N° 152

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

Fascicule 1

CULTURE :
PATRIMOINES, TRANSMISSION DES SAVOIRS

Par MM. Vincent EBLÉ et Philippe NACHBAR,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38

Sénat : 147 et 148 (annexe n° 7 ) (2012-2013)

Mesdames, Messieurs,

L'architecture du budget de la mission « Culture » distingue trois grands programmes articulés chacun en plusieurs actions : programmes n° 175 « Patrimoines », n° 131 « Création » et n° 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Le présent fascicule propose l'examen successif du programme 175 « Patrimoines » par M. Vincent Eblé, puis du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » par M. Philippe Nachbar.

L'analyse des crédits du programme « Création » a été confiée à Mme Maryvonne Blondin et MM. Pierre Laurent et Jean-Pierre Leleux qui les présentent dans un fascicule distinct.

Le programme « Patrimoines » représente 30 % des crédits de la mission et regroupe l'ensemble des moyens consacrés à la conservation et à la mise en valeur des différents patrimoines culturels : monuments historiques, architecture, musées, archéologie, archives et patrimoine linguistique.

Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » représente quant à lui un peu plus de 40 % des crédits de la mission. Il regroupe à la fois les fonctions de « soutien » de l'ensemble de la mission et les moyens consacrés par le ministère de la culture et de la communication en faveur de l'enseignement supérieur, de l'éducation artistique et culturelle, des enseignements artistiques, et de l'accès du plus grand nombre à la culture.

Les trois programmes de la mission « Culture » représentent, dans le projet de loi de finances pour 2013, un montant global de 2 577 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2 628 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ces montants, qui représentent une diminution de 0,8 % des AE par rapport à la loi de finances initiale pour 2012, et de 3,7 % des CP, correspondent ainsi à l'effort budgétaire proposé par le Gouvernement.

I. LE PROGRAMME « PATRIMOINES »

Le programme « Patrimoines » est le programme le plus affecté par les efforts budgétaires au sein de la mission « Culture », dont il représente près de 30 %.

Les crédits du programme 175 « Patrimoines » sont en diminution par rapport à la loi de finances initiale de 2012 :

- de 5,5 % pour les autorisations d'engagement (AE) qui s'élèvent pour 2013 à 760,49 millions d'euros ;

- de 9,9 % pour les crédits de paiement (CP) qui s'établissent à hauteur de 775,92 millions d'euros.

La baisse touche toutes les actions du programme dans des proportions variables, à l'exception de l'action 2 « Architecture », identifiée comme une priorité par le ministère de la culture , tant dans le programme 175 « Patrimoines » que dans le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Une partie des diminutions de crédits est liée à la fin ou à l'annulation de « grands projets » . Ainsi 2013 marque la fin des travaux des Archives nationales, du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), mais aussi l'abandon du projet de la Maison de l'Histoire de France tel qu'envisagé par le précédent gouvernement.

Un effort particulier est demandé aux grands opérateurs dont les subventions pour charges de service public diminuent de 1 à 2,5 % selon la solidité financière des établissements. En outre, certains opérateurs (Louvre, Centre des monuments nationaux - CMN, musée du quai Branly, musée d'Orsay,) subissent en supplément une « baisse non pérenne » : ces diminutions complémentaires sont respectivement, pour les établissements précités, de 13,7 millions, 4,7 millions, 2,9 millions et 1,7 million d'euros (soit un effort total de 24,4 millions d'euros).

Votre rapporteur pour avis note que le budget du programme « Patrimoines » contribue à l'effort budgétaire global proposé par le gouvernement, notamment dans le domaine de la culture.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME « PATRIMOINES »
(hors fonds de concours - en millions d'euros)

Programmes et actions

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

2012

2013

Évolution

2012

2013

Évolution

%

%

175 - Patrimoines

01 - Patrimoine monumental

342 711 477

339 584 255

-3 127 222

-0,9 %

377 520 067

328 760 240

-48 759 827

-12,9 %

02 - Architecture

26 767 202

27 893 438

1 126 236

4,2 %

27 763 202

27 993 438

230 236

0,8 %

03 - Patrimoine des musées de France

368 611 862

353 629 781

-14 982 081

-4,1 %

378 479 738

375 625 488

-2 854 250

-0,8 %

04 - Patrimoine archivistique et célébrations nationales

37 330 348

21 048 662

-16 281 686

-43,6 %

48 876 661

25 151 892

-23 724 769

-48,5 %

07 - Patrimoine linguistique

2 646 333

2 600 833

-45 500

-1,7 %

2 646 333

2 600 833

-45 500

-1,7 %

08 - Acquisition et enrichissement des collections publiques

16 706 024

8 553 013

-8 153 011

-48,8 %

16 706 024

8 553 013

-8 153 011

-48,8 %

09 - Patrimoine archéologique

10 076 266

7 184 000

-2 892 266

-28,7 %

9 513 266

7 239 000

-2 274 266

-23,9 %

Total Programme

804 849 512

760 493 982

-44 355 530

-5,5 %

861 505 291

775 923 904

-85 581 387

-9,9 %

Source : Commission de la culture à partir du Projet annuel de performances - Mission « Culture » - Projet de loi de finances pour 2013

L'évolution précise des crédits par action est la suivante en 2013 :

- action 1 « Patrimoine monumental » : baisse de 0,9 % des AE (760,49 millions d'euros) et de 12,9 % des CP (328,76 millions d'euros) ;

- action 2 « Architecture » : hausse de 4,2 % des AE (27,89 millions d'euros) et de 0,8 % des CP (27,99 millions d'euros) ;

- action 3 « Patrimoine des musées de France » : baisse de 4,1 % des AE (353,62 millions d'euros), et de 0,8 % des CP (375,62 millions d'euros) ;

- action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » : baisse de 43,6 % des AE (21,04 millions d'euros) et de 48,5  % des CP (25,15 millions d'euros) ;

- action 7 « Patrimoine linguistique » : en baisse de 1,7 % en AE comme en CP (2,6 millions d'euros). Il s'agit des crédits destinés à financer les interventions de la délégation générale à la langue française et aux langues de France en faveur du multilinguisme, de la maîtrise de la langue française, de son enrichissement et de sa diffusion 1 ( * ) ;

- action 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » : en forte baisse de 48,8 % en AE comme en CP (8,55 millions d'euros) ;

- action 9 « Patrimoine archéologique » : en diminution de 28,7 % en AE (7,18 millions d'euros) et de 23,9 % en CP (7,23 millions d'euros).

Votre rapporteur pour avis souhaite saisir l'opportunité du présent avis pour développer plusieurs questions relatives à la politique patrimoniale nationale. En effet, la bonne compréhension des enjeux patrimoniaux comme du rôle de l'État dans ce domaine sont indissociables de l'analyse des crédits qui doivent porter la politique publique.

Le montant des crédits est une première indication, leur consommation une seconde, et l'évaluation des résultats un dernier élément incontournable pour apprécier correctement non seulement les efforts budgétaires de l'État, mais aussi les réformes qui deviennent indispensables. Cette perspective est d'autant plus importante que la ministre de la culture a annoncé à plusieurs reprises, et en particulier devant votre commission le 14 novembre dernier, un projet de loi sur les patrimoines pour 2013 .

A. PATRIMOINE MONUMENTAL : UNE BAISSE DES CRÉDITS MOINS INQUIÉTANTE QUE CELLE DE LEUR CONSOMMATION

1. Des crédits pour quels objectifs ?

La première action est fortement touchée par la baisse des crédits. Les CP diminuent de près de 10 % avec une chute de 85 millions d'euros pour s'établir à 328,28 millions d'euros.

Comme l'indique le projet annuel de performances (PAP) pour 2013, le ministère vise quatre objectifs avec ces crédits : la protection, la conservation, l'étude et le recensement, et enfin la mise en valeur et l'ouverture au public.

Au titre de la protection du patrimoine , on note qu'au 31 décembre 2011, on compte 43 369 immeubles protégés, dont :

- 14 499 immeubles classés,

- 29 470 immeubles inscrits.

Ainsi que 260 000 objets mobiliers, se répartissant par moitié entre inscrits et classés.

Environ 400 immeubles sont inscrits chaque année, et 30 à 50 classés. Comme le montre le graphique, suivant, on note un ralentissement et une stabilisation du rythme de classement et d'inscription du patrimoine à la fin des années 1990.

Source : ministère de la culture et de la communication - réponse au questionnaire budgétaire

Depuis 1998, le nombre des protections est descendu à un niveau inférieur à 500 mesures par an. Cette diminution, qui concerne les classements davantage que les inscriptions (54 classements et 351 inscriptions annuels en moyenne depuis 2011) s'explique de plusieurs manières .

Les commissions régionales du patrimoine et des sites (CRPS), créées par la loi n° 97-179 du 28 février 1997 et son décret d'application du 5 février 1999, ont remplacé les commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnologique et les collèges régionaux du patrimoine et des sites . L'exercice cumulé des compétences de ces deux anciennes commissions implique un plan de charge très lourd. Une part importante de l'ordre du jour est ainsi réservée à l'examen des projets d'aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, ou à la transformation des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, en aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine, laissant moins de place à l'examen des propositions de nouvelles protections.

La délégation permanente de la CRPS exerce son rôle de sélection des demandes de protection reçues puisqu'elle rejette plus de 40 % de ces demandes , qui ne sont donc pas présentées à la formation plénière.

Le ministère a préconisé, depuis plusieurs années, une plus grande sélectivité , considérant, notamment dans les champs de protection « classiques » (monuments des périodes antique, médiévale et moderne), qu'une très grande part des immeubles justifiant une protection avaient déjà été classés ou inscrits. Ainsi, le nombre des mesures de classement prises en 2009 et 2010 (38) est l'un des plus faibles depuis 1960. Si 86 mesures de classement ont été prises en 2011, ce nombre s'explique par le fait que plusieurs classements résultent d'études thématiques (sites palafittiques, phares).

Source : ministère de la culture et de la communication - réponse au questionnaire budgétaire

Les deux régions qui comptent le plus d'immeubles protégés sont l'Île-de-France (un peu plus de 3 800), et la Bretagne (un peu plus de 3 000). Pour les régions métropolitaines, la Corse compte moins de 300 immeubles protégés, le Limousin, à peine plus de 1 000. On en dénombre plus de 1 800 à Paris. Pour la tranche située entre 800 et 900 immeubles protégés, on décompte sept autres départements.

La moitié des immeubles protégés appartient à des propriétaires publics, principalement aux communes, et l'autre moitié à des propriétaires privés. Les immeubles classés appartiennent principalement à des propriétaires publics (un peu moins des deux tiers), alors que la plupart des immeubles inscrits (près de 60 %) sont la propriété de personnes privées (particuliers, associations, sociétés...).

La protection soutenue par les crédits du programme 175 ne concerne que le patrimoine protégé au titre de la loi de 1913 sur les monuments historiques. Mais il existe aussi un pan du patrimoine national qui n'est pas protégé et dont l'entretien et la restauration dépendent des propriétaires privés ou des collectivités, notamment les petites communes. Il est important de rappeler, en ce qui concerne ce patrimoine, l'action décisive de la Fondation du Patrimoine qui, par le biais d'appels à souscription publique, permet à de nombreuses collectivités de récolter les fonds nécessaires à la protection de ce patrimoine. Si l'État a marqué sa volonté de se recentrer sur certaines missions et sur un patrimoine dont l'extension du périmètre a ralenti depuis 15 ans, il doit tenir compte des efforts par ailleurs consentis pour entretenir le patrimoine national au sens large. Votre rapporteur pour avis se félicite d'ailleurs que le Gouvernement ait fait le choix d'un maintien des dispositifs définis par la loi sur le mécénat qui constituent un outil absolument indispensable pour la protection du patrimoine.

La mission de conservation a connu récemment une évolution très importante.

Sauf en ce qui concerne les monuments qui sont sa propriété, le code du patrimoine a recentré le rôle de l'État sur les deux missions suivantes :

- assurer le contrôle scientifique et technique de la conservation des monuments protégés ;

- aider financièrement aux travaux de restauration et d'entretien.

La réforme de la maîtrise d'ouvrage, présentée l'année dernière par votre rapporteur pour avis dans son avis budgétaire 2 ( * ) sur le projet de loi de finances pour 2012, a donc permis aux propriétaires de retrouver la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage des travaux conduits sur leurs monuments, les services de l'État pouvant, sous certaines conditions, leur apporter une assistance en ce domaine.

RÉFORME DE LA MAÎTRISE D'OUVRAGE : BREF RAPPEL

L'article L. 621-29-2 du code du patrimoine, introduit par l'ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés, affirme les prérogatives du propriétaire pour assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration des monuments historiques, mettant fin à une interprétation de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques qui autorisait les services de l'État à assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments classés, quel que soit leur propriétaire. Malgré la fin de cette interprétation, l'État peut continuer à assurer, à titre gratuit, des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage lorsque le propriétaire ne dispose pas des moyens d'assurer seul sa mission de maître d'ouvrage.

Source : ministère de la culture et de la communication - réponse au questionnaire budgétaire

2. L'évolution des crédits et l'impact inquiétant pour les monuments historiques
a) Une évolution à la baisse

Le tableau suivant montre les crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques.

TABLEAU GÉNÉRAL DES CRÉDITS CONSACRÉS À L'ENTRETIEN
ET À LA RESTAURATION DES MONUMENTS HISTORIQUES

(en millions d'euros)

AE

CP

MH « hors grands projets »

302,64

296,98

Crédits d'entretien

55,25

55,25

dont dépenses de fonctionnement MH État (y compris entretien monuments nationaux)

33,54

33,54

dont dépenses d'intervention MH non État

21,71

21,71

Subventions versées aux opérateurs concernant les monuments historiques

7,26

7,26

Crédits de restauration

240,14

234,47

dont dépenses d'investissement monuments nationaux (subvention CMN)

13,50

13,00

dont dépenses d'investissement MH État

99,28

87,22

dont dépenses d'intervention MH non État

127,36

134,25

MH « Grands projets »

20,0

12,3

Picasso

-

0,3

Versailles

20,0

12,0

Total crédits budgétaires

322,64

309,28

Évaluation du produit de la taxe sur les jeux en ligne (affectée au CMN)

8,00

8,00

Total monuments historiques

330,64

317,28

Projet annuel de performance pour 2013 - ministère de la culture et de la communication

Les CP pour 2013 à destination des monuments historiques hors grands projets s'élèvent à un peu moins de 297 millions d'euros, ce qui correspond à une baisse de près de 11 % . Au sein de ces crédits, on constate un maintien des crédits d'entretien, mais une forte baisse (- 13,3 %) des crédits de restauration par rapport à 2012 .

Cette baisse est évidemment moins importante que celle des CP destinés aux monuments historiques dits « grands projets » qui chutent de 58 % (pour un total de 12,3 millions d'euros), en raison de la fin (déjà constatée ou prévue prochainement) des chantiers concernés et de l'arrêt du projet de la Maison de l'Histoire de France.

Les crédits d'intervention , qui financent la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'État, passent de 172 millions d'euros de CP en 2012 à 155 millions d'euros en 2013 . Cette baisse de 10 % constitue un phénomène de désengagement de l'État qu'il faut rapprocher des observations développées ci-après par votre rapporteur pour avis.

L'évolution des AE marque également une baisse continue depuis deux ans , leur niveau étant passé de 360,4 millions d'euros en 2011 à 322,64 millions d'euros dans le PLF pour 2013 (soit environ - 10 %). Au sein de ces autorisations d'engagement, la part des crédits déconcentrés a augmenté de 10 millions d'euros, passant dans le même temps de 59 à 69  % environ du montant total des crédits consacrés aux monuments historiques.

ÉVOLUTION ENTRE 2006 ET 2013 DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT
CONSACRÉES AUX MONUMENTS HISTORIQUES

(en millions d'euros)

Crédits de l'ex catégorie 1

LFI 2006

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

PLF 2013

MH État (entretien)

17,07

17,33

18,79

18,33

34,46

34,06

34,06

33,54

MH État (investissement)

196,62

219,95

114,85

88,62

126,34

132,75

128,18

122,48

MH non État (y compris crédits d'entretien)

166,72

103,51

129,81

135,28

146,62

146,62

MH « Grands projets »

34,56

46,77

24,40

24,69

30,78

58,31

22,75

20,00

TOTAL

248,25

284,05

324,76

235,15

321,39

360,40

331,61

322,64

dont crédits déconcentrés

180,78

173,68

209,73

152,68

204,28

213,25

224,44

223,41

Source : Commission de la culture à partir des données du ministère de la culture et de la communication

Pour ce qui concerne les monuments nationaux , on note une participation de l'établissement public à l'effort budgétaire. En effet, le CMN (Centre des monuments nationaux) doit tenir compte en 2013 des orientations suivantes :

- une diminution de 15 à 13 millions d'euros des crédits de restauration ;

- un plafonnement à 8 millions d'euros de la ressource affectée prélevée dans le cadre des jeux en ligne ;

- une baisse de sa subvention de 2,5 % ;

- une baisse « non pérenne » de 4,7 millions d'euros qui pourra donner lieu à un prélèvement sur son fonds de roulement.

L'analyse de l'effort de l'État en faveur du patrimoine monumental ne peut se limiter à l'étude du montant des crédits. Or deux phénomènes conjugués sont particulièrement inquiétants pour l'avenir des monuments historiques .

b) Le ralentissement de la consommation des crédits

Alerté notamment par les associations de défense du patrimoine regroupées au sein du G8, votre rapporteur pour avis a porté une attention particulière à la consommation des crédits consacrés aux monuments historiques . Or celle-ci s'est considérablement érodée en quelques années seulement : alors que le taux d'exécution dépassait les 93 % en 2004, 2005 et 2008 (avec une chute en 2006), il est passé à 87 % en 2009, 78 % en 2010 et 73 % en 2011 .

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
CONSACRÉS AU PATRIMOINE MONUMENTAL

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Crédits ouverts

397,79

335,01

335,00

283,98

270,75

315,31

339,24

303,92

Crédits consommés

370,23

313,60

244,21

260,61

254,52

275,69

263,78

227,05

Taux d'exécution

93,07 %

93,58 %

72,90 %

92 %

94 %

87 %

78 %

73 %

Toujours d'après les informations fournies par le ministère de la culture, en 2010 les crédits étaient utilisés en région tant sur les monuments de l'État que sur ceux appartenant à des collectivités ou des propriétaires privés :

- 39,35 millions d'euros de CP (41 %) ont été utilisés pour la conservation des monuments appartenant à l'État ;

- 134,2 millions d'euros de CP (59 %) ont été utilisés au bénéfice des monuments n'appartenant pas à l'État, dont 26,21 M€ pour le compte de propriétaires privés.

Les statistiques officielles n'existent pas pour 2011, et pourtant un phénomène d'orientation des crédits en faveur des monuments appartenant à l'État semble se dessiner.

Une récente étude réalisée par La Demeure Historique (association des monuments historiques privés) met en évidence la tendance de désengagement des collectivités en faveur des monuments historiques privés. A titre d'exemple, 30 conseils généraux ont décidé, en 2011, de supprimer ou suspendre leur soutien financier pour une durée indéterminée , compte tenu de la situation des finances locales.

Auditionné par votre rapporteur pour avis, le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH) a confirmé la tendance décrite ci-dessus, ainsi qu'un recentrage des crédits de l'État en direction des monuments historiques lui appartenant, ce qui, pour les professionnels n'entraîne malheureusement pas d'effet de levier, alors que par ailleurs, il a crû. L'impact économique et social envisagé est très inquiétant , les 200 entreprises de restauration employant 9 000 salariés avec un taux de main d'oeuvre compris en 80 et 90 %. Des exemples concrets d'abandon de projets ont été transmis à votre rapporteur pour avis :

- la région Auvergne envisage une « année blanche ». L'État réduit de 30 % son enveloppe de crédits, pour un alignement progressif avec la capacité à consommer ;

- il n'existe aucune perspective pour le Cantal et la Haute-Loire ;

- l'Allier envisage une réduction de 50 % de ses crédits ;

- les crédits du département des Deux-Sèvres sont passés de 25 à 0 % des sommes totales destinées à la restauration ;

- le conseil général de l'Aveyron vient d'annuler la participation à hauteur de 20 % aux travaux de restauration du château de Bournazel.

L'effet multiplicateur des financements croisés dans le domaine de la culture est malheureusement valable également dans le sens de la diminution . Les contraintes fortes qui pèsent sur les collectivités les conduisent à définir des priorités dans le domaine social, au détriment de la politique de restauration des monuments historiques. Faute de crédits suffisants de la part des collectivités, les projets de restauration sont abandonnés ou différés et les crédits de l'État sont de moins en moins consommés. On peut craindre que ne soit en train de se mettre en place un cercle vicieux de sous-consommation des crédits en faveur des monuments historiques .

c) Les conséquences de la réforme de la maîtrise d'ouvrage

Interrogé par votre rapporteur pour avis, le ministère de la culture a indiqué ne pas connaître la ventilation des dépenses de restauration par strate de collectivité. Toutefois de nombreuses auditions ont confirmé que, sur le terrain, seules les collectivités les plus grandes et les mieux organisées sont aujourd'hui capables d'assumer la nouvelle mission de maîtrise d'ouvrage.

La réforme de la maîtrise d'ouvrage a certes prévu une mission d'assistance : les articles R 621-71 et suivants du code du patrimoine précisent, d'une part, les conditions d'accès des propriétaires de monuments à ces prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) et, d'autre part, les modalités d'exercice de ces missions.

La circulaire n° 2009-023 du 1 er décembre 2009 relative à la maîtrise d'ouvrage précise les modalités de mise en oeuvre de cette assistance par les services de l'État, comme les modalités de rémunération de ces derniers si l'AMO est faite à titre onéreux, et offre un modèle de convention avec les propriétaires.

En 2010, une enquête a été réalisée auprès des services déconcentrés et a démontré que l'assistance à maîtrise d'ouvrage était relativement peu sollicitée, du moins de façon formelle. Les 55 conventions passées pour des travaux sur des monuments classés n'appartenant pas à l'État l'ont toutes été à titre gratuit, majoritairement en raison de l'insuffisance de moyens des propriétaires, et plus marginalement en raison de la complexité des opérations. En revanche, les services sont très souvent sollicités par les maîtres d'ouvrage pour les guider dans un rôle qu'ils appréhendent encore difficilement .

D'après les informations fournies par le ministère, et en ce qui concerne la maîtrise d'oeuvre, l'enquête montre que sur ces monuments plus de 80 % des contrats de maîtrise d'oeuvre sont passés avec des architectes en chef des monuments historiques (ACMH), les 20 % restants étant confiés à des architectes du patrimoine selon les modalités de la nouvelle réglementation. Compte tenu des dispositions permettant aux ACMH de conserver la maîtrise d'oeuvre des travaux dont ils ont assuré les études préalables moins de trois ans avant la promulgation du décret (juin 2009), ce pourcentage est significatif de la réalité de l'ouverture de la maîtrise d'oeuvre.

Cependant, votre rapporteur pour avis a noté de nombreux témoignages mettant en évidence la carence de conseils autrefois prodigués par l'ACMH qui, dans une confusion des rôles, proposait une expertise pour les travaux qu'il allait ensuite conduire. Aujourd'hui, en raison de la mise concurrence désormais en vigueur, ce dernier n'aide plus les collectivités à évaluer et à diagnostiquer les travaux nécessaires.

Dans ce contexte, seules les collectivités les plus grandes parviennent à s'organiser pour pallier cette carence préjudiciable . Ainsi se mettent en place des structures telles des sociétés d'économie mixte, des agences départementales (telles que l'ADAC en Indre et Loire), ou des associations.

Comme l'a rappelé l'Association des maires de France (AMF), les communes sont propriétaires des monuments historiques à hauteur de 44 %. On peut donc dire que la moitié du patrimoine monumental relève de la responsabilité des communes dont seulement 800 ont plus de 10 000 habitants. Or aujourd'hui aucune statistique précise, aucune étude ne permet de connaître précisément la situation des communes, notamment les plus petites, face à la question de la maîtrise d'ouvrage.

Votre rapporteur pour avis s'inquiète, dans un tel contexte, des conséquences non encore évaluées de la réforme de la maîtrise d'ouvrage . Ce phénomène de déstabilisation des collectivités les plus fragiles, combiné à une diminution de la consommation des crédits, fait craindre une évolution préjudiciable pour la conservation du patrimoine dans les territoires les plus pauvres ou isolés.

Face à un risque potentiel de balkanisation de la politique patrimoniale, votre rapporteur pour avis se demande si une mission de conseil ne pourrait pas être mise en place par l'État pour mieux accompagner les nouveaux maîtres d'ouvrage . Il est à cet égard intéressant de constater que lors de la création 3 ( * ) de l'OPPIC (opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture), Christophe Vallet, - actuellement président de l'établissement public depuis sa création - avait suggéré que figure, parmi ses missions, une activité de conseil auprès des collectivités. Mais le choix avait été de se concentrer sur les actions opérationnelles pour le compte du ministère de la culture, faisant de l'OPPIC l'opérateur de droit commun du ministère. L'établissement public a, depuis sa création, défini de nombreuses procédures visant à respecter les coûts et délais des opérations immobilières, et à garantir une approche rigoureuse des procédures liées à la maîtrise d'ouvrage, notamment à travers la définition d'un schéma directeur (définition des besoins, analyse de l'état des bâtiments, nécessités d'adaptation aux diverses réglementations, etc.). On peut se demander si les orientations stratégiques de l'OPPIC ne pourraient pas être opportunément revues afin d'intégrer une mission de conseil et de formation à destination des collectivités. L'établissement pourrait par exemple servir de relais pour fédérer l'action des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) en animant un réseau propre à la maîtrise d'ouvrage.

Interrogé par votre rapporteur pour avis sur ce point, le directeur général des patrimoines du ministère a mentionné plusieurs éléments d'information :

- afin de mieux cerner les conséquences de la réforme et apporter éventuellement des améliorations à sa mise en oeuvre, un observatoire de la réforme a été mis en place par la direction générale des patrimoines du ministère chargé de la culture courant 2010 , et plusieurs groupes de travail regroupant toutes les composantes du secteur « patrimoine monumental » se sont réunis jusqu'en juillet 2012. Le travail de l'observatoire a permis de mieux cerner les attentes des collectivités. Les représentants des maires de France et des départements de France, sur la base des discussions avec la direction générale des patrimoines, ont pu interroger leurs adhérents sur leurs pratiques et leurs connaissances des réformes. Les premiers résultats, non complets, permettent d'ores et déjà de confirmer l'attente très forte des collectivités vis-à-vis des services de l'État, mais aussi une connaissance imparfaite des dispositifs d'assistance à maîtrise d'ouvrage . Tant en matière d'assistance à maîtrise d'ouvrage qu'au travers du contrôle scientifique et technique, elles attendent l'affirmation de la fonction de conseil de l'État, qu'il soit en mesure de les accompagner dans l'élaboration des projets et le suivi technique des travaux ;

- l'observatoire a aussi montré des situations très hétérogènes sur le territoire . Toutes les DRAC ne sont pas en mesure de répondre de la même manière aux attentes des collectivités. La nature et le contenu de la réponse de l'État sont essentiellement conditionnés par l'état des effectifs en DRAC et en services territoriaux de l'architecture et du patrimoine (STAP). Les conclusions des travaux de l'observatoire incluant des propositions d'aménagement de la réglementation seront présentées fin 2012 au directeur général des patrimoines ;

- le ministère va demander aux DRAC d'encourager la réalisation d'études, afin que les projets de restauration puissent démarrer dans de bonnes conditions dès lors que les crédits sont accordés. Cette orientation constituera certainement une aide à la fois financière (pour les études), technique et permettra de prioriser les chantiers sur l'ensemble du territoire ;

- le ministère rappellera également aux DRAC les possibilités qui sont prévues pour les premiers versements de subventions , possibilités aujourd'hui souvent oubliées. En effet, l'État a modifié la réglementation afin que des avances pouvant aller jusqu'à 30  % du montant de la subvention puissent être versées aux maîtres d'ouvrage (50  % pour les opérations menées dans le cadre du plan de relance d'investissement de 2009/2010). L'objectif était d'éviter de mettre les maîtres d'ouvrage en difficulté, ces derniers étant amenés à faire l'avance du coût des travaux car les subventions ne sont versées réglementairement que sur service fait ;

- enfin, tout en se félicitant de la position du Gouvernement en faveur de la fiscalité dite « Malraux » , votre rapporteur pour avis souhaite brièvement noter que si une première analyse a d'ores et déjà été menée dans le cadre d'une mission de l'inspection générale des finances 4 ( * ) , la loi sur les patrimoines annoncée en 2013 pourrait être l'occasion d'une réflexion sur la fiscalité des espaces protégés, sur les différences de taux mais aussi sur la pertinence d'une réaffirmation de la problématique du logement propre aux centres anciens .

B. LA PRIORITÉ DONNÉE À L'ARCHITECTURE

1. Crédits de l'architecture : une bonne nouvelle pour le patrimoine de demain

Seule action du programme patrimoines dont les crédits sont en hausse, l'architecture bénéficie d'un soutien important en 2013.

Le ministère de la culture a indiqué son souci d'accompagner les collectivités territoriales pour une planification urbaine de qualité prenant en compte notamment l'architecture, les paysages, les patrimoines culturels existants dans une démarche de développement durable du territoire. Les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif comprennent l'atlas du patrimoine, qui répertorie la diversité des protections des sites, des monuments et de leur environnement, et plus globalement des paysages historiques et culturels, les labels « Patrimoine du XX e siècle » et « Ville ou pays d'art et d'histoire » (VPAH), ainsi que les nouvelles aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP), créées par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (Grenelle II), qui intègrent des prescriptions particulières relatives aux objectifs du développement durable.

La politique en faveur de l'architecture vise notamment :

- le soutien à la profession d'architecte

Face aux difficultés économiques récurrentes de la profession, le ministère chargé de la culture et l'ordre examinent les moyens de valoriser et de mieux rémunérer les études de conception. Pour l'année 2011, selon l'observatoire de la profession du Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA), le chiffre d'affaires moyen d'un architecte est de 105 000 euros.

Des réflexions sont également en cours pour redéfinir le rôle et les missions de l'architecte, notamment dans les champs de la réhabilitation et de la maison individuelle, y compris en-dessous des seuils du recours obligatoire à l'architecte.

L'intervention de l'architecte dans l'élaboration des documents d'urbanisme est également essentielle pour garantir l'intérêt public de la qualité des constructions et du cadre de vie.

- la promotion de la qualité architecturale, urbaine et paysagère

On note que 780 000 euros en crédits centraux et 3,5 millions d'euros en crédits déconcentrés doivent soutenir le réseau des conseils d'architecture d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), mis en place dans 91 départements, ainsi que les maisons de l'architecture et une quinzaine d'associations.

M. Yves Brien, directeur du CAUE de Maine-et-Loire, a souligné « l'effet ciseau » entre d'une part un phénomène de complexification des contraintes règlementaires (notamment avec le transfert de la maîtrise d'ouvrage et la soumission des missions d'ingénierie publique au droit communautaire) et de l'autre la baisse des effectifs de l'État au service de l'assistance technique.

La loi a d'ailleurs prévu un dispositif dérogatoire, destiné à maintenir une mission de solidarité dans des conditions compatibles avec le droit communautaire de la concurrence : l'assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT). C'est ainsi que les communes ou leurs groupements dont les ressources financières et humaines ne leur permettent pas de disposer de leur propre expertise, peuvent bénéficier du concours des services de l'État, sans passation de marchés publics.

La place des CAUE est cruciale pour l'expertise technique. Aussi est-il important de réfléchir à la problématique des zones ne bénéficiant ni de CAUE ni d'architectes pour garantir une qualité architecturale équitable sur l'ensemble du territoire.

- le soutien et le développement de la qualité architecturale

Les études urbaines en faveur de la qualité architecturale bénéficient en 2013 de 500 000 euros en AE=CP.

- la préservation et la mise en valeur du patrimoine urbain et paysager.

Votre rapporteur pour avis se félicite de cette politique de soutien à la construction du patrimoine de demain et à l'accroissement de la richesse patrimoniale de la France. Celle-ci passe notamment par la prise en compte de la création architecturale et de la qualité des paysages pour la transmission.

2. Le point sur les espaces protégés
a) Les crédits

Les espaces protégés relèvent de la sous-action 27 de l'action 2 « Architecture » du programme 175 (« Patrimoines ») de la mission « Culture ».

Les crédits déconcentrés s'établissent comme suit :

MONTANT DES CRÉDITS AFFECTÉS AUX ESPACES PROTÉGÉS
DEPUIS 2007

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Objet

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Secteurs sauvegardés

2,3

2,6

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

1,5

2,35

1,5

2,0

2,5

ZPPAUP/ AVAP et travaux en espaces protégés

2,3

1,9

2,3

2,25

2,3

2,3

2,3

2,25

2,3

2,25

Révision des ZPPAUP en AVAP/ AVAP et travaux protégés

-

-

-

-

-

-

-

-

1,0

1,0

3,7

3,75

Source : ministère de la culture et de la communication - réponse au questionnaire budgétaire

Le montant proposé pour 2013 des crédits affectés aux espaces protégés s'élève à :

Crédits de fonctionnement : 2,2 millions d'euros en AE et 2,2 millions d'euros en CP.

Ces crédits sont destinés au financement d'opérations pluriannuelles d'études de secteurs sauvegardés et, en fonction des moyens disponibles, au lancement de Périmètres de protection adaptés ou modifiés (PPA/PPM), l'objectif étant d'atteindre 140 PPA/PPM par an. En 2013, plusieurs révisions de plans de sauvegarde et de mise en valeur pourraient être engagées, par exemple à Nantes, Lyon ou encore à Perpignan.

Crédits d'intervention : 3,35 millions d'euros en AE et 3,35 millions d'euros en CP.

Ces crédits sont destinés à financer les études des nouvelles aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP), la révision des ZPPAUP en AVAP, ainsi que les travaux en espaces protégés. La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement, dispose que la révision des ZPPAUP créées en AVAP doit être appliquée dans un délai de cinq ans à compter de son entrée en vigueur. Les ZPPAUP non révisées cesseront de produire effet. La révision des 675 ZPPAUP nécessiterait une programmation des crédits à hauteur de près de 3,8 millions d'euros par an jusqu'en 2015

En matière de secteurs sauvegardés, le montant des crédits centraux demeure très limité et a vocation à se réduire au fur et à mesure de l'achèvement de ces opérations. Cependant, en 2012 certaines actions liées à la gestion et au suivi des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial ont été financées sur les crédits centraux :

- 160 000 euros : marché d'étude pour la cartographie du bien inscrit sur la Liste du patrimoine mondial « Les Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle » ;

- 140 000 euros : crédits délégués à la DRAC Basse-Normandie pour la mise en oeuvre du périmètre de protection modifié aux abords du Mont-Saint-Michel ;

- 100 000 euros : marché d'étude pour l'élaboration du plan de gestion du Mont-Saint-Michel qui devra être lancé durant le dernier trimestre 2012.

Votre rapporteur pour avis regrette que les dépenses en faveur du patrimoine mondial ne soient pas mieux identifiées . Il avait, l'an passé, demandé que les crédits en direction des sites inscrits sur la liste précitée soient identifiés au sein d'une action budgétaire dédiée au patrimoine mondial. Il lui a été répondu que, étant souvent liés à des espaces protégés, ces crédits ne pourraient toutefois pas être détachés de ceux présentés ci-avant.

En revanche, votre rapporteur pour avis a demandé au directeur général des patrimoines que le ministère mette en oeuvre une comptabilité analytique permettant d'identifier les crédits bénéficiant aux sites .

Pour 2013, les crédits centraux s'élèvent à 504 750 euros en AE et 504 750 euros en CP .

Le solde de ces crédits centraux est destiné à financer des actions liées à la protection, au suivi et à la gestion des biens inscrits au patrimoine mondial :

- 30 000 euros : financement de l'atlas des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial ;

- 50 000 euros : mise en oeuvre du plan de gestion par la France en 2013, après la Suisse et l'Autriche, du bien transnational « les sites palaffitiques autour des Alpes ».

Par ailleurs, la participation du ministère de la culture aux travaux liés au rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel s'élèvera à hauteur de 134 750 euros pour 2013.

b) Les difficultés de transformation des ZPPAUP en AVAP

La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement et dite « Grenelle II », modifie, par son article 28, le dispositif de la Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP). Ce dernier est désormais remplacé par un dispositif dénommé « Aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine » (AVAP).

Le décret n° 2011-1903 du 19 décembre 2011 relatif aux aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine précise les modalités pratiques d'application de la loi. Si depuis le 14 juillet 2010, il n'est plus possible de créer de nouvelles ZPPAUP , les ZPPAUP créées, révisées ou modifiées avant l'entrée en vigueur de la loi continuent à exister pendant une durée de cinq ans , à moins qu'une AVAP ne s'y substitue.

Les AVAP restent une servitude d'utilité publique, annexée au Plan local d'urbanisme (PLU), ainsi qu'un instrument dédié à la protection du patrimoine. Elles résultent d'une action menée en partenariat entre collectivités territoriales et État. Le financement de ces opérations est le même que celui des ZPPAUP.

Aucune AVAP n'a encore été créée compte tenu de la publication tardive du décret d'application de la loi du 12 juillet 2010. Cependant de nombreuses alertes ont été adressées à votre rapporteur pour avis, notamment celles du groupement d'association G8. Compte tenu du délai très court prévu par la loi et du temps nécessaire pour reprendre à zéro une procédure de création d'AVAP (4 à 5 ans), il semblerait que seulement 100 ZPPAUP sur 675 soient en mesure d'être transformées en 2015. La disparition de 575 zones a minima constituerait bien évidemment un traumatisme pour le patrimoine national et pour les collectivités qui se sont beaucoup investies en leur faveur.

Interrogée par votre rapporteur pour avis lors de son audition du 14 novembre à ce sujet, la ministre de la culture a répondu vouloir revenir sur ce « délai couperet » dans le cadre du projet de loi sur les patrimoines prévu en 2013 .

C. LES MUSÉES : DE NOMBREUX DÉFIS

1. L'évolution des crédits
a) Une forte baisse observée

Le soutien budgétaire de l'État à la politique muséale s'analyse à travers les crédits de l'action 3 « Patrimoine des musées de France » mais aussi de l'action 8 « Acquisitions et enrichissement des collections publiques ».

L'action 3 porte la politique du ministère de la culture et de la communication menée en faveur des musées, en termes de gestion des collections (conservation des collections à des fins d'étude, de présentation au public et de transmission aux générations futures) et de développement des publics et des territoires (meilleure connaissance des publics et de leurs pratiques culturelles, politique volontariste de diffusion culturelle reposant sur le développement de services des publics, offre adaptée aux différents publics et recours aux technologies de la communication, une politique tarifaire et des mesures ciblées d'accès gratuit aux musées contribuant aux objectifs d'égal accès de tous à la culture et de développement de l'éducation artistique). C'est également sur cette action que sont imputés les crédits permettant au ministère de participer à la politique d'investissement des collectivités territoriales dans les musées, les subventions pour charges de service public des opérateurs (Louvre, Orsay, Orangerie, etc.), ainsi que les crédits de fonctionnement et d'investissement des musées nationaux - service à compétence nationale (Compiègne, Ecouen, etc.).

La baisse des crédits (4,1 % des AE et 0,8 % des CP) reflète les contraintes budgétaires qui pèsent sur la mission « Culture » mais aussi l'achèvement des travaux du MuCEM (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) qui devrait ouvrir au premier semestre 2013. Ainsi 3,4 millions d'euros en AE et 6,58 millions d'euros en CP sont prévus pour la dernière année, sur un total de 83,71 millions d'euros de travaux (à laquelle s'est ajoutée une contribution de 58,05 millions d'euros financés par les collectivités territoriales).

Au sein des dépenses de fonctionnement (un peu plus de 279 millions d'euros en AE=CP pour 2013), on note que :

- les dépenses de fonctionnement courant (qui financent surtout les services à compétence nationale (SCN) « musées ») sont en très légère hausse par rapport à 2012 ;

- le budget intègre pour la première fois la compensation de la gratuité d'accès aux collections permanentes pour les jeunes de 18 à 25 ans résidents en Union européenne. 18 millions d'euros en AE=CP sont ainsi prévus dans les subventions pour charges de service public.

L'action 8 est quant à elle transversale et porte les acquisitions de trésors nationaux et d'oeuvres d'intérêt patrimonial majeur. Il concerne tous les secteurs patrimoniaux, les structures sous tutelle de l'État comme celles sous tutelle des collectivités territoriales. Les dépenses fiscales induites, ainsi que les ressources propres des opérateurs, contribuent également à la politique d'acquisition de l'État.

La chute de près de la moitié des crédits d'acquisition (- 48,8 %) constitue pour le ministère de la culture une « réduction temporaire » qui doit permettre aux musées de recentrer leur action sur la valorisation des collections existantes. Le PAP pour 2013 va jusqu'à justifier de la façon suivante ce choix stratégique : « le ministère a décidé de ralentir le rythme d'accroissement des collections pour achever le récolement en 2014 (comme le prévoient l'article L. 451-2 du code du patrimoine et la circulaire du 27 juillet 2006 relative aux opérations de récolement des collections des musées de France) ». Comme le montre le tableau de suivi du récolement figurant en annexe II du présent rapport, il est vrai que bon nombre d'établissements muséaux sont en retard au regard des objectifs fixés pour les deux années à venir.

Le ministère rappelle également que les acquisitions bénéficient d'autres sources de financement telles que le mécénat, les dations en paiement, les mesures propres aux trésors nationaux, ou encore le Fonds du patrimoine.

b) Le cas des musées territoriaux

Votre rapporteur pour avis note enfin l'évolution des crédits destinés à soutenir les musées territoriaux, à travers les informations suivantes transmises par le ministère de la culture dans ses réponses au questionnaire budgétaire.

L'État participe à l'enrichissement des collections des musées territoriaux selon un taux variable. Ces acquisitions peuvent bénéficier de deux sources de financement par l'État :

- les crédits inscrits au budget du ministère au titre des Fonds régionaux d'acquisition des musées (FRAM). Déconcentrés dans les DRAC, ils permettent de mobiliser les régions ;

- les crédits du Fonds du patrimoine, qui donnent aux collectivités territoriales les moyens d'acquérir des oeuvres majeures, en application de la législation sur la circulation des biens culturels. Ces crédits sont gérés au niveau de l'administration centrale.

CRÉDITS DESTINÉS AUX MUSÉES TERRITORIAUX

(en euros)

Dotation finale

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

PLF 2013

Actions des musées des collectivités territoriales CD

7 768 960

6 676 680

6 980 323

5 572 000

7 600 000

7 600 000

7 600 000

6 840 000

FRAM CD*

2 345 816

2 534 830

2 498 253

2 800 000

2 800 000

2 300 000

2 170 000

1 043 000

Fonds de soutien aux expositions d'intérêt national et Prix « Des musées pour tous » CC

550 000

550 000

510 000

550 000

550 000

550 000

550 000

550 000

Fonds du Patrimoine **CC

1 851 488

896 600

1 158 500

5 060 000

5 060 000

5 060 000

6 335 000

3 440 000

* Prévisions PLF après mise en réserve

** Montant final des subventions accordées aux musées territoriaux

CC : Crédits centraux

CD : Crédits déconcentrés

Source : ministère de la culture et de la communication - réponse au questionnaire budgétaire

Depuis 2006, la contribution de l'État en faveur de la modernisation des équipements muséaux a permis la réouverture de près d'une trentaine de musées et la création d'une vingtaine de musées (tableau joint en annexe I) ou de réserves externalisées.

Les concours financiers attribués depuis 2006 au titre des crédits d'investissement déconcentrés pour les musées de France sont récapitulés dans le tableau ci-dessous :

(en millions d'euros)

Dotations inscrites en LFI

2006

2007

2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

PLF 2012

PLF 2013

AE

13,335

8,55

8,743

3,74

3,74

25,75

16,69

12,0

CP

16,515

11,99

13,16

15,74

16,74

18,75

15,07

15,55

Source : ministère de la culture et de la communication - réponse au questionnaire budgétaire

Ces concours ont permis, en 2012, d'inaugurer, entre autres projets, le musée de la Grande Guerre à Meaux, le musée Jean Cocteau de Menton, le musée du Jouet à Moirans-en-Montagne et le musée Toulouse-Lautrec à Albi.

Pour 2013, de nouvelles phases de travaux seront lancées, notamment pour :

- la rénovation et l'extension du musée Unterlinden de Colmar ;

- la rénovation du musée historique Lorrain à Nancy ;

- la rénovation du musée des Beaux-Arts de Nantes ;

- la rénovation du musée des Beaux-Arts et d'archéologie de Valence ;

- la création du musée Soulages à Rodez ;

- l'extension du musée-atelier du verre à Sars-Poterie.

2. Les enjeux liés au renouvellement des corps des conservateurs

Votre rapporteur pour avis souhaite rappeler, comme l'an passé, la situation critique liée à la démographie des corps des conservateurs de musées (40 % relèvent du corps d'État et 60 % sont des conservateurs territoriaux). Ainsi le « Livre blanc des musées de France » publié par l'Association générale des conservateurs de collections publiques (AGCCPF) met en évidence les difficultés suivantes :

- la démographie du corps des conservateurs est particulièrement inquiétante, avec d'importants départs à la retraite qui ne seront pas compensés par la formation d'un nombre au moins équivalent de conservateurs du patrimoine. Ainsi, 490 des 816 conservateurs du patrimoine de la fonction publique territoriale partiront en retraite dans les dix prochaines années. Au rythme actuel de formation, il faudrait 32 ans pour que l'Institut national du patrimoine (INP) procède à leur remplacement ;

- certaines missions ne sont pas assurées dans beaucoup de musées, faute de moyens suffisants (conservation préventive, réserves, récolement...) ;

- on court le risque d'un système à deux vitesses, entre des très grands établissements aux résultats brillants, d'un côté et, de l'autre, des musées plus modestes qui peinent à survivre avec très peu de visiteurs.

Interrogé à ce sujet, le ministère de la culture a indiqué que les effectifs formés par l'INP allaient être revus à la hausse, sans pour autant résoudre le problème complètement . Le problème de l'absence de « tuilage » constitue pour la chef du service des musées de France un épineux problème car il représente un risque fort de perte de la mémoire et de la transmission des connaissances du patrimoine muséal.

Le ministère a indiqué qu'une réflexion avait été lancée avec le centre de formation de la fonction publique territoriale pour produire une étude sur l'ensemble des métiers de la conservation .

Un problème identifié par le ministère est l'absence de grade de conservateur général dans la fonction publique territoriale, source d'injustices et de blocages dans le déroulement de carrière des conservateurs. Ainsi, comme dans les filières de l'archéologie et des monuments historiques, on observe des phénomènes de fuite en cours de carrière.

L'AGCCPF estime que les décrets d'application de la loi de 2002 relative aux musées de France et définissant les missions des conservateurs mériteraient un toilettage afin que soient appréhendés ensemble les rôles scientifique, technique et administratif.

L'association a également alerté votre rapporteur pour avis sur la situation du patrimoine scientifique, technique et naturel (PSTN) dont les budgets relèvent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) mais dont la politique relève du ministère de la culture. Il semble qu'aucune gestion d'ensemble de ce patrimoine ne soit actuellement assurée et qu'une réflexion interministérielle devienne indispensable . A titre d'illustration, le PSTN n'apparaît pas dans les plans en faveur des musées définis par le ministère de la culture. L'AGCCPF craint ainsi une marginalisation croissante de la culture scientifique dans la définition des politiques culturelles patrimoniales .

D. LES ARCHIVES : UNE NOUVELLE ÉTAPE EN 2013

L'action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » voit ses crédits reculer en 2013 de 48,5 % en CP et de 43,6 % en AE.

Cette baisse des crédits marque l'achèvement des travaux du site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine en 2012 (le bâtiment a été livré au mois de mai). Les dépenses d'investissement sont consacrées, à hauteur de près de 5 millions d'euros (sur 7,32) aux chantiers connexes : les chantiers scientifiques (opérations de code barrage des documents d'archives, programme de numérisation, conception et réalisation du système d'information archivistique, dématérialisation des instruments de recherche), et le déménagement des fonds inter-sites.

5 millions d'euros en AE et 6,35 millions d'euros en CP de crédits déconcentrés sont destinés aux dépenses d'intervention pour les services d'archives départementales (AD) et communales (AC).

La directrice des Archives nationales a indiqué à votre rapporteur pour avis les priorités suivantes :

- l'accès au public , ce que faciliteront d'ici six mois les recherches sur les inventaires via Internet ;

- la collecte ;

- la numérisation des archives , qui constitue une urgence compte tenu du risque de perte de substance documentaire et de l'apparition d'une offre alternative privée. Votre rapporteur pour avis s'inquiète d'ailleurs de la prise en main, par des sociétés privées, des missions des archives départementales pour une mise en ligne des données archivistiques . Le projet de loi sur les patrimoines pourrait être l'occasion d'une réflexion sur le rôle de coordination que pourraient tenir les Archives nationales à travers un moteur de recherche reliant les données des archives départementales.

- l'ouverture aux réseaux , notamment aux universités avec une orientation des programmes en fonction des besoins de la recherche ;

- la modification de l'organisation interne , qui doit concilier à la fois un objectif statutaire (les Archives ne deviennent pas un établissement public) et un objectif d'unicité institutionnelle entre les trois sites.

Le site parisien comptera 170 agents et 60 km de linéaires de fonds (contre un peu moins de 90 aujourd'hui), le site de Pierrefitte, pilote, comptera 300 agents, 200 km de linéaires occupés et 150 km de linéaires vides, et enfin le site de Fontainebleau regroupera 50 agents, 100 km de linéaires occupés et autant de linéaires vides.

150 agents sont déjà sur le site de Pierrefitte, la plupart ayant été recrutés récemment en raison du refus d'éloignement d'un grand nombre de personnes précédemment installées à Paris. L'ouverture de la salle de lecture est prévue en janvier 2013. Une salle d'exposition est prévue, ainsi que des partenariats avec des festivals (« Métisses ») ou des universités (Paris 8).

L'évolution du site de Paris doit désormais faire l'objet d'un arbitrage après l'annonce, par la ministre de la culture, de l'abandon du projet de Maison de l'Histoire de France voulu par le précédent gouvernement.

E. L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE : UNE AMÉLIORATION DU RENDEMENT DE LA RAP DANS LA PERSPECTIVE D'UN LIVRE BLANC

Sans revenir sur le détail de la politique publique figurant dans ses précédents rapports 5 ( * ) , votre rapporteur pour avis souhaite ici rappeler que la réforme du financement de l'archéologie préventive a été initiée à l'occasion du projet de loi de finances rectificative du mois de décembre 2011 6 ( * ) . Le vote du Parlement a permis d'adosser la redevance d'archéologie préventive (RAP) à la taxe d'aménagement.

Cette réforme a été proposée pour remédier à la situation structurellement déficitaire de l'INRAP (Institut national de recherches archéologiques et préventives), établissement public en charge de la politique publique. Ainsi le Parlement avait-il vu se définir progressivement une « politique de sauvetage » non plus des vestiges archéologiques mais de l'INRAP lui-même, avec des versements récurrents de subventions exceptionnelles ayant atteint un montant total de 154 millions d'euros.

Les nouvelles règles de calcul sont entrées en vigueur au 1 er mars 2012, alors que plusieurs sujets liés à son financement doivent encore aboutir (gouvernance et circuits du financement, barèmes pour les versements aux opérateurs publics et privés, etc.). C'est dans le cadre de la commission d'évaluation scientifique, économique et sociale de l'archéologie préventive , installée le 5 octobre 2012, que ces questions vont être abordées. Cette commission a pour mission de rendre un livre blanc de l'archéologie préventive au plus tard au mois de mars 2013 . Les propositions devraient être reprises dans le volet « archéologie » du projet de loi sur les patrimoines.

En attendant les conclusions de cette commission, le Gouvernement propose de revenir, sur le rendement de la RAP. L'article 63 du présent projet de loi de finances propose ainsi de revenir sur les exonérations pour les constructions de maisons individuelles . Votre rapporteur pour avis se félicite d'une telle décision puisque la disposition reprend l'amendement adopté en décembre dernier par votre commission , ainsi que par celle de la commission des finances du Sénat. En effet, votre commission avait souhaité revenir sur une exonération introduite par voie d'amendement du Gouvernement lors de l'examen à l'Assemblée nationale.

Dans son avis, votre rapporteur pour avis avait alors indiqué les éléments suivants : « L'amendement adopté à l'Assemblée nationale soulève une question de justice sociale . On peut s'interroger sur le choix de l'exonération de maisons individuelles par rapport aux logements sociaux (qui représentent un rendement d'un peu moins de 4 millions d'euros selon les statistiques officielles évaluant la valeur potentielle du rendement de la taxe d'aménagement). En outre, il paraît difficile de justifier que les personnes qui vont acquérir un simple appartement vont devoir payer la RAP qui sera répercutée par l'aménageur dans le prix de vente (puisque les petits logements collectifs ne seront plus exonérés), alors que celles qui peuvent faire construire une maison individuelle n'auront pas à le faire.

Même si cela ne représente que 130 euros pour une maison dont la surface de construction est de 100 m 2 , ce qui peut ne pas paraître dissuasif, il convient de faire le choix d'une fiscalité cohérente avec les objectifs de développement durable au rang desquels figure la lutte contre l'étalement urbain.

Enfin et surtout, cette version soulève une question économique, dans la mesure où l'exonération des maisons individuelles remet en cause une fois de plus le rendement de la RAP qu'elle ferait chuter considérablement. Dans la présentation de son amendement, le Gouvernement a estimé le manque à gagner à hauteur de 18 millions d'euros, soit une baisse de 20  %, ce qui, déjà, ne manquerait pas de peser sur bon nombre de mesures d'archéologie préventive, et on peut l'imaginer facilement, en premier lieu sur la recherche et la valorisation. Mais les statistiques disponibles sur les taxes d'urbanisme permettent d'évaluer à 30  % la part des maisons individuelles dans le produit total, ce qui représenterait une baisse de 37 millions d'euros, pour arriver à un niveau peu éloigné de celui du rendement actuel de la redevance d'archéologie préventive. Il faudrait donc à nouveau revenir sur le taux de la taxe dès 2012 pour assurer le financement de l'archéologie préventive, ce qui est précisément contraire à l'objectif visé ».

Fort heureusement le nouveau Gouvernement a souhaité précisément revenir sur la définition de l'assiette de la RAP et propose donc de rétablir le niveau de rendement adéquat, suivant ainsi la position de votre commission et du Sénat en décembre 2011.

Votre rapporteur pour avis est donc favorable à l'adoption de cet article sans modification.

* *

*

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteur pour avis propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » .


* 1 Cette ligne de crédits n'appellera pas de développement supplémentaire dans le cadre du présent rapport.

* 2 Loi de finances pour 2012 - Culture : Patrimoines, transmission des savoirs - MM. Vincent Eblé et Philippe Nachbar.

* 3 Par le décret du 14 juillet 2010.

* 4 Rapport de M. Bruno Parent et de Mme Orianne Duprat-Briou issu du groupe de travail sur le dispositif « Malraux » en date de septembre 2011.

* 5 Avis n° 110 - Tome II - Fascicule 1 (2011-2012), présenté au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur le projet de loi de finances pour 2012, mission « Culture », programmes « Patrimoines », par M. Vincent Éblé.

Avis n° 163 (2011-2012), présenté au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, par M. Vincent Éblé.

* 6 Article 79 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

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