B. UNE QUASI « BOÎTE NOIRE » BUDGÉTAIRE CONFRONTÉE À DES EXIGENCES ACCRUES DE TRANSPARENCE ET DE SINCÉRITÉ
1. Une exigence accrue de transparence budgétaire
Cette exigence résulte du décalage entre les prévisions budgétaires et leur exécution.
Les opérations exécutées au cours du premier semestre 2012 (jusqu'au 31 août 2012) : 869 millions d'euros de dépenses et 575 millions d'euros de recettes.
- Les dépenses en 2012 .
Conformément à la première loi de finances rectificative pour 2012, l'État a versé à OSEO une dotation de 365 millions d'euros en vue de la constitution, sous forme de filiale de cette dernière, d'OSEO Industries dite « Banque de l'industrie », et financée par le redéploiement d'une partie des crédits des investissements d'avenir à hauteur de 500 millions d'euros.
Au premier semestre 2012, la dépense la plus notable a été la libération de la deuxième tranche de l'augmentation de capital de La Poste, pour un montant de 466,7 millions d'euros. S'y ajoutent des dotations d'un montant total de 26,5 millions d'euros à diverses banques multilatérales de développement qui doivent être complétées à hauteur de 30 millions d'euros avant la fin de l'année. La principale dépense prévue avant la fin de l'exercice est l'achat, à hauteur de 207 millions d'euros, de titres d'Areva auprès du Commissariat à l'énergie atomique pour financer le démantèlement de ses installations nucléaires.
- Les recettes constatées pour 2012.
Hors financement du versement à la Banque de l'industrie, la recette la plus importante a été un reversement par la Monnaie de Paris d'une dotation en capital qui s'élève à 36,5 millions d'euros. La principale ressource attendue avant la fin de l'année est la perception d'un boni de liquidation de l'Entreprise minière et chimique (EMC) pour 38 millions d'euros.
De plus, hors dotation à la Banque de l'industrie, le décalage entre les recettes et les dépenses sera financé à hauteur de :
- 221 millions d'euros par le solde reporté « libre » de toute destination préétablie ;
- et 237 millions d'euros par des recettes initialement destinées à des opérations particulières - FSI, SOVAFIM et Banque de l'industrie. Ainsi, par exemple, la dotation à la Banque de l'industrie s'est élevée à 365 millions d'euros alors que le financement initialement prévu s'établissait à 530 millions d'euros. Cet écart s'explique notamment par le fait que la Caisse des dépôts a participé à l'augmentation de capital d'OSEO, ce qui a permis de minorer la dépense de l'État et de dégager une recette excédentaire de 165 millions d'euros.
À l'évidence, ces dépenses et ces recettes exécutées en 2012 sont très éloignées des prévisions initiales. C'est pourquoi les précédents rapports budgétaires ainsi que ceux de la Cour des comptes constatent, à juste titre, que l' information du Parlement demeure très insuffisante.
Il convient de signaler qu'au fil des ans, la Cour des comptes hausse le ton de ses critiques : elle en est venue, en mai 2012, à demander au Gouvernement de respecter le principe de sincérité budgétaire :
- en faisant apparaitre les financements destinés à colmater la « défaisance » du Crédit Lyonnais - il s'agit de 4,5 milliards d'euros qui devront être remboursés avant le 31 décembre 2014 par l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR) ;
- et en affichant de façon plus plausible le montant prévisionnel de cessions, presqu'invariablement fixé à 5 milliards d'euros chaque année, ainsi que celui des dépenses de désendettement prévues à hauteur de 4 milliards d'euros, quoiqu'il arrive par la suite.
Or sur ces deux points précis, le présent projet de loi de finances n'apporte aucune visibilité supplémentaire au Parlement, comme en témoigne le récapitulatif des recettes et les dépenses prévues pour 2013.
Dépenses du compte d'affectation spéciale
Recettes du compte d'affectation spéciale
Source : projet annuel de performance pour 2013
Ces données permettent, en particulier, de constater que le montant prévisionnel des cessions pour 2013 (4,978 milliards d'euros) n'a été diminué, que très légèrement par rapport à 2012 (4,980 milliards d'euros) de 2 millions d'euros : contestable du point de vue de la transparence budgétaire, cette pratique a néanmoins le mérite, comme l'ont souligné les représentants de l'APE au cours des auditions, de ne pas envoyer de signaux aux marchés.
2. Un compte d'affectation spéciale qui n'affecte plus de crédits au désendettement depuis 2008
Comme l'a constaté la Cour des comptes en mai 2012, depuis la détérioration de la situation économique à la fin de l'exercice 2008, la mission de contribution au désendettement de l'État et de ses établissements publics se trouve mise entre parenthèses et le budget reste construit de manière conventionnelle avec des inscriptions de recettes fixées à un niveau forfaitaire.
Afin de préciser les ordres de grandeur correspondant à ces définitions juridiques et ces pratiques budgétaires, il convient d'abord de rappeler que les participations de l'État cotées en bourse avoisinent 65 milliards d'euros. Or la dette publique représentait, fin 2011, 1 700 milliards d'euros 2 ( * ) . Par conséquent, à supposer que le « portefeuille » de titres cotés géré par l'Agence des participations de l'État soit intégralement cédé, le produit ne couvriraient qu'environ 4 % de la dette publique.
Ces montants, certes approximatifs - notamment parce que la dette publique, dans sa conception large, inclut non seulement celle de l'État mais aussi celle de l'ensemble des administrations publiques locales et de sécurité sociale - montrent néanmoins que l'un des principaux objectifs de ce compte, c'est-à-dire le désendettement, est désormais limité au moment précis où notre pays en a le plus besoin .
Il convient également de souligner que, bien entendu, cette hypothèse de cession massive de tires est purement théorique puisque :
- d'une part, juridiquement, la loi oblige l'État à conserver un seuil minimal de participations (plus de 70 % pour EDF et plus de 33 % pour GDF-Suez, par exemple), ce qui rétrécit à environ 23 milliards d'euros le montant des cessions envisageable à droit constant ;
- et d'autre part, la faible valorisation boursière de ces titres n'incite pas à procéder à d'éventuelles cessions.
Votre rapporteur pour avis estime évidemment peu opportun de tirer de ce constat la recommandation de supprimer le programme 732 consacré au désendettement, mais il convient de prendre conscience des limites de son potentiel.
* 2 Selon les derniers chiffres de l'INSEE, à la fin du deuxième trimestre 2012, la dette publique de la France, calculée selon les critères de Maastricht, s'établit à 1 832,6 milliards d'euros, en augmentation de 43,2 milliards d'euros par rapport au trimestre précédent. Exprimée en pourcentage du PIB, elle se situe à 91,0 %, en augmentation de 1,7 point par rapport au trimestre précédent. La dette publique nette progresse plus modérément.