III. TITRES SÉCURISÉS : ENTRE EXPÉRIENCE PRATIQUE ET OBSTACLES JURIDIQUES
Depuis 2009, deux titres sécurisés ont été mis en place :
- le passeport biométrique ;
- la carte grise sécurisée par le biais du « système d'immatriculation à vie des véhicules » (SIV).
2013 sera l'année du lancement du nouveau permis de conduire (projet FAETON) et de la généralisation de la transmission dématérialisée des actes civils (COMEDEC). En revanche, deux projets ont été retardés : le déploiement de la nouvelle version du système d'information de gestion des étrangers (AGDREF2), et surtout celui de la carte nationale d'identité électronique (CNIe), pourtant annoncé en 2009 et constamment reporté depuis.
La création des titres sécurisés poursuit essentiellement deux objectifs :
- augmenter la fiabilité des titres ;
- faciliter les démarches des usagers.
Néanmoins, l'expérience a montré que les titres sécurisés peuvent poser d'importantes difficultés pratiques. En outre, dans le cas des titres intégrant un composant biométrique, le recueil et l'utilisation des données personnelles continuent de se heurter à des obstacles juridiques.
La mise en place de l'ensemble des titres sécurisés relève de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), établissement public administratif créé par le décret n° 2007-240 du 22 février 2007. À titre liminaire, votre rapporteur souligne que, malgré l'importance de ses missions, l'ANTS dispose de moyens limités, qui n'évolueront pas en 2013.
Les moyens et l'activité de
l'ANTS,
1) Effectifs de l'ANTS En 2012, l'ANTS dispose d'un plafond autorisé de 125 agents, soit 116 ETP et 9 mis à disposition par le ministère de l'Intérieur. Cependant seul un des postes mis à disposition est occupé. Pour 2013, le plafond d'emplois a été fixé à 119 agents, dont un mis à disposition. Dans le cadre des nouveaux projets de l'Agence, deux agents seront recrutés, portant l'effectif ETP à 118. 2) Ressources Les ressources de l'ANTS s'élèveront à 205 millions d'euros : - 12, 5 millions d'euros de droit de timbre CNI ; -107,5 millions d'euros de droit de timbre sur les passeports ; - 43 millions d'euros de taxe SIV ; - 26 millions d'euros de versements de la redevance d'acheminement SIV ; - 16,1 millions d'euros de versement TSE-TVE. 3) Nombre d'appels et courriels reçus et traités par jour Le plateau technique de Charleville-Mézières traite chaque jour en moyenne 2 000 appels et 450 courriels. Depuis l'automne 2011, les services ont été réorganisés de manière à optimiser la polyvalence des agents affectés au centre d'appels, ces derniers devant répondre aux demandes en multi-titres et en multi-canaux (téléphone, courriels, etc). L'objectif, qui était d'offrir aux usagers et aux administrations concernées un niveau de service équivalent à celui des centres d'appels privés, a été atteint dès le premier semestre 2012, avec un taux de qualité de service (rapport des contacts traités sur les contacts présentés) de 95,2 % 29 ( * ) . Les gains de productivité réalisés ont permis la ré-internalisation des missions d'assistance téléphonique aux mairies dans le cadre du projet TES (Titres Électroniques Sécurisés) à l'échéance du marché public qui avait délégué ces missions à une société privée. 4) Actions de soutien et d'assistance auprès des collectivités et des préfectures Les actions de soutien et d'assistance auprès des collectivités et des préfectures ont été importantes dans les premiers temps du déploiement du passeport biométrique, en 2009 et 2010. Aujourd'hui, l'essentiel de l'assistance aux préfectures et collectivités est assuré par le centre d'appels de l'ANTS. Ce dernier accompagne régulièrement, en pas à pas, un agent administratif dans la réalisation d'une procédure informatique ou la vérification d'une configuration technique. |
Source : réponse au questionnaire budgétaire.
A. BILAN DES PREMIERS TITRES SÉCURISÉS
Le système d'immatriculation à vie des véhicules a été lancé le 15 avril 2009 et les passeports biométriques sont délivrés depuis le second semestre 2009. Votre rapporteur se propose, pour chacun de ses titres, de faire le point sur leurs trois années d'existence ainsi que sur leurs prochaines évolutions.
1. Le système d'immatriculation à vie des véhicules
La réforme de l'immatriculation des véhicules, reposant sur l'attribution d'un numéro définitif à chaque véhicule pour toute la durée de son utilisation, est entrée en vigueur le 15 avril 2009 pour les véhicules neufs et le 15 octobre de la même année pour les véhicules d'occasion. Cette réforme a en même temps permis une simplification des démarches des usagers, avec la possibilité de demander un certificat d'immatriculation non plus seulement auprès des préfectures, mais auprès de professionnels habilités (concessionnaire, garagistes, etc) et l'envoi des certificats d'immatriculation directement à leur domicile.
Lors de l'entrée en vigueur de la réforme pour les véhicules d'occasion, en octobre 2009, le système d'immatriculation à vie des véhicules (SIV) a connu d'importantes difficultés. L'application informatique a en effet été ralentie par l'affluence des demandes, provoquant notamment des temps d'attente très importants en préfecture 30 ( * ) . Quelques autres « bugs » (usagers verbalisés par le biais de radars plusieurs mois après la vente de leur véhicule, possibilité d'émettre une carte grise sans contrôle technique valable par exemple) ont jusqu'en 2011 altéré le bon fonctionnement du SIV. Ces difficultés pratiques ont quelque peu mis à mal les objectifs de fiabilisation des titres et de simplification des démarches poursuivis par la mise en place des titres sécurisés.
Le SIV fonctionne désormais de manière satisfaisante. Près de 40 000 immatriculations sont enregistrées chaque jour ouvrable, et le délai moyen d'obtention d'un certificat définitif d'immatriculation est de 3 jours. La possibilité de télétransmettre pour un grand nombre de démarches a permis aux partenaires professionnels de l'automobile de réaliser des gains de productivité.
Au total, au 31 juillet 2012, les principales données statistiques concernant le SIV sont les suivantes :
- plus de 9 250 000 immatriculations de véhicules neufs ont été réalisées depuis le lancement du SIV, dont 91,4 % chez les concessionnaires automobiles ;
- plus de 19 735 000 demandes d'immatriculation de véhicules d'occasion ont été enregistrées. Près de 32,7 % ont été effectuées chez les professionnels du commerce automobile (constructeurs, concessionnaires, garagistes, loueurs, etc).
Le nombre des opérations d'immatriculation ou de déclaration (achat, cession, destruction, etc.) exécutées par les professionnels atteint les 50 %.
Depuis 2012, de nouveaux télé-services ont été mis à disposition des usagers : le changement d'adresse sur la carte grise et la déclaration de cession. Le changement d'adresse a été mis en service en janvier 2012 et est devenu le premier cas d'utilisation de « Je change de coordonnées » du site « mon-service-public ». Quant à la télé-déclaration de cession, elle a été ouverte en mai 2012, mais est pour l'instant peu utilisée, car toujours en phase pilote. Un groupe de travail associant la direction générale de l'action publique et le ministère de l'intérieur oeuvre pour son amélioration.
La dernière version du SIV (V2.4, datant de janvier 2012) permet désormais aux concessionnaires et garagistes d'immatriculer des véhicules ayant des caractéristiques techniques variables, opération jusqu'alors obligatoirement réalisée en préfecture : des champs variables ouverts permettent la modification d'éléments (masse, carrosserie, nombre de places, poids à vide, etc) pour certaines camionnettes et les véhicules dits « industriels ».
Enfin, il est prévu prochainement :
- d'intégrer les huissiers de justice afin qu'ils procèdent par télétransmission aux opérations décidées par la Justice ;
- l'accès par télétransmission de données du SIV à certains agents chargés de la lutte contre la fraude (caisses d'allocations familiales et impôts) ;
- l'intégration des évolutions réglementaires et techniques.
2. Le passeport biométrique
Le passeport biométrique est entré en vigueur le 28 juin 2009, conformément aux dispositions du règlement européen n°22552/2004 du 13 décembre 2004. Afin d'améliorer la fiabilité du passeport et de mieux lutter contre la fraude, le passeport biométrique comporte un composant électronique qui garantit l'authentification du détenteur du passeport. Parmi les données contenues dans ce composant électronique, figurent deux données biométriques : l'image numérisée du titulaire ainsi que celles de deux de ses empreintes.
Parallèlement, les délais de délivrance des passeports ont été écourtés : le délai moyen est aujourd'hui de 11 jours, alors qu'il était de deux à 8 semaines pour l'ancien passeport électronique. Ce délai moyen continue cependant de varier de manière importante selon les départements : ces disparités entre départements s'expliquent essentiellement par le délai de traitement des demandes en mairies et le délai de validation de ces demandes en préfectures. La production et la livraison des passeports se font en moyenne en 4-5 jours de façon identique pour les départements de la métropole.
La mise en place du passeport biométrique a été marquée par certaines difficultés pratiques, liées d'une part au rejet de certaines photos transmises, d'autre part aux situations particulières de certaines préfectures. Ces difficultés ont allongé les délais de délivrance des passeports de manière significative et d'importantes disparités entre départements ont été constatées concernant le délai moyen de délivrance (délai moyen de six semaines dans l'Essonne en 2009 par exemple).
En 2012, le contentieux relatif au fichier « Titres électroniques sécurisés » (TES) mis en place dans le cadre du passeport biométrique a connu son épilogue. Le fichier TES a été créé par le décret n° 2008-426 du 30 avril 2008. Ce système de traitement automatisé de données à caractère personnel devait permettre au ministère de l'intérieur de « mettre en oeuvre les procédures d'établissement, de délivrance, de renouvellement et de retrait des passeports ». Le même décret prévoyait le recueil de huit empreintes digitales, allant au-delà à la fois des exigences définies par le règlement européen de 2004, qui requérait seulement deux empreintes digitales, et du nombre de données contenues dans la puce électronique du passeport biométrique (deux empreintes également). Les huit empreintes étaient en outre conservées dans le fichier TES.
Dans sa décision du 26 octobre 2011 « Association pour la promotion de l'image et autres », le Conseil d'Etat a jugé que la collecte et la conservation de six empreintes digitales ne figurant pas dans le passeport étaient illégales, car « ni adéquates, ni pertinentes » et « excessives au regard des finalités du traitement informatisé ». Le Conseil d'État a notamment considéré que le ministre de l'intérieur n'avait pas suffisamment justifié ni explicité l'assertion selon laquelle la conservation de huit empreintes digitales au lieu de deux permettait de réduire de manière significative les risques d'erreur d'identification.
Depuis le 5 décembre 2011, les dispositifs de recueil des mairies n'enregistrent plus que deux empreintes digitales. Les appareils capteurs d'empreintes n'ont pas pour autant été changés : ils permettent de visualiser les empreintes de deux fois 4 doigts (sans les pouces) et de sélectionner les deux meilleurs doigts. Les images inutiles sont ensuite effacées. Parallèlement, il a été demandé à l'ANTS d'engager l'opération d'effacement des empreintes surnuméraires conservées depuis 2009 . L'effacement complet de ces empreintes a été achevé à la fin du mois d'octobre 2012. Il est prévu que la CNIL vienne constater la fin effective de cette opération dans les prochaines semaines.
Concernant les évolutions du passeport biométrique , les usagers ont depuis février 2011 la possibilité de remplir depuis un ordinateur (à partir de la rubrique « mes démarches » du site internet du ministère de l'intérieur) et d'éditer le Cerfa de demande de passeport 31 ( * ) pour le remettre à la mairie avec les pièces justificatives. Le Cerfa dynamique devrait prochainement permettre d'adresser une pré-demande de passeport biométrique aux services traitants de manière complètement dématérialisée. Cette deuxième version du Cerfa dynamique sera expérimentée en 2013 auprès de dix préfectures volontaires.
* 29 Le critère de qualité des centres d'appels privés correspond à un taux de qualité de service de 90 %
* 30 La préfecture reste en effet le lieu privilégié pour les demandes d'immatriculation des véhicules d'occasion, ces derniers étant fréquemment cédés entre particuliers.
* 31 La demande de carte nationale d'identité peut également être faite via un Cerfa rempli sur internet.