EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen des crédits de la Mission Défense : programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » lors de sa réunion du 28 novembre 2012. Après que les rapporteurs Jeanny Lorgeoux et André Trillard eurent présenté leur rapport, le débat suivant s'est engagé :
M. Jacques Gautier. - Je voudrais dire, au nom du groupe UMP, que nous sommes sensibles à l'effort fait en faveur du renseignement, qui constituait effectivement l'une des priorités du précédent gouvernement, et souligner également la qualité des travaux effectués par l'ONERA et l'ensemble de ses équipes en matière de recherche aéronautique et spatiale. Notre groupe s'abstiendra, mais ce sera sur ce programme une abstention positive.
M. Daniel Reiner. - Le programme 144 est symbolique de ce qui peut se passer dans l'avenir. C'est une anticipation du Livre blanc. Nous avons absolument besoin de préserver notre capacité d'études. Le programme 144 engage l'avenir. Nous avions tous souhaité que ses crédits augmentent. Le gouvernement l'a fait, soyons satisfaits.
M. André Dulait. - Je voudrais savoir si la diminution des attachés de défense se traduira par des attachés itinérants ...
M. Jeanny Lorgeoux. - Oui.
M. André Dulait. - Alors ça n'entraînera pas une efficacité remarquable.
M. Jeanny Lorgeoux. - Je partage votre remarque.
Les deux rapporteurs ont ensuite émis une appréciation positive sur le programme 144, les conduisant à recommander, pour la mission défense dans son ensemble, l'adoption pour le sénateur Jeanny Lorgeoux et l'abstention pour le sénateur André Dulait.
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A l'issue de l'examen de l'ensemble des programmes de la mission défense, la commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense », les groupes SOC, UDI et RDSE votant pour, les groupes UMP, EELV et CRC s'abstenant.
ANNEXE - Audition de M. Michel Miraillet, directeur des Affaires stratégiques du ministère de la défense
Lors de sa réunion du 14 novembre 2012, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a auditionné M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2013 (programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission Défense).
M. Daniel Reiner, président. - Nous sommes très heureux, Monsieur le Directeur, de vous accueillir à nouveau devant cette commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat que vous connaissez bien.
Je rappelle à nos collègues, qu'en votre qualité de directeur des affaires stratégiques au ministère de la Défense, vous êtes responsable du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».
Ce programme regroupe notamment les crédits relatifs à l'analyse stratégique, la diplomatie et la recherche de défense, ainsi que des services en charge du renseignement de sécurité, qui bénéficient de la priorité reconnue à la fonction « connaissance et anticipation » par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Comme chaque année, nous sommes donc très désireux de vous entendre nous présenter les principales évolutions du programme 144 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.
J'aimerais, si vous en étiez d'accord, que nous élargissions ensuite le cadre de cette audition budgétaire pour vous interroger sur votre perception du nouveau contexte stratégique, une telle analyse ne pouvant qu'être utile pour éclairer les réflexions menées actuellement par la commission chargée de l'élaboration du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, à laquelle je participe avec deux de nos collègues.
La délégation aux Affaires stratégiques a publié, en avril dernier, un très intéressant document, intitulé « Horizons stratégiques », qui propose une vision prospective à 20-30 ans. Il importe de prendre en considération ce nouveau contexte stratégique - je pense notamment à l'augmentation des dépenses de défense des puissances émergentes ou encore aux nouvelles menaces, comme le cyber - lorsque nous serons appelés à nous prononcer sur les objectifs et la trajectoire budgétaire de notre outil de défense et de sécurité.
Enfin, permettez-moi de vous poser une question au titre de co-rapporteur du programme 146 « équipement des forces ».
Le programme 144 présente la particularité de regrouper des éléments très différents, avec les crédits de deux des trois services de renseignement dépendant du ministère de la défense (la DGSE et la DPSD, la DRM relevant d'un autre programme), les crédits consacrés à la diplomatie de défense et aux exportations d'armement, les crédits destinés à l'analyse stratégique, et les crédits des études amont, destinés à financer l'effort de recherche en matière de défense.
Or, on ne trouve pas grand-chose de commun entre ces différents aspects, ce qui peut sembler délicat au regard de la LOLF.
Par ailleurs, au regard des autres programmes de la mission « Défense », le programme 144 est un « petit » programme, tant en termes de masse budgétaire (moins de 5 % des crédits de la mission) que d'effectifs (3 % des effectifs).
Enfin, si le directeur des affaires stratégiques est le responsable du programme 144, celui-ci ne gère que les crédits relatifs à l'analyse stratégique. Les autres responsables de budget opérationnels de programme sont subordonnés au chef d'état major des armées (pour la diplomatie de défense), au délégué général pour l'armement (pour la recherche et le soutien aux exportations) ou directement au ministre de la défense (pour la DGSE et la DPSD).
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, la rationalisation de la présentation des crédits en trois actions permet une meilleure cohérence et lisibilité, et je m'en félicite.
Mais ne pensez vous pas, Monsieur le Directeur, qu'il conviendrait de revoir la maquette budgétaire d'ensemble au sein du ministère de la défense, afin de renforcer la cohérence, ainsi que la lisibilité des dépenses pour le Parlement ?
Ainsi, ne serait-il pas plus logique que les crédits destinés à l'effort de recherche en matière de défense, comme les études amont, relèvent du programme 146 ?
Je vous passe la parole.
M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense. - C'est pour moi la sixième occasion de rendre compte de la situation du programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense », qui supporte l'essentiel de la fonction stratégique « connaissance et anticipation », mise en avant par le Livre blanc sur la défense de 2008.
Ce programme est organisé d'une manière différente des autres programmes de la mission « Défense ». Il se structure autour d'une politique publique, que le responsable de programme coordonne sans être le responsable organique des différents structures qui participent à sa mise en oeuvre, comme la direction générale de la sécurité extérieure ou la direction générale de l'armement.
En ce sens, le responsable du programme joue un rôle de tiers facilitateur, qui permet de piloter harmonieusement l'action du ministère de la défense dans des domaines complémentaires : relations internationales, compréhension de l'environnement stratégique, prospective, soutien et contrôle des exportations d'armement, consolidation de la base industrielle et technologique de défense, lutte contre la prolifération.
Cette fonction de facilitateur n'exclut pas notre intégration au sein des procédures de réforme ministérielle.
Ces dernières années ont vu ainsi la réforme de la diplomatie de défense ou la diminution du report de charges des études amont. Nous accompagnons la montée en puissance de la DGSE, avec la création de près de 700 postes supplémentaires conformément aux conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008. Nous facilitons ses opérations d'investissement grâce à la souplesse de gestion de l'ensemble du programme. Par exemple, si son directeur a besoin d'une avance de 30 millions d'euros, je peux la lui fournir en prélevant la somme sur une autre masse financière. Cette souplesse, autorisée par la loi organique sur les lois de finances, permet à chaque responsable de budget opérationnel d'atteindre ses objectifs particuliers.
D'une manière générale, il faut retenir que le programme 144 recouvre un effectif de près de 8 800 personnes, réparties dans l'ensemble du ministère, entre l'état-major des armées (EMA), la DGA, le réseau des postes permanents à l'étranger et les services de renseignement - du moins la DGSE et la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) -, la Direction du renseignement militaire (DRM) demeurant, elle, au sein du programme 178, ce dont on peut d'ailleurs s'étonner.
Le programme 144 représente environ 1, 91 milliards d'euros, soit environ 5 % des crédits de paiement de la loi de finances initiale pour 2013 au titre de la mission « Défense », et une part notable des efforts consentis au profit de la recherche en matière de défense.
J'aborderai maintenant devant vous les perspectives de fin de gestion 2012 et les grands choix opérés pour le projet de loi de finances pour 2013.
J'évoquerai d'abord la fin de gestion du budget 2012.
En ce qui concerne les dépenses de personnel (titre 2), bien que s'appuyant sur des bases partiellement consolidées, l'examen de la situation permet de dégager les principales données suivantes :
Sur le plan des effectifs, les cibles de gestion attribuées à l'ensemble du programme sont respectées en volume, de même que leur déclinaison au niveau de chacun des quatre budgets opérationnels de programme (BOP). Ainsi, pour une cible en effectif moyen réalisé prévisionnel (EMRP) de 8 697 équivalents temps plein travaillé (ETPT), le niveau d'occupation des emplois s'élevait à la fin de juillet à 8 680 ETPT. Certains employeurs du programme dépassent néanmoins les limites assignées, mais dans de faibles proportions et surtout en matière d'emploi de cadres civils. L'augmentation du nombre d'agents civils de catégorie A, techniques et administratifs, reste en effet, en 2012, la marque du programme. Cette priorité se concrétisera par une croissance de 5,6 % des emplois destinés aux personnels de ce niveau.
Ce renforcement des moyens concerne plus particulièrement les deux services de renseignements, la DPSD et la DGSE, qui accompagnent ainsi leur modernisation.
Sur le plan budgétaire, et après les efforts de contrôle des coûts de personnel conduits par les quatre employeurs du programme, la dépense en masse salariale tend à être contenue. Le déficit d'environ 2 % de la ressource initiale, sur lequel le programme établit ses prévisions pour l'année 2012, peut être considéré comme une hypothèse probable. Nous mettons en oeuvre les mesures nécessaires pour en limiter le niveau.
S'agissant des autres titres, le programme devrait engager cette année environ 1, 331 milliard d'euros et payer 1,266 milliard d'euros, hors consommation de la réserve qui représente à ce jour 69,66 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 62,82 millions d'euros de crédits de paiement.
Comme les années précédentes, s'agissant des paiements, l'enjeu de la fin de gestion 2012 réside dans la levée de la réserve organique et dans l'autorisation donnée ou non de consommer les reports de crédits 2011 afin de limiter le report de charges à la fin de l'année. Une levée de la réserve complète associée à une autorisation de consommer les reports donnerait une capacité de paiement de quelque 1 401 millions d'euros.
Le programme 144 va par ailleurs disposer des ressources du compte d'affectation spéciale « Fréquences », pour un montant de 50 millions d'euros. Elles sont, comme vous le savez, affectées aux études amont.
Il convient de souligner que la non-levée de la réserve de précaution aurait des incidences sur la soutenabilité de ces études amont, auxquelles je sais que votre commission est particulièrement attachée et dont les paiements s'échelonnent tout au long de l'année, affectant ainsi l'objectif de stabilisation de leur périmètre budgétaire à hauteur de 700 millions d'euros par an.
Quoi qu'il en soit, le programme prend à son niveau les mesures nécessaires et mobilise tous les acteurs concernés afin de consommer la totalité de la ressource, se fixant pour objectif de contenir le montant des reports de crédits pour 2013 dans les limites autorisées par la loi organique.
M. Daniel Reiner, président. - Avez-vous bon espoir au sujet de la levée de la réserve de précaution ?
M. Michel Miraillet, directeur des affaires stratégiques. - Je suis plutôt optimiste.
J'en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2013. Le détail des demandes de crédits exprimées par le programme 144 figure dans le programme annuel de performance (PAP) qui vient d'être déposé sur le bureau des assemblées. Je vous présenterai la synthèse des points les plus marquants du prochain exercice.
Pour les dépenses de personnel (titre 2), le programme 144 a pour perspective, en 2013 comme cette année, une croissance en effectifs comme en ressource budgétaire, et reste à cet égard une originalité au sein du ministère de la défense.
Pour les effectifs, le plafond d'emplois du plafond ministériel d'emplois autorisés (PMEA) présente en 2013 une variation à la hausse de 60 ETPT (emplois équivalent temps plein travaillé), après avoir bénéficié d'une augmentation de 88 ETPT en 2012.
Cette croissance est la conséquence du solde positif des créations et des économies d'emplois dans la composante « renseignement », mais aussi de la stabilisation des périmètres des BOP « EMA » et « DGA », les mesures de déflation étant compensées par les transferts d'emplois entrants dont bénéficient ces deux entités.
Par ailleurs, la politique de ressources humaines reste prioritairement axée, d'une part, sur l'ouverture des emplois d'encadrement et de haute technicité - pour les militaires comme pour les civils - et, d'autre part, sur la préservation d'un rapport de deux tiers à un tiers entre civils et militaires.
En conséquence de ce développement des effectifs, qualitatif et quantitatif, la dotation en masse salariale croît de manière substantielle. Le socle financier passe d'une dotation de 597 millions d'euros à 633 millions d'euros, soit une augmentation de 6,07 %. Cette variation à la hausse de 36 millions d'euros recouvre en particulier les crédits correspondant aux créations de postes en faveur des services de renseignement prévues par le Livre blanc de 2008 - un effort non négligeable dans le contexte actuel.
Pour les autres titres, la nomenclature du programme 144 est simplifiée sans que son périmètre varie pour autant. Il se compose dorénavant de trois actions : l'action 3, « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France », dont le périmètre est inchangé ; l'action 7, « Prospective de défense » ; et l'action 8, « Diplomatie de défense ».
L'action 7 regroupe trois anciennes actions : « Analyse stratégique, Prospective des systèmes de force » et « Maintien des capacités technologiques et industrielles », elle-même divisée en deux sous-actions, la sous-action 73, « Études amont », et la sous-action 74, « Soutien et subvention ».
Hors dépenses de personnel (hors titre 2), les crédits du programme connaissent une augmentation, à périmètre identique, de 2,72 % en autorisations d'engagement (AE) et de 6,17 % en crédits de paiement (CP). Cette tendance est la conséquence du maintien à un niveau élevé des études amont menées sous l'égide de la DGA. Les crédits consacrés à ces dernières augmentent de 11,65 % en CP pour atteindre un montant de 706,8 millions d'euros.
Je vais maintenant vous présenter l'évolution de chacune des actions du programme.
L'action 3, « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France », voit son budget augmenter de 1,2 % en CP pour atteindre 226 millions d'euros de crédits de paiement, qui se répartissent en 214 millions d'euros pour la DGSE et 12 millions d'euros pour la DPSD.
Pour ce qui concerne la sous-action 31 intéressant la DGSE, les 84 millions d'euros de crédits de paiement du titre 5 serviront, d'une part, à l'acquisition de matériels opérationnels dédiés au traitement et à l'exploitation du renseignement obtenu, ainsi qu'au soutien, au support et à la logistique des opérations et, d'autre part, à la construction, à la modernisation et à l'adaptation des locaux abritant les matériels techniques de recueil et de traitement de l'information.
Conformément aux décisions gouvernementales, la DGSE a poursuivi la rationalisation de ses dépenses de fonctionnement, ce qui se traduit par la baisse des dotations concernées. Cette diminution est toutefois atténuée par l'augmentation des effectifs qui, mécaniquement, entraîne celle des dépenses de fonctionnement - surfaces d'accueil, entretien, formation, recrutement. Le recentrage des fonds spéciaux sur leur usage spécifique se poursuit.
Les moyens alloués à la DPSD, retracés dans la sous-action 32, restent stables, l'augmentation étant limitée à 0,42 %. Cette stabilité traduit également la volonté de procéder à des économies de fonctionnement.
Les crédits d'investissement de la DPSD s'élèveront en 2013 à 2,25 millions d'euros afin de maintenir la performance du système d'information et de sécurité à un haut niveau et de former spécifiquement le personnel aux métiers de cette direction.
L'action 7, « Prospective de défense », la plus importante en volume du programme 144, comprend quatre sous-actions. La sous-action 71 rassemble les crédits consacrés par le ministère de la Défense à l'analyse stratégique : 5,11 millions d'euros en crédits de paiement et 8,11 millions en autorisations d'engagement. Les augmentations seront donc, respectivement, de 4 % et de plus de 50 %, cette dernière s'expliquant par le souci de nouer des partenariats de long terme avec les acteurs de la recherche stratégique, sous la forme par exemple de contrats pluriannuels.
Les subventions aux publications stratégiques sont destinées à renforcer la visibilité de la pensée stratégique française. La délégation aux affaires stratégiques (DAS) assure la diffusion des études prospectives et stratégiques, à travers des conventions de publication avec des éditeurs européens pour des publications anglophones ou francophones, ou à travers des actions venant au soutien des positions françaises - organisation d'événements informels et d'échanges de vues ou participation à des rencontres où la présence de représentants français apparaît souhaitable, etc.
Le programme 144 assure également le financement des programmes « Personnalités d'avenir défense » et « Post-doctorats », pour un montant total de 150 000 euros.
Le premier a pour objectif de sensibiliser de futures élites étrangères aux positions françaises en matière de sécurité et de défense et de créer des contacts entre ces jeunes cadres et les correspondants français partageant les mêmes centres d'intérêt. Ces personnalités sont accueillies en petites délégations ou individuellement pour un séjour d'étude d'une durée d'une semaine. Le programme prend en charge toutes les dépenses afférentes à ce séjour.
Quant au programme « Financement des post-doctorats », il vise à favoriser l'émergence, au sein de la communauté universitaire, de pôles d'excellence en identifiant et en soutenant chaque année une dizaine de jeunes chercheurs dont la qualité et les thèmes de recherche présentent un intérêt manifeste pour notre sécurité et pour notre défense.
La sous-action 72, « Prospective des systèmes de force », regroupe les crédits consacrés aux études opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO) qu'il est prévu d'engager en 2013, conformément aux orientations qui ressortent du plan prospectif à trente ans. Ces études, pilotées par l'état-major des armées, visent à consolider les concepts, l'expression des besoins militaires, la préparation des opérations d'armement et les doctrines d'emploi liées à la mise en oeuvre des équipements ; elles évaluent le potentiel opérationnel, actuel et futur, de nouvelles technologies.
Le budget 2013 des EOTO, d'un montant de 24,6 millions d'euros, est stable par rapport à celui voté en loi de finances pour 2012. Le recentrage sur les études de plus grande ampleur et la recherche corrélative d'une réduction des « micro-études » restent au rang des objectifs d'efficience visés par le programme.
La sous-action 73 regroupe les crédits consacrés aux études amont qui sont conduites par la Direction générale de l'armement (DGA), en coopération étroite avec l'état-major des armées. Ces études représenteront en 2013 54,4 % des autorisations d'engagement du programme 144, hors titre 2, et 55,4 % des crédits de paiement, soit respectivement 736 millions d'euros en AE et 706 millions d'euros en CP. C'est dire leur importance dans le programme dont j'ai la responsabilité.
Rappelons que ces études sont des recherches et des études appliquées, de nature technique, rattachées à un besoin opérationnel prévisible ; elles sont définies comme un ensemble de travaux qui contribuent à maîtriser la base industrielle et technologique de défense et de sécurité et la base étatique nécessaire à la réalisation des opérations d'acquisition ou de maintien à niveau d'équipements, notamment par la levée de risques préalablement à leur lancement.
En 2013, les crédits prévus pour les études amont sont stables en ce qui concerne les autorisations d'engagement et en nette augmentation pour ce qui est des crédits de paiement puisque ceux-ci progressent de près de 12 %. Cela situe l'importance accordée à ces études dans une période de forte contrainte budgétaire.
Dans le projet annuel de performances, ces crédits sont divisés en deux opérations stratégiques : d'une part, la prospective et la préparation de l'avenir, pour un montant de 491 millions d'euros d'AE et de 515 millions d'euros de CP, et, d'autre part, la dissuasion, pour un montant de 245 millions d'euros d'AE et de 191 millions d'euros de CP.
Au total, l'enveloppe disponible se stabilise autour de 700 millions d'euros, ce qui traduit une remontée de ces crédits depuis le début des années 2000, date à laquelle les crédits d'études amont avaient atteint leur plus bas niveau - environ 400 millions d'euros de crédits de paiement. L'objectif fixé par la loi de programmation militaire était d'éviter un décrochage technologique vis-à-vis de nos principaux partenaires.
À partir de 2004-2005, la forte croissance de l'engagement des autorisations d'engagement a entraîné de lourds reports de charges, les crédits de paiement n'ayant pas suivi au même rythme. Durant ces dernières années, le responsable du programme, en liaison avec la DGA et la Direction des affaires financières, s'est efforcé de limiter ce report d'un exercice sur l'autre pour améliorer l'exécution des paiements et renforcer l'effet multiplicateur des crédits dévolus aux études amont. Pour l'année 2012, un plafond de 90 millions d'euros de reports avait été fixé. Les reports devraient finalement être limités à quelque 85 millions d'euros. Ce résultat a été obtenu par un « refroidissement » progressif des engagements, qui permet un meilleur pilotage de ce budget.
Dans le domaine des ressources, il faut noter que les recettes issues du compte d'affectation spéciale « Fréquences » - soit, en 2013, environ 45 millions d'euros - sont affectées aux études amont.
Je rappellerai pour finir sur ce point que les études amont sont incluses dans un agrégat plus large appelé « Recherche et développement », comprenant notamment la recherche duale portée par le programme 191 « Recherche duale » de la mission « Recherche » ainsi que la recherche menée par le CEA au titre du programme 146 « Équipement des forces ».
La sous-action 74 est complémentaire de la précédente car elle rassemble les crédits consacrés aux subventions à des opérateurs qui participent eux aussi à l'effort de recherche de défense : il s'agit des écoles de la DGA, de l'École polytechnique, de l'École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA), de l'École nationale supérieure des ingénieurs des études et techniques d'armement (ENSIETA), de l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (ISAE), ainsi que de la part « défense » de la subvention de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) et de la subvention à l'Institut Saint Louis.
Les sous-actions 73 et 74 forment d'ailleurs l'agrégat « Recherche et technologie », qui représente environ 2 % du budget de la défense français. À titre de comparaison, les Britanniques y consacrent environ 1,5 % de leur budget, les Allemands un peu plus d'1 %. Quant aux États-Unis, en 2010, ils dépensaient pour cet agrégat 10,1 milliards d'euros, contre 0,82 milliard d'euros en France.
Pour les subventions versées aux opérateurs de l'État relevant du programme, les crédits sont stables par rapport à 2012, soit un montant d'environ 270 millions d'euros. Nous participons à l'effort pour rationaliser la tutelle de ces opérateurs, en liaison avec les autres programmes de la mission « Défense ». Nous sommes conscients des efforts à consentir pour que ces opérateurs participent pleinement aux efforts de maîtrise financière accomplis par l'État - y compris l'École polytechnique, qui a parfois du mal à l'accepter ...
L'action 8, « Relations internationales », regroupe les crédits consacrés au soutien aux exportations d'armements et à la diplomatie de défense. En crédits de paiement, cette action est en recul de près de 2 %. Elle représente 43,7 millions d'euros.
La sous-action 81, relative au soutien aux exportations, enregistre une augmentation de plus de 5 %, hors titre 2, pour s'établir à 6,9 millions d'euros environ. Cette augmentation est essentiellement provoquée par la tenue en 2013 du salon de l'aéronautique et de l'espace du Bourget.
La sous-action 82 « Diplomatie de défense » est, pour sa part, en repli de près de 3 % grâce à la poursuite de la réorganisation du réseau. Ses dépenses s'établiront en 2013 à 36,8 millions d'euros.
Les 30,29 millions d'euros de crédits d'intervention relevant de la diplomatie de défense comprennent les versements au titre du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, dit PMG 8 et la contribution à la République de Djibouti.
Par convention signée le 16 mars 2009, l'État a en effet délégué au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) la mission de gérer les actions de coopération bilatérales et multilatérales entreprises dans le cadre du PMG8, adopté lors du sommet de Kananaskis de juin 2002, ainsi que les fonds versés à cette fin. En mai 2011, le sommet du G8 de Deauville a décidé de prolonger ce partenariat au-delà de 2012. La part des crédits relevant du ministère de la défense et des anciens combattants s'élève à 5,742 millions d'euros.
La France est par ailleurs redevable d'une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d'euros au gouvernement de la République de Djibouti, en compensation de l'implantation des forces françaises sur son territoire. Cette contribution relève de la convention bilatérale du 3 août 2003, dont les dispositions financières ont été confirmées dans le nouveau traité de coopération en matière de défense, signé le 21 décembre 2011 entre la France et Djibouti, et qui entrera en vigueur à l'issue de sa double ratification. Sur ces 30 millions d'euros, 24,55 millions d'euros relèvent en 2013 du programme 144.
Pour conclure cette intervention et pour répondre à votre question sur l'architecture du programme, je me permettrai de signaler trois aspects, que je considère comme positifs, du pilotage du programme 144 par la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) et son équipe de six personnes - à comparer aux 32 personnes qui gèrent les quelque 3 milliards d'euros du programme 212 « Soutien de la politique de défense ».
Tout d'abord, le programme 144 n'a pas été créé au hasard mais répond à une logique, en regroupant l'ensemble des crédits consacrés à la fonction « prospective ». La coordination a d'ailleurs été renforcée entre tous les acteurs de la fonction « prospective », comme le demandait le Livre blanc de 2008.
Ensuite, ce programme, concentré autour d'une seule priorité, permet de sanctuariser des crédits - comme ceux de la DGSE ou des études amont -, alors que dans un programme regroupant plusieurs priorités, le risque est d'être conduit à prélever des crédits sur une action au détriment d'une autre.
Je ne suis pas certain que le directeur général de la sécurité extérieure - mais c'est à lui qu'il faut le demander - verrait d'un bon oeil d'être rattaché au programme 178, à l'image de la direction du renseignement militaire. Ne serait-il pas logique, au contraire, si l'on veut réellement poursuivre la priorité accordée à celle-ci, identifier comme tels les crédits consacrés à la fonction « connaissance et anticipation » dans les prochaines années et réfléchir à la nécessité d'en tirer toutes les conséquences, par exemple en s'interrogeant sur l'opportunité ou non de voir les crédits de la DRM rattachés au programme 144 ? Ceci pourrait permettre sinon d'éviter, du moins de limiter, l'application à cette direction des multiples contraintes qui s'appliquent à l'état-major des armées en termes de déflation des effectifs et de réduction des dépenses. De la même manière, le fait que les études amont relèvent d'un programme distinct du programme 146 consacré aux équipements permet de bien identifier et, en un sens, de « sanctuariser » - c'est-à-dire de préserver - ces crédits. Dans le cas contraire la tentation pourrait être forte, soit de sacrifier les études amont au profit des équipements, soit de privilégier au nom de la fongibilité une logique de court terme sur une préoccupation de long terme visant à préserver l'effort de recherche en matière de défense. Enfin, je voudrais à nouveau insister sur les avantages de ce programme en termes de souplesse de gestion pour ses différents intervenants, ce qui est d'autant mieux accepté que le responsable du programme se trouve dans une position de neutralité et joue là un rôle de facilitateur et de régulateur.
En dernier lieu, laissez-moi rappeler que le programme permet d'articuler entre elles les différentes études menées au sein du ministère de la Défense. C'est parce que nous connaissons notre environnement international et que nous bénéficions des informations transmises par les utilisateurs de nos capacités militaires que nous sommes à même de programmer au mieux les études amont, qui débouchent elles-mêmes sur les programmes d'armement.
M. Daniel Reiner, président. - Je vous remercie pour ces précisions et je passe maintenant la parole à nos deux co-rapporteurs, MM. André Trillard et Jeanny Lorgeoux.
M. André Trillard, co-rapporteur. - Depuis déjà plusieurs années, d'abord en tant que rapporteur pour avis sur le budget du ministère des affaires étrangères, puis en qualité de rapporteur pour avis sur le programme 144, je suis avec un intérêt particulier les questions relatives à notre diplomatie de défense à notre politique de coopération en matière de défense.
Avec mon collègue Jeanny Lorgeoux, nous avons d'ailleurs auditionné au Sénat le général Gratien Maire, qui est chargé des relations internationales au sein de l'état-major des armées.
Au-delà de la réforme engagée depuis 2008 et de la création de la nouvelle base militaire française à Abu Dhabi, je souhaiterais vous interroger, Monsieur le Directeur, sur vos priorités dans ce domaine, notamment dans l'optique du nouveau Livre sur la défense et la sécurité nationale ?
Alors que le Président de la République vient d'annoncer une nouvelle page dans les relations avec l'Afrique, comment cette priorité va-t-elle se traduire concrètement s'agissant de notre présence militaire sur le continent africain et de notre coopération militaire ? La situation au Sahel et la perspective d'une intervention de l'Union européenne au Mali est-elle de nature à revoir notre stratégie et notre présence dans la région ? Qu'en est-il de notre présence à Djibouti et dans le Golfe ?
Comment renforcer aussi notre présence et notre coopération militaire avec les nouvelles puissances émergentes, comme l'Indonésie par exemple ? Qu'en est-il de notre présence en Asie Pacifique ?
Alors que la France est le principal promoteur d'une relance de l'Europe de la défense, n'est-il pas paradoxal de réduire progressivement notre coopération militaire et la présence de nos attachés de défense en Europe ?
Pourriez-vous nous préciser l'état du dossier concernant la coopération en Afghanistan et la question sensible du financement des forces de sécurité afghanes après 2014 ? Notre pays sera-t-il appelé à contribuer financièrement au paiement des soldes des soldats afghans après 2014 et sur quel budget ?
Enfin, est-ce que la coopération militaire avec la Turquie a été relancée, après les difficultés rencontrées ces dernières années ?
M. Jeanny Lorgeoux, co-rapporteur. - Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, les crédits du programme 144 sont en augmentation de 2,7 % pour les autorisations d'engagement et de 6,2 % en crédits de paiement.
Dans un contexte financier difficile, je tiens à souligner que cette augmentation représente un effort notable du ministère en faveur des dépenses d'avenir. Je pense en particulier aux études-amont, qui augmentent de 11,7 %.
Je me félicite aussi de la poursuite du renforcement de la fonction « connaissance et anticipation », et notamment de l'augmentation des crédits de la DGSE, dont nous avons d'ailleurs entendu le directeur en audition, avec notre collègue Jeanny Lorgeoux.
Lors d'une récente visite au siège de la direction de la protection et du secret de la défense nationale (DPSD), j'ai aussi constaté la diminution des effectifs et des moyens de cette direction ces dernières années.
Ainsi, pour 2013, la diminution prévue de 2 millions d'euros sur les dépenses de personnel (titre 2) sera difficilement tenable, alors que la DPSD connaît déjà un sous-effectif de l'ordre de 100 personnes, sur un total de 1190 postes.
Certes, la dématérialisation des procédures permet des économies et des réductions de personnels.
Mais il me semble que face aux menaces, comme l'espionnage, l'ingérence ou le cyber, visant les armées ou les entreprises du secteur de la défense, sur notre territoire ou à l'étranger, les moyens de la DPSD mériteraient d'être préservés dans les prochaines années.
Enfin, je partage les préoccupations de notre collègue concernant notre présence et notre coopération militaire en Afrique.
M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques. -Sur la DPSD, je souhaite vous renvoyer à la présentation qui vient d'être faite des crédits. Je ne pense pas que nous puissions considérer que ce service - dont l'utilité et la qualité ont été à nouveau démontrées ces derniers mois sur le terrain en Afghanistan, notamment à la suite des incidents « green on blue », soit délaissé. Depuis plusieurs années, un effort en profondeur a été conduit en liaison étroite avec ses responsables afin d'opérer le repyramidage et une évolution qualitative sensible des personnels affectés, notamment à travers l'affectation d'officiers brevetés. La contrepartie en est naturellement une participation du service à l'effort de rationalisation de ses coûts de fonctionnement. L'objectif n'en reste pas moins toujours le même, garantir l'efficacité du service en l'accompagnant dans sa modernisation.
La diplomatie de défense est une constante du ministère de la défense et une priorité de notre action. Cette diplomatie de défense ne se résume pas au seul réseau des attachés de défense, qui, en liaison étroite avec les chancelleries diplomatiques, jouent un rôle important mais non exclusif.
La diplomatie de défense, c'est aussi les relations avec les autres ministères de la défense et leurs départements politico-militaires lorsque ceux-ci existent, les centres de recherche qui se trouvent aujourd'hui à l'origine de la multiplication d'instances de dialogue politico-militaire, qui présentent l'originalité de rassembler dans les formats les plus variés diplomates, journalistes, universitaires et militaires. Ces enceintes, à l'image des fora gérés par les grands think tanks américains et européens, jouent sur les grands dossiers d'actualité, qu'il s'agisse de l'Afghanistan, du désarmement nucléaire, des questions de prolifération ou de sécurité régionale, de l'actualité au sein de l'Alliance atlantique ou de la défense européenne, un rôle de plus en plus important que nous devons impérativement prendre en compte.
C'est ce que ce ministère, dans toutes ses composantes, s'efforce de faire et de développer depuis plusieurs années, non seulement à travers le dialogue étroit entretenu avec nos principaux alliés, notamment américains, comme avec nos partenaires européens, quels que soient les formats retenus (dialogues stratégiques officiels, participation active à des exercices de types « track 2 », organisations de séminaires en lien avec des centres de recherche français ou étrangers) .
Dans ce paysage, dont je voudrais souligner à quel point il est exigeant en termes de ressources financières et humaines, l'Asie Pacifique joue un rôle croissant, comme vous avez tenu vous-même à le souligner. Nous n'avons pas attendu les tensions actuelles en mer de Chine pour tisser avec le Japon, la Corée du Sud, Singapour, la Malaise, l'Indonésie (avec laquelle nous avons eu à la fin des années 1980 une coopération importante) et l'Australie des liens de plus en plus productifs. Ces liens ont pu être et sont toujours, pour certains pays, motivés par le souci de soutenir le développement de nos coopérations militaires et d'armement mais, dans bien des cas, et tout particulièrement avec Singapour ou l'Australie, ces dialogues revêtent désormais un caractère structurel, un intérêt réciproque et une intimité) dont nous ne pouvons que nous féliciter. Notre présence dans le Pacifique et tout particulièrement en Nouvelle Calédonie est vue par nos partenaires de la zone, y compris dans sa dimension élargie à l'ASEAN, comme un atout et un élément essentiel de notre coopération et de notre diplomatie de défense.... Nous sommes aujourd'hui aux antipodes des rapports difficiles de la fin des années 1980 avec Canberra.
Cette évolution n'est naturellement pas exclusive de la recherche d'un engagement plus affirmé avec les grands émergents au premier chef desquels figurent l'Inde, le Brésil et bien sur, l'Indonésie. Là encore, la diplomatie de défense est là pour soutenir une coopération de défense en pleine expansion mais aussi pour donner sa pleine signification aux partenariats stratégiques décidés au plus haut niveau politique. Le Brésil n'occupe pas seulement une place majeure en Amérique du Sud, mais constitue déjà un acteur majeur bienvenu de la zone de l'Atlantique Sud et à moyen terme pour l'Afrique de l'Ouest, notamment dans le domaine sécuritaire avec pour cible prioritaire la lutte contre la réduction des trafics de stupéfiants qui inondent aujourd'hui le sud Sahel. L'Indonésie après les années de gel de la coopération en raison du coup d'état militaire est redevenue un objectif de notre politique de défense. Le seul poids de ce pays au sein de l'ASEAN le justifie à lui seul, même si le manque de structures politico-militaires développées dans ce pays constitue encore un handicap pour le développement de ces relations.
D'une façon générale, l'Asie du Sud-Est constitue l'une des priorités du ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian. Du 1 er au 3 juin dernier, celui-ci a ainsi participé à Singapour au XI e Sommet sur la sécurité en Asie, dans le cadre du dialogue de « Shangri-La », organisé par l'Institut international d'Etudes Stratégiques de Londres. Sa présence à ce forum, tout à fait symptomatique de ce qu'est aujourd'hui la diplomatie de défense, lui a permis de rencontrer un très grand nombre de personnalités politiques et militaires de premier plan des pays de la région et d'affirmer le rôle de la France dans cette région qui présente pour nous une importance stratégique majeure.
Plusieurs de vos questions portaient sur l'Afrique et nos priorités sur le continent. Concernant la coopération avec l'Afrique, conformément à l'engagement pris par l'ancien Président de la République, l'ensemble des accords de défense ont été revus et ont fait l'objet d'une approbation parlementaire S'agissant de notre présence militaire à Djibouti, je n'insisterai pas longtemps : celle-ci s'est avérée très utile, fondamentale, dans le cadre de la lutte contre la piraterie maritime et l'opération Atalanta de l'Union européenne dont nous assurons un large soutien, y compris à travers cet atout majeur que représente encore aujourd'hui notre hôpital militaire. Il est d'ailleurs intéressant de noter que nous ne sommes pas les seuls à juger cet investissement nécessaire au regard du caractère central que revêt aujourd'hui l'Océan indien, au-delà du seul problème multi-dimensionnel que représente la Corne de l'Afrique, au plan stratégique, comme l'a souligné le Livre blanc de 2008 : la présence militaire américaine à Djibouti se développe ; après les Japonais et les Chinois, les Russes sollicitent aujourd'hui à leur tour les autorités de Djibouti afin de pouvoir bénéficier de facilités de stationnement pour des avions de patrouille maritime...
Plus généralement, les opérations militaires récentes menées dans la Corne de l'Afrique en Libye ou en Côte d'Ivoire, la situation au sud Sahel - dont le caractère potentiellement déstabilisateur pour la région comme pour les structures gouvernementales et administratives locales ne saurait trop être souligné - sont là pour nous rappeler l'importance du continent pour notre environnement sécuritaire immédiat. Cette donnée de fond porte en germe, comme vous le laissez entendre, une nécessaire réflexion sur l'adaptation éventuelle du dispositif plus restreint dessiné en 2008 par le Livre blanc et limité à deux implantations pour nos forces prépositionnées en Afrique, l'une en Afrique de l'Ouest, au Gabon, et l'autre en Afrique de l'Est, à Djibouti. Cette question, qui doit également être confrontée à nos contraintes financières, n'a encore fait à ce stade l'objet d'aucune conclusion, mais constitue un thème de réflexion de la commission chargée de la rédaction du nouveau Livre blanc.
S'agissant de l'Afghanistan et de la question du financement des forces de sécurité afghanes après le retrait en 2014, comme vous le savez, le Président de la République a indiqué que la France continuerait de soutenir les autorités afghanes après 2014, conformément d'ailleurs à ce que prévoit le traité bilatéral conclu entre nos deux pays. Nous n'avons à ce stade pris aucun engagement sur ce que pourrait être une éventuelle contribution à l'effort de financement de l'ANA comme le souhaitait notre allié américain à Chicago. Cette question est toujours à l'étude et devra, en toute hypothèse, prendre en compte la valorisation de l'effort que nous continuerons de conduire dans la formation des forces afghanes après 2014. Ceci me donne l'occasion de rappeler que la réussite de la transition en Afghanistan dépendra de plusieurs facteurs, à l'image du bon déroulement des prochaines élections présidentielles et législatives de 2014, qui serviront de test pour la crédibilité de la réussite du processus de transition. Nous travaillons étroitement avec le ministère des affaires étrangères pour aider les autorités afghanes, et plus largement, les différentes composantes de la société afghane, à préparer ces échéances cruciales et à fonder les bases d'une véritable vie politique démocratique dans ce pays, même si l'issue du processus de transition reste encore à ce jour incertaine. Le paiement des soldes, le maintien en condition opérationnelle de l'ANA sont bien entendu des conditions nécessaires, mais elles ne sont pas non plus suffisantes : il faut donner aussi le sentiment aux soldats et aux policiers afghans qu'ils se battent pour leur pays, ce qui supposent que les dirigeants à Kaboul, le système politique en place en 2014, disposent d'une réelle légitimité aux yeux de la population.
Enfin, s'agissant d'un éventuel impact de la fermeture de certains postes d'attachés de défense sur nos projets de relance de la défense, je ne pense pas que l'argument ait la moindre valeur... Peut être est-il l'expression de la frustration de certains postes diplomatiques qui auront fait ces dernières années les frais des restrictions budgétaires subies par ce ministère. Je voudrais seulement rappeler que, quelle que soit l'importance au quotidien de la présence et du dévouement de nos officiers en poste sur place, cette politique de relance mobilise avant tout le ministère des affaires étrangères, la DAS et l'Etat-Major des armée, comme nos représentations à Bruxelles. Les attachés de défense constituent d'utiles relais mais cette politique se dessine avant tout au niveau des administrations centrales qui, je le rappelle, entretiennent aussi des liens directs avec leurs homologues européens. C'est d'ailleurs cette facilité de contact qui, dans un certain nombre limité de cas, notamment en Europe centrale, dans des pays où l'effort en matière de défense s'est réduit de manière drastique ces cinq dernières années, a permis de justifier la suppression de certains postes d'attachés de défense.
M. Daniel Reiner, président. - Nous avons d'ailleurs constaté récemment, lors d'un déplacement en République tchèque, à l'occasion de la session annuelle de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, que la France n'avait plus d'attaché de défense permanent à Prague, même si l'attaché de défense adjoint, en poste à Varsovie, avait fait le déplacement en République tchèque, puisque ce pays est désormais couvert par la mission militaire en Pologne.
M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques. - Compte tenu de la nécessité de supprimer des effectifs, nous avons en effet, après une instruction précise du dossier, estimé préférable de privilégier la Pologne, qui représente pour nous un partenaire majeur dans le cadre du « triangle de Weimar », très impliqué sur les questions d'Europe de la défense, comme sur la modernisation de son armée. Enfin, la République tchèque a été amenée ces dernières années à réduire drastiquement ses dépenses en matière de défense, de l'ordre de 10 % par an, en raison de la crise économique et financière. Le budget de la défense ne représente plus qu'environ 0,75 % du PIB.
A côté de cette rationalisation de notre dispositif, je voudrais néanmoins rappeler que ces mesures de réduction ne constituent en rien un geste de défiance vis-à-vis de nos attachés de défense, bien au contraire. Ceux-ci constituent des rouages indispensables de nos ambassades, des relais nécessaires : l'Etat-Major des armées en tire aujourd'hui toutes les conséquences en améliorant le déroulement des carrières des attachés de défense afin de les rendre plus attractives aux personnels à haut potentiel, au profit même du développement de la fonction internationale dans les armées.
En réponse à M. Jeanny Lorgeoux, je mentionnerai les éléments suivants :
- conformément aux orientations du précédent Livre blanc de 2008, et de la priorité accordée à la fonction « connaissance et anticipation », les services de renseignement, et la DGSE en particulier, ont bénéficié d'une augmentation régulière de leurs moyens ces dernières années. Ainsi, la DGSE poursuit à rythme régulier le cadencement prévu pour le recrutement de près de 700 postes supplémentaires, ce qui, en période de restrictions budgétaires et d'effectifs, représente un effort notable. La DGSE ne rencontre d'ailleurs aucune difficulté particulière en matière de recrutement.
- la priorité accordée au cyber se manifeste partout, dans les services de renseignement, au ministère de la défense, au sein de la direction générale de l'armement même si la cyberdéfense relève davantage de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, rattachée au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale et dirigée par Patrick Pailloux. Cette priorité devrait se poursuivre et même s'amplifier dans les prochaines années, comme pourraient bien le laissent présager les discussions actuelles autour du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. L'exemple de l'attaque informatique ayant visé cet été la première compagnie pétrolière d'Arabie Saoudite, Saoudi Aramco, dont plus de 30 000 ordinateurs ont été rendus inutilisables dans un court laps de temps, démontre l'ampleur des enjeux et des risques soulevés par les attaques informatiques pour notre sécurité nationale. Or, beaucoup reste encore à faire pour sensibiliser les administrations, les entreprises ou encore le monde de la recherche. Par ailleurs, les moyens dont notre pays dispose restent encore très inférieurs à ceux de nos principaux partenaires et alliés, notamment si l'on veut bien considérer l'effort annoncé par le Premier ministre britannique en 2010 de porter l'effort du Royaume Uni à hauteur de 600 millions de livres, soit 750 millions d'euros, sur les quatre prochaines années.
M. Daniel Reiner, président. - Une délégation de notre commission vient de participer, avec nos collègues députés, à la session annuelle de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, qui s'est tenue à Prague, du 9 au 12 novembre. Je souhaiterais à cet égard remercier le ministère de la défense, et la direction aux affaires stratégiques en particulier, pour son aide précieuse dans la préparation de ce déplacement, notamment pour les éléments d'information qui nous ont été très utiles pour relayer les positions françaises au sein de cette assemblée. Cette session a vu l'adoption de plusieurs rapports et résolutions, notamment sur la Syrie, l'Afghanistan ou encore le programme nucléaire militaire de l'Iran. Je souhaiterais connaître votre sentiment sur le rôle de cette assemblée et plus largement sur l'influence de la France au sein de l'Alliance atlantique. Nous avons un peu le sentiment d'un relatif isolement et d'une faible influence française au sein de l'assemblée parlementaire, comme au sein de l'OTAN en général.
M. Jacques Gautier. - Nous avons fait quelques progrès au sein de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, puisque la dernière session a vu l'élection d'un certain nombre de parlementaires français au sein du Bureau de l'assemblée et des différentes commissions, à l'image de notre collègue députée Nicole Ameline, qui a été élue vice-présidente. Toutefois, je partage moi-aussi un sentiment étrange de notre participation à cette session, surtout lorsque l'on assiste au discours du Président géorgien Mikhaïl Saakachvili devant cette assemblée et qu'on l'entend vanter le bon déroulement des élections législatives dans son pays, qui témoignent, d'après lui, de la maturité de la démocratie géorgienne, et plaider en faveur de l'adhésion de la Géorgie à l'OTAN, et se faire applaudir par les représentants de la quasi-totalité des vingt-huit pays membres de l'alliance atlantique.
M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques. - L'Alliance atlantique peut parfois donner le sentiment d'une lourde machine bureaucratique servant à relayer les positions américaines et qui se contente de développer une vision irénique des relations transatlantiques. La réalité est beaucoup plus complexe, comme le montre le récent rapport de M. Védrine et sa principale recommandation, à savoir nous réapproprier cette organisation et son secrétariat international. Sommes-nous isolés pour autant ? Je ne le crois pas. Encore une fois, cette Alliance dissimule des jeux de rôle complexes, parfois difficiles à déchiffrer pour le non initié. Notre place d'allié majeur ne nous est pas contestée loin de là. Bien au contraire, le conflit libyen a renforcé la perception de notre influence et du savoir-faire de nos armées. Mais nous tenons aussi le rôle d'un allié intransigeant sur le fonctionnement de l'Alliance, notre vision du rôle des nations et du refus d'une évolution de l'OTAN vers le statut d'une agence de sécurité portant en germe la déresponsabilisation de nos alliés.
Dans ce contexte, comme dans cet objectif de rappropriation qui s'inscrit dans le temps long, l'assemblée parlementaire de l'OTAN peut jouer un rôle utile car elle permet aux parlementaires issus des vingt-huit pays membres de l'alliance de débattre et de confronter leurs idées sur les questions de défense et de sécurité, d'échanger avec leurs partenaires et alliés, et de faire état parfois de nuances ou bien d'absence de nuances. Je pense par exemple à l'inquiétude suscitée en France par l'idée, poussée par le secrétaire général de l'OTAN, d'un recours accru et presque aveugle au financement en commun.
Le rapport de M. Hubert Védrine sur les conséquences du retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN, l'avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l'Europe de la défense, qui doit être remis incessamment au Président de la République, me semble plein de bon sens et j'en partage très largement le diagnostic et les recommandations s'agissant de l'Alliance. Dès lors que la France a fait le choix de réintégrer le commandement militaire intégré de l'OTAN, notre pays se devait de faire en sorte de retrouver une influence de premier plan au sein de l'Alliance. Ce mouvement est engagé, l'opération libyenne n'a fait que renforcer ce mouvement même si l'une des principales difficultés que nous ne devons pas nous cacher tient au vivier limité dont nous disposons de personnels, civils ou militaires, bons connaisseurs des rouages de cette organisation complexe.
Ceci milite pour que notre pays n'hésite pas à faire valoir ses intérêts, par exemple au sujet du financement en commun, qui peut s'avérer légitime pour certaines capacités dans les domaines du renseignement, de la surveillance et des communications, en d'autres termes afin de financer l'indispensable interopérabilité des forces, la « pointe de la flèche » , mais qui ne saurait servir de modèle de financement par défaut. Ceci milite également pour que soit poursuivi l'effort de modernisation de la gestion financière de l'organisation, quasiment imposé au secrétariat international en 2010, priorité dont un scandale récent autour de l'absence de contrôle de la facturation des carburants livrés à L'ISAF a montré toute l'acuité. Notre pays a, par ailleurs, joué un rôle de premier plan pour promouvoir une profonde réforme de la structure de commandement et pousser à une réforme en profondeur - aujourd'hui largement inaboutie- des agences de l'OTAN.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Je souhaiterais vous interroger sur le programme nucléaire militaire de l'Iran, et en particulier, sur l'efficacité des sanctions et les perspectives de reprise des négociations.
M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques. - Je commencerai tout d'abord par les sanctions. Il est parfois de bon ton de douter de leur efficacité. La réalité est que celles-ci fonctionnent et ont des conséquences lourdes sur l'économie iranienne comme sur les secteurs de l'économie tenus par les gardiens de la révolution. Les nouveaux trains de sanctions à l'encontre de l'Iran adoptés par les Etats-Unis et l'Union européenne ont récemment encore provoqué un nouvel effondrement de près de 40 % de la valeur du rial ; la multiplication des tentatives iraniennes de contournement souligne aujourd'hui la nervosité croissante des autorités face à la pression qui s'exerce sur elles dans tous les domaines, du secteur bancaire aux hydrocarbures.
Comme vous le savez, les derniers rapports de l'AIEA n'ont fait que confirmer la détermination iranienne à poursuivre son programme d'enrichissement, notamment à travers le développement des capacités de ré-enrichissement à 20 % de l'installation de Qom/Fordo. Dans le même temps, les Iraniens se refusent toujours à répondre aux questions de plus en plus précises posées par l'Agence sur leurs travaux de militarisation. Dans le même temps, nous assistons ces derniers mois à certaines évolutions dans le discours des responsables iraniens qui laissent craindre qu'ils ne cherchent à développer de nouveaux arguments en faveur d'un enrichissement plus poussé de l'uranium. Ceci explique sans doute les annonces récentes - et peu convaincantes sur le fond - selon lesquelles l'Iran envisagerait de multiplier son programme de centrales nucléaires civiles et se lancerait dans la production d'un réacteur de propulsion navale imposant un enrichissement supérieur à 60 %.... Je rappelle que c'est le souci affiché de produire des radio isotopes médicaux par le biais du réacteur de recherche de Téhéran qui avait justifié le lancement d'une unité pilote d'enrichissement à 20 %.
Concernant les négociations avec l'Iran, elles n'ont pas avancé sur le fond, qu'il s'agisse de la suspension de l'enrichissement à 20 %, ou des tentatives de relance lancées par certains membres du P5+1. Dans les faits, nous sommes au point mort, faute de réponse convaincante de la partie iranienne. Encore une fois et plus que jamais, la balle est dans le camp iranien, dans le contexte dégradé que nous connaissons marqué notamment par les lignes rouges israéliennes présentées par le Premier ministre Netanyahou à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies.