II. UN PROJET DE LOI RELEVANT ESSENTIELLEMENT DU DROIT CIVIL MAIS IMPACTANT AUSSI LES DROITS SOCIAUX
Dans sa version initiale, le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe comportait vingt-trois articles . Après son examen en première lecture à l'Assemblée nationale, quinze d'entre eux ont été supprimés et douze nouveaux articles ont été introduits .
La disposition essentielle figure à l'article 1 er qui modifie le code civil pour légaliser le mariage entre personnes de même sexe.
Les articles 1 er bis A à 1 er bis D , insérés par l'Assemblée nationale, ont trait à la célébration républicaine du mariage.
Les articles 1 er bis à 1 er quinquies , également introduits par l'Assemblée nationale, étendent les possibilités d'adoption intrafamiliale et facilitent l'exercice en commun de l'autorité parentale.
Les articles 2 et 3 adaptent les règles de dévolution du nom de famille en cas de désaccord ou d'absence de choix des parents.
L'article 4 opère des coordinations dans le code civil, principalement pour remplacer les mots « père » et « mère » par « parents » .
L'article 4 bis , inséré par l'Assemblée nationale, rend expressément applicables aux couples de personne de même sexe les dispositions législatives autres que celles du code civil faisant référence aux « mari » et « femme », « père » et « mère », « veufs » et « veuves ».
L'article 4 ter , introduit par l'Assemblée nationale, complète la définition des associations familiales.
Par cohérence avec l'insertion de l'article 4 bis , les articles 5 à 13 de coordination ont été supprimés.
L'article 13 bis , nouvellement introduit, apporte des coordinations dans le code rural et de la pêche maritime.
L'article 14 procède à des coordinations au sein du code de la sécurité sociale.
Par cohérence avec l'insertion de l'article 4 bis , les articles 15 et 16 ont été supprimés.
L'article 16 bis , inséré par l'Assemblée nationale, porte sur la protection des salariés homosexuels en cas de mutation géographique.
Par cohérence avec l'insertion de l'article 4 bis , les articles 17 à 20 de coordination ont été supprimés.
L'article 21 adapte certaines dispositions applicables au département de Mayotte.
Enfin, les articles 22 et 23 concernent des dispositions transitoires et l'application outre-mer du projet de loi.
A. UNE ÉVOLUTION MAJEURE DU CODE CIVIL
1. L'ouverture du mariage aux personnes de même sexe
a) Garantir l'égal accès de tous les couples au mariage
En l'état actuel du droit, le code civil ne contient aucune disposition définissant le mariage . Il n'affirme qu'incidemment, en ses articles 75 et 144 7 ( * ) , que le mariage suppose l'union d'un homme et d'une femme.
De fait, jusqu'à une époque récente, l'évidence de la nécessité d'altérité sexuelle était telle que ni les rédacteurs du code de 1804, ni leurs successeurs, n'éprouvèrent le besoin de l'énoncer expressément. Seuls sont énoncés les éléments essentiels de l'existence et de la validité du mariage, ainsi que les droits et les devoirs de chacun des époux.
L'article 1 er du projet de loi ne propose pas de définition du mariage, mais insère un article 143 dans le code civil , qui met explicitement fin à l'exigence de la différence des sexes comme condition sine qua non du droit au mariage en disposant que : « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
Il ne s'agit pas d'instaurer un mariage homosexuel, mais uniquement de faire entrer les couples homosexuels dans le droit commun en leur permettant de choisir librement le régime juridique de leur union au même titre que les couples hétérosexuels.
Cette ouverture du mariage aux couples de même sexe se fait à droit constant , c'est-à-dire dans les mêmes conditions de consentement et d'âge, et avec les mêmes prohibitions (inceste, polygamie).
b) Poser une règle de conflit de lois
Pour assurer une efficacité pleine et entière à cette réforme, il est également proposé d'insérer dans la loi des dispositions spécifiques afin de régir la situation des mariages entre personnes de nationalités différentes .
En effet, en l'état actuel du droit, les conditions de validité du mariage s'apprécient au regard de la loi personnelle de chacun des époux.
Il a donc paru opportun d'introduire dans le code civil une règle de conflit de lois garantissant aux Français la possibilité de se marier avec un ressortissant étranger de même sexe, ou à deux ressortissants étrangers de se marier en France, quand bien même la loi personnelle du ou des futurs conjoints étrangers n'autoriserait pas de telles unions.
Cette règle, définie à l'article 1 er , consiste à écarter la loi personnelle quand celle-ci ne permet pas le mariage entre personnes de même sexe.
Lors de l'examen du texte par la commission des lois de l'Assemblée nationale, une nouvelle rédaction de cette règle a été adoptée, puis confirmée en séance publique. S'inspirant du droit belge, celle-ci fonde la règle dérogatoire sur deux critères de rattachement : non seulement la loi personnelle des époux, mais aussi la résidence ou le domicile d'un époux. Autrement dit, dès lors que, pour au moins un des époux, soit la loi personnelle, soit la loi de l'Etat sur le territoire duquel il a son domicile ou sa résidence le permet, le mariage de deux personnes de même sexe sera possible.
c) Renforcer le caractère républicain de la cérémonie du mariage
Les députés ont, en séance publique, introduit quatre nouveaux articles relatifs à la cérémonie du mariage :
- l'article 1 er bis A insère un nouvel article 34-1 dans le code civil précisant que les actes de l'état civil sont établis par les officiers de l'état civil et que ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle et la surveillance du procureur de la République ;
- l'article 1 er bis B complète l'article 74 du code civil relatif au lieu de célébration du mariage pour permettre que celui-ci puisse avoir lieu, à la demande des époux, dans le lieu de résidence de leurs parents ;
- l'article 1 er bis C modifie l'article 165 du code civil pour rappeler que l'institution du mariage est une cérémonie républicaine et que c'est en cette qualité que les officiers d'état civil la célèbrent en mairie ;
- l'article 1 er bis D rétablit l'article 167 du code civil, abrogé par une ordonnance de 1958, pour permettre à deux personnes françaises homosexuelles ou à une personne française et à une personne étrangère homosexuelles résidant dans un pays n'autorisant pas le mariage entre personnes de même sexe et dans lequel les autorités diplomatiques françaises ne peuvent procéder à sa célébration, de se marier dans la commune de naissance ou de dernière résidence de l'un d'entre eux, de l'un de leurs parents ou grands-parents ou, à défaut, dans la commune de leur choix.
Ces dispositions ont une portée symbolique très forte puisque elles rappellent, à juste titre, que le mariage est avant tout une institution de la République et, qu'en conséquence, celle-ci doit être accessible à tous les citoyennes et citoyens, sans considération de leur orientation sexuelle ou de leur origine.
2. L'accès à l'adoption pour les conjoints de même sexe
La loi n° 66-500 du 11 juillet 1966 a institué deux formes d'adoption : simple et plénière . L'adoption simple organise la coexistence de la filiation d'origine et de la filiation adoptive, tandis que l'adoption plénière rompt les liens avec la famille d'origine en donnant à l'enfant un nouvel état civil et une nouvelle filiation. Les conditions requises des personnes souhaitant adopter s'appliquent à l'adoption plénière comme à l'adoption simple. Depuis la loi de 1966, l'adoption peut être demandée par un couple marié ou une personne seule . Les conditions posées pour l'adoption d'un enfant En la forme plénière L'enfant doit être âgé de moins de quinze ans. La condition d'âge est repoussée à vingt ans dans deux cas : si l'enfant a été accueilli avant ses quinze ans par des personnes qui ne remplissaient pas les conditions légales pour adopter à ce moment ou s'il a fait l'objet d'une adoption simple avant d'avoir atteint 15 ans. L'autre condition pour être adopté de façon plénière est la rupture avec la famille d'origine . Ainsi, l'article 347 du code civil dispose que peuvent être adoptés : « 1° Les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l'adoption ; « 2° Les pupilles de l'Etat ; « 3° Les enfants déclarés abandonnés dans les conditions prévues par l'article 350. » Les conditions sont différentes pour l'adoption plénière de l'enfant du conjoint sont posées à l'article 345-1 du code civil : « 1° Lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint ; « 2° Lorsque l'autre parent que le conjoint s'est vu retirer totalement l'autorité parentale ; « 3° Lorsque l'autre parent que le conjoint est décédé et n'a pas laissé d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l'enfant. » En la forme simple L'article 360 du code civil ne prévoit aucune condition d'âge. Un majeur peut être adopté en la forme simple. Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir personnellement à l'adoption. Les personnes adoptables en la forme simple sont les enfants mentionnés à l'article 347 du code civil en rupture avec la famille d'origine. Un enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière peut , « s'il est justifié de motifs graves » (par exemple, désintérêt manifeste de l'adoptant), bénéficier d'une adoption simple (article 360 du code civil).
L'adoption simple de l'enfant du conjoint
est
autorisée même lorsque l'enfant a une filiation établie
à l'égard de ses deux parents biologiques,
sous
réserve de l'accord de ces deux parents
.
Les effets de l'adoption En la forme plénière La filiation adoptive se substitue à la filiation d'origine : l'adopté cesse d'appartenir à sa famille par le sang (article 356 du code civil). Le seul lien qui demeure est celui des prohibitions du mariage. L'autorité parentale est exclusivement et intégralement dévolue aux parents adoptifs. L'enfant est intégré dans la famille adoptive : « L'adopté a, dans la famille de l'adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu'un enfant dont la filiation est établie en application du titre VII du présent livre » (article 358 du code civil). En application de l'article 357 du code civil, l'adoption plénière confère à l'enfant le nom de l'adoptant. Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant. L'adoption plénière est irrévocable (article 359 du code civil). En la forme simple La filiation adoptive s'ajoute à la filiation d'origine . « L'adopté reste dans sa famille d'origine et y conserve tous ses droits, notamment ses droits héréditaires » (article 364). Les prohibitions au mariage avec les membres de la famille d'origine demeurent ; elles s'appliquent aussi dans la famille adoptive. L'autorité parentale est exclusivement et intégralement dévolue aux parents adoptifs, sauf en cas d'adoption simple d'un enfant du conjoint (dans ce cas, celui-ci conserve seul l'exercice de l'autorité parentale sauf déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance). Le nom de l'adoptant s'ajoute au nom de l'adopté. A la demande de l'adoptant, le tribunal peut décider qu'il y aura substitution. En revanche, l'acquisition de la nationalité des parents adoptifs est soumise à une requête spécifique. L'adopté est l'héritier réservataire de l'adoptant au même titre qu'un enfant légitime ou naturel. Il n'est, en revanche, pas héritier réservataire à l'égard des ascendants de l'adoptant. L'adoption simple est révocable , s'il est justifié de motifs graves, à la demande de l'adoptant ou de l'adopté ou, lorsque ce dernier est mineur, à celle du ministère public. |
a) La possibilité pour un couple de personnes de même sexe d'adopter conjointement
En matière d'adoption conjointe , les dispositions actuelles du code civil relatives à l'adoption plénière et l'adoption simple (articles 343 et 361) précisent que « l'adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans » . L'ouverture du mariage aux couples de même sexe a pour conséquence automatique de rendre ces dispositions applicables aux conjoints homosexuels mariés . Ceux-ci pourront adopter conjointement un pupille de l'Etat ou un enfant étranger via la procédure de droit commun.
La procédure d'adoption se décline en deux phases : - la phase administrative : la délivrance de l'agrément Pour adopter un enfant, l'obtention d'un agrément est nécessaire , tant pour l'adoption simple que l'adoption plénière. La procédure est identique que ce soit pour l'adoption d'un pupille de l'Etat ou pour celle d'un enfant étranger. En revanche, aucun agrément n'est requis pour l'adoption de l'enfant du conjoint. La loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l'adoption a unifié les pratiques de délivrance de l'agrément, auparavant très variables selon les départements. La demande d'agrément doit être adressée au président du conseil général du département de résidence. Celui-ci est tenu d'informer les candidat-e-s, dans un délai de deux mois, de la réalité de l'adoption, de ses aspects psychologiques et éducatifs, ainsi que des procédures administratives et judiciaires. Les candidat-e-s sont également sensibilisé-e-s sur la situation des enfants adoptables. Les candidat-e-s doivent ensuite confirmer leur demande, laquelle est alors examinée par le président du conseil général et la commission d'agrément du département qui est consultée pour avis . Le président du conseil général doit s'assurer que les conditions d'accueil offertes par les candidat-e-s sur les plans familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l'intérêt d'un enfant à adopter. A cet effet, il fait procéder à des investigations comportant notamment : - une évaluation de la situation familiale, des capacités éducatives ainsi que des possibilités d'accueil en vue d'adoption ; cette évaluation est confiée à des assistants de service social, à des éducateurs spécialisés ou à des éducateurs de jeunes enfant, diplômés d'Etat ; - une évaluation, confiée à des psychologues territoriaux ou habilités ou à des médecins psychiatres, du contexte psychologique dans lequel est formé le projet d'adoption. L'agrément est accordé pour cinq ans , dans un délai de neuf mois, par le président du conseil général après avis de la commission d'agrément. Tout refus d'agrément doit être motivé par une analyse in concreto des conditions d'accueil de l'enfant et peut être attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir. - la phase judiciaire : le prononcé de l'adoption Après l'arrivée de l'enfant dans sa famille adoptive, la demande aux fins d'adoption est adressée au procureur de la République ou au tribunal de grande instance. Le tribunal vérifie si les conditions légales de l'adoption sont remplies, dans un délai de six mois à compter soit du dépôt de la requête, soit de sa transmission. S'il y a lieu, il fait procéder à une enquête par toute personne qualifiée. L'affaire est ensuite instruite et débattue en chambre du conseil, après avis du ministère public.
L'adoption est prononcée par le tribunal de
grande instance
, en audience publique. Sa décision intervient
dans un délai minimal de six mois après l'accueil de l'enfant.
|
En faisant entrer dans le droit français la possibilité pour un enfant d'avoir deux branches de filiation de même sexe, le présent projet de loi s'inscrit dans la logique , déjà présente dans notre droit civil à travers l'adoption et l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, que la filiation n'a plus la procréation pour unique fondement (cf. III).
Les possibilités d'adoption conjointe resteront toutefois limitées compte tenu du faible nombre d'enfants adoptables en France comme à l'étranger (cf. III. A.) et du refus d'un grand nombre de pays de confier des enfants à des couples homosexuels (actuellement, très peu de pays autorisent formellement l'adoption par des couples homosexuels : deux Etats du Brésil, plusieurs Etats des Etats-Unis, l'Afrique du Sud, et éventuellement l'Etat de Mexico au Mexique).
La longue marche vers l'égalité entre personnes hétérosexuelles et homosexuelles suivant son cours à travers le monde, il est probable que de nouveaux pays ouvriront les portes de l'adoption aux couples homosexuels dans les années à venir.
Dans l'attente de ces évolutions, c'est vraisemblablement l'adoption de l'enfant du conjoint qui sera la plus fréquente .
b) La possibilité d'adopter l'enfant du conjoint de même sexe
L'ouverture du mariage aux couples de même sexe a également pour conséquence directe de permettre à une personne homosexuelle mariée d'adopter l'enfant de son conjoint , sous la forme plénière ou la forme simple, dans les conditions de droit commun .
Ainsi, l'adoption de l'enfant du conjoint de même sexe sera possible :
- dans la forme plénière, si l'enfant n'a de filiation établie qu'à l'égard de ce conjoint, ou si l'autre parent s'est vu retirer l'autorité parentale ou est décédé ;
- dans la forme simple, si l'enfant a déjà une double filiation parentale, et à la condition que ses deux parents donnent leur accord.
La possibilité d'adopter l'enfant du conjoint de même sexe va permettre de mettre fin à la situation d'insécurité juridique dans laquelle se trouvent aujourd'hui les familles homoparentales, les parents comme leurs enfants, puisqu'en l'état actuel du droit, un seul des membres du couple est reconnu comme le parent légal de l'enfant.
c) L'élargissement des règles d'adoption intrafamiliale
A l'initiative des rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a enrichi les règles relatives à l'adoption intrafamiliale sous la forme de trois nouveaux articles intégrés au projet de loi.
L'article 1 er bis modifie l'article 345-1 du code civil pour autoriser expressément l'époux-se à adopter en la forme plénière l'enfant que son conjoint ou sa conjointe a antérieurement adopté seul-e en la forme plénière 8 ( * ) .
L'article 1 er ter modifie l'article 360 du code civil pour autoriser expressément l'époux-se à adopter en la forme simple l'enfant que son conjoint ou sa conjointe a antérieurement adopté en la forme simple ou plénière 9 ( * ) .
L'article 1 er quater modifie l'article 365 du code civil pour faciliter l'exercice en commun de l'autorité parentale en cas d'adoption simple de l'enfant du ou de la conjoint-e 10 ( * ) .
L'Assemblée nationale a également introduit un nouvel article 1 er quinquies qui modifie l'article 373-3 du code civil afin de préciser que le juge peut, dans l'intérêt de l'enfant, prendre les mesure permettant de garantir le maintien des relations personnelles de l'enfant avec le tiers qui a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents.
d) L'adaptation des règles de dévolution du nom de famille en cas de désaccord ou d'absence de choix des parents
Si l'ouverture du mariage aux couples de même sexe emporte automatiquement la possibilité pour ces couples d'adopter, il convient cependant de procéder à quelques adaptations des dispositions relatives à la détermination du nom de l'enfant adopté . En effet, en l'état actuel du droit, il est prévu, qu'en cas de désaccord ou d'absence de choix des adoptants , l'adopté portera le nom du père ; il s'agit de la règle subsidiaire patronymique .
Les règles de dévolution du nom de famille en cas de filiation par le sang La loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille, modifiée par le loi n° 2003-516 relative à la dévolution du nom de famille, a ouvert, à l'article 311-21 du code civil, la possibilité pour les parents de choisir par déclaration conjointe le nom de leurs enfants : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. En l'absence de choix ou en cas de désaccord entre eux, le même article prévoit une règle subsidiaire patronymique aux termes de laquelle l'enfant porte : - le nom du père , si la filiation est établie simultanément à l'égard des deux parents. C'est le cas lorsque la présomption de paternité s'applique ou lorsque l'enfant né hors mariage fait l'objet d'une reconnaissance conjointe ; - le nom du parent à l'égard duquel la filiation est établie en premier, si la filiation n'est pas établie simultanément à l'égard des deux parents. La loi du 4 mars 2002 a également consacré le principe d'unité du nom de la fratrie , puisque le nom précédemment choisi pour l'enfant commun du couple s'impose ensuite à ses autres enfants. Les règles de dévolution du nom de famille en cas d'adoption En cas d'adoption plénière , l'article 357 du code civil dispose que « l'adoption confère à l'enfant le nom de l'adoptant ». En cas d'adoption conjointe par deux époux , le nom conféré à l'enfant est déterminé suivant les règles définies à l'article 311-21 précité. Ainsi, l'enfant adopté en la forme plénière prend soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. En l'absence de choix ou en cas de désaccord de la part des parents adoptant conjointement, c'est le nom du père qui prévaut, conformément à la règle subsidiaire patronymique . En cas d'adoption simple , l'article 363 du code civil prévoit que le nom de l'adoptant s'ajoute au nom de l'adopté . En cas d'adoption simple par une personne seule , si l'adopté et l'adoptant, ou l'un d'entre eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du nom de l'adoptant à son propre nom, dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux. En cas d'adoption simple conjointe par deux époux , le nom ajouté au nom de l'adopté est, à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux . En l'absence de choix ou de désaccord de la part des parents adoptant conjointement, c'est le premier nom du mari adoptant qui prévaut , conformément à la règle subsidiaire patronymique.
Par
dérogation
au principe
d'adjonction du nom de l'adoptant au nom d'origine de l'adopté,
l'article 363 du code civil permet de substituer le nom de l'adoptant au nom de
l'adopté, à la demande de l'adoptant et avec le consentement de
l'adopté âgé de plus de treize ans.
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Dans sa version initiale, le projet de loi modifiait la règle subsidiaire patronymique seulement pour la filiation adoptive :
- l'article 2 relatif à l'adoption plénière prévoyait qu'en cas de désaccord ou d'absence de choix des adoptants , l'adopté porte le premier nom de chacun des deux parents adoptant accolés dans l'ordre alphabétique ;
- l'article 3 relatif à l'adoption simple posait le principe qu'en cas de désaccord ou d'absence de choix des adoptants , l'enfant se voit adjoindre à son nom de famille d'origine le premier nom des parents adoptants selon l'ordre alphabétique .
La règle subsidiaire patronymique était, en revanche, maintenue pour la filiation par le sang.
Considérant que ce maintien était susceptible d'introduire une rupture d'égalité entre les couples , suivant qu'il s'agisse d'une filiation par le sang ou d'une filiation adoptive, l'Assemblée nationale a, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, aligné les règles subsidiaires de dévolution du nom de famille entre les deux modalités de filiation .
Ainsi, la nouvelle rédaction de l'article 2 modifie l'article 311-21 du code civil pour prévoir qu' en cas de désaccord ou d'absence de choix de la part des parents par le sang, les enfants porteront désormais le premier nom de chacun d'entre eux accolés dans l'ordre alphabétique .
Les dispositions initiales des articles 2 et 3 relatives aux règles de dévolution du nom de famille en cas d'adoption demeurent inchangées.
La commission des lois du Sénat a retenu, pour sa part, une solution intermédiaire , consistant à :
- maintenir la règle prévue par le texte initial pour la filiation adoptive ;
- distinguer, pour la filiation biologique, le cas de désaccord entre les parents du cas d'absence de choix de leur part : dans le premier, l'enfant portera le nom de chacun de ses parents accolés dans l'ordre alphabétique ; dans le second, le nom du père s'appliquera automatiquement.
3. Les dispositions de coordination
Dans sa rédaction initiale , l'article 4 du projet de loi tirait les conséquences de l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de personnes de même sexe en procédant au remplacement, à chaque fois que nécessaire, des termes sexués par des termes généraux (« père » et « mère » par « parents », mari » et « femme » par « époux », « aïeul » et « aïeule » par « aïeuls », « beau-père » et « belle-mère » par « beaux-parents », etc.).
Le Gouvernement avait choisi de n'opérer ces coordinations que lorsqu'elles étaient indispensables. Ainsi, les mots « père » et « mère » ne disparaissaient pas de la législation , contrairement à certaines affirmations des opposants à la réforme.
Toutefois, constatant que ce choix légistique ne résolvait pas toutes les difficultés en matière de coordination, l'Assemblée nationale a, à l'initiative des rapporteurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, adopté une nouvelle rédaction de l'article 4 introduisant dans le code civil, en tête des livres I er et III, deux articles généraux (articles 6-1 et 718) dont l'objectif est de rendre les dispositions sexuées de ces livres expressément applicables aux couples de personnes de même sexe , à l'exception des dispositions ayant vocation à ne s'appliquer qu'à une catégorie de personnes à raison de leur sexe (titre VII du livre I er sur la filiation).
L'Assemblée nationale a également introduit un nouvel article 4 bis ayant pour objet de rendre expressément applicables aux couples de personne de même sexe les dispositions législatives autres que celles du code civil faisant référence aux « mari » et « femme », « père » et « mère », « veuf » et « veuve » .
Cet article se substitue aux articles de coordination du projet de loi initial qui ont été, par cohérence, supprimés (articles 5 à 13, 3° à 7° et 11° de l'article 14, articles 15 à 20).
Devant le risque d'insécurité juridique que pourrait présenter ce dispositif, la commission des lois du Sénat a proposé une troisième voie , consistant à énoncer un principe général, dans le code civil, selon lequel le mariage et la filiation produisent les mêmes effets de droit, que les époux ou les parents soient de même sexe ou pas.
Cette disposition générale est adossée à une habilitation donnée au Gouvernement pour réaliser les coordinations nécessaires dans l'ensemble de notre législation.
* 7 L'article 75 du code civil dispose, entre autres, qu'au cours de la cérémonie du mariage, l'officier d'état civil reçoit « de chaque partie, l'une après l'autre, la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme ». L'article 144 du même code dispose que « l'homme et le femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».
* 8 Actuellement, l'adoption plénière de l'enfant du conjoint n'est permise que dans trois cas seulement :
- lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint ;
- lorsque l'autre parent que le conjoint s'est vu retirer totalement l'autorité parentale ;
- lorsque l'autre parent que le conjoint est décédé et n'a pas laissé d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l'enfant.
* 9 Actuellement, l'adoption simple d'un enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière est possible que s'il est justifié de motifs graves. Une telle adoption sera désormais également possible, en dehors de l'existence de motifs graves, si la demande est formulée par le conjoint de l'adoptant. Par ailleurs, l'adoption simple par l'époux de l'enfant de son conjoint n'est aujourd'hui pas expressément prévue par l'article 360 du code civil.
* 10 Dans sa rédaction actuelle, l'article 365 du code civil prévoit qu'en cas d'adoption simple de l'enfant du conjoint, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice. Afin de faciliter l'exercice en commun de cette autorité, le nouvel article prévoit qu'en cas d'adoption simple de l'enfant du conjoint, l'autorité parentale est exercée de plein droit en commun.