N° 149
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME V
ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT
Par M. Alain CHATILLON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Claude Bérit-Débat, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38
Sénat : 147 et 148 (annexe n° 13 ) (2012-2013)
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1 er août 2001 prévoit un compte d'affectation spéciale (CAS) intitulé « Participations financières de l'État ». Ce compte, qui est également une mission budgétaire - les deux termes étant utilisés indistinctement dans les documents budgétaires - vise à identifier les recettes de cessions des participations détenues par l'État et à ne pas les assimiler à des produits courants qui financeraient le fonctionnement de l'État.
Le précédent avis budgétaire sur ce compte-mission adopté l'an dernier par la commission, avait souligné :
- tout d'abord, les conséquences de la crise financière sur la valeur des participations de l'État, avec une diminution de plus du quart - de 88,2 à 65,4 milliards d'euros, entre fin 2010 et fin 2011;
- et ensuite la mise en oeuvre de la réforme institutionnelle de l'État actionnaire, qui s'est traduite par la création d'une nouvelle fonction de « commissaire aux participations de l'État » et l'assignation explicite d'un objectif de stratégie industrielle à l'Agence des participations financières de l'État.
Enfin, tirant un premier bilan de la réforme, initiée en 2010, de l'Agence des participations de l'État qui a redéfini les missions de la fonction d'État actionnaire, le rapport pour avis de l'an dernier s'est interrogé sur l'impact et les conséquences de la crise sur le périmètre des participations financières de l'État et sur son évolution souhaitable.
Cette année, comme tous ses prédécesseurs, votre rapporteur pour avis souligne, en outre, que cette mission apparaît comme une sorte de « boite noire budgétaire » et constate que l'année 2013 n'apporte strictement aucune visibilité supplémentaire au Parlement dans ce domaine. Les dépenses et les recettes relatives aux cessions et au désendettement de l'État sont volontairement fixées de manière indicatives pour éviter de donner un quelconque signal aux marchés, ce qui ne permet ni à ces derniers, ni au Parlement, d'anticiper les orientations stratégiques de l'État actionnaire.
Au-delà de cette analyse traditionnelle, votre rapporteur pour avis s'est efforcé, cette année, de placer son approche sous le signe du pragmatisme ainsi que de l'urgence du redressement industriel. À cet égard, en l'absence de données budgétaires chiffrées et d'orientations précises sur la stratégie de l'État actionnaire, et au moyen du procédé d'investigation qui consiste à consulter les organigrammes de l'APE et des représentants de l'État dans les conseils d'administration, votre rapporteur pour avis s'est forgé la conviction qu'un élan nouveau pourrait être donné par l'État actionnaire à la réindustrialisation et au soutien de la croissance d'entreprises de taille moyenne ou intermédiaire handicapées par le marasme du financement bancaire :
- en faisant appel à des personnalités reconnues du monde industriel ;
- et en utilisant plus largement des outils - comme le vote double, les holdings et l'emprunt obligataire - permettant de préserver le pouvoir de contrôle de l'État actionnaire tout en démultipliant ses marges de manoeuvres financières.
La commission des Affaires économiques a marqué son assentiment à l'égard de cette orientation.
Lors d'une réunion tenue le 14 novembre 2012, la commission des Affaires économiques, a donné, contre la proposition de son rapporteur pour avis un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » dans le projet de loi de finances pour 2013. |
I. L'APPROCHE JURIDIQUE ET BUDGÉTAIRE : UN COMPTE PEU TRANSPARENT QUI NE REMPLIT PLUS SA MISSION DE DÉSENDETTEMENT DE L'ÉTAT DEPUIS 2008
Deux remarques se dégagent d'emblée. Tout d'abord, ce compte d'affectation spéciale obéit, en principe, à une cohérence juridique et budgétaire qui consiste à retracer les recettes tirées des participations de l'État et leur utilisation. Or les principaux flux budgétaires qui doivent transiter par ce compte en 2013 apparaissent comme des « jeux d'écriture » exceptionnels qui ne se rattachent pas à cette logique.
En second lieu, les rapports parlementaires et ceux de la Cour des comptes estiment souhaitable d'afficher de façon plus plausible en loi de finance initiale :
- le montant prévisionnel de cessions, presqu'invariablement fixé à cinq milliards d'euros chaque année ;
- ainsi que celui des dépenses de désendettement prévues à hauteur de quatre milliards d'euros, quoiqu'il arrive par la suite.
Le projet de loi de finances pour 2013 ne tient cependant pas compte de ces remarques et maintient, de manière quasi-fictive, l'impression que ce compte d'affectation pourrait contribuer en 2013 au désendettement de l'État. De plus, la réalité des montants en jeu amène à constater lucidement que même si d'éventuelles cessions devaient intervenir, leur potentiel resterait extrêmement limité au regard d'une dette qui a considérablement augmenté.
A. LES DONNÉES JURIDIQUES ET LA MAQUETTE BUDGÉTAIRE
1. Les bases juridiques du compte d'affectation spéciale
L'article 21 de la de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui pose le principe d'un compte d'affectation spéciale dédié aux participations financières de l'État définit :
- d'abord, de façon générale, les comptes d'affectation spéciale qui « retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. Ces recettes peuvent être complétées par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte. » ;
- puis il précise que « les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale. Les versements du budget général au profit de ce compte ne sont pas soumis à la limite prévue au premier alinéa ». C'est sur ce dernier fondement juridique que le compte d'affectation spéciale est alimenté en 2013 par un versement de 8,14 milliards d'euros. Cette recette qui transite par ce compte doit lui permettre de procéder à des versements destinés, d'une part, au Mécanisme européen de stabilité (à hauteur de 6,52 milliards d'euros en deux fois) et, d'autre part, à la Banque européenne d'investissement (1,62 milliards d'euros).
D'après les documents « bleus » budgétaires annexés au projet de loi de finances, ce compte d'affectation spéciale retrace :
En recettes :
- tout produit des cessions par l'État de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient directement ;
- les produits des cessions de titres, parts ou droits de sociétés détenus indirectement par l'État qui lui sont reversés ;
- les reversements de dotations en capital, produits de réduction de capital ou de liquidation ;
- les remboursements des avances d'actionnaires et créances assimilées ;
- les remboursements de créances résultant d'autres interventions financières de nature patrimoniale de l'État ;
- les versements du budget général.
En dépenses :
- les dotations à la Caisse de la dette publique et celles contribuant au désendettement d'établissements publics de l'État ;
- les dotations au Fonds de réserve pour les retraites (F2R) ;
- les augmentations de capital, les avances d'actionnaires et prêts assimilés, ainsi que les autres investissements financiers de nature patrimoniale de l'État ;
- les achats et souscriptions de titres, parts ou droits de sociétés ;
- les commissions bancaires, frais juridiques et autres frais qui sont directement liés aux opérations mentionnées ci-dessus.
Ainsi, d'une part, ce compte d'affectation spéciale se limite, en principe, aux opérations de l'État actionnaire intervenant comme investisseur. D'autre part, l'exigence de performance de la gestion publique, consacrée par la loi organique relative aux lois de finances, s'impose à lui pour la gestion de son patrimoine industriel.
Compte tenu de ces deux caractéristiques, on peut, comme le fait régulièrement la presse financière, comparer l'évolution du « portefeuille » de l'État actionnaire à celui d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).
2. Budgétairement, la principale opération prévue pour 2013 apparaît comme un « jeu d'écriture » éloigné de la logique de l'État actionnaire
Le compte se décompose en deux programmes distincts : le programme 731 et le programme 732.
Le programme 731 consacré aux opérations en capital inclut pour 2013 une action nouvelle dotée de 6,52 milliards d'euros.
Ce programme a pour but de contribuer à la meilleure valorisation possible des participations financières de l'État. Les emplois des produits de cessions de participations qui y sont décrits relèvent directement de l'État actionnaire et concernent l'augmentation ou le rétablissement de manière durable de capitaux propres des entités entrant dans son champ d'intervention ainsi que, plus exceptionnellement, des prises de participation.
Les moyens de fonctionnement de l'Agence des participations de l'État, qui veille à la bonne gouvernance des entreprises publiques et assure un suivi de la stratégie de l'État, sont retracés dans le programme « Stratégie économique et fiscale » de la mission « Economie » du budget.
Cinq actions structurent ce programme 1 ( * ) .
Stratégiquement, la principale d'entre elles est l'action 1, qui correspond aux augmentations de capital, aux dotations en fonds propres, avances d'actionnaire ou prêts assimilés.
Le projet de loi de finances pour 2013 introduit une nouvelle action 6 intitulée « Versements au profit du Mécanisme Européen de stabilité » dotée de 6,52 milliards d'euros. Le « bleu budgétaire » précise que conformément au traité instituant le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), il est prévu de procéder en 2013 à deux versements de 3,26 milliards d'euros chacun, afin d'honorer les troisième et quatrième paiements des cinq versements liés aux parts libérées du capital initial.
Votre rapporteur pour avis conclut des indications qu'il a pu recueillir que ce versement d'un montant très élevé par rapport à la taille du compte d'affectation spéciale s'apparente à un « jeu d'écriture » et non pas à une prise de participation. Il constate à la fois que les documents budgétaires n'explicitent guère les raisons du choix de ce canal budgétaire et que le personnel de l'Agence des participations de l'État est, à cette occasion, sollicité pour le traitement administratif de cette opération.
Le programme 732 est centré sur l'objectif du désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État
Ce programme a été créé en 2007 pour retracer la contribution de la valorisation des participations financières de l'État au désendettement. Comme le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances l'indique : « Au moyen d'apports financiers, l'État réduit les dettes qu'il a directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'entités publiques qu'il détient, envers des tiers ; ces opérations contribuent alors directement à l'amélioration du bilan de l'État et d'administrations publiques au sens de la comptabilité nationale ».
* 1 Le programme 731 comporte, pour 2013, 5 actions : l'action 1 « Augmentations de capital, dotations en fonds propres, avances d'actionnaire et prêts assimilés », (pas d'action numérotée 2), l'action 3 « Achats ou souscriptions de titres, parts ou droits de société », l'action 4 « Autres investissements financiers de nature patrimoniale », l'action 5 « Prestations de services : commissions bancaires, frais juridiques et frais liés aux opérations de gestion des participations financières de l'État » ainsi que la nouvelle action 6 « Versements au profit du Mécanisme européen de stabilité ».