EXAMEN DES ARTICLES
Article 19 (Article L. 300-3 du code de l'urbanisme) - Sécurisation des mandats
Commentaire : cet article vise à sécuriser juridiquement les mandats passés par les personnes publiques lors des procédures d'aménagement
I. Droit en vigueur
Les collectivités disposent d'une large palette d'outils juridiques pour mettre en oeuvre leur politique d'aménagement. Au stade des études préalables , outre l'action directe en régie toujours possible, deux formules leur sont ouvertes : la délégation à un tiers dans le cadre d'une convention de mandat ou l'externalisation sous la forme de l'achat d'une prestation de services d'études. Pour les opérations d'aménagement proprement dites , telles que définies à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, ce code ne cite expressément qu'un seul outil : la concession d'aménagement (définie à l'article L. 300-4). Pour autant, elle n'interdit pas pour autant aux collectivités de recourir, si elles le souhaitent, à des conventions de mandats.
De manière générale, le recours aux conventions de mandat doit respecter le principe de l'exclusivité de compétence du comptable public en matière de recouvrement des recettes et de paiement des dépenses publiques. Il s'agit là d'un principe général du droit des finances publiques a rappelé le Conseil d'État dans son avis du 13 février 2007. La dérogation à ce principe général du droit des finances publiques est néanmoins possible quand la loi le prévoit. En matière d'aménagement notamment d'ailleurs, la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, dite loi MOP, relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, a mis en place des conventions de mandats très souples qui permettent de déroger à la règle de la compétence exclusive du comptable public.
MISE EN PLACE SOUPLE
Les missions du mandataire, limitativement énumérées par la loi, peuvent comporter la réalisation de tâches administratives, juridiques, techniques et financières. Le mandataire peut, dans les limites fixées par la convention de mandat, passer des marchés publics et payer leurs titulaires sans intervention du comptable. L'article 3 de la loi MOP précise, en effet, que le maitre d'ouvrage peut confier à un mandataire « le versement de la rémunération de la mission de maitrise d'oeuvre et des travaux ». Le mandataire agit alors en représentation du mandant et « au nom et pour le compte de ». Il est soumis aux mêmes règles que son mandant. Par conséquent, les opérations qu'il effectue sont retracées dans les comptes de la personne publique mandante. Lors de l'intégration des opérations du mandataire dans la comptabilité de la collectivité mandante, le comptable exerce les contrôles qui lui incombent en vertu des articles 12 et 13 du décret modifié n° 62-1587 du 29 décembre 1962. S'il est décidé de recourir à un contrat de mandat, les marchés de maitrise d'oeuvre et de travaux devront indiquer les coordonnées du comptable du mandataire choisi à la suite d'une procédure de mise en concurrence. Le comptable assignataire du pouvoir adjudicateur émet un avis avant la signature de tout contrat de mandat. Il impose la reddition, au moins annuelle, des comptes du mandant, et la transmission de toutes les justifications des opérations du mandataire afin d'autoriser leur intégration dans les écritures du comptable public. Le contrat de mandat est, lui-même, soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence. La rémunération du mandataire, pour exécuter la mission qui lui a été confiée dans le cadre de la loi MOP, constitue le montant du marché. Le comptable assignataire du contrat de mandat est le comptable public de la personne publique mandante. |
Il reste que certaines actions, pourtant nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique d'aménagement, ne sont pas couvertes par la loi MOP. On peut citer à cet égard les ouvrages d'infrastructure réalisés dans le cadre d'une zone d'aménagement concerté ou d'un lotissement (exclus de la loi MOP par l'article 1 er de cette loi), ainsi que les études préalables , qui ne font pas partie des opérations d'aménagement mais qui en sont le préalable indispensable. La loi MOP traite en effet des travaux alors que les études préalables sont des prestations de services. Enfin, les opérations foncières et immobilières proprement dites, qui sont pourtant nécessaires à bien des politiques d'aménagement ne peuvent pas s'inscrire non plus dans le cadre des conventions de mandat assouplies. Autrement dit, pour ces actions précises, la délégation au mandataire des compétences du comptable public n'est pas possible. Si elle a lieu, elle constitue alors une gestion de fait.
II. Le texte de la proposition de loi
Le but de l'article 19 est d'autoriser une dérogation législative au principe de la compétence exclusive du comptable public pour toutes les opérations nécessaires aux politiques d'aménagement actuellement non couvertes par la loi MOP.
Dans ce but, il rétablit un article L. 300-3 du code de l'urbanisme ainsi rédigé :
- son premier alinéa autorise les personnes publiques compétentes en matière d'aménagement (État et collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics) à passer des conventions de mandats avec des personnes publiques et privées, dans le respect des règles de transparence et de publicité, afin de leur confier la réalisation des trois types d'opération énumérées précédemment qui échappent actuellement au champ de la loi MOP ;
- son deuxième alinéa précise que cette convention de mandat est nécessairement écrite ;
- ses alinéas trois à six précisent la nature des délégations financières que, dans cadre de la convention de mandat, le mandant peut confier au délégataire. Pour les opérations mentionnées au premier alinéa, la convention peut notamment autoriser le mandataire à procéder, au nom et pour le compte de la personne publique, aux paiements afférents aux marchés nécessaires à l'exécution du mandat. Elle peut l'autoriser à solliciter des subventions et des prêts au nom du mandataire ;
- enfin, les alinéas sept et huit, pour éviter les conflits d'intérêts, disposent que le mandataire lié à la collectivité publique par convention de mandat ne peut se voir confier, directement ou indirectement, une mission de maîtrise d'oeuvre, d'exécution de travaux ou de contrôle technique portant sur l'opération d'aménagement ou les ouvrages auxquels se rapporte le mandat.
III. La position de votre commission
L'ambition affichée par cet article est de donner un fondement législatif au mandat d'aménagement. En réalité, dans le droit actuel, les collectivités peuvent d'ores et déjà utiliser le mandat pour déléguer la conception et l'exécution de la plupart des actions nécessaires à un programme d'aménagement. L'objet de l'article est donc bien plus circonscrit qu'il ne le semble au premier abord. Son enjeu est moins de donner un fondement législatif au mandat d'aménagement que de simplifier le recours au mandat dans des cas de figure très précis. Bien que relativement marginale, cette modification est néanmoins susceptible de simplifier la gestion des opérations d'aménagement. Votre commission pour avis l'approuve donc sous réserve d'une simplification de la rédaction du dispositif - ce qu'a fait la commission des Lois saisie au fond sur ce texte.
Votre commission pour avis est favorable à l'adoption de cet article dans sa rédaction issue des travaux de la commission saisie au fond |
Article 20 (Articles L. 123-1-3, L. 123-1-4-1 [nouveau], L. 123-1-5, L.216-6 et L. 216-7 [nouveaux], L. 213-4 du code de l'urbanisme ; L. 111-4-1 du code de la construction et de l'habitation) - Secteurs de projets
Commentaire : cet article instaure des secteurs de projets au sein desquels des objectifs d'aménagement pourront se substituer au règlement des plans locaux d'urbanisme.
I. Droit en vigueur
En tant que telle, la notion de secteur de projet n'existe pas dans le droit de l'urbanisme. Pour autant, les plans locaux d'urbanisme permettent d'ores et déjà de fixer des conditions d'usage des sols particulières dans les zones concernées par des projets d'aménagement en cours ou à venir :
- un PLU peut ainsi comporter des orientations d'aménagement relatives à des quartiers ou à des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager (article L. 123-1 du code de l'urbanisme). Ces orientations, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, peuvent prévoir les actions et opérations d'aménagement à mettre en oeuvre, notamment pour mettre en valeur l'environnement, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune. Elles peuvent prendre la forme de schémas d'aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics. Ces orientations sont par ailleurs opposables aux autorisations de travaux en termes de compatibilité ;
- un PLU, conformément à l'article L. 123-2, peut, dans les zones urbaines ou à urbaniser, « geler » certaines évolutions qui seraient de nature à empêcher la réalisation ultérieure d'un projet en cours d'élaboration. Dans un périmètre qu'il délimite et pour une durée au plus de cinq ans, un PLU peut ainsi interdire les constructions ou installations dans l'attente de l'approbation par la commune d'un projet d'aménagement global. Il peut réserver des emplacements en vue de la réalisation de programmes de logements. Il peut aussi indiquer la localisation prévue et les caractéristiques des voies et ouvrages publics, ainsi que les installations d'intérêt général et les espaces verts à créer ou à modifier, en délimitant les terrains qui peuvent être concernés par ces équipements.
II. Le texte de la proposition de loi
Le I de l'article introduit dans le code de l'urbanisme la notion de secteur de projet. Le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme peut préciser qu'un secteur de projet est créé en zone urbaine ou à urbaniser.
Le II de l'article indique que le contenu du secteur de projet est défini dans les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) du PLU. Les OAP précisent ainsi les projets d'aménagement envisagés en définissant objectifs prioritairement attendus dans divers domaines , à savoir notamment :
- la nature des différentes affectations des sols au regard des fonctions économiques, sociales et environnementales pour assurer leur mixité, la vocation principale du secteur en termes d'habitat, de services, d'équipements collectifs, de commerces ;
- les principes d'aménagement permettant la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ;
- les formes urbaines notamment les gabarits, la densité minimale et les rapports entre espaces privés et espaces publics ;
- les principes de localisation prévisionnelle des bâtiments, ouvrages et constructions, équipements publics et réseaux et notamment ceux concernant les énergies renouvelables et les transports en commun.
Le III de l'article donne au règlement du PLU la possibilité de délimiter les secteurs de projet. Dans les zones ainsi délimitées, le règlement du PLU cesse de s'appliquer et les seules normes opposables aux demandes d'autorisation individuelles sont alors les objectifs définis par les orientations d'aménagement et de programmation .
Le IV, le V, le VI et le VIII de l'article concernent le droit de préemption en secteur de projet :
- le IV précise les formalités préalables à l'exercice du droit de préemption en secteur de projet (la décision de préempter peut se référer uniquement aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant le secteur de projet) ;
- les V, le VI et VII instituent, dans le code de l'urbanisme, un ensemble de règles spécifiques au droit de préemption en secteur de projet , au sein d'un nouveau chapitre du code intitulé « Droit de préemption en secteur de projet ». Le nouvel article L. 212-6 du code de l'urbanisme dispose, d'une part, que la délibération instituant un secteur de projet emporte l'institution dans ce secteur du droit de préemption pendant six ans et, d'autre part, que ce droit de préemption s'exerce selon les dispositions communes au droit de préemption urbain, aux zones d'aménagement différé et aux périmètres provisoires définis aux articles L. 213-1 à L. 213-18. Le nouvel article L. 212-17 dispose que les propriétaires d'un bien soumis au droit de préemption à l'intérieur d'un secteur de projet disposent du droit de délaissement prévu à l'article L. 212-3 ;
- le VIII précise, dans le cas des secteurs de projet, comment se détermine la date de référence prévue à l'article L. 13-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Enfin, le IX de l'article 20 dispose que, dans les secteurs de projet, le représentant de l'État dans le département peut accorder, par arrêté, des dérogations aux règles définies aux articles L. 111-4 (règles générales de construction applicables aux bâtiments d'habitation règles générales de construction applicables aux bâtiments d'habitation), L. 111-5-1 (équipement des constructions nouvelles en lignes de communication), L. 111-5-2 (équipement des constructions nouvelles en lignes de recharge des véhicules électriques), L. 111-7 et L. 111-7-1 (accessibilité des personnes handicapées), L. 111-9 (performances énergétiques et environnementales) et L. 111-11 (isolation phonique) du code la construction et de l'habitation. Le détail des règles auxquelles la dérogation préfectorale est rendue possible est fixé, aux termes de la loi, par des décrets en Conseil d'État).
III. La position de votre commission
De façon assez ambitieuse, cet article se présente comme le moyen d'introduire la notion de projet dans le droit de l'urbanisme et d'instaurer des règles offrant la souplesse nécessaire à la réalisation d'opérations d'aménagement urbain.
Le législateur n'a cependant pas attendu ce texte pour se saisir de ces questions.
On peut rappeler que, depuis l'adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, la notion même de projet urbain, à travers le projet d'aménagement et de développement durable, est au coeur de la conception des PLU. Toutes les dispositions opposables d'un PLU, que ce soit en termes de compatibilité ou de conformité, ne sont jamais que des moyens en vue de réaliser le projet urbain communal ou intercommunal.
On peut rappeler également que les orientations d'aménagement, qui sont un document facultatif des PLU, permettent d'ores et déjà de faire le lien entre le projet urbain global et la mise en oeuvre de projets d'aménagement plus opérationnels propres à tels ou tel secteur de la commune.
Concernant la disposition de cet article qui prévoit que le règlement du PLU cesse de s'appliquer au sein d'un secteur de projet et que les seules normes opposables aux demandes d'autorisation individuelles sont alors les objectifs définis par les orientations d'aménagement et de programmation, il convient de souligner que la souplesse d'une gestion du droit des sols en termes d'objectifs n'est qu'apparente . L'autorité administrative aura certes plus de marges de manoeuvre pour décider si certains permis de construire doivent ou non être refusés, mais les décisions prises seront aussi plus contestables et seront donc davantage attaquées devant les tribunaux administratifs.
Par ailleurs, concernant le conflit entre le règlement des PLU (qui serait par nature « rigide ») et les projets d'aménagement (évolutifs et donc nécessitant de la souplesse dans l'application du règlement), on peut rappeler que la plupart des normes et des servitudes imposées par le règlement d'un PLU, au sein des zones qu'il délimite, sont facultatives . La loi (article L. 123-1 du code de l'urbanisme) dispose en effet que, dans seize domaines limitativement énumérés dans cet article, le règlement peut imposer des normes urbanistiques opposables à tous travaux. C'est une simple faculté 3 ( * ) . Certes, quand la règle a été approuvée, elle s'applique dans toute sa rigueur. Mais si, dans une zone qu'il délimite, le PLU ne souhaite pas imposer de normes, rien ne l'y oblige. Et s'il veut en imposer, rien ne lui interdit de le faire de façon souple, en fixant des valeurs plancher ou plafond, ou des fourchettes dans lesquelles les paramètres urbanistiques pourront varier. Bref, s'il y a des règlements très précis, c'est parce que les collectivités le souhaitent ou parce que leurs documents d'urbanisme ne sont pas toujours bien conçus.
Enfin, quand bien même, et quelle qu'en soit la raison, un PLU comporterait des normes règlementaires très précises de nature à compromettre, à retarder ou à rendre plus difficile la réalisation d'un projet d'aménagement, on peut rappeler que la loi permet désormais des procédures de modification des PLU souples et rapides.
Enfin, votre commission pour avis s'interroge sur la constitutionnalité de la disposition figurant au IX de l'article, car les dérogations que le représentant de l'État peut accorder dans les secteurs de projets ne lui paraissent pas suffisamment précises.
Votre commission pour avis est favorable à la suppression de cet article. |
Article 21 (Articles L.311-1 et L.311-5 du code de l'urbanisme) - Moderniser la procédure de ZAC
Commentaire : cet article simplifie la procédure de création des zones d'aménagement concerté.
I. Droit en vigueur
Les règles de procédure, la nature et la composition des dossiers de création et de réalisation de ZAC sont fixées par voie réglementaire (R. 311-2 et R. 311-7 du code de l'urbanisme).
II. Le texte de la proposition de loi
Le I de l'article modifie l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme pour indiquer que la zone d'aménagement concerté fait l'objet d'une procédure comprenant un dossier de création et un dossier de réalisation ; ces deux dossiers peuvent être regroupés en un dossier unique.
Le II modifie l'article L. 311-5 pour autoriser la personne publique à l'origine de la création d'une ZAC à conclure directement des conventions associant à l'aménagement de la zone les personnes privées qui y détiennent une propriété. Cela résout une incongruité de l'article L. 311-5, qui ne permet de conclure de telles conventions que si l'aménagement de la zone a été préalablement concédé.
III. La position de votre commission
La faculté de regrouper les dossiers de création et de réalisation d'une ZAC relève d'une modification de la partie réglementaire du code de l'urbanisme.
La disposition du II a déjà été adoptée par le Parlement (elle figure à l'article 108 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives).
Cet article est donc inutile.
Votre commission pour avis est favorable à la suppression de cet article. |
Article 22 (Article L.271-4 du code de la construction et de l'habitation) - Dispense de diagnostics
Commentaire : cet article vise à dispenser d'un certain nombre de diagnostics les bâtiments vendus en vue d'être détruits.
I. Droit en vigueur
L'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation dispose qu'en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente. Ce dossier de diagnostic technique comprend notamment les documents suivants : l'état de l'installation intérieure de gaz (4° de l'article L. 271-4), l'état des risques naturels et technologiques (5°) et l'état de l'installation intérieure d'électricité (7°).
II. Le texte de la proposition de loi
L'article 22 dispense des trois types de diagnostic énumérés ci-dessus les ventes d'immeubles acheté en vue d'être détruits.
III. La position de votre commission
La proposition est de bon sens. Une réécriture de l'article était cependant nécessaire pour corriger de graves défauts de formes, ce qu'a fait la commission des Lois.
Votre commission est favorable à l'adoption de cet article dans sa rédaction issue des travaux de la commission saisie au fond. |
Article 23 (Article L. 111-5 du code de l'urbanisme) - Opposabilité du cahier des charges de lotissement
Commentaire : cet article modifie les règles de caducité des clauses des cahiers des charges des lotissements.
I. Droit en vigueur
Les dispositions du cahier des charges d'un lotissement sont considérées par la Cour de cassation comme de pures dispositions de droit privé, y compris quand elles portent sur les règles d'utilisation du sol. Il n'est donc pas rare qu'il existe un conflit entre les règles d'urbanisme de droit public contenues dans les documents d'urbanisme et les règles d'urbanisme de droit privé spécifiques aux lotissements.
Ces conflits de normes sont une source d'insécurité juridique pour les particuliers, puisque certaines autorisations d'urbanisme peuvent se voir privées d'effet par le juge judiciaire lorsque ce dernier considère que les travaux autorisés par l'autorité administrative remettent en cause des conventions privées. Des constructions ayant bénéficié d'un permis de construire en bonne et due forme peuvent ainsi être condamnées à la démolition par la justice.
Ces conflits entre normes privées et publiques d'urbanisme constituent également un obstacle à la mise en oeuvre en oeuvre des politiques publiques d'urbanisme. Des règles publiques d'utilisation des sols tendant à favoriser la densification de l'habitat ou la mixité sociale des logements peuvent en effet être contrecarrées par les règles contractuelles malthusiennes de certains lotissements, la suprématie admise par le juge des dispositions contractuelles étant utilisées par les colotis pour préserver un entre-soi social ou un habitat fortement consommateur d'espace.
Il est donc tout à fait essentiel, tant du point de vue de la sécurité juridique que de l'intérêt général urbanistique, de mettre en place des procédures permettant de faire évoluer les règles privées d'urbanisme contenues dans les cahiers des charges des lotissements pour les rendre conformes aux règles publiques d'urbanisme adoptées ultérieurement.
Le législateur a tenté d'empêcher la « privatisation » du droit de l'urbanisme dans les lotissements en adoptant une disposition selon laquelle « la seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel » (article L. 111-5 du code de l'urbanisme). Cette disposition est cependant bien insuffisante pour résoudre le problème, puisqu'elle signifie simplement que seule une manifestation de volonté expresse des colotis peut permettre de conférer une portée contractuelle aux règles du lotissement - ce qui est toujours le cas s'agissant de documents écrits et signés.
II. Le texte de la proposition de loi
Le I de l'article 23 propose de compléter l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme par une disposition qui instaure une formalité de publication du cahier des charges d'un lotissement au bureau des hypothèques dans les cinq ans suivant l'approbation de ce lotissement. A défaut de cette publication, toute stipulation du cahier des charges ayant pour effet de limiter les droits à construire deviendrait caduque.
Le II de l'article adapte la disposition précédente au cas des lotissements autorisés avant l'entrée vigueur de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Pour ces lotissements, le délai de cinq ans court à compter le 1 er janvier suivant la promulgation de la loi.
Le II précise également que la publication du cahier des charges doit être demandée par la majorité qualifiée des colotis.
III. La position de votre commission
Votre commission estime que l'article 23 met l'accent sur une véritable difficulté. La privatisation du droit des sols dans le cadre des conventions privées entre colotis met en effet en échec des politiques publiques légitimes en matière d'urbanisme et de mixité sociale. Or, si la protection des contrats privés est un impératif constitutionnel, la densification de l'habitat répond à des objectifs environnementaux qui ont eux-aussi une valeur constitutionnelle. Force est, à cet égard, de constater que la loi de permet pas aujourd'hui une conciliation satisfaisante entre ces principes de niveau supérieur.
Pour autant, la solution proposée dans cet article n'est pas satisfaisante.
Au lieu d'aborder le fond du problème en examinant dans quelles conditions pourraient concrètement s'opérer une conciliation des normes, l'article 23 cherche plutôt à l'esquiver. Il se contente en effet d'instaurer une formalité (la publication des cahiers des charges au bureau des hypothèques) dans le seul but de faciliter la caducité de ces cahiers des charges dans les cas où la formalité ne serait pas respectée. Pour rendre plus probable cette caducité, l'article 23 exige que la publication soit demandée par une majorité qualifiée de colotis. Outre que cette majorité qualifiée n'est pas précisée (on peut toutefois supposer que le texte fait implicitement référence à la majorité qualifiée prévue à l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme), cette solution se heurte à une impasse constitutionnelle, puisqu'elle donne à une minorité de colotis le pouvoir de décider de la caducité du cahier des charges de leur lotissement. Elle risque donc d'être considérée comme portant une atteinte excessive à la liberté contractuelle (le principe constitutionnel de la liberté contractuelle implique en effet que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant » - CC, 2009-592 DC du 19 novembre 2009).
Votre commission pour avis est favorable à la suppression de cet article. |
Article 24 (Article L.442-4 du code de l'urbanisme) - Promesses de vente en lotissement
Commentaire : cet article autorise la promesse de vente ou de location d'un terrain situé dans un lotissement avant la délivrance du permis d'aménager.
I. Droit en vigueur
Dans le but de protéger les acquéreurs, l'article L. 442-4 du code de l'urbanisme dispose qu'aucune promesse de vente ou de location d'un terrain situé dans un lotissement ne peut être consentie et aucun acompte ne peut être accepté avant la délivrance du permis d'aménager.
II. Le texte de la proposition de loi
L'article 24 modifie l'article L. 442-4 du code de l'urbanisme pour autoriser les promesses de vente ou de location d'un terrain dans un lotissement avant la délivrance du permis d'aménager. Pour protéger l'acquéreur, l'article prévoit que la non délivrance du permis d'aménager constitue une condition suspensive de la promesse.
III. La position de votre commission
Ces dispositions présentent un intérêt certain pour les lotisseurs, qui peuvent arrêter très tôt leur plan de commercialisation et avoir ainsi des assurances sur la rentabilité de leur opération (même si toute transaction financière reste interdite tant que le permis n'est pas donné). Votre commission pour avis voit moins bien en revanche en quoi ces dispositions constituent une simplification normative susceptible d'intéresser les collectivités. Si cet article était adopté, les maires risqueraient en effet d'être placés devant le fait accompli des promesses signées et de ne pas pouvoir ensuite demander de modifications ou imposer au lotisseur de prescriptions contraires à ce que celui-ci a prévu. Si les lots ont déjà été constitués, ont fait l'objet d'un bornage (sans lequel une promesse de vente ne vaut rien), le maire sera quasiment contraint d'accepter le lotissement proposé en totalité, même si certaines conditions de l'aménagement (impasses, etc...) mériteraient d'être modifiées. Bref, cet article place les collectivités devant une logique du tout ou rien qui risque de nuire à un aménagement de qualité.
Votre commission pour avis est favorable à la suppression de cet article. |
Article 25 (Articles L.332-12 et L.332-11-4 [nouveau] du code de l'urbanisme) - Évolution du PUP
Commentaire : cet article instaure une procédure pour encadrer la négociation d'une convention de projet urbain partenarial (PUP) entre un aménageur et une personne publique.
I. Droit en vigueur
La loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement a créé, aux articles L. 332-11-3 et L. 332-11-4 du code de l'urbanisme, les conventions de « projet urbain partenarial » (PUP). Elles permettent, dans les zones urbaines et les zones à urbaniser délimitées par les plans locaux d'urbanisme, de financer des équipements rendus nécessaires par une ou plusieurs opérations d'aménagement ou de construction. Le PUP est conclu entre des propriétaires de terrains, des aménageurs ou constructeurs et l'autorité administrative compétente en matière d'urbanisme.
II. Le texte de la proposition de loi
Le I de l'article 25 crée un article L. 332-11-4 dans le code de l'urbanisme afin de permettre aux aménageurs de demander à ce que leur projet d'aménagement ou de constructions soit « pris en considération » par l'autorité compétente en matière urbanisme. La prise en considération conduirait la commune, l'EPCI compétent en matière de PLU ou le Préfet (dans le cas des opérations d'intérêt national) à se prononcer sur le périmètre du projet, le programme prévisionnel des constructions et la nécessité de soumettre le projet à la concertation dans les conditions définies à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme.
Le II procède à une modification rédactionnelle de cohérence à l'article L. 332-12.
III. La position de votre commission
Les dispositions de cet article soulèvent des interrogations. Votre commission pour avis estime que cette nouvelle procédure de « prise en considération » est susceptible de créer des effets juridiques indésirables :
- pour mémoire, la notion de prise en considération existe déjà dans le domaine du sursis à statuer (articles L. 111-8 à L. 111-10 du code de l'urbanisme), où elle est créatrice de droits : la prise en considération par le conseil municipal d'une opération d'aménagement ou d'un projet de modification d'un PLU est en effet une formalité préalable nécessaire à la mise en oeuvre du sursis à statuer sur une demande d'autorisation d'urbanisme. Sachant que l'auteur de la proposition de loi souhaite créer les conditions d'un meilleur dialogue en amont des projets entre les collectivités et les aménageurs sans lier juridiquement les collectivités, on peut s'interroger sur le choix de recourir à cette notion aux contours mal définis qu'est la prise en considération. La crainte de votre commission pour avis est que les aménageurs privés se retournent contre les collectivités qui conditionnent l'octroi d'un permis d'aménager à des prescriptions qu'elles n'avaient pas précédemment évoquées au stade de la prise en considération ;
- par ailleurs, si la collectivité, en amont de la signature d'un PUP, exprime son intérêt pour un projet à l'origine purement privé et indique quels équipements publics seraient nécessaires dans le cadre de ce projet, il y a un risque que ce projet soit requalifié en une opération publique d'aménagement conduite en dehors des règles de la concurrence. Autrement dit, il ne faut pas que la prise en considération apparaisse comme une manière déguisée de passer commande pour les collectivités.
Si le but de cet article est de faire en sorte que la collectivité se prononce sur l'intérêt d'un projet privé d'aménagement, il n'est pas nécessaire que la loi l'y autorise, car les collectivités sont libres de le faire.
Votre commission pour avis est favorable à la suppression de cet article. |
Article 26 (Article L.123-1-14 du code de l'urbanisme) - Dérogation aux aires de stationnement
Commentaire : cet article limite les obligations imposées par le PLU en matière d'aires de stationnement.
I. Droit en vigueur
Le règlement d'un PLU peut comporter des obligations relatives au stationnement. Il peut prévoir un nombre d'aires de stationnement en rapport avec les besoins des bâtiments dont il autorise la construction, sans prescrire un nombre de places défini. Il peut également préciser le nombre d'aires de stationnement, soit en fonction de la surface de plancher du bâtiment projeté, soit, pour les bâtiments à usage d'habitation, en fonction du nombre de logements.
La prise en compte de la proximité des transports en commun ou de la nature des logements d'habitation permet par ailleurs d'édicter des règles spécifiques :
- l'article L. 123-1-12 prévoit ainsi que, lorsque les conditions de desserte par les transports publics réguliers le permettent, le règlement peut fixer un nombre maximal d'aires de stationnement à réaliser lors de la construction de bâtiments destinés à un usage autre que d'habitation ;
- l'article L. 123-13 du code de l'urbanisme précise toutefois que le PLU ne peut exiger la réalisation de plus d'une aire de stationnement par logement lors de la construction de logements locatifs financés avec un prêt aidé par l'État. Les plans locaux d'urbanisme peuvent en outre ne pas imposer la réalisation d'aires de stationnement lors de la construction de ces logements, même si le secteur où sont situés ces logements comportent des règles différentes en la matière.
II. Le texte de la proposition de loi
Cet article propose de créer un article L. 123-1-14 du code de l'urbanisme dont le premier alinéa interdit aux documents d'urbanisme d'exiger la réalisation de plus d'une aire de stationnement par logement lorsque ce logement :
- se situe dans une zone d'habitat tendu telle que définie par l'article L. 442-3-3 du code de la construction et de l'habitation ;
- se situe à une distance minimale, inférieures à 500 mètres, d'une gare ou station d'un mode de transport collectif guidé ou en site propre.
Le deuxième alinéa dispose que les plans locaux d'urbanisme peuvent ne pas imposer la réalisation d'aires de stationnement lors de la construction de ces logements.
Le troisième alinéa dispose que, dans le périmètre précédemment défini, l'obligation de réaliser des aires de stationnement n'est pas applicable aux travaux de transformation ou d'amélioration de bâtiments affectés à des logements.
III. La position de votre commission
Le fait de limiter les obligations que peut imposer un PLU en matière d'aires de stationnement ne pose pas de difficultés de principe lorsqu'on se situe dans des zones comprenant d'importants noeuds de raccordement au réseau de transport collectif et caractérisées par un déficit d'offre de logements. Il est évident que les PLU doivent encourager la création de logements et le recours aux transports collectifs plutôt que gaspiller le foncier disponible pour y réaliser des aires de stationnement individuelles.
Ceci étant, pour parvenir à ces objectifs, on peut se demander s'il est préférable d'édicter une interdiction générale s'imposant à tous les PLU, comme le fait ce texte, ou s'il vaut mieux autoriser les PLU à l'édicter au cas par cas, en fonction des réalités locales.
Par ailleurs, si les intentions poursuivies par cet article sont louables, votre commission s'interroge sur la portée réelle de ces dispositions. Combien y a-t-il de PLU qui prescrivent la réalisation de plus d'une aire de stationnement dans des zones d'habitat tendues proche des noeuds de transport collectif ?
Enfin, votre rapporteur pour avis ne comprend pas en quoi cet article 26 constitue une mesure de simplification des normes. Il s'agit en réalité d' un cavalier législatif .
Votre commission est favorable à la suppression de cet article. |
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Lors de sa réunion du 17 octobre 2012, la commission des Affaires économiques a adopté le rapport présenté par M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. |
* 3 Seules les règles relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et par rapport aux limites séparatives ont un caractère obligatoire, encore cette obligation est-elle édictée à un niveau règlementaire (article R. 123-9).