C. UN SECTEUR FRAGILISÉ PAR UNE BAISSE DE SA DOTATION
1. Une dotation en diminution constante depuis 2007
La dotation allouée au secteur associatif habilité est en diminution depuis 2007 (voir tableau ci-dessous).
Crédits affectés au secteur habilité de 2008 à 2013
(en millions d'euros) |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
PLF 2013 |
Loi de finances initiale |
307,0 |
277,4 |
254,2 |
240,0 |
242,0 |
240,0 |
Crédits disponibles |
291,6 |
263,5 |
244,0 |
228,0 |
227,4 |
225,6 |
Source : DPJJ
Il convient toutefois de relever que près de 50 millions d'euros en 2008 correspondaient à des prises en charge de jeunes majeurs, que la PJJ a progressivement cessé de financer depuis cette date - ces dernières relevant désormais exclusivement des dispositifs d'aide sociale mis en oeuvre par les conseils généraux.
Le secteur associatif habilité, qui est très présent dans le domaine de la protection de l'enfance en danger, a par ailleurs été touché par la décision prise par la DPJJ de recentrer son activité sur le pénal et de cesser de financer, à l'exception des mesures d'investigation, les mesures judiciaires d'assistance éducative ordonnées par les juges des enfants.
Évolution et décomposition des
crédits alloués au secteur associatif
habilité en
fonction des mesures financées par la PJJ
Charge annuelle SAH (millions €) |
Exécution 2008 |
Exécution 2009 |
Exécution 2010 |
Exécution 2011 |
Prévision 2012* |
Hébergement traditionnel mineurs délinquants |
50 |
50,9 |
50,8 |
52,3 |
52,9 |
Hébergement Jeunes Majeurs |
44 |
21,3 |
6,5 |
1,6 |
0 |
Action éducative en milieu ouvert jeunes majeurs |
4 |
3,1 |
1,9 |
0,5 |
0 |
Investigation Orientation Éducative |
56 |
56,8 |
55,8 |
55,9 |
22,6 |
Enquêtes sociales |
15 |
14,5 |
13,9 |
13 |
2,7 |
MJIE |
48 |
||||
Réparations pénales |
7,5 |
7,4 |
7,5 |
7,6 |
8,6 |
CER et CPI |
51,4 |
48,7 |
51,8 |
48,9 |
54,8 |
Centres éducatifs fermés |
49 |
55,3 |
56,3 |
61,8 |
72,7 |
Mesure d'activité de jour |
0,1 |
0,1 |
0,3 |
0,4 |
0,2 |
Dépenses mandatées N |
277 |
258,1 |
244,7 |
241,9 |
261,2* |
report n/n+1 |
22,9 |
27,8 |
34,4 |
36 |
* Pour 2012, il s'agit des prévisions de charges liées à l'exercice. Le total des dépenses mandatées dépendra en effet des crédits disponibles en fin de gestion, en fonction de divers paramètres (levée de la réserve de précaution, fongibilité de crédits, etc.).
NB : En 2012, la mesure judiciaire d'investigation éducative (MJIE) s'est substituée aux investigations d'orientation éducative (IOE) et aux enquêtes sociales.
Source : DPJJ
Par ailleurs, depuis 2010, dans le cadre plus général de maîtrise des dépenses publiques, le secteur associatif est associé à l'effort de rationalisation des coûts engagé par l'État. L'accent a plus particulièrement été mis sur la diminution des coûts de fonctionnement des établissements et services relevant du secteur associatif habilité et se traduit par une pression à la baisse sur les prix des mesures.
Évolution des coûts réels
constatés des mesures confiées
au secteur associatif
habilité
Secteur Associatif Habilité |
Unité |
2009 Réalisation |
2010 Réalisation |
2011 Réalisation |
2012 Prévision actualisée à mi année |
2013 Prévision PLF |
mesure d'investigation et d'orientation éducative (IOE) |
€ |
3 242 |
3 246 |
3270 |
3172 |
|
mesure d'enquête sociale |
€ |
2 113 |
2 111 |
2080 |
2533 |
|
mesure judiciaire d'investigation éducative |
2654 |
2684 |
||||
mesure de réparation |
€ |
798 |
849 |
896 |
882 |
893 |
journée de placement en établissement non spécialisé mineurs délinquants |
€ |
177 |
181 |
188 |
182 |
182 |
journée de placement CER |
€ |
482 |
503 |
504 |
468 |
474 |
journée de placement CEF |
€ |
599 |
603 |
598 |
557 |
556 |
Source : DPJJ
En particulier, la baisse du coût d'une journée de placement en CEF s'explique par la décision qu'a prise la DPJJ d'aligner le nombre des personnels affectés dans les CEF associatifs sur le nombre de personnels de la PJJ affectés dans les CEF publics , c'est-à-dire 24 ETP , contre 27 ETP auparavant. Engagée en 2012, cette mesure, qui inquiète les associations, devrait être totalement mise en oeuvre au 1 er janvier 2013.
Les représentants d'associations rencontrés par votre rapporteur pour avis, à Paris comme à Douai, se sont par ailleurs fortement inquiétés des conséquences budgétaires de la mise en oeuvre de la nouvelle mesure judiciaire d'investigation éducative (MJIE) , qui remplace, depuis 2012, les enquêtes sociales et les mesures d'investigation et d'orientation éducative. La mise en place de ces nouvelles normes se traduirait, pour les associations, par une perte en postes administratifs, mais également en postes de travailleurs sociaux et psychologues. Au-delà de ces impacts budgétaires, les associations craignent également que cette nouvelle mesure conduise à diminuer la qualité du regard porté sur la situation du mineur et l'évaluation de sa situation.
A cet égard, votre commission estime que, s'il est légitime, dans le contexte actuel, de rechercher les voies pour maîtriser les coûts et rationaliser l'activité des services, celles-ci ne devraient pas se faire au détriment de la qualité de la prise en charge des mineurs, particulièrement s'agissant de l'investigation qui constitue un appui essentiel pour permettre au magistrat de prendre une décision adaptée .
Enfin, à partir de 2011-2012, la baisse des dotations renvoie à la recherche de « complémentarités » entre le secteur public et le secteur associatif habilité, la PJJ s'efforçant d'exécuter dans ses propres services et établissements une part croissante des mesures prescrites par les juridictions pour mineurs.
Cette démarche se traduit notamment par une diminution de l'activité en hébergement « classique » (par opposition au placement spécialisé de type CER ou CEF) et la maîtrise de la « suractivité » des services de milieu ouvert (investigation et réparation pénale) par rapport aux autorisations budgétaires.
La part des mesures de réparation pénale confiées au secteur associatif habilité ne cesse ainsi de diminuer : d'après les calculs des fédérations d'associations entendues par votre rapporteur pour avis, cette part serait passée de 41% en 2008 à 34% en 2010.
Le projet de budget pour 2013 prévoit par ailleurs de financer l'extension en année pleine du CEF des Alpes-Maritimes et du CER des Hautes-Alpes à partir d'un redéploiement des crédits prévus pour les autres dispositifs et notamment pour les établissements de placement - les documents budgétaires relevant que ces derniers ne sont pas spécialisés et bénéficient également de financements des conseils généraux 11 ( * ) .
Nombre de mesures mises en oeuvre par le secteur associatif habilité
Mesures en SAH - suivies en hébergement et AEMO |
Exécution 2008 |
Exécution 2009 |
Exécution 2010 |
Exécution 2011 |
Prévision 2012* |
Hébergement traditionnel mineurs délinquants - mesures suivies |
2192 |
2266 |
2288 |
2157 |
2205 |
Hébergement Jeunes Majeurs |
1508 |
1327 |
431 |
60 |
-479 |
Action éducative en milieu ouvert jeunes majeurs |
2601 |
2031 |
1255 |
558 |
115 |
Investigation Orientation Éducative |
18058 |
18258 |
17664 |
17468 |
17271 |
Enquêtes sociales |
7767 |
7245 |
6396 |
5797 |
5112 |
MJIE |
|||||
Réparations pénales |
10338 |
9903 |
9251 |
8627 |
8084 |
CER et CPI |
1366 |
1330 |
1365 |
1350 |
1350 |
Centres éducatifs fermés |
870 |
1036 |
1095 |
1284 |
1397 |
Source : DPJJ
On notera, enfin, qu'en 2013, la dotation du secteur associatif habilité sera utilisée pour financer la part revenant au ministère de la Justice au titre de la mise en oeuvre de la loi n°2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants, soit un montant de deux millions d'euros. Cette loi vise à permettre à la juridiction pour mineurs de placer un mineur primo-délinquant dans un établissement public de l'insertion de la défense (EPIDe). S'il est trop tôt pour dresser un bilan de cette loi, votre commission ne peut que s'interroger sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à imputer le financement de ces mesures sur la dotation budgétaire allouée au secteur associatif habilité .
2. Des efforts pour limiter les arriérés de paiement de l'État
Depuis 2008, la sous-budgétisation, au regard du nombre de décisions judiciaires effectivement prescrites, des crédits alloués au secteur associatif habilité conduit à l'existence d'un report de charge. Celui-ci, de 22,9 millions d'euros en 2008, s'est progressivement accru pour atteindre 39,5 millions d'euros en 2012 .
Une telle situation ne peut manquer de déstabiliser un nombre important de services, dont l'activité repose parfois exclusivement sur l'exécution des mesures prescrites par l'autorité judiciaire.
La DPJJ a pris conscience de ces difficultés.
Tout d'abord, elle a initié une réforme tendant à permettre de financer les services par dotation globale de financement (le budget déterminé en début d'année est financé indépendamment du niveau d'activité). Rappelons qu'à l'heure actuelle, le paiement intervient mensuellement, soit à service fait, avec des délais de paiement de moins d'un mois, soit de manière anticipée lorsqu'une convention de financement par douzième mensuel existe entre l'association et la PJJ.
Dans un premier temps, un décret en Conseil d'État visant à permettre à la PJJ d'assurer le financement des centres éducatifs fermés gérés par dotation globale de financement a été publié le 26 décembre 2011. Un groupe de travail conjoint PJJ - fédérations associatives a élaboré au premier semestre 2012 les modalités de mise en oeuvre de cette réforme, qui sera appliquée aux CEF à compter du budget 2013.
En dotation globale, le budget déterminé en début d'année est financé indépendamment du niveau d'activité. Ce mode de tarification devrait permettre de sécuriser tant la programmation des dépenses de la PJJ que les ressources prévisibles des associations.
Le décret prévoit la possibilité d'étendre ce mode de financement à d'autres dispositifs que les CEF à partir de 2014, en fonction du retour d'expérience des CEF concernés.
Par ailleurs, prenant conscience de ces difficultés, le Gouvernement a décidé, dans le projet de loi de finances pour 2013, d'allouer 10 millions d'euros spécialement destinés à la résorption des arriérés de paiement de l'État .
Cet effort, qui ne sera pas suffisant pour assainir totalement la situation, doit néanmoins être souligné.
* 11 Projet annuel de performances de la mission « justice » annexé au projet de loi de finances pour 2013, page 157.