C. LES PISTES DE RÉFLEXION SUR LE DÉFENSEUR DES DROITS
1. Favoriser et faciliter le pouvoir de médiation du Défenseur des droits
Le pouvoir de médiation et de recommandation représente la mission quotidienne qui échoit au Défenseur des droits. Les pouvoirs plus coercitifs qui sont à la disposition du Défenseur des droits comme le pouvoir d'adresser une injonction doivent servir lorsque les autres moyens se sont révélés insuffisants ou que la gravité des faits le justifie. Dans l'esprit de votre rapporteur, le contentieux ne doit être envisagé qu'en second temps.
Votre commission a déjà exprimé son attachement aux actions de médiation du Défenseur des droits . A son initiative, le Sénat avait ainsi introduit explicitement le pouvoir de médiation du Défenseur des droits, désormais énoncé par l'article 26 de la loi organique du 29 mars 2011. Votre rapporteur, M. Patrice Gélard, notait 21 ( * ) alors que « le Défenseur, héritant des compétences du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la CNDS et de la HALDE, [serait] d'abord une autorité exerçant un rôle de persuasion » et que « la médiation deviendrait donc un de ces modes privilégiés d'intervention ».
a) Mettre fin à la communicabilité des documents d'instruction des réclamations adressées au Défenseur des droits
Dans ce cadre, lors de l'examen en première lecture, l'article 9 du projet de loi relatif au Défenseur des droits affirmait le caractère incommunicable des documents d'instruction des réclamations adressées au Défenseur des droits, à l'instar du médiateur de la République qu'il remplaçait. Cette disposition a été finalement retirée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Ce changement législatif a eu pour effet d'assujettir les documents d'instruction du Défenseur des droits au régime de droit commun de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 qui les rend ainsi communicables. Lors de son audition, M. Bernard Dreyfus, délégué général à la médiation avec les services publics, a indiqué que cette situation pouvait constituer une réelle difficulté. En effet, les administrations que les services du Défenseur des droits sollicitaient pour obtenir des documents pour le traitement de réclamations seraient plus réticentes à les fournir sachant que ces documents pourraient devenir librement communicables. La CADA a précisé que la fin de l'incommunicabilité des documents d'instruction étant d'effet immédiat, les dossiers instruits par le médiateur de la République puis repris par le Défenseur des droits sans être clos sont soumis à ce régime 22 ( * ) .
Pour mieux assurer le caractère confidentiel de la médiation, inhérent à ce mode alternatif des règlements, votre rapporteur estime que l'absence de communication des documents d'instruction des réclamations du Défenseur des droits , règle applicable au médiateur de la République, devrait être introduite.
b) Réfléchir à faciliter le pouvoir en équité du Défenseur des droits
L'article 9 de la loi n°73-6 du 3 janvier 1973 qui institué le médiateur de la République prévoyait qu'il pouvait recommander « à l'organisme mis en cause toute solution permettant de régler en équité la situation de l'auteur de la réclamation ». Cette disposition a été reprise pour le Défenseur des droits à l'article 25 de la loi organique du 29 mars 2011.
Ce règlement en équité permet, lorsque l'application stricte des règles aboutirait à une situation inéquitable, de déroger dans des situations exceptionnelles et ciblées à l'application littérale de la loi.
Or, selon le délégué général à la médiation avec les services publics, ce pouvoir de recommandation en équité du Défenseur des droits peut être contré par la réforme de 2011 de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics. En effet, face à une demande de traitement en équité d'une situation personnelle pour les raisons précitées, le comptable public peut être conduit à la refuser car en dérogeant aux règles, il s'expose à voir sa responsabilité engagée et le ministre en charge du budget ne pourrait désormais plus lui accorder une remise gracieuse totale pour l'opération en question.
A l'occasion d'une prochaine réforme sur ce sujet, votre rapporteur invite à réfléchir sur la coordination entre la recommandation en équité du Défenseur des droits et les règles de responsabilité des comptables publics afin, le cas échéant, de lever les freins au règlement en équité de situations exceptionnelles .
2. Accorder la personnalité juridique à l'institution ?
Comme les autorités administratives indépendantes dont il a pris la suite et à l'instar d'autres autorités indépendantes telles que la CNIL ou le CGLPL, le Défenseur des droits ne dispose pas de la personnalité juridique. L'institution est donc un simple démembrement de l'État .
Il est à noter toutefois qu'il dispose de certains attributs traditionnellement attachés à la personnalité juridique. C'est le cas de la capacité, à son initiative ou sur demande, de produire des observations ou d'être entendu devant une juridiction, en application de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011.
Au terme des auditions qu'elle a menées, votre rapporteur a pu s'interroger sur l'intérêt d'accorder la personnalité juridique. Sur le plan des pouvoirs du Défenseur des droits, la personnalité juridique ne lui octroierait aucune prérogative supplémentaire . S'agissant de sa gestion, la personnalité juridique du Défenseur des droits conduirait à distinguer son budget de celui de l'État. Son autonomie ne serait pour autant pas vraiment renforcée, si ce n'est sur le plan purement symbolique, puisque ses ressources financières proviendrait tout de même d'une subvention de l'État et que, comme les autres autorités administratives indépendantes, sa politique de recrutement serait limitée par un plafond annuel d'emplois 23 ( * ) .
En outre, doté de la personnalité juridique, le Défenseur des droits devrait assumer les conséquences financières consécutives à l'engagement de sa responsabilité administrative alors qu'actuellement, une personne s'estimant lésée par l'action des services du Défenseur des droits doit engager la responsabilité de l'État. Cette nouveauté ne serait pas neutre pour l'institution en termes d'assurances et de provisions .
Enfin, notre collègue Patrice Gélard, dans son rapport sur les autorités administratives indépendantes pour l'office parlementaire d'évaluation de la législation avait conclu à ne l'attribuer que lorsque les conditions le justifient (nécessité de percevoir une taxe, proximité avec le secteur à réguler). Il rappelait, à cette occasion, le propos de Mme Martine Lombard, professeur de droit public : « la création d'une personne morale dont le financement dépend de subventions en provenance du budget de l'État [...] est seulement un facteur d'opacité à l'égard du Parlement, ce qui n'est pas en tout état de cause un gage d'indépendance accrue » 24 ( * ) .
Aussi, en l'état actuel de la réflexion, votre rapporteur considère qu'il n'est pas souhaitable d'envisager d'accorder la personnalité juridique, et ce, d'autant plus que l'actuel Défenseur des droits ne la sollicite pas.
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Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption de son amendement, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme Protection des droits et libertés de la mission Direction de l'action du gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2013.
* 21 Rapport préc. p. 31.
* 22 CADA, avis du 7 novembre 2011, n° 20114301-LDL
* 23 La loi de finances pour 2012, reprenant une initiative parlementaire de l'année précédente, a introduit également un plafond d'emplois pour les autorités indépendantes disposant de la personnalité juridique et donc de leur propre budget ou dont les crédits ne relevaient d'aucun programme budgétaire, ce qui les place dans une situation comparable à leurs homologues du présent programme.
* 24 Rapport préc. p. 17.