C. L'EXPOSITION DE LA DIVERSITÉ MUSICALE DANS LES MÉDIAS : UNE ÉVOLUTION INQUIÉTANTE

1. Un constat sans appel

L'exposition de la diversité musicale dans les médias constitue un sujet de préoccupation et de revendication récurrent pour la filière musicale, compte tenu du rôle prescripteur essentiel joué par les médias et de la dégradation du temps d'exposition de la musique sur les écrans depuis dix ans.

À contrario , les diffuseurs continuent de plaider en faveur d'un assouplissement des règles qui encadrent leur activité. Les groupes M6 et Canal + réclament notamment que les obligations musicales établies dans les conventions de leurs chaînes, respectivement W9 et D17, soient révisées.

En réponse à l'insistance des diffuseurs, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a lancé, au début de l'année 2013, un cycle d'auditions relatif à l'offre musicale à la télévision, dont les conclusions ont été rendues publiques au mois de juin. Cette étude examine l'évolution, entre 2007 et 2012, de la programmation de l'offre musicale sur les chaînes nationales de la télévision gratuite, dans les émissions qui lui sont consacrées (exclusivement ou principalement) et retranscrit les propositions des diffuseurs et de la filière musicale.

Le rapport montre que, si, en 2012, l'offre musicale a représenté en moyenne 12 % de l'offre globale de programmes diffusés sur l'ensemble des antennes de la télévision gratuite en 2012, celle-ci accuse une baisse en volume horaire d'environ 22 % depuis 2007.

Concernant l'offre de programmes musicaux (vidéomusiques, divertissements, concerts, documentaires), le CSA fait le constat d'une diversité globalement assurée, qu'il convient cependant de relativiser au regard des horaires de programmation puisque les programmes musicaux sont généralement diffusés la nuit , à des horaires où le public est peu présent.

De fait, en 2012, aux heures de fortes audiences (entre 20 heures 30 et 23 heures), la musique représentait seulement 3,5 % de l'offre de programmes, en baisse de 66 % par rapport à 2007 . En outre, dans cette tranche horaire, la musique n'est souvent exposée que sous forme d'émissions de variétés ou de divertissements de type concours de talents, ce qui permet peu la représentation d'artistes professionnels, comme le revendique la filière musicale.

Les observations recueillies par le CSA auprès des éditeurs et des producteurs de programmes audiovisuels indiquent que ces derniers s'accordent sur le fait que l'offre musicale est peu satisfaisante, qu'elle fait l'objet d'une programmation trop tardive et qu'elle est trop peu diversifiée. Ils ajoutent en revanche que la musique est difficilement fédératrice en termes d'audience et que la forte concurrence des plateformes de vidéo en ligne (YouTube, Dailymotion, Vevo, etc.) contraint les chaînes à revoir leur programmation à la baisse.

Les représentants de la filière musicale dresse un constat similaire de la dégradation de l'offre et de la diminution de l'exposition musicale à la télévision, en particulier pour les interprétations d'artistes professionnels . Ils appellent de leurs voeux une mise en valeur des nouveautés, des jeunes talents et de la francophonie. Ils préconisent de procéder à des modifications législatives et réglementaires et notamment d'inscrire des obligations d'investissement pour les chaînes, ainsi que des obligations qualitatives de diffusion en termes de genres musicaux, de tranches horaires et de formats.

En synthèse, le CSA insiste sur la nécessité de repenser et de moderniser l'offre de musique à la télévision , sans rejeter les acquis de la programmation musicale télévisuelle. À cet effet, il invite les diffuseurs et les professionnels de la filière musicale à se rapprocher, échanger et travailler ensemble sur l'éditorialisation de la musique à la télévision.

2. Des professionnels dans l'expectative

Dans ce contexte, et pour faire suite aux engagements annoncés en 2013 lors du Marché international du disque et de l'édition musicale (MIDEM) et du Printemps de Bourges, la ministre de la culture et de la communication a fait part de son intention de poursuivre la réflexion et a confié, à cet effet, au mois de septembre, une mission à Jean-Marc Bordes , ancien directeur de l'Institut national de l'audiovisuel (INA).

Selon les informations fournies par le ministère de la culture et de la communication, le missionné doit établir, « en s'appuyant sur une consultation large des professionnels concernés, un état des lieux qualitatif et quantitatif de l'exposition actuelle de la musique sur les différents médias, du secteur privé comme du service public ». Il est également précisé que « des préconisations seront établies afin de conforter la place des médias en tant que prescripteurs privilégiés dans le paysage musical français, qu'il s'agisse des éditeurs de services de communication audiovisuelle traditionnels (télévision et radio) ou des éditeurs de services numériques (services de médias audiovisuels à la demande, sites de vidéo et de musiques en ligne, etc.) ». L'objectif central est d'obtenir des diffuseurs une meilleure exposition de la musique francophone et des jeunes talents.

L'évolution de la présence musicale dans les médias, notamment aux heures de grande écoute, ainsi que la généralisation de la consommation des contenus culturels musicaux via les services numériques constituent le socle à partir duquel la mission mène ses travaux.

Ceux-ci devront être achevés en janvier 2014 ; ils s'inscrivent dans la continuité des propositions formulées par le rapport Lescure . Il propose, en effet, de mettre en place un mécanisme novateur de conventionnement avec les éditeurs de services audiovisuels en ligne, reposant sur une logique « donnant-donnant » : les acteurs vertueux acceptant de prendre des engagements volontaires au-delà de leurs obligations légales en faveur de la diversité culturelle (exposition de la diversité, financement de la création, tarifs réduits et ciblés) se verraient ainsi octroyer diverses contreparties en termes d'accès aux aides publiques ou encore d'accès anticipé à la distribution des oeuvres . Ce rôle pourrait être assuré par le CSA, qui deviendrait in fine le régulateur des contenus culturels et l'observateur des pratiques culturelles.

En ce qui concerne plus particulièrement le service public, le ministère de la culture et de la communication s'est engagé à ce que la musique conserve une place de choix dans les contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et de Radio France.

Votre rapporteur pour avis se penchera avec attention sur les propositions qui seront faites dans les mois à venir, notamment en faveur des productions musicales francophones.

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