TRAVAUX EN COMMISSION
I. AUDITION ET ECHANGE DE VUES
A. AUDITION DE MME MARYLISE LEBRANCHU, MINISTRE DE LA RÉFORME DE L'ETAT, DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
Réunie le mardi 16 avril 2013, la commission procède à l'audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, sur les projets de loi de réforme de la décentralisation.
M. Raymond Vall, président. - Madame la ministre, je vous remercie de votre présence et vous souhaite la bienvenue au sein de notre commission. Cette audition était prévue depuis longtemps, mais elle arrive à point nommé, à l'aube de l'examen des projets de loi relatifs à la décentralisation. Nous sommes très impatients d'en savoir davantage, surtout en ce qui concerne les problématiques d'aménagement du territoire qui sont au coeur de nos compétences.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Je vous remercie de me recevoir. Lorsque j'ai pris mes fonctions, trois volets m'ont été confiés : la fonction publique, la réforme de l'État, que je préfère appeler « modernisation de la vie publique », et la décentralisation. J'en suis ravie, car il existe un lien très étroit entre eux.
Comme vous le savez, le projet de loi initial a été divisé en trois textes, avec des objectifs forts. Je me suis toujours inscrite en faux contre l'image du « mille-feuilles » territorial. On constate des habitudes de travail entre nos communes, nos départements et nos régions, bien plus fortes que dans certains de nos pays voisins, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Suède. Notre système fonctionne, mais il est perfectible. La question qui se pose est la suivante : comment améliorer le dispositif existant et quelle direction prendre ?
En matière de développement économique et d'emploi, comment entraîner les collectivités territoriales dans la lutte pour le redressement de notre pays ? Quelles missions leur confier vis-à-vis des jeunes ? La formation professionnelle et l'apprentissage sont des sujets importants, qui seront également abordés dans un autre projet de loi. Un rôle nouveau doit être confié aux régions en matière d'orientation des jeunes. Les collectivités doivent aussi pouvoir assumer un rôle en matière de logement étudiant.
La solidarité entre les territoires est également primordiale. Certains maires sont satisfaits de l'assistance technique fournie par les services de l'État pour des raisons de solidarité ou d'aménagement du territoire (ATESAT), d'autres la trouvent insuffisante. Nous avons eu de longues discussions avec l'assemblée des départements de France (ADF) à ce sujet. J'y ai perçu une quasi-unanimité sur la nécessité de confier aux départements cette mission de solidarité entre les territoires, à partir de ce qui existe déjà, qu'il s'agisse des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), des agences d'urbanisme, des agences de développement... Suivant cette logique, le numérique et le tourisme, doivent revenir au département, en tant que composante de l'aménagement du territoire. Leur rôle en matière de solidarité sociale doit quant à lui être conforté.
Je voudrais revenir sur la suppression des départements. En étudiant bien la question, je me suis rendue compte que cette mesure serait très compliquée à mettre en oeuvre : faudrait-il confier l'ensemble des allocations de solidarité à l'État, ce qui supposerait une réécriture des règles fiscales ? Ou plutôt les confier aux agglomérations et communautés de communes rurales ? Sur la base de quel critère ? Le nombre de personnes âgées ou handicapées est un flux, il n'est pas figé. Que ferait-on des collèges ? Faudrait-il les confier aux communes, aux intercommunalités ? L'opération n'est pas si simple, deux ans au moins seraient nécessaires pour sa mise en oeuvre. Une étude réalisée par KPMG pour l'ADF avait estimé le coût de cette mesure à 6,5 milliards d'euros, et évalué à dix ans la période à partir de laquelle on pouvait espérer un retour. Il faudrait en effet recréer des fonctions support, organiser les transferts de personnel, revoir leur régime indemnitaire, etc. C'est la raison pour laquelle, en pleine période de crise, et avec des élus de toutes tendances confondues, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il n'était pas opportun de s'engager sur cette voie. Le rôle du département en matière de solidarité sociale et territoriale est fondamental en période de crise.
En revanche, nous avons souhaité renforcer son rôle en matière d'aménagement du territoire. Certaines régions auraient pu l'assumer entièrement, mais il faut prendre en compte la diversité des territoires : il existe des départements, comme le Gers ou l'Ardèche, qui ont une identité forte, alors que toutes les régions n'en ont pas nécessairement. En parallèle, il faudra à l'avenir repenser les sous-préfectures, en milieu urbain et peut-être même en milieu rural.
La priorité doit être l'accès aux services publics. Le sentiment d'abandon que l'on ressent dans les territoires, les replis identitaires parfois constatés, résultent pour beaucoup de la fermeture des services publics, qu'il s'agisse des écoles, des perceptions, de postes... Les soutiens au projet de référendum alsacien ont été observés dans le département le mieux doté de ce point de vue. Certains ont critiqué le résultat du scrutin. J'en prends acte, les Français n'ont pas à recevoir de leçons. Je place beaucoup d'espoir dans la création de maisons de services publics sur des périmètres départementaux, avec un pool de fonctions support et une organisation commune. L'idée est de promouvoir une action publique plus efficace, moins coûteuse, transparente et démocratique.
Le fait urbain existe, il fallait le reconnaître et y répondre, dans le sens de ce qu'a exprimé le Président de la République le 5 octobre à l'occasion des états généraux de la démocratie territoriale. Ce qui a été entamé en décembre 2010, et s'est soldé par quelques difficultés, doit être réécrit et amélioré. Il faut reconnaître le fait urbain, lui donner la possibilité d'exercer des compétences optionnelles, qui dépendront du débat parlementaire. Nous avons laissé la possibilité de transférer les compétences liées au logement actuellement exercées par le département, et que certains d'entre eux ont déjà transférées, à des villes, comme Strasbourg, mais pas à des unités métropolitaines. Il y a un vrai débat sur ce sujet, compte tenu des disparités d'approches observées dans nos départements. Certains d'entre eux sont volontaires pour les transférer, notamment ceux qui doivent gérer des quartiers en difficulté, d'autres beaucoup moins.
Compétentes en matière de croissance économique et d'attractivité du territoire, les métropoles devront assurer les fonctions suivantes : gestion des CHU, enseignement supérieur, transfert de technologies, recherche et innovation, accueil de sièges sociaux et action à l'international. Le seuil de population nécessaire, aujourd'hui prévu à 400 000 habitants, est très discuté sur les territoires.
Sur la simplification du fait urbain, nous avons pris acte du fait que l'entrepreneur qui habite une grande ville s'adresse d'abord à l'intercommunalité, pour acquérir des terrains, étudier les moyens et liaisons de transport... Dans beaucoup de cas, l'octroi au département de la gestion de l'immobilier d'entreprise pose problème. L'idée de créer un accès unique pour les entreprises revient à faire intégrer les schémas de développement économique mis en place depuis longtemps par les intercommunalités urbaines dans le schéma de cohérence régionale, de mettre en regard le fait urbain et le fait régional en déterminant les chefs de file dans chaque domaine. Il me semble évident que les stratégies de filières, les pôles de compétitivité et de l'innovation doivent revenir aux régions. Je rappelle que si on enlève aux départements la compétence économique, il leur reste la cohésion sociale et la lutte contre les inégalités entre territoires, soit, à mon sens, la plus noble des fonctions politiques. Je voudrais insister sur cet enjeu que constitue l'égalité de nos enfants de France.
Je ne crois pas à la métropolisation sur le modèle de la stratégie de Lisbonne, avec un regroupement des populations et une mise en concurrence des territoires. Tous les espaces interstitiels doivent être bien traités. L'aménagement du territoire passe par tous les territoires de France : la moindre communauté de commune rurale mérite notre attention. La métropole doit s'inscrire dans un polycentrisme, dans un réseau de villes. Ce sujet est fondamental. Les métropoles doivent être conçues comme des têtes de réseau : elles auront de grandes responsabilités vis-à-vis de l'ensemble des territoires de France.
J'en viens aux cas particuliers de Paris, Lyon et Marseille.
Dans la région Île-de-France, nous ne sommes pas allés au bout au niveau de l'intercommunalité. La première couronne a été dispensée de réaliser une carte intercommunale. Ce n'est pas juste, il faut prévoir une égalité de droits. Il y a des communes isolées avec beaucoup de ressources. Un élu s'est récemment plaint de ne pas savoir où placer sa troisième piscine, alors qu'il y a des endroits où il n'y en a aucune et c'est là que réside le problème... D'ici le 1 er janvier 2015, il faudra réussir à gérer la solidarité des territoires au sein de la première couronne.
Deux sujets essentiels doivent être abordés dans le cadre de la métropole parisienne ou du Grand Paris - je n'ai pas trouvé de formulation idéale, mais je sais que le Parlement en trouvera une. Les transports, tout d'abord. Il faudra établir un schéma régional des transports au sens de la mobilité durable, en partant de la première couronne. Les contrats de développement territoriaux sont extrêmement intéressants, parce qu'ils ont été faits à partir des gares, permettant de conjuguer transports, logements et services.
Ensuite, le logement. Dans les troisième et quatrième couronnes, beaucoup de craintes ont été exprimées au sujet d'un risque de spéculation immobilière en cas d'implantation d'une autorité organisatrice dans la zone dense. Pour y répondre, nous préconisons un schéma régional de l'habitat, articulé aux transports, avec une autorité organisatrice en zone dense parce qu'il y a de véritables urgences. Un loyer de 600 euros pour la location d'une pièce, ce n'est pas acceptable.
Pour Lyon, nous avions proposé au départ une solution différente de celle qui a été retenue. Deux élus ont mis en avant une autre démarche, en proposant de fusionner une partie du département et Lyon, ce qui aboutirait au maintien d'un département rural de 440 000 habitants, mais celui-ci ne serait pas seul dans ce cas. Il y aura des ajustements à prévoir, notamment au titre des fonctions support, dans un premier temps. Cette proposition a été retenue, à la condition que soit établi un conseil de territoire, incluant les maires de proximité, parce qu'on ne peut pas tout gérer de la métropole.
S'agissant d'Aix Marseille Provence, je rappelle que c'est l'État qui a fait les gros investissements sur ce territoire : l'aéroport, le projet ITER, le port... Il y a aujourd'hui six intercommunalités et dix autorités organisatrices de transport, ce qui est loin d'être optimal et de grosses difficultés sont constatées dans l'organisation des transports. Nous venons de perdre un marché sur le terminal méthanier pour des raisons d'hinterland. Lyon à commencé à passer des accords avec Barcelone, Montpellier et Sète pour avoir une porte sur la Méditerranée par Barcelone, alors que nous avons Marseille. Nous insistons pour qu'il y ait une métropole méditerranéenne. C'est notre engagement, même s'il y a des réticences locales. Ces dernières ont beaucoup évolué, d'un refus total à la piste de la transformation de l'aire métropolitaine en un établissement public opérationnel de coopération (EPOC), mais j'estime qu'il s'agirait là, pour le coup, d'une couche institutionnelle supplémentaire. D'où la proposition que nous faisons, et dont le Parlement débattra.
J'en viens au bloc communal. Il reste, en France, le plus attachant même si quelques régions ont une identité forte, liée à leur langue régionale par exemple. Médiascopie a fait un très bon travail sur les mots de la décentralisation, que je me permets de recommander ici. Il est très intéressant de voir à quel point les gens sont attachés au nom de leur ville, au nom de leur département ou à leur plaque minéralogique. En revanche, ils connaissent moins les institutions. Il ne faut pas négliger cet aspect, lorsqu'on observe les phénomènes de repli sur soi et la montée des discours populistes. Tout cela doit être pris en compte, y compris dans ce projet de loi.
Comment rassurer les maires de France ? C'est le sujet le plus difficile que nous ayons à traiter aujourd'hui. Je rappelle que les maires sont les représentants de la République. Ce ne sont pas les présidents d'intercommunalité, mais les maires. Ils exercent un rôle de citoyenneté, qui est important. Je crois personnellement à la décentralisation à la condition qu'un État fort soit préservé.
Si certaines communes souhaitent fusionner, nous les encouragerons. Si les citoyens veulent les garder telles quelles, elles seront maintenues. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a parfois des difficultés à trouver des élus dans toutes ces communes, comme me l'indiquait il y a peu l'Association des maires ruraux de France.
A mon sens, l'intercommunalité reste cependant le moyen de sauver nos communes de France. En matière d'urbanisme, d'accompagnement des agriculteurs, de protection du foncier agricole, je ne vois pas comment on peut avancer sans une intercommunalité qui fonctionne. L'intercommunalité est arrivée à un âge presque mature. Lorsque j'ai proposé, comme d'autres, l'adoption d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI), c'est en prenant acte du caractère précieux de trois types de surfaces. Les surfaces agricoles, tout d'abord. Leur recul est dramatique, surtout si l'on tient compte des projections relatives à l'indépendance alimentaire du pays à l'horizon 2050. Il est regrettable qu'y soient construits de nouveaux lotissements, dans des villes-dortoirs, alors que les bourgs-centres, villages et hameaux sont aujourd'hui complètement dépeuplés. Un établissement public foncier régional doit intervenir à ce niveau. Les surfaces industrielles, ensuite, évidemment, et enfin, les surfaces nécessaires à la préservation de l'environnement, qu'il s'agisse des captages d'eau potable, des sites Natura 2000, des zones humides... Je suis persuadée qu'il faudra que la DGF prenne en compte les mètres carrés inconstructibles. On ne juge pas un maire à la croissance du nombre d'habitants de sa commune. Or, parfois, les recettes engendrées par la construction de logements, que ce soit le foncier bâti ou la taxe d'habitation, poussent dans la mauvaise direction. L'élu qui protège les surfaces agricoles n'en tire aucun bénéfice, alors que ce sont elles qui sont importantes à long terme, et non les lotissements.
C'est la raison pour laquelle je suis favorable à un PLUI. Cela créerait de la solidarité entre les maires. Celui qui protège des mètres carrés doit être supporté au premier sens du terme. Je sais que certains maires y sont opposés, d'autres en ont déjà adopté un. Cela signifie qu'il faudra peut être réécrire les schémas de cohérence territoriale (SCoT) d'une manière différente, parce qu'il y a trop de documents à établir. Il faudra que les schémas régionaux soient véritablement des schémas d'aménagement du territoire. Le schéma régional des transports, le schéma régional de développement économique, le schéma régional de la formation professionnelle, le schéma régional des éoliennes, le schéma régional de l'énergie, doivent finir par n'en faire qu'un seul : le schéma régional d'aménagement du territoire partagé.
C'est la raison pour laquelle j'ai proposé de faire confiance aux exécutifs pour s'organiser, en mettant en place des conférences territoriales de l'action publique. Je demande à ce que l'État y soit présent, parce qu'il est le garant de la République, mais aussi pour déléguer une compétence si quelqu'un veut l'exercer. Chez moi, certains élus souhaitent récupérer la compétence de l'eau : pourquoi pas ? Mais il faut que l'État soit à la table pour en discuter les modalités. Après trente ans de décentralisation, l'État doit reconnaître que les exécutifs sont majeurs, matures, et qu'on peut leur faire confiance pour discuter entre eux d'un pacte de gouvernance de leurs compétences.
M. Gérard Cornu . - Le président de la République a annoncé un « choc de simplification », et je pensais que le présent texte y contribuerait. Mais c'est l'inverse qui se produit : au lieu d'un seul texte, nous en aurons trois. Ce sera encore une question ratée, la montagne va accoucher d'une souris. Je sais que vous n'y êtes pour rien...
Mme Marylise Lebranchu, ministre . - J'en assume l'entière responsabilité !
M. Gérard Cornu . - Vous avez raison de dire que les mairies et les intercommunalités fonctionnent bien. J'approuve votre volonté de conserver les communes : c'est un atout pour la France d'avoir des communes gérées par des maires quasi bénévoles. En ce qui concerne le PLU intercommunal, ce serait une erreur de le rendre obligatoire. Nous avons des instruments, tel que le SCOT, qui peut inclure un programme locale de l'habitat (PLH), un plan de déplacement urbain (PDU) ou un document d'aménagement commercial (DAC), qui fonctionnent au niveau d'une agglomération. Mais je ne crois pas que de retirer aux communes leur compétence essentielle, l'urbanisme, contribuerait à les renforcer. En ce qui concerne la clarification des compétences, j'aurais aimé en voir plus. Je suis favorable à une compétence générale des communes, assortie de compétences ciblées pour les intercommunalités, optionnelles ou obligatoires. C'est un bon cadre, qui est à transposer au département et à la région. Sinon, nous égarons nos concitoyens, qui ne savent plus qui fait quoi. J'ai bien compris qu'il y aura parfois un chef de file, mais je ne sais pas comment ça va s'articuler. Au total, je ne pense pas que ce texte, tel qu'il nous est proposé, aboutira à une véritable simplification.
M. Rémy Pointereau . - Madame la ministre, vous étiez déjà venue présenter l'avant-projet de ce texte à la délégation aux collectivités territoriales. Je l'avais alors trouvé intéressant sur certains points, mais pas sur d'autres. Mon sentiment était justifié, puisqu'il a été retoqué et divisé en trois textes pour apaiser les oppositions : schématiquement, on a maintenant le projet de loi pour avant les élections sénatoriales, et les projets de loi pour après les sénatoriales. Après votre présentation, la situation n'est pas plus claire. Si l'on veut vraiment simplifier, il nous faut un nouveau schéma de gouvernance, qui comporte à mon sens deux choses. Premièrement, agrandir nos régions, qui sont trop petites par rapport à celles de nos voisins européens. Il faudra le faire sans demander l'avis de nos concitoyens. De même, nous devrions fusionner certains départements trop petits. Deuxièmement, on parle beaucoup d'intercommunalités, de métropoles, de régions, au détriment des départements et des communes. Les départements sont aujourd'hui étouffés financièrement, et doivent impérativement trouver des ressources pour l'Allocation perte d'autonomie (APA). Vous avez dit que vous aimiez bien les communes. Mais si vous leur imposez un PLU intercommunal, qu'est-ce qui leur restera comme compétence ? L'état civil, les écoles. Par ailleurs, on parle très peu de ruralité dans votre texte. D'autres aspects me paraissent superfétatoires. Par exemple, le Haut conseil des territoires. Mais il existe déjà : c'est le Sénat ! De même, vous prévoyez une énième commission d'évaluation des normes, alors qu'il en existe déjà deux. Mais peut-être cette troisième commission va-t-elle remplacer les deux autres ? Enfin, j'aimerais savoir pour quelle raison vous avez divisé en trois ce texte ?
Mme Esther Sittler . - Nous venons de vivre une expérience démocratique décevante avec l'échec du référendum en Alsace. Vous aviez raison de dire qu'il ne fallait pas faire de référendum ! Lors de la campagne, nous avons vu participer aux réunions des maires, des conseillers municipaux, mais très peu de citoyens de base. Il y a eu un amalgame : les gens ont cru que nous voulions supprimer le département, alors que nous voulions seulement supprimer le conseil général, ce qui n'est pas la même chose. Je sais que le Gouvernement soutenait ce projet. Les trois semaines de campagne ont été trop courtes et n'ont pas suffi. Il aurait fallu faire du porte-à-porte auprès de nos concitoyens. Alors que les jeunes ne lisent plus le journal, et n'ont même guère le temps de regarder la télévision, le simple citoyen ne connaît plus le rôle du conseil général et ne se sent pas concerné par les questions institutionnelles. Trop de démocratie a tué cette affaire. C'est dommage. Il aurait fallu une campagne électorale beaucoup plus longue. Mais je ne peux que vous encourager à simplifier le « mille-feuilles administratif ».
M. Michel Teston . - Je voudrais vous interroger sur deux sujets au coeur des compétences de notre commission du développement durable. Premièrement, les transports. Vous proposez un accroissement des compétences des régions en matière de ferroviaire. Je suis favorable à la possibilité donnée aux régions de demander la réouverture des lignes qui ne sont plus exploitées. Mais je m'interroge sur l'éventualité d'un transfert du domaine public ferroviaire national aux régions. Je suis très attaché à l'unicité dans ce domaine, il faut être prudent. Nous avons toutefois un peu de temps, car ce sujet ne sera abordé que par le troisième texte. Deuxièmement, le numérique. La « feuille de route » que nous a présentée votre collègue ministre Fleur Pellerin renforce considérablement le rôle des collectivités territoriales en matière de communications électroniques. Le code général des collectivités territoriales doit encore être modifié pour donner une base légale à ce renforcement. Cette question ne sera abordée que dans le deuxième texte, mais il ne faut pas trop tarder pour qu'il n'y ait pas trop de décalage entre la mise en oeuvre de la « feuille de route » et l'adaptation du code.
M. Yves Rome . - J'ai beaucoup apprécié le pied-de-nez fait aux élus alsaciens qui voulaient dissoudre les départements... Madame la ministre, je partage votre constat de la situation, et une part de vos objectifs, qui font appel à l'intelligence des territoires. Mais j'ai une divergence quant au fait que ce sera obligatoirement le président de région, ou à défaut le préfet de région, qui pilotera les conférences des territoires. Je suis favorable à une présidence tournante, pour ne pas imposer le fait régional, ou le rôle de l'Etat. Je déplore le choix qui a été fait de découper en trois le texte, et que le département ne soit évoqué que dans le dernier volet, relatif à la solidarité. Le département me semble très présent, dans bien d'autres domaines. Vous proposez ainsi de confier l'ingénierie territoriale aux départements, afin qu'ils rendent accessibles les services à la population. En effet, je ne connais pas d'autre collectivité territoriale qui dispose d'autant de personnel et de moyens répartis de manière homogène sur l'ensemble de son territoire. L'aménagement numérique est confié aux départements. J'ai également une divergence en ce qui concerne les établissements publics fonciers locaux. Je comprends qu'il faille en créer là où il n'y en a pas, mais je considère qu'il faut laisser aux collectivités territoriales la possibilité de conserver leur maîtrise foncière, au lieu de la déléguer à des fonctionnaires de l'Etat. Que deviendront les établissements publics fonciers locaux créés à l'initiative des élus ? En ce qui concerne le développement économique, il s'agit d'une compétence régionale, certes, mais il faut que les départements y soient associés. J'observe que personne, pas même l'Etat, ne s'est précipité pour reprendre la compétence de ces derniers en matière de SDIS.
M. Louis Nègre . - J'aurai un avis balancé. Je reprendrai tout d'abord certaines observations critiques déjà formulées. Le fait d'avoir trois textes au lieu d'un seul me paraît entrainer une perte de vision cohérente et globale. Mais vous faites aussi état de principes républicains sur lesquels nous pourrions nous entendre. En ce qui concerne la compétence en matière de tourisme, qui fait figure d'industrie lourde dans un département comme le mien, elle apparaît éclatée entre plusieurs niveaux. Il faudrait en avoir une vision plus efficace. Votre argument en faveur de la suppression de la clause de compétence générale ne me convainc pas. Vous avez dit que vous faites confiance aux exécutifs locaux pour introduire de la souplesse dans le système, que vous voulez permettre à ceux qui veulent s'entendre de le faire. Cela me va, même si je suis pour un Etat fort. La création des métropoles me paraît aussi un élément très positif : c'est une consécration du fait urbain, et nous vous en remercions. Si je prends l'exemple de la métropole Nice-Côte-d'Azur, qui comporte 46 communes, dont plus de la moitié sont rurales, nous sommes parvenus à un équilibre interne tellement satisfaisant, que même des petites communes qui y seraient politiquement minoritaires demandent à y entrer. Elle pourrait être un laboratoire de ce qui existe réellement sur la base de la loi de 2010, et qui a donné des résultats satisfaisants à ce jour. Le polycentrisme est une bonne chose ; nos communes rurales existent. Nous avons une charte interne que le conseil communautaire m'avait demandé de rédiger, qui assure l'équilibre des pouvoirs, et également un conseil des maires dont votre projet de loi s'inspire. En ce qui concerne la gouvernance, je préférerais que l'on élabore le schéma régional de l'intermodalité plutôt qu'il y ait une simple concertation. En ce qui concerne la hiérarchie des documents de planification, où en est le schéma de développement de la région Île-de-France (SDRIF) par rapport aux SCOT, aux PDU et aux PLUI ? Que deviennent, par ailleurs, les syndicats mixtes du type « loi SRU » ? Je ferai une critique relative à la décentralisation et la dépénalisation du stationnement, qui ne figurent pas dans le projet de loi, alors que le GART, toutes tendances politiques confondues, les demande. J'ai dans ma commune une zone agricole, inscrite comme telle dans le SCOT et le PLU, et que je souhaite protéger. Néanmoins, quand vous avez dans une zone agricole une parcelle qui a été affectée à un autre usage, par exemple un garage, vous ne pouvez pas la rétablir dans un usage agricole sans débourser des centaines de milliers d'euros pour la racheter à ses propriétaires, car les textes ne permettent pas de faire autrement.
M. Yves Chastan . - Madame la ministre, vous avez mis en avant une notion pour moi essentielle : celle de pacte de confiance avec les collectivités territoriales. Il faut discerner ce qui doit être impulsé par la loi, pour de nouvelles avancées, de ce qui doit rester de l'initiative des collectivités territoriales et de leur entente. Dans mon département à forte dominante rurale, l'Ardèche, nous assurons à travers un SCOT et un PLUI une solidarité forte au sein d'une agglomération qui inclut 30 communes rurales. Nous sommes prêts à nous constituer en agglomération, ce qui va faire évoluer les mentalités. Si l'on nous dit qu'il faut passer tout de suite au PLUI, nous risquons de nous heurter à des réticences. Je suis d'accord avec l'objectif final du PLUI, mais il faut privilégier l'accord volontaire et la concertation, laisser le temps au PLUI de mûrir. Par ailleurs, nous avons besoin de stabilité des textes législatifs et réglementaires. Ce n'est pas un reproche que je vous adresse en particulier : le problème est plus ancien, et tout à fait général. Je suis d'accord aussi sur votre objectif de préservation des espaces agricoles. Ma commune est urbaine, mais nous sommes en train d'y remettre des espaces agricoles.
Je ne porterai pas d'appréciation sur la pertinence de diviser en trois le projet de loi. Je pense néanmoins que nous, parlementaires, aurons besoin d'un corpus global de présentation, à destination de nos élus locaux et de nos concitoyens. Il faudra mettre en évidence la meilleure visibilité qui en résultera pour l'action de chaque niveau de collectivités territoriales. Il faut un chef de file pour le développement économique, et il me paraît normal que ce soit la région, qui travaillera avec les départements et les intercommunalités.
M. Henri Tandonnet . - Je partage votre conception qui consiste à faire confiance aux exécutifs locaux. Je suis d'accord avec l'équilibre que vous visez entre les communes et les intercommunalités, comme avec le rétablissement de la clause de compétence générale. La grande question demeure la maîtrise de l'urbanisme, avec toutes ses conséquences sur la requalification des centres-villes et des centres-bourgs et sur le maintien des zones rurales. Sur mon territoire, nous avons mis en place un PLU intercommunal, de manière plus consensuelle que contraignante, et disposons d'un établissement public foncier local (EPFL). Alors que, souvent, les petites communes subissent les règles d'urbanisme, l'existence d'un tel établissement leur permet de retrouver la maîtrise du foncier et de faire, notamment, du logement social. Nous avons aussi mis en place un SCOT, bâti dans le cadre d'un pays. Or, l'article 45 du projet de loi prévoit la mise en place d'établissements publics fonciers d'Etat, pour une couverture générale et obligatoire dans le cadre de la région. Ces nouveaux établissements vont-ils se juxtaposer aux EPFL déjà existants ? Une autre question est de savoir ce que l'on va faire des pays, dont ne je vois pas trace dans le texte de loi ? D'une manière générale, je ne suis pas favorable à une harmonisation générale. Chacun devrait pouvoir construire son territoire comme il l'entend.
M. Michel Doublet . - J'ai besoin d'une précision sur le troisième volet, relatif aux transferts entre les communes et les intercommunalités, qui me paraît oublier ces autres acteurs locaux que sont les grands syndicats. Nous avons dans mon département un syndicat pour l'eau et l'assainissement, qui regroupe 472 communes et est propriétaire de ses réseaux. Pourquoi devrions-nous transférer ce syndicat départemental à une intercommunalité ? Il fonctionne très bien et donne satisfaction à tout le monde.
M. Hervé Maurey . - Je reste perplexe et étonné par ce que j'ai entendu. La décentralisation est un sujet important, annoncé comme une grande réforme du quinquennat de M. Hollande, voire comme un « Acte III de la décentralisation » ; mais je n'ai pas senti dans vos propos une vision, une ambition, un projet. Peut-être avez-vous dû parvenir à un compromis, comme le gouvernement précédent, sous l'effet de ces puissants lobbies que sont les associations d'élus locaux. En ce qui concerne le département, vous nous dites : on a bien pensé à le supprimer, mais c'est compliqué. Votre réforme ne propose pas de simplifier le « mille-feuilles administratif », ni de clarifier les compétences. S'il y a un chef de file, qui sera la région, les autres collectivités ne pourront plus exercer leurs compétences propres, sauf s'il en est décidé autrement au sein de la conférence des territoires régionale. Cela revient à une mise sous tutelle des autres collectivités territoriales par la région. D'une manière générale, je suis d'accord pour que l'Etat se substitue aux collectivités territoriales lorsqu'elles ne font pas leur travail. Mais ce n'est pas ce que l'on observe actuellement en matière d'aménagement numérique du territoire. Par ailleurs, je suis tout à fait opposé au PLU intercommunal. Une meilleure coopération entre les communes est souhaitable, mais ne doit pas aboutir à un transfert de leur compétence d'urbanisme. Mes questions sont simples : quel est le sens de votre réforme ? Quel en est l'objectif ? S'agit-il d'un « Acte III de la décentralisation », ou d'un simple toilettage des textes ?
Mme Hélène Masson-Maret . - Je ne reprendrai pas la caricature du mille-feuilles territorial. La région sera chef de file en matière de développement économique, autour d'un schéma régional adopté pour cinq ans. La région pourra déléguer certaines de ses compétences. Mais que se passe-t-il lorsqu'il y a une enclave dans laquelle la région ne peut pas agir ? Et s'il y a deux politiques économiques sur le territoire, en l'absence d'accord ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Monsieur Cornu, vous dénoncez le mille-feuilles territorial, en disant qu'il faudrait supprimer un échelon...
M. Gérard Cornu . - Je n'ai pas dit cela. Je voudrais que les compétences de chacun soient clairement identifiées.
Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Je ne vois pas comment on pourrait s'attaquer au mille-feuilles sans supprimer quelque chose... C'est la raison pour laquelle je n'ai pas saisi ce que vous vouliez dire. Lorsque nous confions à la région un rôle de chef de file, il s'agit d'un cadre. Comme aujourd'hui entre un président d'intercommunalité et un maire, le président de conseil régional et le président de conseil général pourront se répartir les rôles. L'immobilier d'entreprise, par exemple, pourra être confié au département, ou, dans les régions où les départements ne souhaitent pas l'exercer, à l'intercommunalité... Il y aura un dialogue entre les élus. Ils y sont prêts, contrairement à ce que laissent entendre trop souvent les médias, et même si l'exercice sera peut-être un peu difficile parfois.
En l'absence de pacte de gouvernance, les cofinancements seront interdits. Ces derniers resteront autorisés, compte tenu de la diminution des ressources, mais ils devront être liés à un acte clair de définition de la politique de développement économique, dont le champ est très large...
Je m'étais posée la question de savoir si un agrandissement des régions pouvait avoir un intérêt économique ou politique. Mais après avoir visité plusieurs de nos pays voisins, je peux vous assurer que ce ne sont pas toujours les régions les plus grandes qui fonctionnent le mieux. Je suis très favorable au e-progrès et à l'e-administration, mais je crois aussi à l'importance des relations humaines. En outre, gagnerait-on du temps en termes d'action publique en les agrandissant ? Je ne le crois pas. Ce n'est pas un processus facile, il faut en avoir conscience. Il ne faut pas perturber les choses en pleine période de difficultés économiques. Peut-être que dans vingt ou trente ans, il y aura une évolution, mais je ne voudrais pas perdre aujourd'hui trois années d'action publique à cause d'une telle réforme.
La fusion de certains départements a un sens, mais j'ai vu les difficultés qu'elle pouvait engendrer, en Alsace notamment. J'en ai tiré un enseignement : en tant qu'élus, nous voyons les choses du point de vue des institutions, alors que les citoyens raisonnent en termes d'action publique et de service public. J'encouragerai et accompagnerai toute fusion de communes, départements, voire de régions, mais je ne crois pas que ce soit d'actualité aujourd'hui.
Vous regrettez l'absence de mise en place d'une organisation plus claire et plus simple. Mais il aurait alors fallu renoncer à la clause générale de compétence. J'ai été la seule, au cours de la mission Lambert, à dire qu'il fallait s'engager dans cette voie. Puis, en regardant de près, en particulier dans le domaine du développement économique, je me suis rendue compte que ce n'était pas possible.
Le transfert des techniciens et ouvriers de service aux régions a bien fonctionné, mais a engendré la transformation de la région-administration de mission et de stratégie en une administration de gestion. Si l'on supprime la clause générale de compétence, la région va devoir tout gérer, alors qu'elle doit rester une administration de mission. Il y a peut-être des présidents de conseil régional qui souhaitent se débarrasser des lycées. Si un département souhaite les assumer, et que la région en est d'accord, il pourra le faire. Je n'attends toutefois pas de révolution sur le premier mandat des pactes de gouvernance. Il ne faut pas précipiter les choses. Mais à partir de la deuxième génération de pactes, il y aura certainement plus d'évolutions...
Sur le PLU intercommunal, vous êtes d'accord pour une école intercommunale mais non pour un PLU intercommunal. Or, le lieu d'implantation d'une école n'est pas indépendant des autres décisions d'urbanisme. Il est donc important de pouvoir en discuter ensemble. Les maires ont exprimé des réticences, parce qu'ils ont l'impression de perdre quelque chose. J'entre effectivement au Sénat avec un projet de loi qui le rend obligatoire, mais je pense qu'il faut laisser un délai important pour la mise en oeuvre d'une telle mesure. Je reviens du Nord Ardèche, où il y a déjà un PLU intercommunal et un projet de mutualisation totale des services de deux communautés de communes rurales. Je suis là pour aider ce type d'initiative.
Monsieur Pointereau, le Haut Conseil des territoires sera une rencontre des exécutifs, en amont de la décision avec l'exécutif de l'État, alors que le Sénat, dans le cadre de la séparation des pouvoirs, représente le pouvoir législatif. C'est une forme d'étude d'impact réalisée par les exécutifs. Sur la question des normes, une fois que la loi Gourault-Sueur sera adoptée, les dispositions identiques qui seront restées dans le projet de loi seront supprimées.
Monsieur Teston, nous avons longtemps hésité au sujet des délaissés ferroviaires. Nous avons fait une proposition qui n'est pas si éloignée de celle du groupement des autorités responsables de transport (GART). Il faut désormais en discuter, afin d'adopter la meilleure solution.
Sur le numérique et la feuille de route de ma collègue Fleur Pellerin, il faut aller vite. Nous l'avons confié au département parce que c'est lui qui engage aujourd'hui le plus de dépenses en matière d'aménagement du territoire. La « colonne vertébrale » du réseau sera peut-être confiée aux régions dans le cadre des conférences territoriales, parce que celles-ci bénéficient de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER). Il faut en tout cas que cette « colonne » devienne publique, avec des péages pour son utilisation. C'est tout de même avec de l'argent public que l'on finance les réseaux pour lesquels l'initiative privée est défaillante.
Monsieur Rome, le président de la conférence territoriale établit l'ordre du jour, les convocations et paie les timbres... Je ne comprends pas ces querelles. Si l'on prend un président de conseil général, selon quel critère sera-t-il choisi ? Laissons de côté les problèmes d'ego, il faut une unité de présidence.
Monsieur Nègre, j'ai reçu Monsieur Estrosi et nous avons décidé de sanctuariser Nice, ce qui a néanmoins posé quelques problèmes... Si je supprime la clause générale de compétence, j'enlève au département le numérique et le tourisme, qui relèvent de l'économie. On ne peut pas tout avoir... Je pense qu'une compétence peut être partagée.
L'intermodalité doit se faire à l'intérieur des territoires, à partir d'un schéma régional. La dépénalisation du stationnement ne me choque pas, lorsqu'il s'agit du non-respect des règles de stationnement payant. En revanche, le stationnement dangereux relève de l'État.
S'agissant du rachat d'un garage pour en faire une terre agricole, je suis désolée, il n'est pas autorisé, en raison du principe du respect de la propriété privée.
Monsieur Chastan, comme je l'ai dit, nous laisserons du temps pour l'adoption des PLU intercommunaux. Il faudra en débattre, peut-être au sein de votre commission, puisqu'il y a des enjeux environnementaux forts, sur les questions de captages et de zones Natura 2000. Je rends en revanche obligatoire la mutualisation des services pour les intercommunalités. On ne peut pas transférer une compétence sans les services.
Sur la division du texte initial en trois projets de loi, cela reste un corpus global, avec le même exposé des motifs.
Monsieur Tandonnet, je suis d'accord avec vous sur la compétence générale. Pour les établissements publics fonciers locaux, il faut passer à un établissement public foncier régional. A partir du moment où il y aura une taxe, cela permettra de racheter des friches, ce que les EPF locaux ne peuvent souvent pas faire, faute de moyens.
En ce qui concerne les pays, je suis assez d'accord. Il est regrettable qu'ils soient devenus une option dans le texte. Dans la première version, j'avais proposé de créer des pôles de développement territorial là où il n'y a pas de pays. Je pense qu'il va bien falloir associer les collectivités de communes, rurales en particulier. Je ne suis pas fermée à des amendements en ce sens.
Monsieur Doublet, je suis d'accord avec votre observation sur les syndicats départementaux d'eau et d'assainissement. Il va falloir trouver une rédaction pour permettre le maintien d'une telle opération.
Monsieur Maurey, vous êtes perplexe... Moi aussi, tous les matins en me levant, mais je se suis rassurée le soir ! Plus sérieusement, ce texte n'est pas le résultat d'un compromis hypothétique entre l'AMF, l'ARF et l'ADF, mais d'une discussion très difficile avec l'AMF. Il s'agit de déterminer les liens du maire avec le département, l'intercommunalité, la région. Cela implique de prendre en compte des choses qui ne relèvent pas seulement de la réalité froide du droit. Je crois qu'il faut faire confiance aux élus, pourvu que l'Etat se porte garant in fine . Vous me dites que ce n'est pas le cas pour l'aménagement numérique. Mais l'accès au haut débit n'est pas encore un droit fondamental, pour l'instant. Vous doutez des conférences de territoires ; moi, au contraire, je leur fais confiance. Je suis convaincue que la deuxième génération des pactes de gouvernance sera d'un niveau supérieur à la première.
Pour moi, il ne s'agit pas tant de « l'Acte III de la décentralisation », que de la modernisation de l'action publique. Nous devons faire un texte qui permette d'évoluer sans devoir recourir plus tard à de nouveaux textes. Nous ne pouvons pas légiférer tout le temps. L'ensemble formé par la conférence des territoires et le pacte de gouvernance donne la possibilité aux élus d'évoluer encore et encore. Je préfère l'action au droit, pour nous adapter à un monde qui bouge vite. Mon objectif est de faire un seul texte de loi, et qu'après le système fonctionne, même dix ans après son vote.
Madame Masson-Maret, vous avez raison sur l'intégration des schémas régionaux de développement économique. Les schémas des aires urbaines doivent être intégrés à ceux des régions. Cela déplaît peut-être aux régions, mais c'est écrit dans ce sens là. La recherche précise de la cohérence doit déboucher sur un document unique.
M. Raymond Vall, président . - Je vous remercie madame la ministre. Vous n'avez rien lâché, mais aussi beaucoup écouté. Et je vous sais gré d'avoir accepté par avance de revoir un certain nombre de problèmes.