E. UNE POLITIQUE AU MILIEU DU GUÉ

La politique de coopération française a fait preuve, ces dix dernières années, d'une capacité d'adaptation remarquable.

La lecture du projet de loi de finances pour 2012 et du document de politique transversale, qui est annexé par comparaison avec les documents budgétaires des années 2000, illustre le chemin parcouru.

Cette politique s'appuie aujourd'hui sur une stratégie acceptée par l'ensemble des acteurs. Cette stratégie a été déclinée au niveau des opérateurs, notamment à l'AFD à travers le contrat d'objectifs et de moyens et le plan d'orientation stratégique récemment adopté. Les structures ont évolué avec le transfert de compétence effectué vers l'AFD, la mise en place de structures de coordination interministérielle avec le Comité interministériel de coopération internationale au développement (CICID), présidé par le Premier ministre, ou le Conseil d'orientation stratégique (COS) de l'AFD qui réunit l'ensemble des ministres en charge de la tutelle de l'AFD.

Mais, surtout, les modalités d'intervention ont évolué afin de favoriser des effets systémiques grâce à la mobilisation de coalition d'acteurs nationaux et multilatéraux et d'instruments de plus en plus variés associant initiatives publiques et privées. Les stratégies sectorielles et géographiques tentent de s'articuler au niveau national, au niveau européen et au niveau multilatéral.

De nombreux acteurs à la direction générale de la mondialisation, à l'Agence française de développement et à la direction du Trésor ont ainsi dessiné en une décennie le nouveau visage de la coopération française moderne.

Malgré ces évolutions, cette mutation apparaît cependant encore inachevée.

D'une part, la tentation de revenir à des pratiques anciennes où la coopération était auparavant une affaire de relations privilégiées avec certains dirigeants africains, où l'attention était focalisée sur la gestion quotidienne de projets ponctuels, est encore présente.

D'autre part, le processus de réforme des structures engagé depuis 2004 apparaît inachevé. L'éclatement du dispositif français de coopération auquel on aboutit n'est pas entièrement satisfaisant, ni du point de vue du pilotage de l'aide, ni du point de vue de la rationalisation des moyens publics. En matière d'évaluation et de redevabilité, les progrès effectués ces dernières années, encore limités, ne permettent pas de rendre compte à la représentation nationale et aux responsables politiques de l'exécutif des résultats d'une politique dont il est dit qu'elle engage plus de 10 milliards d'euros.

De ce point de vue, la politique de coopération française apparaît au milieu du gué. Elle a presque définitivement abandonné la rive de la coopération postcoloniale et des dérives de la Françe-Afrique, mais elle n'est pas encore parvenue à devenir cette boîte à outils d'une « mondialisation maîtrisée » qu'évoquent des discours volontaristes, dont on peine à voir la concrétisation.

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