B. UNE LIAISON FONDAMENTALE POUR LE SUD DE L'EUROPE
1. Un maillon essentiel du réseau transeuropéen de transport
La politique du « réseau transeuropéen de transport » (RTE-T) a été engagée lors du Conseil européen d'Essen, au mois de décembre 1994, qui a adopté les premiers schémas portant sur les lignes ferroviaires à grande vitesse, le transport combiné, les autoroutes et les voies navigables. Le projet de train à grande vitesse/transport combiné Lyon-Turin figure dans la liste de 14 projets prioritaires établie à l'issue de ce sommet.
À la suite de l'élargissement à l'Est de l'Union européenne en 2004, la liste des projets prioritaires du RTE-T a été actualisée, afin de prendre en compte la nouvelle dimension territoriale de l'Union : 30 projets prioritaires en matière de transports ont alors été définis, dont 80 % de projets ferroviaires ou fluviaux, en cohérence avec les objectifs de transfert modal de l'Union .
Le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin s'inscrit dans l'axe prioritaire n° 6 qui va de Lyon à la frontière ukrainiene , en passant par Turin, Milan, Trieste, Divaca, Ljubljana et Budapest.
Le 19 octobre 2011, la Commission européenne a présenté deux propositions législatives relatives aux réseaux transeuropéens, dont l'objectif est de ne plus faire du RTE-T une simple addition de projets nationaux mais un réseau structurant au niveau de l'UE. Un accord entre les représentants du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne a été trouvé le 29 mai 2013 sur la nouvelle législation du RTE-T. L'adoption définitive par le Conseil et le Parlement européen devrait avoir lieu avant la fin de cette année.
Cette nouvelle approche intégrée distingue le réseau global, à réaliser progressivement d'ici à 2050, et le réseau central, « colonne vertébrale » comprenant les sections les plus stratégiques, qui devra être réalisé d'ici 2030. Les neuf corridors de ce réseau central vont concentrer la majeure partie des financements disponibles. Chacun de ces corridors traverse au moins trois États membres, et recourt à au moins trois modes de transport différents. Le tracé des neuf corridors a été présenté le 17 octobre 2013. Le projet Lyon-Turin fait partie du corridor dit « Méditerranée », qui s'étendra de l'Espagne à la frontière bulgaro-ukrainienne.
Le rythme de réalisation du RTE-T sur la période s'ouvrant en 2014 dépendra du résultat de la négociation portant sur les enveloppes du cadre budgétaire pluriannuel 2014-2020. Sur la base de l'accord politique conclu le 27 juin 2013 entre le Conseil et le Parlement européen, la Commission européenne a indiqué le 16 juillet dernier que les crédits du budget de l'Union européenne consacrés au secteur des transports dans le cadre du « Mécanisme pour l'Interconnexion en Europe » (MIE) pourraient s'élever à 13,174 milliards d'euros pour la période 2014-2020. Environ 11 milliards d'euros de crédits budgétaires provenant des fonds structurels s'y ajouteront, pour atteindre un montant total d'environ 24 milliards d'euros consacrés sur la période 2014-2020 aux transports.
L'accord du 27 juin porte également sur le projet de règlement définissant les règles d'octroi des crédits dans le cadre du MIE. Il prévoit notamment que le niveau maximal du soutien financier de l'Union européenne aux projets transfrontaliers sera de 50 % pour les études et travaux préparatoires et de 40 % pour les travaux définitifs. La Commission européenne a confirmé cet engagement le 17 octobre dernier, à l'occasion du Conseil des ministres des transports.
2. Un resserrement des relations entre la France et l'Italie
L'intérêt du projet Lyon-Turin est majeur pour l'économie française. Avec 70 milliards d'euros échangés en 2012, l'Italie est le deuxième partenaire commercial de la France. C'est le premier marché extérieur pour les produits agroalimentaires français et un débouché important pour les exportations françaises d'automobiles (12 %) et de produits métallurgiques (10 %). Chaque année, 40 millions de tonnes de marchandises transitent à travers les passages alpins franco-italiens , du Léman à la Méditerranée, avec une domination écrasante du mode routier. La sécurisation de ces flux matériels entre les deux pays apparaît comme étant d'intérêt stratégique.
Loin d'être d'intérêt purement régional, comme pourrait le laisser croire son appellation, la ligne ferroviaire Lyon-Turin permettra en fait de relier le grand bassin parisien , coeur économique de la France, au triangle Turin-Milan-Gênes , coeur économique et industriel de l'Italie.
Il ne faut surtout pas perdre de vue que les nouvelles percées alpines ferroviaires, déjà réalisées ou bien avancées à travers la Suisse et l'Autriche, sont toutes orientées Nord-Sud et relient le Nord de l'Italie aux régions les plus riches d'Allemagne, la Bavière et la Ruhr. En réalisant un saut qualitatif majeur dans sa liaison ferroviaire Est-Ouest avec l'Italie, la France évitera de se retrouver marginalisée dans la recomposition industrielle de l'Europe actuellement en cours.
La nouvelle ligne ferroviaire mixte ne servira pas qu'au transport des marchandises, mais rapprochera aussi les hommes. Pour les voyageurs, Paris sera à un peu plus de 4 heures de Milan. Un tel raccourcissement des temps de trajet contribuera au développement des flux touristiques, dans une perspective de renchérissement inéluctable des coûts du transport routier et aérien, mais aussi à celui des relations industrielles et commerciales entre la France et l'Italie, les échanges entre partenaires économiques ne pouvant pas tous être seulement virtuels.
3. Les bénéfices attendus pour les régions concernées
Le principal bénéfice, pour les régions traversées, de la nouvelle ligne ferroviaire mixte Lyon-Turin résultera du report du trafic marchandises de la route vers le rail, grâce à une capacité supplémentaire offerte pour le fret conventionnel et à un service d'autoroute ferroviaire à grand gabarit et à fréquence élevée. Les nuisances liées à la circulation des poids lourds se trouveront diminuées d'autant. Les gaz à effet de serre émis par les camions pourraient être réduits chaque année, entre Lyon et Turin, de l'équivalent d'une tonne par poids lourd de charge moyenne.
La dimension « voyageurs » du projet est également importante. La réalisation de la nouvelle liaison pourrait permettre d'attirer 4,7 millions de voyageurs sur cet axe en 2035, dont environ 1,3 million par effet du transfert de la route au rail d'une part, et de l'avion au rail, d'autre part, avec les effets positifs qui en résulteront pour l'environnement.
Pour les voyageurs, Lyon et Turin seront reliés en 2 heures, et Paris se trouvera à 2 heures 25 minutes de Chambéry.
Actuellement, le trafic international sur les lignes existantes de la région interfère toujours plus avec le développement du transport de voyageurs, en particulier autour des villes de Lyon, Chambéry et Turin. Du côté français, ajouter aux tronçons encore à voie unique une ligne nouvelle à deux voies permettra, par contrecoup, d'améliorer considérablement les dessertes pour les passagers dans toute la région Rhône-Alpes.