N° 149
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2012 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2013 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME I
AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES
Par Mme Renée NICOUX et M. Gérard CÉSAR,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Claude Bérit-Débat, Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 235 , 251 à 258 et T.A. 38
Sénat : 147 et 148 (annexe n° 3 ) (2012-2013)
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Maintenir un soutien européen et national consistant au secteur agricole, sauvegarder notre modèle fait d'exploitations familiales à taille humaine, avec une grande diversité des productions et une présence sur l'ensemble de notre territoire national, mieux prendre en compte les enjeux environnementaux, sans oublier la dimension économique de l'activité agricole : les priorités de la politique agricole font l'objet d'un large consensus national.
L'alternance politique intervenue en mai et juin 2012 ne les remet pas en cause. Le budget pour 2013, le premier à être préparé par la nouvelle majorité, en atteste : il s'inscrit dans une réelle continuité par rapport aux précédents, à une exception près concernant le périmètre la mission : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (MAAFAR) qui n'accueille plus les crédits consacrés à la pêche. Ceux-ci, qui s'élevaient à environ 60 millions d'euros en 2012, ont suivi le nouveau découpage des responsabilités gouvernementales. La pêche étant désormais rattachée à l'écologie, ses crédits figurent au sein de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».
Budget de continuité, celui présenté par le Gouvernement pour l'agriculture en 2013 n'est pas pour autant un budget de reconduction pure et simple. La contrainte budgétaire, particulièrement forte pour 2013, s'applique aussi aux crédits de l'agriculture, qui baissent, mais sans remettre en cause la capacité à agir de l'État en matière d'agriculture, de forêt et de sécurité sanitaire.
Il faut d'ailleurs retenir une vision juste de cette baisse de crédits : si en apparence elle s'élève à plus de 10 %, ce qui est considérable, la réalité est un peu différente : vos rapporteurs notent en effet que si l'on ne prend pas en compte la mesure non mise en oeuvre par le précédent Gouvernement d'exonération de charges sur les salariés permanents, pour laquelle le budget précédent avait été doté à hauteur de 210 millions d'euros, les crédits de la MAAFAR ne se contractent que de 4 % en crédits de paiements (CP) et 4,6 % en autorisations d'engagement (AE) . Il faut aussi prendre en compte l'effort budgétaire du Gouvernement en faveur de l'enseignement technique agricole, qui relève d'une autre mission budgétaire, et qui voit sa dotation progresser de 1,7 % en CP et 0,7 % en AE.
Au sein d'une enveloppe contrainte, le Gouvernement effectue cependant certains choix. Sur l'installation, les crédits sont réajustés mais dans le but de mieux correspondre aux besoins réels de crédits, compte tenu du rythme actuel assez faible des nouvelles installations. L'objectif de compétitivité n'est pas absent puisque les crédits en faveur de l'exonération de charges pour les travailleurs occasionnels sont maintenus. Le dispositif d'exonération est cependant recentré par rapport à l'enveloppe budgétaire disponible, et votre commission propose de modifier l'article 60 pour que ce recentrage soit moins concentré sur les très bas salaires. Les aides à l'élevage sont aussi globalement maintenues, afin de préserver un secteur essentiel à la ferme France et aujourd'hui en danger. Sur la forêt, la baisse des crédits n'empêche pas de soutenir l'Office national des forêts (ONF), opérateur aujourd'hui en difficultés économiques, et de renforcer le plan Klaus. La priorité à la sécurité sanitaire, dont le haut niveau est un atout pour notre pays, se traduit par une hausse des crédits.
La politique agricole est largement européenne avant d'être nationale. De ce point de vue, 2013 sera la dernière année, en théorie, d'application de l'actuelle politique agricole commune (PAC) . Le processus de réforme de la PAC doit aboutir à un nouveau cadre pour la période 2014-2020, mais celui-ci est encore très incertain. Sur le plan financier, la proposition de la Commission européenne de la mi-2011, qui consistait à maintenir les crédits européens en faveur de la PAC en euros courants - ce qui aboutit donc à une baisse des crédits en euros constants - ne fait même pas consensus. La recherche d'un budget européen plus modeste pourrait peser à la baisse sur les crédits de la PAC, ce que la France refuse.
Au-delà de l'enveloppe de crédits, l'incertitude demeure sur le contenu de la future PAC. Les négociations se poursuivent entre Parlement européen et Conseil des ministres sur le paquet législatif présenté par la Commission européenne en octobre 2011, qui ne propose pas une révolution mais une évolution de la PAC vers une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, en particulier à travers le verdissement des aides du premier pilier.
L'année 2013 s'annonce donc pour l'agriculture comme une année de transition, qui devrait être marquée par la présentation d'un projet de loi-cadre pour une agriculture diversifiée, durable et performante , annoncé par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault lors de son discours de politique générale prononcé le 3 juillet dernier à l'Assemblée nationale, texte qui devrait donner les outils juridiques et financiers pour permettre aux agriculteurs de s'adapter à la réforme de la PAC et aux mutations de nos campagnes, notamment à travers les groupements d'intérêts économiques et environnementaux. Les contours de ce nouveau texte ne sont pas encore clairement fixés.
La méthode choisie, consistant à prendre le temps de la préparation et de la concertation, justifie que le budget 2013 ne soit pas celui de grands bouleversements, et voit la reconduction de la plupart des enveloppes budgétaires et de dispositifs fiscaux comme ceux relatifs aux biocarburants ou encore à la défiscalisation des investissements.
Réunie le 20 novembre 2012, la commission des affaires économiques du Sénat, a entendu les rapporteurs pour avis de Mme Renée Nicoux et M. Gérard César. Mme Renée Nicoux a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (MAAFAR), inscrits au projet de loi de finances pour 2013, tandis que l'avis de M. Gérard César était défavorable. Les deux rapporteurs pour avis ont en revanche donné conjointement un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR). Votre commission s'est prononcée en faveur de l'adoption des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale, ainsi que des articles 60 amendé, 61 et 61 bis rattachés. Elle a enfin adopté deux amendements tendant à l'insertion de deux articles additionnels. |
I. UN BUDGET POUR L'AGRICULTURE QUI S'INSCRIT DANS UN CONTEXTE DIFFICILE.
A. UNE CONJONCTURE AGRICOLE GLOBALEMENT BIEN ORIENTÉE MAIS QUI NE SAURAIT MASQUER LES DIFFICULTÉS DE NOMBREUX PRODUCTEURS.
1. L'amélioration de la conjoncture agricole en trompe-l'oeil.
Les résultats pour 2011 présentés par la Commission des comptes de la nation pour l'agriculture en juillet 2012 confirment la remontée des revenus agricoles constatée en 2010, année de « rattrapage » après la conjoncture catastrophique de 2009.
Le résultat agricole net par actif progresse de 5,1 %, après une progression de + 39 % en 2010.
La valeur des productions augmente de 6,7 %, un tiers de la hausse provenant d'effets volumes et les deux tiers de celle-ci provenant de meilleurs prix.
Pour autant, le redressement des résultats de l'agriculture s'accompagne d'une hausse très dynamique de ses charges : les consommations intermédiaires (énergie, engrais, alimentation animale, pesticides) progressent de 8,5 % en 2011.
En réalité, c'est la conjoncture particulièrement favorable sur les vins et spiritueux qui explique en grande part l'amélioration du revenu agricole, ainsi que, dans une certaine mesure, le retour à une situation plus saine pour l'élevage et en particulier pour l'élevage laitier, dans un contexte où l'ensemble des productions animales reste cependant fragile.
Toutes les filières ne sont pas placées sur le même plan et l'amélioration des résultats économiques ne se traduit pas forcément par une plus grande solidité structurelle.
D'une manière générale, la volatilité accrue des prix agricoles constitue une menace permanente sur la pérennité des exploitations grevées de charges fixes incompressibles.
L'année 2012 est marquée par des prix élevés des céréales. Si la récolte européenne s'avère inférieure en 2012 à celle de 2011, la France enregistre une progression de sa production en grandes cultures, en particulier en blé tendre et orge. La situation est plus contrastée pour l'élevage. En viticulture, les mauvaises conditions climatiques ont pénalisé les rendements. La récolte 2012 s'élèverait à 42,9 millions d'hectolitres et pourrait figurer comme l'une des plus faibles de ces dix dernières années. Elle serait inférieure de 16 % à la récolte de 2011 (50,8 millions d'hectolitres) et de 8 % à la moyenne quinquennale 2007/2011.
2. Des agriculteurs inégaux.
Vos rapporteurs pour avis constataient déjà l'année dernière la grande diversité des situations des agriculteurs, selon les filières, mais aussi à l'intérieur d'une même filière : la viticulture est de ce point de vue emblématique, avec d'énormes disparités de revenus ou encore de taille d'exploitation selon les régions.
Les inégalités sont notamment dans la distribution des aides directes : issues du découplage des anciennes primes couplées, les aides de la PAC sont fondées sur des références historiques. Entre exploitations voisines, leur niveau peut varier fortement. La réforme de la PAC pour la période 2014-2020 a précisément pour objectif de faire converger les aides à l'intérieur de chaque État membre de l'Union.
Les inégalités viennent également, entre filières, de l'évolution différenciée des prix : en 2011, l'augmentation des prix des céréales a amélioré le revenu des filières végétales, mais pesé sur celui des exploitants spécialisés dans l'élevage. Pour 2012, le phénomène s'est probablement accentué.
Le revenu courant après impôts (RCAI) par actif agricole était en 2011 de 38 700 euros pour les exploitations spécialisées dans la production de céréales, oléagineux et protéagineux (COP), et de 48 500 euros pour les autres exploitations des grandes cultures. Il a atteint le niveau record de 58 000 euros en viticulture, mais devrait baisser en 2012 du fait de mauvaises vendanges.
A l'autre bout de l'échelle, le RCAI par actif en maraîchage n'est que de 8 100 euros et de 10 900 euros en arboriculture fruitière et s'élève à 15 400 euros en élevage bovin, avec de grandes disparités selon les régions.
Il n'y a donc pas une agriculture mais des agricultures en France, qui rencontrent chacune des difficultés spécifiques et rendent complexe la politique agricole .
Source : INSEE - Commission des comptes de l'agriculture de la Nation - Les indicateurs de revenu par catégorie d'exploitations : résultats provisoires pour 2011.