V. LES INDICATEURS DE PERFORMANCES DES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES SONT D'UNE PERTINENCE INCERTAINE
Le Document de politique transversale (DPT) fait la synthèse des indicateurs de suivi pour une plus grande visibilité de la politique française.
La lecture des indicateurs illustre la prépondérance des indicateurs de moyens par rapport aux indicateurs de résultats.
Tableau 1 : Indicateurs de suivi de la politique transversale en faveur du développement
DPT 2013
Comme le souligne la Cour des comptes : « la convergence entre les indicateurs de ces programmes est insuffisante et sa recherche par les ministères concernés a été trop longtemps différée. Parfois peu cohérents avec leurs objectifs, ces indicateurs ne donnent qu'une vision partielle de leur atteinte ; ils sont d'une pertinence incertaine ou sont assortis d'une cible qui n'est pas explicitée. ».
Le programme 209 comprend ainsi, dans le projet annuel de performances, deux objectifs, cinq indicateurs et 17 sous-indicateurs. Près de la moitié d'entre eux portent sur les moyens. Exprimés pour la plupart en pourcentage de la dépense consacrée à un secteur, une zone géographique ou une catégorie de pays, ils permettent de s'assurer du respect des orientations définies par le Gouvernement en 2009.
Deux indicateurs seulement reflètent les résultats de l'aide, dans des domaines spécifiques (accès à l'eau potable et réduction des émissions de CO 2 ). Ainsi la plupart des objectifs (réduction de la pauvreté, scolarisation, alimentation, etc.) ne sont-ils pas couverts directement.
L'exemple de l'objectif n°1 du Document de politique transversale (DPT) illustre les faiblesses des indicateurs mis en place. Alors même que le DPT précise que l'atteinte des OMD est une priorité internationale, il ne fixe que 6 indicateurs pour suivre l'action de la France dans la lutte contre la pauvreté, qui sont pour la plupart des objectifs de moyen.
Alors même qu'il s'agit d'évaluer la contribution de la France aux OMD, certains OMD ne sont absolument pas couverts par les indicateurs et sous-indicateurs proposés. Par exemple, le thème de l'éducation (OMD n°2) ou de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes (OMD n°3) ne sont pas du tout couverts.
Ne serait-ce que pour les OMD, les engagements internationaux prévoient des indicateurs de suivi, comme le montre le tableau suivant issu de l'annexe au présent rapport relative à la liste officielle des indicateurs associés aux OMD.
Liste officielle des indicateurs de suivi des progrès accomplis associés aux OMD |
Objectif 1: Éliminer l'extrême pauvreté et la faim |
1.1 Proportion de la population disposant de moins d'un dollar par jour en parité du pouvoir d'achat (PPA) 1.2 Indice d'écart de la pauvreté 1.3 Part du quintile le plus pauvre de la population dans la consommation nationale |
1.4 Taux de croissance du PIB par personne occupée 1.5 Ratio emploi/population 1.6 Proportion de la population occupée disposant de moins de 1 dollar PPA par jour 1.7 Proportion de travailleurs indépendants et de travailleurs familiaux dans la population occupée |
1.8 Prévalence de l'insuffisance pondérale chez les enfants de moins de 5 ans 1.9 Proportion de la population n'atteignant pas le niveau minimal d'apport calorique |
Objectif 2: Assurer l'éducation primaire pour tous |
2.1 Taux net de scolarisation dans le primaire 2.2 Proportion d'écoliers ayant commencé la première année d'études primaires qui terminent l'école primaire 2.3 Taux d'alphabétisation des 15-24 ans, femmes et hommes |
Objectif 3: Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes |
3.1 Rapport filles/garçons dans l'enseignement primaire, secondaire et supérieur 3.2 Proportion des femmes salariées dans le secteur non agricole 3.3 Proportion des sièges occupés par les femmes au parlement national |
Objectif 4: Réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans |
4.1 Taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans 4.2 Taux de mortalité infantile 4.3 Proportion d'enfants d'1 an vaccinés contre la rougeole |
Objectif 5: Améliorer la santé maternelle |
5.1 Taux de mortalité maternelle 5.2 Proportion d'accouchements assistés par du personnel de santé qualifié |
5.3 Taux de contraception 5.4 Taux de natalité parmi les adolescentes 5.5 Couverture des soins prénatals (au moins une visite et au moins quatre visites) 5.6 Besoins non satisfaits en matière de planification familiale |
Objectif 6: Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies |
6.1 Taux de prévalence du VIH dans la population âgée de 15 à 24 ans 6.2 Utilisation d'un préservatif lors du dernier rapport sexuel à haut risque 6.3 Proportion de la population âgée de 15 à 24 ans ayant des connaissances exactes et complètes au sujet du VIH/sida 6.4 Taux de scolarisation des orphelins par rapport aux non-orphelins âgés de 10 à 14 ans |
.5 Proportion de la population au stade avancé de l'infection par le VIH ayant accès à des médicaments antirétroviraux |
6.6 Incidence du paludisme et taux de mortalité due à cette maladie 6.7 Proportion d'enfants de moins de 5 ans dormant sous des moustiquaires imprégnées d'insecticide 6.8 Proportion d'enfants de moins de 5 ans atteints de fièvre traités aux moyens de médicaments antipaludéens appropriés 6.9 Incidence, prévalence de la tuberculose et taux de mortalité due à cette maladie 6.10 Proportion de cas de tuberculose détectés et soignés dans le cadre d'un traitement direct à court terme et sous observation |
Objectif 7: Assurer un environnement durable |
7.1 Proportion de zones forestières 7.2 Emissions de CO 2 (total, par habitant et pour un dollar du PIB, en parité du pouvoir d'achat) 7.3 Consommation de substances appauvrissant la couche d'ozone 7.4 Proportion de stocks de poissons vivant dans des milieux biologiques sains 7.5 Proportion de ressources d'eau totales utilisées 7.6 Proportion de zones terrestres et marines protégées 7.7 Proportion d'espèces menacées d'extinction |
7.8 Proportion de la population utilisant une source d'eau potable améliorée 7.9 Proportion de la population utilisant des infrastructures d'assainissement améliorées |
7.10 Proportion de citadins vivant dans des taudis |
Objectif 8: Mettre en place un partenariat mondial pour le développement |
Certains des indicateurs ci-après sont évalués séparément dans les cas des pays les moins avancés (PMA) de l'Afrique, des pays sans littoral et des petites Etats insulaires en développement Aide publique au développement (APD) 8.1 Montant net de l'ADP totale et en faveur des pays les moins avancés, en pourcentage du revenu national brut des pays donateurs du Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (CAD/OCDE) 8.2 Proportion de l'ADP bilatérale totale des pays du CAD/OCDE, par secteur, consacrée aux services sociaux de base (éducation de base, soins de santé primaires, nutrition, eau salubre et assainissement) 8.3 Proportion de l'ADP bilatérale des pays du CAD/OCDE qui n'est pas liée 8.4 ADP reçue par les pays en développement sans littoral en pourcentage de leur revenu national brut |
8.5 ADP reçue par les petits Etats insulaires en développement en pourcentage de leur revenu national brut Accès aux marchés 8.6 Proportion du total des importations des pays développés (en valeur et à l'exclusion des armes) en provenance des pays en développement et des pays les moins avancés qui sont admises en franchise de droits 8.7 Droits de douane moyens appliqués par les pays développés aux produits agricoles et textiles en provenance des pays en développement 8.8 Estimation des subventions aux produits agricoles dans les pays de l'OCDE en pourcentage de leur produit intérieur brut 8.9 Proportion de l'ADP allouée au renforcement des capacités commerciales Viabilité de la dette 8.10 Nombre total de pays ayant atteint leurs points de décision et nombre total de pays ayant atteint leurs points d'achèvement (cumulatif) dans le cadre de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) 8.11 Allègement de la dette annoncé au titre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés et de l'Initiative d'allègement de la dette multilatérale (IADM) 8.12 Service de la dette, en pourcentage des exportations de biens et services |
8.13 Proportion de la population pouvant se procurer les médicaments essentiels à un coût abordable et dans des conditions pouvant être maintenues durablement |
8.14 Nombre de lignes fixes, pour 100 habitants 8.15 Abonnés à un service de téléphonie mobile, pour 100 habitants 8.16 Nombre d'utilisateurs d'Internet, pour 100 habitants |
Les deux premiers sous-indicateurs du DPT mesurent la part des engagements du FED, alors même que les engagements du FED ne dépendent pas uniquement de la France. Ils ne correspondent pas nécessairement à des réalités faciles à appréhender. La formulation du sous-indicateur « Part des engagements de l'AFD concourant directement à l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement en matière de lutte contre la pauvreté » n'est pas explicite : c'est un calcul de matrice de correspondance entre les codes sectoriels du CAD et des cibles OMD.
Enfin les quelques indicateurs de résultat, comme « le nombre de personnes gagnant un accès pérenne à une source d'eau potable améliorée chaque année » sont calculés ex-ante, c'est-à-dire sur la base de résultats escomptés et non pas de résultats obtenus.
Le programme 110 poursuit, pour sa part, trois objectifs, assortis de quatre indicateurs, déclinés en sept sous-indicateurs. Comme pour le programme 209, ces indicateurs sont de portée et de nature très diverses. Certains reflètent la conformité des actions mises en oeuvre avec les priorités stratégiques de l'aide française, d'autres fournissent des indications sur les modalités de l'aide, d'autres enfin visent à mesurer son efficacité. A la différence du programme 209, ce programme n'est assorti d'aucun indicateur de résultat ou d'impact.
Même en termes d'indicateurs de moyen, on ne retrouve pas dans les PAP les indicateurs utilisés dans les documents stratégiques tels que le document-cadre ou le Com de l'AFD figurant dans le tableau suivant :
Indicateurs de moyen de la politique de coopération française couramment utilisés dans les documents stratégiques.
1 |
Part de l'effort financier de l'Etat (subventions, coût-Etat des prêts, C2D, ABG) consacrée à l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne |
2 |
Part des dons (subventions et ABG) consacrée aux pays pauvres prioritaires définis par le CICID |
3 |
Au sein des dons (subventions et ABG) aux pays pauvres prioritaires, part consacrée aux pays sahéliens |
4 |
Autorisations de financements du Groupe AFD en faveur du secteur privé en Afrique (Initiative du Cap) |
5 |
Part des dons consacrés aux OMD affectée aux pays pauvres prioritaires (hors interventions dans les pays en sortie de crise et subventions non ventilables par pays) (indicateur LOLF) |
6 |
Part des dons affectés au secteur de l'éducation et de la formation professionnelle en Afrique sub-saharienne (OMD 2) |
6 |
Part des dons affectés au secteur de l'éducation de base en Afrique sub-saharienne |
7 |
Subventions (prog. 209) ayant trait à la santé maternelle et infantile dans les pays prioritaires (OMD 4 et 5 - engagement du G8 de Muskoka) |
8 |
Autorisations d'engagement (prêts et subventions) du Groupe AFD en soutien à l'agriculture en Afrique sub-saharienne (engagement du sommet de la FAO) |
9 |
Part de l'effort financier de l'Etat consacrée aux pays méditerranéens |
10 |
Part de l'effort financier de l'Etat consacrée aux financements concessionnels dans les pays émergents |
L'indicateur visant à mesurer l'effet de levier des financements de l'Agence française de développement est peu pertinent pour mesurer la performance de la politique d'aide.
L'effet de levier correspond au rapport entre le montant total des engagements en prêts concessionnels (souverains et non souverains) de l'AFD et le coût budgétaire correspondant. Un prêt d'un montant de 100 M€ avec un coût budgétaire de 20 M€ correspond ainsi à un effet de levier de 5. L'objectif fixé pour l'effet de levier correspond à un équilibre entre la maximisation de l'efficacité de la dépense publique -qui se traduit en particulier par le développement des activités de prêt souverain faiblement ou non bonifié à des pays émergents (Chine, Indonésie et Brésil notamment)- et la priorité réaffirmée aux pays d'Afrique auxquels un niveau élevé de bonification doit être consenti.
Vos rapporteurs s'interrogent néanmoins sur la pertinence de cet indicateur par rapport à la mission première de la coopération au développement. On comprend bien la logique d'optimisation de la dépense publique qui est de maximiser le montant des financements obtenus par euro de subvention. La question est cependant de savoir à quel taux sont ces prêts. S'il s'agit de maximiser l'effet de levier, force est de constater que moins les prêts sont bonifiés, plus l'effet de levier est élevé.
A la limite, l'effet de levier est maximal quand les crédits de bonification sont presque nuls. Autrement dit, moins le prêt est « généreux », plus il est proche des conditions du marché, plus l'effet de levier est élevé. Moins c'est de l'aide, plus l'effet de levier est fort. De ce point de vue, il est paradoxal de considérer cet objectif comme un indicateur de performance de l'aide au développement.
Si l'on compare avec les indicateurs mis en place par le DFID (agence britannique de développement), la différence est importante. Au lieu de mesurer la part de l'engagement de l'agence, les indicateurs mesurent le nombre de bénéficiaires des différents programmes et actions menées par l'agence sur les différents thèmes prioritaires dans la politique de développement anglaise.
Vos rapporteurs ne peuvent ici que répéter leur impatience à pouvoir disposer d'indicateurs de résultats fiables.