III. DES ACTIONS QUI ACCOMPAGNENT NOS COMMUNAUTÉS FRANÇAISES À L'ÉTRANGER
A. LA SITUATION SÉCURITAIRE DES COMMUNAUTÉS FRANÇAISES À L'ÉTRANGER
1. Un accroissement préoccupant des menaces
a) La sécurisation des implantations diplomatiques
La montée des menaces perceptible non seulement dans la bande sahélo-saharienne mais aussi en Afrique de l'ouest et centrale, ou encore au Moyen-Orient ont naturellement des répercussions sur nos communautés expatriées.
Le Centre de crise du Ministère des Affaires étrangères suit avec une attention toute particulière la situation de nos compatriotes expatriés et actualise fréquemment les consignes pour les voyageurs.
La sécurité de nos emprises diplomatiques est une préoccupation majeure du budget 2014. Face à un contexte sécuritaire dégradé le ministère a consenti un effort supplémentaire de 20 M€ en 2014 (les crédits se trouvent notamment au sein du programme 105), qui se décline sous plusieurs formes.
LE PLAN DE SÉCURISATION DES IMPLANTATIONS DIPLOMATIQUES Sont tout d'abord inscrits en projet de loi de finances pour 2014 un montant de 20,58 M€ - en hausse de 4,6 M€ - pour des opérations de sécurisation passive . 10 M€ provenant du compte d'affectation spéciale 723 (produits des cessions immobilières) seront affectés à des opérations du même type, financées par des cessions immobilières supplémentaires ou en substitution à d'autres projets programmés. Ces crédits supplémentaires prolongeront l'effort déjà engagé au cours des dernières années pour mettre à niveau les équipements dédiés à la sécurité (sas, détecteurs magnétiques de métaux, systèmes anti-intrusions...) et déployer des moyens techniques modernes de surveillance (alarmes, vidéo surveillance, contrôle d'accès par badge). Ils permettront notamment de lancer les travaux nécessaires, touchant souvent à la structure des immeubles, afin de d'adapter la sécurité de nos emprises diplomatiques au niveau de la menace, notamment terroriste, alors même que celles-ci ont souvent été conçues pour symboliser l'ouverture de notre pays sur le monde. Ils permettront en particulier d'accélérer le plan de sécurisation dans la région du Maghreb et du Sahel. Les principaux postes concernés par ces travaux en 2014 sont : Nouakchott (1,7 M€), Dakar (2,03 M€), Beyrouth (2,2M€), N'Djamena (0,4M€), Brazzaville (1 M€), Alger (0,5M€), Téhéran (0,65M€), Jakarta (0,5M€), Bamako (0,5M€), Tallinn (0,5M€), Tunis (0,25M€) et Bangui (1,5M€), Mauritanie (2,8 M€), Niger (1,5M€), Algérie (0,8 M€), Burkina Faso (1,4 M€), Sénégal (0,5 M€), Tchad (0,5 M€) et Libye (non chiffré à ce stade). Un budget de 18,3 M€ sera consacré à la sécurité active . La sécurité des postes diplomatiques et consulaires repose effectivement sur : - la présence de gardes de sécurité expatriés. Issus de la gendarmerie ou de la police nationale, les gardes de sécurité permanents sont au nombre de 439 (soit 293 gendarmes et 146 policiers). Le nombre des ETP, bien que légèrement augmenté en 2013, reste constant et fait donc l'objet de redéploiement tous les ans en fonction de l'évolution de la menace. - des agents en mission de renfort temporaire (séjour de moins de 3 mois) qui sont indispensables pour faire face aux foyers de crises dans certains pays et être appelés pour la protection rapprochée ou l'accompagnement des personnes (en août 2013, 173 missionnaires étaient déployés dans nos ambassades). Au total c'est un budget de 42 M€ sur le programme 105 et de 10 M€ sur le programme 723 qui sera consacré à des dépenses de sécurisation de nos postes à l'étranger. |
Source : ministère des affaires étrangères
Ces aspects sont détaillés dans le rapport pour avis de Mme Leïla Aïchi et M. Alain Gournac sur le programme 105 au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».
b) Les efforts de sécurisation dans le réseau d'enseignement français à l'étranger
Devant la montée des risques sécuritaires sur une partie du pourtour méditerranéen et dans la région saharo-sahélienne, l'AEFE a pris des mesures visant à renforcer la sécurité des établissements scolaires concernés par cette situation.
Les mesures ont été de plusieurs ordres :
- limiter l'accessibilité et la visibilité des entrées des établissements (limitation de la circulation au droit des établissements à certaines heures de la journée, interdiction de stationnement au droit des limites, etc.),
- réaliser des travaux d'amélioration de la sécurité physique des établissements (renforcement de la sécurité des clôtures, traitement des vitrages des bâtiments, amélioration des dispositifs de contrôle des accès, installation de caméras de vidéosurveillance, etc.),
- augmenter le nombre des agents chargés d'assurer la surveillance des sites et le contrôle des accès.
S'agissant des travaux d'amélioration de la sécurité des établissements , une subvention spécifique de 4 M€ a été accordée à l'AEFE pour financer ces interventions. Cette dotation a permis d'intervenir dans les différents établissements en gestion directe suivants :
MESURES DE SÉCURISATION DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES DU RÉSEAU AEFE (ÉTABLISSEMENTS EN GESTION DIRECTE)
Ville |
Établissement |
Description de l'opération |
Montant (€) |
Alger |
Ecole Alexandre Dumas |
PGE, vidéosurveillance, enceinte |
600 000 |
Alger |
Lycée Alexandre Dumas |
PGE, vidéosurveillance, filmage des vitres |
160 000 |
Niamey |
Lycée La Fontaine |
Travaux complémentaires de sécurisation du lycée |
200 000 |
Casablanca |
Ecole Bizet |
Réfection enceinte (mur et accès) |
170 000 |
Casablanca |
Ecole Gautier |
Réfection enceinte (mur et accès) + maîtrise d'oeuvre |
110 000 |
Casablanca |
Ecole Molière |
Réfection enceinte (mur), sécurisation accès |
150 000 |
Casablanca |
Collège Anatole France |
Réfection enceinte terrain de sport |
200 000 |
Mohammedia |
GSU Claude Monet |
Création sas et réfection mur d'enceinte |
95 000 |
Rabat |
Lycée Descartes |
Réfection entrée et esplanade. |
400 000 |
Rabat |
Ecole Chénier |
Sécurisation du site intégrée dans travaux d'extension |
100 000 |
Rabat |
Ecole Camus |
Sécurisation du site |
10 000 |
Meknès |
Lycée Paul Valéry |
Création sas entrée véhicules personnel |
20 000 |
Meknès |
Lycée Paul Valéry |
Surélévation d'une partie de l'enceinte. |
30 000 |
Fès |
Collège La Fontaine |
Mur d'enceinte |
135 000 |
Tanger |
Lycée Regnault |
Sas d'entrée |
10 000 |
Nouakchott |
Lycée Théodore Monod |
Sécurisation chantier d'extension du lycée |
330 000 |
La Marsa |
Lycée Gustave Flaubert |
Réfection et surélévation enceinte + maîtrise d'oeuvre |
460 000 |
La Marsa |
Lycée Gustave Flaubert |
Contrôle d'accès et vidéosurveillance |
160 000 |
La Marsa |
Annexe Paul Verlaine |
Création mur et clôture côté université |
100 000 |
La Marsa |
Annexe Paul Verlaine |
Rehaussement mur séparatif côté voisins |
35 000 |
Nabeul |
École George Sand |
Réfection et surélévation enceinte. |
30 000 |
Sousse |
École Guy de Maupassant |
Réfection et surélévation enceinte. |
20 000 |
Tunis |
Lycée Pierre Mendès-France |
Réfection et surélévation enceinte + maîtrise d'oeuvre |
270 000 |
Tunis |
Lycée Pierre Mendès-France |
Déplacement de l'entrée/création nouvelle loge, parvis. |
120 000 |
Tunis |
Lycée Pierre Mendès-France |
Vidéosurveillance et contrôle d'accès. |
70 000 |
Tunis |
École Robert Desnos |
Surélévation mur existant |
15 000 |
TOTAL |
4 000 000 |
||
Source : ministère des affaires étrangères
Des travaux d'amélioration des conditions de sécurité ont également été pris en compte dans le cadre des projets immobiliers en cours , comme au Caire et à Amman.
S'agissant des établissements conventionnés , des subventions d'investissement ont été accordées pour aider ces établissements dans leurs efforts d'amélioration de leurs conditions de sécurité. Ces aides ont concerné principalement les établissements de Bamako , Ouagadougou , N'Djamenna , Nairobi , Yaoundé , Sally .
Ces aspects sont détaillés dans le rapport pour avis de MM. Jean Besson et René Beaumont sur le programme 185 au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».
2. Une directive « protection consulaire » au point mort
Les citoyens de l'Union européenne qui voyagent ou qui résident dans un pays tiers dans lequel l'État membre dont ils ont la nationalité ne dispose pas d'une ambassade ou d'un consulat ont le droit de bénéficier de la protection des autorités consulaires de tout autre État membre . Celui-ci doit prêter assistance à ces citoyens de l'Union non représentés dans les mêmes conditions qu'à ses propres ressortissants.
LA PROTECTION CONSULAIRE DANS LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE Le droit dont jouissent les citoyens de l'Union non représentés de bénéficier de la protection des autorités diplomatiques et consulaires d'autres États membres dans les mêmes conditions que les ressortissants de ces derniers est inscrit à l'article 20, paragraphe 2, point c), et à l'article 23 du TFUE, ainsi qu'à l'article 46 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Aux termes de ces trois dispositions, tout citoyen de l'Union «bénéficie [...] de la protection des autorités diplomatiques et consulaires de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État». Un droit individuel est ainsi clairement conféré à tout ressortissant 15 ( * ) d'un État membre de recevoir un traitement égal de la part des autorités consulaires d'un autre État membre sur le territoire d'un pays tiers où son propre État membre n'est pas représenté. Le statut de citoyen de l'Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres 16 ( * ) et le droit de l'Union confère des droits individuels, entre autres pour garantir le plein effet des droits légaux des citoyens. |
D'après une récente communication de la Commission européenne 17 ( * ) , le nombre de voyages effectués par des citoyens de l'Union dans des pays tiers est passé de plus de 80 millions en 2005 à plus de 90 millions en 2008 , et l'on prévoit que le volume des déplacements continuera à croître. Selon les estimations, plus de 30 millions de citoyens de l'Union résident à titre permanent dans un pays tiers . Or, les États membres ne sont tous représentés qu'aux États-Unis, en Chine et en Russie.
On mesure donc l'impact que pourrait avoir désormais ce concept de protection consulaire européenne pour un État comme la France qui dispose d'un réseau consulaire étendu offrant un niveau relativement élevé de services.
La Commission européenne a présenté, le 14 décembre 2011, une proposition de directive dont l'objectif est de remplacer la décision de 1995 qui régit aujourd'hui les relations consulaires et d'établir les mesures de coordination et de coopération nécessaires pour faciliter la protection consulaire des citoyens européens non représentés. L'adoption de ce texte relève d'une procédure législative spéciale : vote à la majorité qualifiée au Conseil et simple consultation du Parlement européen.
Après presque deux années de discussion dans le cadre du groupe de travail du Conseil « coopération consulaire » (COCON), sous présidence tournante, les débats n'apparaissent pas conclusifs. Certains pays, parmi lesquels le Royaume-Uni, l'Irlande ou la République tchèque, considèrent que le projet de texte n'est pas nécessaire et s'opposent au renforcement du rôle consulaire du Service européen d'action extérieure (SEAE) et des délégations de l'Union européenne. D'autres États membres comme l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas ou le Danemark souhaitent une pause dans la négociation, sans s'opposer frontalement à la directive. Enfin des pays comme la France, la Belgique, le Portugal, la Suède et l'Espagne continuent de soutenir, avec un engagement variable, le principe d'une directive, tout en insistant sur les améliorations à apporter au projet de texte.
Votre commission a déjà attiré l'attention du gouvernement sur les risques inhérents au projet de texte actuellement en discussion.
Ce projet comporte au sens de vos rapporteurs plusieurs faiblesses :
Avec le principe affirmé du « libre choix » du service consulaire, et l'absence de définition précise du périmètre des services consulaires concernés (s'agit-il seulement d'aide d'urgence en cas de crise ?) il expose notre réseau consulaire, très dense en particulier dans les pays identifiés comme à risque, à une surcharge de demandes en provenance des citoyens de l'Union européenne ;
- aucun mécanisme de financement n'est prévu si ce n'est un mécanisme complexe de remboursement au cas par cas ;
- les délégations de l'Union européenne relevant du SEAE ne se voient pas attribuer de rôle particulier dans un domaine découlant pourtant directement de la mise en oeuvre de la citoyenneté européenne.
Dans son récent rapport 18 ( * ) la Cour des Comptes souligne d'ailleurs que le risque existe que certains états membres n'abandonnent leur système sécuritaire pour faire appel au réseau consulaire français au coup par coup, accroissant le nombre de personnes à secourir.
Pour un coût annuel du dispositif estimé par la Commission européenne à 652 000 €, la Cour des comptes cite quant à elle une estimation du ministère des affaires étrangères allant jusqu'à plus de 92 M€ par an , en se fondant sur un nombre de citoyens non représentés beaucoup plus élevé et sur une sollicitation du réseau français plus importante que celui de ses partenaires, en raison de sa densité.
Il va de soi que le principe d'une directive pour encadrer la protection consulaire accordée aux ressortissants non représentés de l'UE ne peut être soutenu que s'il se traduit par un partage effectif de la charge en vertu de la solidarité européenne et non par une surcharge déséquilibrée qui pèserait sur les grands réseaux comme celui de la France, qui offrent de plus la plus large palette d'assistance consulaire.
Afin de remplir cet objectif, la France fait à ses partenaires européens les propositions suivantes :
- un mécanisme de partage de la charge : des arrangements locaux entre États membres représentés sur le terrain préciseraient auprès de quel consulat les citoyens européens non représentés doivent se rendre, selon leur nationalité ;
- des dispositions financières : elles doivent établir la garantie juridique du remboursement de l'intégralité des coûts à l'État membre qui a prêté assistance et proposer un mécanisme simple de recouvrement ;
- un véritable rôle de coordination et de soutien pour le SEAE et, sur le terrain, pour les délégations de l'Union européenne, notamment par le secrétariat des réunions locales de coopération consulaire.
La France reste déterminée à faire progresser la négociation de ce projet de directive dont l'adoption devrait permettre de renforcer le contenu concret de la citoyenneté européenne dans un esprit de solidarité entre États membres et d'intégration européenne plus poussée.
* 15 Voir les affaires 57/65, Lütticke, et 26/62, Gend & Loos. L'article 23, paragraphe 2, du TFUE ne prévoit plus que les États membres établissent entre eux les règles nécessaires. L'article 23, premier et deuxième alinéas, du TFUE permet simplement aux États membres de prendre les dispositions internes nécessaires.
* 16 Affaire C-184/99, Grzelczyk,
* 17 Bruxelles, le 23.3.2011 COM(2011) 149 final communication de la commission au parlement européen et au conseil : La protection consulaire des citoyens de l'Union dans les pays tiers: Bilan et perspectives
* 18 Les missions et l'organisation du réseau consulaire.