II. 2009-2012 : UNE EXÉCUTION EN TROMPE L'OEIL
En actualisant les chiffres de la LPM donnés en 2008 et en neutralisant les effets de périmètre 7 ( * ) , l'enveloppe globale des crédits sur la période 2009-2012 aurait dû être de 128,7 Mds € 2012 .
La première année d'exécution, 2009, fit apparaître un excédent d'exécution de 530 millions d'euros, tandis que l'année 2010 fut clôturée par un déficit de 1,14 milliard, soit au total moins 610 millions d'euros sur les deux premières années.
Sans attendre une aggravation du décalage, la programmation budgétaire triennale (PBT) 2011-2013 a révisé à la baisse cette enveloppe en imposant une évolution en « zéro volume » du budget de la défense pour l'année 2012 et pour l'année 2013. L'enveloppe globale est ainsi passée de 128,7 à 127,1 Mds € 2011 soit une réduction de 1,6 Mds € 2011 sur la période 2009-2012 et de 2,71 Mds € 2012 en prolongeant la programmation jusqu'en 2013.
Au total, l'écart de la trajectoire d'exécution aurait été, par rapport à la LPM initiale, de 3 Mds € 2012 pour la période 2009-2012 et de 4,10 Mds € 2012 sur la période 2009-2013.
Par rapport à la LPM révisée en 2010, cet écart aurait été ramené à 2 Mds € 2012 aussi bien pour la période 2009-2012 que pour la période 2009-2013, mais au prix d'une réduction de l'enveloppe globale des crédits.
Cet écart de 3 milliards d'euros ne représente que 2,33 % de l'enveloppe initiale 2009-2012, et 2,53 % de l'enveloppe 2009-2013. Il est encore plus modeste si on le rapporte à la LPM révisée en 2010, puisqu'il n'est plus respectivement que de 1,55 % et 1,24 %.
Ce taux d'exécution de 98 % peut paraître d'autant plus satisfaisant que, à l'exception des deux premières lois de programmation militaire, (1971-1975 et 1977-1982), toutes les LPM précédentes ont été sous-exécutées dans des proportions bien plus importantes. A tel point que l'on a pu s'interroger sur le caractère authentiquement normatif de ces « lois ».
Mais en réalité, les arbitrages de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2011-2013 et ceux rendus au moment du vote de la loi de finances pour 2012 ont fait diverger dangereusement la trajectoire d'exécution de la trajectoire de programmation.
Si bien que dès juillet 2012, les principales mesures de bouclage du projet de loi de finances pour 2013 étant arrêtées, la Cour des comptes concluait :
« Compte tenu de l'aggravation de la crise des dettes souveraines depuis le milieu de l'année 2011, des engagements de rétablissement des finances publiques pris par la France et des arbitrages effectués dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, il ne saurait être considéré comme probable que le budget 2013 permettra de renouer avec la croissance en volume prévue par la loi de programmation militaire. Il convient dès lors d'acter son caractère non soutenable budgétairement et d'en tirer les conséquences en préservant au maximum la cohérence physico-financière du format des armées. »
La Cour relevait également que :
« A plus long terme, le maintien d'une évolution du budget en « zéro volume » conduirait à un écart à l'horizon 2020 de l'ordre de 15 Mds € 2008 , tandis qu'un passage à la règle du « zéro valeur » induirait un écart cumulé de l'ordre de 30 Mds € 2008 à la même échéance. »
Au-delà des aspects budgétaires, le bilan capacitaire de la LPM dressé par la Cour des comptes et repris par le Sénat 8 ( * ) était le suivant :
• la capacité de mobilité stratégique et tactique de l'armée de l'air n'a pas pu être renforcée comme prévu ;
• la loi de programmation militaire n'a pas donné à la marine les moyens de déployer en permanence un groupe aéronaval ;
• la modernisation des capacités de frappe dans la profondeur de l'armée de terre et le programme Scorpion ont été reportés ;
• la priorité du Livre blanc sur la fonction « connaissance anticipation » n'a pas été totalement mise en oeuvre ;
• la réorganisation du dispositif pré-positionné en Afrique n'est pas achevée ;
• des contraintes liées au développement économique et territorial pèsent toujours sur les choix effectués.
La Cour des comptes remarquait également qu'en dépit des succès importants remportés en Côte d'Ivoire et en Libye, les contrats opérationnels ne pouvaient être tenus dans toutes leurs exigences en permanence en raison d'arbitrages privilégiant l'acquisition d'équipements au maintien en condition opérationnelle et à l'entraînement des forces, mais aussi en raison de la vétusté et de l'inadaptation de certains matériels qu'il convient de remplacer.
Au même moment, nos collègues Jean-Marc Pastor et André Dulait concluaient dans le rapport précité :
« D'ores et déjà, nous ne disposons plus des moyens financiers pour respecter les dispositions de la LPM. La question qui se pose est donc de savoir si nous allons devoir réduire nos ambitions pour nous adapter aux contraintes financières ou si nous allons pouvoir dégager des marges de manoeuvre. »
* 7 Depuis le début de la LPM en 2009, le principal changement de périmètre a été le transfert de la délégation à l'information et à la communication de la défense, ainsi que du service historique de la défense, du programme 167 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » vers le programme 212 de la mission « Défense », à hauteur de 0,15 milliard d'euros. Les transferts et mesures de périmètre ont un impact marginal dans le PLF 2012, à hauteur de 0,01 milliard d'euros (source : commission des Finances du Sénat - note de présentation sur le PLF 2012 http://www.senat.fr/commission/fin/pjlf2012/np/np08/np082.html )
* 8 Rapport d'information n° 680, 2011-2012 de MM. Jean-Marc Pastor et André Dulait, co-présidents, et Jacques Berthou, Michelle Demessine, Jacques Gautier, Alain Gournac, Christian Namy et Alain Néri, sénateurs : « Forces armées : peut-on encore réduire un format « juste insuffisant » ? » page 38 et suiv.