N° 570
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mai 2013 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , d' orientation et de programmation pour la refondation de l' école de la République ,
Par Mme Claire-Lise CAMPION,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mmes Muguette Dini, Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin . |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : |
653 , 767 et T.A. 96 |
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Sénat : |
441 , 537 , 568 et 569 (2012-2013) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a permis d'accomplir des progrès significatifs en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap, le nombre d'élèves accueillis en milieu ordinaire ayant connu une augmentation significative.
Pour autant, beaucoup reste à faire pour répondre aux besoins spécifiques de ces élèves, en particulier en matière d'accompagnement.
L'examen par le Sénat du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République offre l'occasion de donner une nouvelle impulsion à ce chantier pour qu'enfin, l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap devienne une réalité.
Très impliquée sur ce sujet depuis de nombreuses années, votre commission a décidé de se saisir pour avis de ce projet de loi afin de l'enrichir de dispositions de nature à améliorer la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Dans cet objectif, elle a, à l'initiative de sa rapporteure, adopté neuf amendements portant sur la coopération entre l'éducation nationale et le secteur médico-social, l'accessibilité des établissements scolaires, les aménagements d'épreuves des examens, la formation à l'utilisation des outils numériques, l'évaluation des politiques d'inclusion scolaire, et la formation des enseignants au handicap.
I. ETAT DES LIEUX DE LA SCOLARISATION DES ENFANTS EN SITUATION DE HANDICAP
A. L'ACCÈS À LA SCOLARISATION EN MILIEU ORDINAIRE : UN ENGAGEMENT TRÈS FORT DU LÉGISLATEUR DE 2005
L'égal accès à l'instruction est garanti par la Constitution (treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère celui de la Constitution de 1958).
L'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction est mise en oeuvre par les dispositions de l'article L.111-1 du code de l'éducation, qui énonce clairement que « le droit à l'éducation est garanti à chacun ».
L'article L. 111-2 du code de l'éducation précise, en outre, que « tout enfant a droit à une formation scolaire [...]. Pour favoriser l'égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire » .
Les élèves en situation de handicap ont, pendant longtemps, été pris en charge par des établissements spécialisés. Avec la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, ils sont de plus en plus nombreux à être scolarisés en milieu ordinaire.
1. Le droit pour chaque enfant en situation de handicap à une scolarisation en milieu ordinaire
Le principe d'intégration scolaire des enfants en situation de handicap est affirmé dès la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées , cette scolarisation devant se réaliser de préférence dans les structures ordinaires :
« Les enfants et adolescents handicapés sont soumis à l'obligation éducative. Ils satisfont à cette obligation en recevant soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale ».
Au début des années quatre-vingt, deux circulaires viennent consacrer la notion d'intégration scolaire de l'enfant en situation de handicap en milieu ordinaire 1 ( * ) . Deux modalités d'intégration sont alors proposées : l'intégration individuelle (en classe ordinaire) ou collective (regroupement d'enfants dans des unités spécialisées). Cette démarche s'appuie sur un projet éducatif individualisé, élaboré en commun par les familles, les enseignants, les personnels spécialisés, et les établissements intéressés.
Dans les années quatre-vingt-dix, sont successivement créées les classes d'intégration scolaire (Clis) 2 ( * ) à l'école primaire et les unités pédagogiques d'intégration (Upi) au collège. En 2011, ces dernières sont étendues au lycée et deviennent les unités locales d'inclusion scolaire (Ulis) 3 ( * ) .
Une nouvelle étape est franchie en 2005 avec la loi « Handicap » , qui consacre à l'article L. 112-1 du code de l'éducation l'existence d'un droit à la scolarisation en milieu ordinaire pour les enfants en situation de handicap.
Chaque école, chaque collège ou lycée a ainsi vocation à accueillir, sans discrimination , les élèves handicapés (art. L. 351-1 du code de l'éducation).
Tout enfant ou adolescent handicapé est, de droit, inscrit dans l'école ou l'établissement d'enseignement le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence (art. L. 112-1 du code de l'éducation).
Au sein de chaque maison départementale des personnes handicapées (MDPH), la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) est chargée de désigner les établissements ou les services correspondant aux besoins de l'enfant ou de l'adolescent. La décision de la CDAPH s'impose aux établissements scolaires ordinaires et aux établissements médico-sociaux dans la limite de la spécialité au titre de laquelle ils ont été autorisés ou agréés (art. L. 351-2 du code de l'éducation).
En outre, ainsi que le rappelle la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, l'éducation pour tous impose que des mesures appropriées soient prises pour assurer la scolarisation des enfants et adolescents handicapés.
Pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en vertu du droit à l'éducation, le service public de l'éducation doit garantir une formation scolaire, professionnelle ou supérieure adaptée aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. A ce titre, il est prévu que l'Etat mette en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés (art. L. 112-1 du code de l'éducation).
Les différentes modalités de
scolarisation
En application de l'article L. 112-2 du code de l'éducation, la scolarisation des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire constitue désormais le droit commun . D'autres modalités de scolarisation peuvent toutefois être envisagées lorsque les besoins de l'enfant le nécessitent. Ainsi, la loi « Handicap » prévoit des possibilités de scolarité ou d'enseignement de manière permanente ou ponctuelle dans des structures adaptées, ainsi que des aménagements des conditions de scolarité : - la scolarisation en classe ordinaire qui peut se dérouler, selon les situations, soit sans aucune aide particulière, soit faire l'objet d'aménagements lorsque les besoins de l'élève l'exigent (recours à l'accompagnement par un auxiliaire de vie scolaire - AVS - et/ou à des matériels pédagogiques adaptés) ; - la scolarisation en classe adaptée (classe d'intégration scolaire - Clis - dans les écoles élémentaires et unités pédagogiques d'intégration - Upi/Ulis 4 ( * ) - au collège et au lycée) pour les enfants dont la scolarisation à temps complet dans des conditions ordinaires n'est pas possible ; - l'orientation vers un établissement médico-social 5 ( * ) , décidée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) en association avec les parents : dans ce cas, la scolarisation peut être mise en oeuvre à temps plein au sein de l'établissement spécialisé ou en alternance dans une classe ordinaire ; - l'enseignement à distance assuré par le centre national d'enseignement à distance (Cned). Pour les élèves handicapés âgés de six à seize ans, le Cned propose un dispositif spécifique prévoyant notamment un projet personnalisé de scolarisation et l'intervention possible, au domicile de l'élève, d'un enseignant répétiteur ; - enfin, lorsque l'enfant ou l'adolescent doit effectuer un séjour dans un établissement de santé ou un établissement médico-social, le droit à la scolarisation est mis en oeuvre par l'affectation d'enseignants relevant de l'enseignement public ou de l'enseignement privé sous contrat. |
2. La définition d'un parcours de scolarisation adapté aux besoins de chaque enfant en situation de handicap
La scolarisation des enfants en situation de handicap repose sur les principes suivants : approche globale et pluridisciplinaire des différents aspects de la vie de l'enfant en situation de handicap, élaboration d'une réponse individualisée associant ses représentants, et désignation de référents chargés de l'accompagner dans la réalisation de son projet scolaire.
Première étape : l'analyse des besoins
L'analyse des besoins de l'élève en situation en situation de handicap est déterminante pour amorcer dans les meilleures conditions sa scolarité ; l'école, la famille et l'enseignant référent doivent agir en partenariat.
La bonne marche des opérations est d'autant plus importante qu'elle s'inscrit dans la durée. Ainsi, doivent être assurés :
- l'inscription et l'accueil de l'enfant dans l'établissement scolaire de référence, c'est-à-dire le plus proche de son domicile ;
- la mise en place de l'accompagnement nécessaire pendant toute la période d'instruction du dossier ;
- la désignation d'un enseignant référent, interlocuteur privilégié des parents et de l'élève ;
- une première évaluation des besoins de l'enfant par l'équipe éducative en appui avec l'enseignant référent.
Deuxième étape : le projet personnalisé de scolarisation
A partir des besoins identifiés, l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH élabore, à la demande de l'élève handicapé majeur, ou de ses parents ou de son représentant légal, le projet personnalisé de scolarisation (PPS).
Le PPS définit les modalités de déroulement de la scolarité de l'élève en précisant :
- la qualité et la nature des accompagnements nécessaires, notamment thérapeutiques et rééducatifs ;
- le recours à une aide humaine ;
- le recours à un matériel pédagogique adapté ;
- les aménagements pédagogiques utiles.
Le PPS assure la cohérence d'ensemble du parcours scolaire de l'élève handicapé. C'est sur la base de ce projet que la CDAPH rend une décision d'orientation qui doit favoriser, autant que possible, la scolarisation en milieu ordinaire . Les parents doivent être étroitement associés à la décision d'orientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix.
Le PPS fait partie intégrante du plan de compensation arrêté par la CDAPH, lequel prévoit, si nécessaire, la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement comme l'affectation d'un auxiliaire de vie scolaire (AVS).
Troisième étape : le suivi et les ajustements
L' équipe de suivi de la scolarisation , qui comprend les parents ou le représentant légal de l'élève handicapé, son ou ses enseignants, l'enseignant référent et, le cas échéant les professionnels chargés de son accompagnement médico-social, concourt à la mise en oeuvre du PPS et en assure le suivi :
- elle vérifie que l'élève bénéficie des accompagnements particuliers nécessaires à sa situation (aides humaines et techniques, accompagnements pédagogiques, éducatifs, thérapeutiques ou rééducatifs) ;
- elle organise son emploi du temps (répartition des temps réservés aux soins et aux rééducations, alternance entre établissement ordinaire et établissement médico-social) ;
- elle propose à l'équipe pluridisciplinaire de la MDPH et à la CDAPH, avec l'accord des parents, toute révision du PPS qu'elle juge utile.
Le PPS fait l'objet d'une évaluation au moins une fois par an par l'équipe de suivi de la scolarisation.
* 1 Circulaire n°82-2 du 29 janvier 1982 relative à la mise en oeuvre d'une politique d'intégration en faveur des enfants et des adolescents handicapés ; circulaire n°83-4 du 29 janvier 1983 relative à la mise en place d'action de soutien et de soins spécialisés en vue de l'intégration dans les établissements scolaires ordinaires des enfants et des adolescents handicapés ou en en difficultés en raison d'une maladie, de troubles de la personnalité ou de troubles graves du comportement.
* 2 Circulaire n° 91-304 du 18 novembre 1991 relative aux classes d'intégration scolaire.
* 3 Circulaire n° 2001-035 du 21 février 2001, portant sur la scolarisation des élèves handicapés dans les établissements du second degré et le développement des unités pédagogiques d'intégration (UPI).
* 4 Depuis le 1 er septembre 2010, toutes les unités pédagogiques d'intégration (Upi) sont devenues des unités locales d'inclusion scolaire (Ulis).
* 5 La catégorie des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) recouvre plusieurs types d'établissements :
- les établissements d'éducation spéciale pour enfants déficients intellectuels parmi lesquels on distingue les jardins d'enfants spécialisés, les instituts médico-éducatifs (IME), les instituts médico-pédagogiques (IMP), les instituts médico-professionnels (IMPro) ;
- les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep), spécialisés dans l'accueil d'enfants présentant des troubles du caractère et du comportement ;
- les établissements pour déficients moteurs qui ont pour mission d'assurer des soins, une éducation spécialisée ainsi qu'une formation générale ou professionnelle aux enfants déficients moteurs ou moteurs-cérébraux ;
- les instituts d'éducation sensorielle qui comprennent les établissements pour déficients auditifs, les instituts pour déficients visuels et les instituts d'éducation sensorielle pour enfants sourds et/ou aveugles ;
- les établissements pour enfants et adolescents polyhandicapés qui accueillent des jeunes atteints de handicaps graves à expressions multiples.
Les services d'éducation spécialisée et de soins à domicile (Sessad) forment une catégorie à part des ESMS puisqu'ils permettent d'intervenir auprès de l'enfant handicapé en milieu ordinaire.