N° 592
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 mai 2013 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, portant diverses dispositions d' adaptation au droit de l' Union européenne dans le domaine du développement durable ,
Par M. Roland COURTEAU,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard . |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
775 , 879 , 913 et T.A. 140 |
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Sénat : |
585 (2012-2013) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable porte bien son nom : il permet de faire examiner et adopter par le Parlement un ensemble de mesures législatives indépendantes les unes des autres, mais toutes liées au droit de l'Union européenne et au développement durable.
Le projet de loi est renvoyé sur le fond à l'examen de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, qui a nommé rapporteure Mme Odette Herviaux.
Certains articles entrent toutefois dans le cadre des compétences de votre commission des affaires économiques, qui a décidé de s'en saisir. Il s'agit des articles 9 (sociétés vétérinaires), 27 (directives relatives aux biocarburants et aux énergies renouvelables), 28 (code de l'énergie), 29 (audits énergétiques) et 30 (stocks stratégiques pétroliers).
Parmi ces articles, votre commission est chargée, par délégation de la commission du développement durable, d'examiner au fond les articles 9 et 30.
Votre rapporteur pour avis a porté une égale attention aux cinq articles dont l'étude lui a été confiée, en raison de l'importance des sujets traités, même si la marge de modifications était souvent limitée en raison de la nature même des procédures juridiques mises en oeuvre par ces articles : ratification d'ordonnances, transposition de directives européennes, codification à droit constant...
Ces articles concernent en premier lieu l'exercice de la profession vétérinaire : la Commission européenne a fait observer à la France que les dispositions de la directive « Services » n'étaient pas pleinement respectées concernant la législation relative aux sociétés de vétérinaires.
Il s'agit aussi de donner pleine valeur législative aux dispositions, prises par ordonnances, de transposition des directives relatives aux biocarburants et aux énergies renouvelables. Ces ordonnances décrivent notamment le mécanisme des garanties d'origine de l'électricité « verte » et les critères de durabilité associés aux mécanismes de soutien au développement des biocarburants.
Il est également nécessaire de ratifier l'ordonnance du 9 mai 2011 qui a créé le code de l'énergie. Cette ratification n'est pas anodine : il s'agit, au-delà du rassemblement à droit constant des grandes lois sur l'énergie au sein d'un texte unique, de la transposition en droit national des directives du troisième « paquet » énergie sur le marché de l'électricité et du gaz.
Votre rapporteur pour avis a noté à cet égard le nombre élevé de corrections, généralement formelles, qui se sont révélées nécessaires dans ce code. Tout en reconnaissant la nécessité dans certains cas de recourir aux ordonnances pour des textes très techniques, il ne peut que souligner l'utilité que représente, sur le plan de la qualité de la loi, l'examen en deux ou plusieurs lectures des textes de loi par le Parlement. Il approuve ainsi l'association par le Gouvernement des deux assemblées à la mise au point d'une nouvelle rédaction du code minier.
Le Gouvernement a souhaité, afin d'en permettre l'application la plus rapide possible, transposer via le présent texte l'une des dispositions de la directive « Efficacité énergétique », dont votre commission pour avis a suivi de près l'élaboration. Il s'agit de l'obligation de réalisation des audits énergétiques par les grandes entreprises, qui doivent être menés à bien d'ici au 5 décembre 2015.
Enfin, un article à portée assez limitée modifie les relations entre les deux organismes chargés en France de la gestion des stocks stratégiques pétroliers.
Votre commission pour avis a adopté sans modification les articles 9 (sociétés vétérinaires) et 30 (gestion des stocks stratégiques pétroliers), qu'elle a examinés sur le fond. S'agissant des autres articles relatifs à l'énergie, dont elle s'était saisie pour avis, elle a donné sa préférence au terme « biocarburant » par rapport au terme « agrocarburant » retenu par les députés et a adopté deux amendements rédactionnels proposés par votre rapporteur.
De l'importance de la plupart des questions traitées dans ces cinq articles, même si les modifications apportées par le Parlement sont relativement limitées sur le fond, votre rapporteur pour avis retient la part importante, voire essentielle, prise par la législation européenne dans le droit non seulement de la concurrence mais aussi de l'énergie.
Or il ne peut que constater dans le même temps qu'à cette organisation des marchés décidée au niveau européen par nos gouvernements et par le Parlement européen, avec la Commission européenne, il manque une contrepartie nécessaire : une politique européenne de l'énergie, qui au-delà de l'organisation de la concurrence traiterait réellement de la gestion des ressources et de la coordination des réseaux. Cette politique, prévue par les traités, est encore largement à définir et à mettre en oeuvre. Votre rapporteur pour avis l'appelle de ses voeux, tout en étant conscient de l'importance des spécificités nationales, dont certaines sont parfaitement fondées, dans la gestion de l'énergie.
I. LE RÔLE ESSENTIEL DU DROIT EUROPÉEN DANS LE DOMAINE DE L'ÉNERGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Les articles dont votre commission pour avis s'est saisie, outre un article concernant l'exercice en société de la profession vétérinaire 1 ( * ) , complètent l'intégration dans le droit interne des politiques et des objectifs européens en matière de développement durable dans le domaine de l'énergie.
A. LES INTERROGATIONS CONCERNANT LES BIOCARBURANTS
Au niveau de l'Union européenne , la directive 2003/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports a fixé les premiers objectifs d'incorporation des biocarburants et autres carburants renouvelables dans l'essence et le gazole mis en vente à des fins de transport : 2 % en 2005 et 5,75 % en 2010.
Puis la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables a fixé un autre objectif , légèrement différent et plus éloigné dans le temps : dans chaque État membre, la part de l'énergie produite à partir de sources renouvelables dans toutes les formes de transport en 2020 devrait être au moins égale à 10 % de sa consommation finale d'énergie dans le secteur des transports. Il s'agit d'encourager le secteur à améliorer son efficacité énergétique et pas seulement à recourir à des biocarburants : la consommation d'électricité est ainsi prise en compte en plus de l'essence, du diesel et des biocarburants.
Au niveau national, l'objectif d'incorporation de biocarburants dans les carburants traditionnels , qui était de 7 % en 2010, n'a pas été atteint . Cet objectif de 7 % est donc resté inchangé pour les années 2011 et 2012.
En 2011, selon le rapport annuel de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) sur l'industrie pétrolière et gazière, le pourcentage énergétique de biocarburants dans les carburants était de 6,84 % (soit 5,78 % pour les essences et 7,07 % pour le gazole), contre 6,7 % en 2010 (soit 6,07 % pour les essences et 6,85 % pour le gazole).
L'un des principaux leviers pour développer l'utilisation des biocarburants est la fiscalité et notamment la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Celle-ci encourage en effet l'incorporation et la distribution de biocarburants en pénalisant les opérateurs qui n'atteignent pas les seuils fixés. Le taux de la TGAP est en effet fixé à 7 % depuis 2010, alors qu'il n'était que de 1,75 % en 2006 (article 266 quindecies du code des douanes). Pour le calcul de la TGAP, ce taux est diminué à proportion des volumes de biocarburants incorporés dans les carburants mis sur le marché.
De même, les biocarburants bénéficient d'une exonération partielle de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).
Enfin, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) 2 ( * ) , les biocarburants utilisés en 2010 en France présentent des bilans d'émissions de gaz à effet de serre qui satisfont globalement les exigences de réduction d'au moins 35 % des émissions de gaz à effet de serre fixées par la directive 2009/28/CE, en l'absence de changement d'affectation des terres.
Dans le même temps, les biocarburants font l'objet de nombreuses critiques , au point que leur développement n'est plus aussi consensuel que par le passé.
L'utilisation des terres agricoles pour des productions non alimentaires, au détriment de la sécurité d'approvisionnement, est fortement mise en cause. Le bilan environnemental des biocarburants pourrait d'ailleurs être remis en cause par la prise en compte des changements indirects d'affectation des sols : lorsque des terres sont consacrées à la culture de biocarburants en Europe, il arrive que des forêts soient rasées dans d'autres régions du monde pour satisfaire nos besoins alimentaires. Or ces forêts captent une partie du CO 2 produit par les activités humaines.
Le bilan global de la filière des biocarburants, y compris en tenant compte des changements indirects d'affectation des sols, fait l'objet d'études commandées par la Commission européenne. Le 17 octobre 2012, la Commission a ainsi publié une proposition de directive visant à restreindre la conversion de terres en cultures destinées à la production de biocarburants et à accroître les effets bénéfiques pour le climat des biocarburants utilisés dans l'Union européenne. Elle a alors précisé les objectifs de développement des biocarburants : si l'objectif de 10 % d'énergies renouvelables dans les biocarburants demeure en vigueur, seule la moitié de cet objectif doit pouvoir être atteint par des biocarburants produits à partir de denrées alimentaires.
Il est toutefois difficile, à l'heure actuelle, de savoir comment la part restante de l'objectif de 10 % pourra être atteint en 2020 par des biocarburants non produits à partir de denrées alimentaires, en raison de la trop lente maturation des filières de deuxième génération. Votre rapporteur pour avis constate ainsi, de facto, le risque d'une remise en cause progressive des objectifs de développement des biocarburants, ce qui ne facilitera pas la réalisation des objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre.
* 1 Voir infra la présentation de l'article 9 du présent projet de loi.
* 2 Analyses de cycle de vie appliquées aux biocarburants de première génération consommés en France, rapport réalisé par BIO Intelligence service pour l'ADEME, les ministres de l'écologie et de l'agriculture et France AgriMer, février 2010.