E. LE SURCOÛT DE LA PARTICIPATION DE LA GENDARMERIE AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES DEVRAIT ÊTRE FINANCÉ PAR LA RÉSERVE INTERMINISTÉRIELLE, A L'IMAGE DES ARMÉES
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur n'a pas remis en cause sa participation aux missions de défense et en particulier aux opérations extérieures (OPEX). En tant que force de police à statut militaire capable d'agir dans tout le spectre de la crise, de la guerre à la paix, la gendarmerie est, en effet, particulièrement adaptée à ce type d'opérations.
Au 30 juin 2012, environ 310 gendarmes français étaient déployés en opérations extérieures, dont 85 officiers et 225 sous-officiers, sous engagement international, européen ou commandement national.
Leurs compétences spécifiques leur permettent d'intervenir en accompagnement des forces ou dans le cadre de la gestion civile des crises.
Parmi ces 310 militaires de la gendarmerie, environ 176 étaient déployés en Afghanistan au début de l'année 2012. Ces gendarmes français étaient principalement engagés dans le cadre de la force de gendarmerie européenne, au titre de la mission de formation de la police afghane sous mandat de l'OTAN. Ils étaient déployés dans les zones placées sous commandement français en Kapisa et Surobi, ainsi qu'à Mazar-e-Shariff et au Wardak et étaient chargés de deux principales missions :
- d'une part, assurer la formation des cadres de la police afghane chargés du maintien de l'ordre, soit l'équivalent de la gendarmerie mobile ou des compagnies républicaines de sécurité ;
- d'autre part, conseiller la police afghane dans son travail quotidien, au sein des districts situés dans la zone placée sous commandement français.
La mission en Afghanistan se situe incontestablement dans le « haut » du spectre de la crise et témoigne de l'appartenance de la gendarmerie à la communauté militaire. Les gendarmes français sont, en effet, particulièrement exposés puisque les commissariats de police figurent aux avant-postes et qu'ils ont pour mission d'accompagner les policiers afghans sur le terrain.
Les gendarmes qui participent à cette mission ont été choisis pour leurs compétences, ils ont suivi un entraînement très poussé et bénéficient du soutien actif des armées. Le fait que ces gendarmes bénéficient de véhicules de l'avant blindé (VAB) mis à la disposition gratuitement par l'armée de terre et dont le blindage est renforcé dans des ateliers de la police nationale est symptomatique à cet égard.
Dans le cadre du retrait des forces combattantes françaises d'Afghanistan d'ici la fin de l'année 2012, annoncé par le président de la République, la gendarmerie nationale a commencé à se désengager de ce théâtre.
Alors qu'à la mi-2012, la gendarmerie comptait encore un effectif de 150 militaires en Afghanistan, à la fin de l'année 2012, l'effectif de la gendarmerie devrait diminuer pour atteindre un effectif d'environ 70 militaires. Cette manoeuvre de désengagement bénéficie de l'appui des armées afin de s'effectuer dans les meilleures conditions possibles de sécurité.
_
A partir de janvier 2013, le centre national de formation de la police du Wardak devrait constituer la composante unique de l'action de formation de la gendarmerie.
La gendarmerie y déployait, en juin 2012, 43 militaires dont 17 assurent la protection des formateurs.
Toutefois, la situation sécuritaire du centre de formation du Wardak et de ses abords immédiats reste sensible.
Comme l'ont indiqué le ministre de l'intérieur et le directeur général de la gendarmerie nationale, dans le cadre de la stratégie de transition, un désengagement de la gendarmerie, par le biais de l'« afghanisation » du centre du Wardak est envisagé en avril 2013.
L'action des militaires de la gendarmerie est unanimement appréciée tant par les autorités afghanes que par les armées.
EFFECTIFS DE LA GENDARMERIE EN OPEX EN 2012
(données arrêtées au 30 juin 2012)
Opérations sous mandat de l'ONU
OPERATION |
Officiers |
Sous-officiers |
TOTAL |
FINUL (Liban) |
1 |
5 |
6 |
MINUSTAH (Haïti) |
2 |
8 |
10 |
MONUSCO (République Démocratique du Congo) |
9 |
0 |
9 |
ONUCI (République de Côte d'Ivoire) |
11 |
0 |
11 |
TOTAL |
23 |
13 |
36 |
Opérations sous engagement international hors ONU
OPERATION |
Officiers |
Sous-officiers |
TOTAL |
OTAN KFOR (Kosovo) |
2 |
9 |
11 |
OTAN FIAS / Pamir (Afghanistan) |
39 |
112 |
151 |
U.E. EULEX (Kosovo) |
14 |
43 |
57 |
U.E. EUPOL (Afghanistan) |
3 |
0 |
3 |
TOTAL |
58 |
164 |
222 |
Opérations sous commandement national
OPERATION |
Officiers |
Sous-officiers |
TOTAL |
Epervier (Tchad) |
1 |
7 |
8 |
Licorne (RCI) |
1 |
3 |
4 |
Boali (République Centrafricaine) |
1 |
2 |
3 |
Héraclès porte sud (Irak) |
1 |
36 |
37 |
TOTAL |
4 |
48 |
52 |
TOTAL GLOBAL DES EFFECTIFS EN OPEX |
85 |
225 |
310 |
Le coût des OPEX est intégré dans le budget de la gendarmerie depuis 2004. A ce titre, la gendarmerie nationale bénéficie depuis 2007 d'un financement de 15 millions d'euros par an , dont 11 millions d'euros pour les dépenses de personnel et 4 millions pour les dépenses de fonctionnement.
Or, ce montant est structurellement insuffisant. Chaque année, le surcoût constaté des OPEX pour la gendarmerie est de l'ordre de 10 à 15 millions d'euros , comme l'illustre le tableau suivant :
Coût des OPEX entre 2003 et 2012 (en millions d'euros)
Masse salariale
|
Fonctionnement courant et transport (titre 3 FC) |
Alimentation (titre 3 FC) |
Investissement (titre 3 HFC et 5) |
Total |
|
2003 |
18,9 |
3,8 |
1,4 |
0,9 |
25 |
2004 |
23 |
3,6 |
1,5 |
0,5 |
28,4 |
2005 |
20 |
3,4 |
1,3 |
0,3 |
25,2 |
2006 |
19,7 |
2,9 |
1,5 |
0,1 |
24,2 |
2007 |
17,9 |
2,2 |
1,3 |
0,1 |
21,4 |
2008 |
16,2 |
2,2 |
1,2 |
0 |
19,6 |
2009 |
18,8 |
2,9 |
1 |
10,3 11 ( * ) |
22,8 |
2010 |
21,5 |
7,5 |
1,6 |
8,1 |
38,7 |
2011 |
18,1 |
8,7 |
1,3 |
1,8 |
29,9 |
2012 |
13,8 |
7,7 |
1,8 |
2,4 |
25,7 |
Source : direction générale de la gendarmerie nationale
En 2011, les dépenses de personnel relatives aux OPEX se sont élevées à 18,1 millions d'euros, pour une dotation de 11 millions d'euros, et les dépenses de fonctionnement à 11,8 millions d'euros, pour une dotation de 4 millions d'euros. Au total, le surcoût a donc été de l'ordre de 29,9 millions d'euros en 2011 . A elle seule, l'opération en Afghanistan représente un budget d'environ 15 millions d'euros. Or, faute de financements suffisants, ces surcoûts sont pris en charge sur le budget de fonctionnement de la gendarmerie, par des redéploiements de crédits.
Pour 2012, les dépenses prévisibles sont de l'ordre de 25 millions d'euros, pour une dotation de 15 millions d'euros.
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Dans un souci d'assurer à la fois une meilleure sincérité et une plus grande lisibilité budgétaire, et d'éviter que le financement de ces OPEX repose in fine sur le budget de fonctionnement de la gendarmerie par des redéploiements de crédits, vos rapporteurs pour avis avaient déposé un amendement au Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, amendement qui a été adopté à l'unanimité par la Haute assemblée.
Reprenant les dispositions de cet amendement, l'article 148 de la loi de finances 2012 indique que les surcoûts occasionnés par l'engagement de la gendarmerie nationale en opérations extérieures, y compris les dépenses de personnel, font l'objet d'un rapport remis chaque année par le Gouvernement au Parlement, comprenant une évaluation chiffrée de ces surcoûts et une description des mesures prises pour assurer leur financement. Ce rapport comprend également l'examen des modalités d'un financement de ces surcoûts par la réserve interministérielle, à l'image des armées.
Vos rapporteurs pour avis continuent donc de penser que les surcoûts résultant de la participation de la gendarmerie aux OPEX devraient être financés par la réserve interministérielle.
* 11 Pour la seule mission en Afghanistan