui émettent entre 61 et 90 g de CO 2 voient leur bonus diminuer, de 550 euros à 150 euros, somme qui paraît peu incitative , et les véhicules qui émettent entre 91 et 105 g de CO 2 ne disposeront plus d'aucun bonus, alors qu'ils avaient un bonus de 200 euros auparavant.
Or, le bonus-malus ne doit pas seulement servir à subventionner les véhicules électriques ou hybrides, dont les coûts d'achat sont relativement élevés. L'achat des petits véhicules thermiques les moins polluants devrait aussi être encouragé .
Pour financer cette mesure, il conviendrait de réduire encore le seuil d'émission à partir duquel les véhicules sont soumis à un malus . Ainsi, la tranche dite des « neutres », c'est-à-dire des véhicules qui ne font l'objet ni d'un bonus ni d'un malus, et qui représente près de la moitié des véhicules neufs, serait réduite, ce qui renforcerait le caractère incitatif du dispositif .
3. Une inquiétude qui persiste sur le parc diesel
Votre rapporteur reste préoccupé par la proportion de véhicules diesel dans le parc automobile français, de l'ordre de 60%. Ces véhicules sont en effet de gros émetteurs de particules fines et d'oxydes d'azote, dangereux pour la santé. La France sera d'ailleurs condamnée très prochainement par l'Union européenne pour dépassement des niveaux d'émission de particules fines et d'oxydes d'azote.
Ce taux est d'autant plus préoccupant que les véhicules diesel en circulation sont, pour la plupart, des véhicules anciens, qui répondent à des normes d'émissions beaucoup moins strictes qu'aujourd'hui en termes d'émission de particules fines et d'oxydes d'azote.
RÉPARTITION DU PARC DES VOITURES PARTICULIÈRES (VP)
Motorisation |
Norme euro respectée |
Nombre de véhicules |
% du nombre total de VP |
Diesel |
Euro 1 et pré-euro 1 |
1 442 092 |
4,6 |
Euro 2 |
2 459 023 |
7,8 |
|
Euro 3 |
4 783 600 |
15,1 |
|
Euro 4 |
9 020 949 |
28,6 |
|
Euro 5 |
2 279 989 |
7,2 |
|
Sous-total diesel |
19 985 653 |
63,3 |
|
Essence |
Euro 1 et pré-euro 1 |
2 022 555 |
6,4 |
Euro 2 |
2 510 275 |
7,9 |
|
Euro 3 |
2 609 118 |
8,3 |
|
Euro 4 |
3 500 641 |
11,1 |
|
Euro 5 |
955 530 |
3,0 |
|
Sous-total essence |
11 598 119 |
36,7 |
|
Total VP (hors électrique et GPL) |
31 583 772 |
100,0 |
RÉPARTITION DU PARC DES VÉHICULES UTILITAIRES LÉGERS (VUL)
Motorisation |
Norme euro respectée |
Nombre de véhicules |
% du nombre total de VUL |
Diesel |
Euro 1 et pré-euro 1 |
444 912 |
7,6 |
Euro 2 |
1 128 486 |
19,2 |
|
Euro 3 |
1 864 996 |
31,7 |
|
Euro 4 |
2 069 398 |
35,2 |
|
Euro 5 |
199 344 |
3,4 |
|
Sous-total diesel |
5 707 136 |
97,1 |
|
Essence |
Euro 1 et pré-euro 1 |
44 142 |
0,8 |
Euro 2 |
46 551 |
0,8 |
|
Euro 3 |
39 297 |
0,7 |
|
Euro 4 |
33 454 |
0,6 |
|
Euro 5 |
4 209 |
0,1 |
|
Sous-total essence |
167 653 |
2,9 |
|
Total VUL (hors électrique et GPL) |
5 874 789 |
100.0 |
Source : ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Les données présentées dans les deux tableaux ci-dessus proviennent d'une étude réalisée par le Centre Interprofessionnel Technique d'Études de la Pollution Atmosphérique. Elles sont basées sur le parc roulant français en décembre 2012. La répartition des véhicules selon les normes Euro respectées a été estimée en considérant les dates de mise en circulation des véhicules considérés.
Source : Ademe
Des questionnements demeurent pour l'achat de véhicules neufs, malgré l'entrée en vigueur de la norme Euro 6 en septembre 2014 . Cette norme est certes plus exigeante que les précédentes, puisqu'elle plafonne par exemple les émissions d'oxydes d'azote à 80 mg/km, soit une réduction supplémentaire de plus de 50 % par rapport à ce que prévoit la norme Euro 5.
Cependant, comme pour la mesure des émissions de dioxyde de carbone, un décalage significatif a été constaté entre les valeurs d'émissions mesurées lors de l'homologation des véhicules et celles observées lorsque les véhicules sont utilisées dans des conditions normales.
DIFFÉRENCES ENTRE LES MESURES D'ÉMISSIONS D'OXYDES D'AZOTE
Source : JRC ISPRA, Commission européenne
De ce fait, votre rapporteur s'interroge sur la volonté réaffirmée de certains constructeurs de continuer de privilégier les filières industrielles du diesel. Au vu de ces décalages entre normes et mesures, rien ne dit que la clientèle ne se détournera pas de véhicules jugés plus polluants. La prudence semblerait conseiller a minima le choix d'un équilibre sur les gammes entre diesel et essence. Votre rapporteur a été surpris de la persistance d'un discours très « pro-diesel ».
Votre rapporteur souligne néanmoins que l'enjeu essentiel en termes de santé publique reste bien la disparition des véhicules les plus anciens. Des dispositifs de prime à la casse, ou un dispositif de bonus en soutien à l'achat de véhicules d'occasion peu polluants (enjeu très important pour les ménages modestes) devraient être explorés.
Il existe enfin un second facteur d'inquiétude, celui des « émissions secondaires » produites par les véhicules (diesel comme à essence). Ces particules n'apparaissent qu'au bout de quelques heures dans l'atmosphère, à la suite de réactions chimiques, et ne sont pas détectables à la sortie du pot d'échappement.
Il convient dès lors d'accorder une vigilance particulière à ces questions, afin de pouvoir adapter le cas échéant, la stratégie industrielle de notre filière automobile.