V. LE DÉVELOPPEMENT DU TRAVAIL ET DE LA FORMATION : UNE ARDENTE OBLIGATION POUR L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
A l'initiative de votre rapporteur pour avis, l'article 27 de la loi pénitentiaire prévoit une obligation d'activité pour les personnes détenues condamnées.
L'exercice d'une activité -emploi, formation professionnelle, cours, activité socio-culturelle ou sportive, participation à un groupe de parole dans le cadre d'un programme de prévention de la récidive- demeure en effet le meilleur gage de la réinsertion. Or, dans une majorité de cas, le temps de la peine demeure un temps mort. La disposition introduite dans la loi pénitentiaire poursuit deux objectifs : ne pas permettre que des détenus restent inoccupés alors que des activités leur sont proposées, encourager l'administration pénitentiaire à rechercher, le cas échéant avec des partenaires extérieurs, la palette la plus large possible d'occupation.
Le législateur a assorti l'obligation de trois conditions : elle ne s'applique que si l'établissement est en mesure de proposer plusieurs activités ; elle a pour finalité de poursuivre la réinsertion de la personne ; elle doit être adaptée à son âge, ses capacités et sa personnalité. Enfin, la loi a prévu que « sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité de l'établissement, les personnes détenues sont consultées par l'administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées ».
L'application de ces dispositions devrait s'inscrire dans le cadre progressivement mis en place par l'administration pénitentiaire pour définir un parcours d'exécution de la peine . Au sein des quartiers arrivants, des entretiens sont menés par les différents services (détention, service pénitentiaire d'insertion et de probation - SPIP - santé, enseignement, formation, travail, etc.) afin de repérer les compétences, les besoins et les demandes des personnes détenues. Une commission pluridisciplinaire unique assure la synthèse de ces observations et, en fonction du profil des personnes et du nombre de places, valide les propositions d'inscriptions dans le souci, selon l'administration pénitentiaire, de combiner des activités sans chevauchement.
Le nouvel article R. 57-9-1 issu du décret n° 2010-1634 du 23 décembre 2010 précise que la personne détenue remplit l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 27 de la loi pénitentiaire « lorsqu'elle exerce au moins l'une des activités relevant de l'un des domaines suivants : travail, formation professionnelle, enseignement, programmes de prévention de la récidive, activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques ».
Si le législateur a entendu ménager une réelle souplesse dans l'éventail des activités susceptibles d'être proposées en détention, il a souhaité que l'administration pénitentiaire s'efforce surtout de développer le travail et la formation professionnelle en raison de leur contribution à la réinsertion professionnelle.
A. LE TRAVAIL : UNE ÉVOLUTION PLUS FAVORABLE EN 2010 ?
Au regard des objectifs fixés par la loi pénitentiaire, le bilan de l'année 2010 apparaît plus favorable : la masse salariale enregistre une hausse de 9 % pour les activités de production (contre une diminution de 13 % en 2009), le nombre d'emplois en production 27 ( * ) ayant progressé de 726 emplois par rapport à 2009.
Les activités de service général , générées par l'administration pénitentiaire pour les besoins de fonctionnement des établissements, ont employé 34,4 % de personnes détenues en 2010, soit 8 247 postes de travail en moyenne mensuelle. La rémunération s'effectue sur la base de tarifs journaliers fixés dans le cadre de crédits budgétaires de fonctionnement attribués à chaque établissement. La rémunération mensuelle moyenne par poste de travail, sur la base de 295 jours travaillés dans l'année s'élève à 239 euros. Le travail effectué dans les ateliers du service de l'emploi pénitentiaire (SEP) par l'intermédiaire du compte « régie industrielle des établissements pénitentiaires » (RIEP) a employé 1 124 personnes détenues en moyenne chaque mois pour une rémunération par poste de travail en équivalent temps plein de 535 euros par mois (525 euros en 2009). Les activités de travail gérées par les entreprises privées concessionnaires de l'administration pénitentiaire ou titulaires des marchés de fonctionnement des établissements à gestion déléguée, ont employé en moyenne annuelle 8 109 personnes détenues (7 265 en 2009) pour une rémunération mensuelle moyenne par poste de travail en équivalent temps plein de 374 euros (équivalente à celle de 2009). |
Dans la période récente, à la faveur notamment du plan « Entreprendre » engagé en 2008, l'administration pénitentiaire a mis en oeuvre plusieurs mesures incitatives telles que l'institution de la journée continue ou le développement des facilités d'accès pour les véhicules. L'ouverture de nouveaux établissements dotés d'espaces plus adaptés aux activités productives a aussi, sans doute, contribué à infléchir l'érosion du taux d'emploi au sein des prisons.
L'administration pénitentiaire a poursuivi un effort de communication auprès des entreprises avec la diffusion en 2010 d'un document intitulé « l'offre aux entreprises : nos neuf engagements de service ». Ce document énonce pour chaque établissement pénitentiaire les principaux engagements de service relatifs à l'organisation du travail, les structures et procédures dédiées.
La situation reste cependant très inégale entre les établissements pour peine dont les espaces consacrés aux activités couvrent une surface importante 28 ( * ) et les maisons d'arrêt dotées de locaux insuffisants, vétustes et difficiles d'accès. En outre, le taux de rotation beaucoup plus rapide de la population pénale en maison d'arrêt rend plus complexe la mise en oeuvre d'activités rémunérées. Par ailleurs, comme l'ont rappelé plusieurs des interlocuteurs de votre rapporteur, la situation de l'emploi dans les établissements d'outre-mer demeure très préoccupante .
L' évolution encourageante de la situation financière de la RIEP pourrait aussi favoriser l'offre d'emplois en milieu pénitentiaire. En 2009, le SEP a géré 48 ateliers de production implantés dans 24 établissements pénitentiaires recevant majoritairement des détenus condamnés à de longues peines -les ateliers de la RIEP représentent ainsi 63 % de l'emploi en production des maisons centrales.
Le SEP intervient dans plus de 11 secteurs d'activité différents (confection, menuiserie, boissellerie, métallerie, mécanique générale, imprimerie, informatique, numérisation d'activités audiovisuelles, travail à façon, cuir, exploitation agricole et diverses activités liées aux plans de sauvegarde du patrimoine). Le chiffre d'affaires -réalisé pour 68,6 % avec le secteur public dont 57 % avec l'administration pénitentiaire (confection des uniformes des personnels de surveillance, fabrication du mobilier de détention) a progressé légèrement en 2010 (+ 0,7 % pour atteindre un montant de 22,9 millions d'euros). Les secteurs de la confection, du métal et du bois représentent à eux seuls près des trois quarts de ces résultats. Après plusieurs exercices déficitaires, le SEP-RIEP a rétabli ses équilibres financiers et dispose des marges de manoeuvre nécessaires à la poursuite de ses activités et à la modernisation de ses équipements industriels.
Comme votre rapporteur avait pu le constater lors de la visite du centre de détention de Nantes en 2010, la RIEP est en mesure d'organiser des activités à forte valeur ajoutée : élaboration de plans pour les services d'incendie et de secours ou encore centres d'appel . L'expérience, encore récente, semble néanmoins donner des résultats plus satisfaisants que lorsque cette action de promotion était confiée à une entreprise privée.
Selon votre rapporteur, différentes pistes peuvent ainsi être explorées afin d'enrichir les tâches confiées aux détenus et permettre de couvrir une palette d'activités plus diversifiées. Il souhaiterait citer à cet égard la plateforme de tri sélectif en cours d'installation à la maison d'arrêt de Douai (après avoir été initiée au centre pénitentiaire de Lille-Loos).
Par ailleurs, lors de l'examen de la loi pénitentiaire, votre rapporteur avait souhaité qu'une priorité soit donnée dans le cadre des attributions de marchés publics, aux productions des établissements pénitentiaires et obtenu des engagements en ce sens du Gouvernement.
D'après les informations communiquées à votre rapporteur, le ministère de la justice et des libertés a demandé au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi que le droit de préférence prévu par l'article 53 IV du code des marchés publics soit étendu au SEP et aux entreprises concessionnaires des établissements pénitentiaires pour les produits ou services assurés par les personnes détenues.
Par un courrier en date du 22 avril 2010, ce ministère a précisé que le SEP n'ayant pas de personnalité morale distincte de celle de l'Etat, il n'est pas soumis au code des marchés publics lorsqu'il lui fournit des prestations. En revanche, le droit de préférence devrait être étendu aux entreprises concessionnaires des établissements pénitentiaires sous la forme d'une modification par voie réglementaire du code des marchés publics.
Enfin, la loi pénitentiaire a prévu l'implantation au sein des établissements pénitentiaires de structures d'insertion par l'activité économique afin d'élargir l'offre de travail (article 33). Si des discussions ont été engagées entre l'administration pénitentiaire et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, les textes d'application tardent. Or, ces dispositifs sont essentiels pour permettre aux personnes détenues de s'engager dans un parcours professionnalisant afin de préparer au mieux leur sortie.
S'agissant de la rémunération du travail pénitentiaire , l'article 32 de la loi pénitentiaire prévoit qu'elle ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret, indexé sur le SMIC et variable en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées. Les taux minimum ont été déterminés par le décret n° 2010-1635 du 23 décembre 2010 : 45 % du SMIC pour les activités de production, 33 % du SMIC pour le service général, classe 1 (poste d'ouvrier qualifié), 25 % du SMIC pour le service général, classe 2 (poste d'appui aux professionnels qualifiés), 20 % du SMIC pour le service général, classe 3 (postes constitués de taches simples ne requérant pas de connaissances professionnelles particulières) 29 ( * ) .
* 27 Moyenne mensuelle de 6 772 postes en équivalent temps plein.
* 28 A Nantes, par exemple, 3.000 m 2 pour la zone atelier et 2.000 m 2 pour la zone formation.
* 29 La répartition des emplois entre les différentes classes du service général a été précisée par l'arrêté du 23 février 2011.