C. CAMPUSFRANCE FACE AU CONFLIT D'OBJECTIFS ENTRE LES POLITIQUES D'ACCUEIL DES ETUDIANTS ETRANGERS ET DE RESTRICTION DE LA DÉLIVRANCE DE TITRES DE SÉJOUR

1. La forte progression du nombre d'étudiants étrangers en France

Le nombre d' étudiants étrangers en France a progressé de 63 % depuis l'année universitaire 2001 et atteint aujourd'hui 284 659, soit 12,3 % de la population étudiante totale , ce qui place la France en troisième position mondiale, derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, mais devant l'Allemagne. 228 009 étudiants étrangers fréquentent les seuls établissements d'enseignement supérieur rattachés au ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche : leur nombre a progressé de 43 % sur la même période.

Le réseau diplomatique et consulaire français délivre, depuis 2005, entre 60 000 et 75 000 visas étudiants par an . Après une baisse continue entre 2003 et 2006, la tendance s'est inversée depuis 2008.

Nombre de visas accordés aux étudiants étrangers de 2005 à 2010

2005

2006

2007

2008

2009

2010

63 833

62 900

63 544

69 822

71 553

74 813

-1,46%

1,02%

9,87%

2,45%

4,55%

Source : ministère des Affaires étrangères

Dans ce contexte, une priorité budgétaire a été accordée au renforcement de l'attractivité de notre enseignement supérieur à l'égard des étudiants dont l'excellence les prépare à devenir l'élite mondiale de demain, particulièrement dans les pays émergents. Mis en place en 2007, sous la double tutelle du ministre des Affaires étrangères et du ministre de l'Enseignement supérieur, le groupement d'intérêt public CampusFrance a alors été chargé de promouvoir l'enseignement supérieur français à l'étranger et d'offrir aux étudiants étrangers des prestations d'information, d'orientation et d'inscription pour suivre des études supérieures en France. Les dépenses de promotion de l'agence CampusFrance se sont élevées à 1, 8 million d'euros en 2010 et à 2,1 millions d'euros en 2011, selon la répartition suivante : 26 % pour l'Europe et Russie, 24 % pour l'Asie, 18 % pour l'Amérique latine, 8 % pour le Proche et Moyen-Orient, 7 % pour l'Afrique et 2 % pour l'Amérique du Nord ; 15 %, ont étés consacrés à diverses manifestations et rencontres organisées par le GIP.

2. L'interruption de la chute du nombre de bourses et l'affichage budgétaire d'un effort de redressement en 2012

Les avis budgétaires des années précédentes ont dénoncé la diminution des bourses destinées aux étudiants étrangers, en signalant que le nombre de ces dernières est passé de 22 500 en 2002 à 20 000 en 2005, avant de chuter à 15 590 en 2009, soit une baisse de près d'un tiers. L'enveloppe budgétaire qui leur est consacrée a diminué, dans des proportions comparables, de 105 millions d'euros en 2002 à 76,5 millions d'euros en 2009. Ce sont les stages qui ont été les plus touchés, passant de 12 278 à 4 786 (-61 %). En revanche, le nombre de bourses d'études s'est maintenu, passant de 10 159 à 10 804, et le nombre total d'étudiants étrangers en France a progressé, pour atteindre 278 000 pour l'année universitaire 2008-2009, soit près de 5 % de plus que l'année précédente, ce qui correspond à une augmentation spontanée de la mobilité internationale des étudiants.

Après la stabilisation, en 2010 et 2011, de cette tendance budgétaire décroissante, le projet de loi initial pour 2012 affiche la volonté de redonner la priorité à l'accueil d'étudiants boursiers.

Le montant global des bourses recensées sur cinq lignes budgétaires différentes du programme 185 est de 79 millions d'euros . Toutefois, certaines bourses sont co-financées par les postes sous la rubrique « moyens bilatéraux d'influence » (environ 9,2 millions), d'autres bourses dites « Major » sont gérées par l'AEFE (3,6 millions), certaines sont également attribuées par l'université franco-allemande (5,9 millions) ou par l'Institut français (3,8 millions). A travers ces difficultés de mesure de l'effort global, le montant global des crédits alloués aux bourses avoisine donc une centaine de millions d'euros.

Défini par un arrêté interministériel du 27 décembre 1983 , le principal dispositif de bourses du Gouvernement français (BGF) se compose de deux volets complémentaires : les bourses allouées par les postes diplomatiques (près de 57 millions d'euros en 2012), et les programmes de bourses financés par l'administration centrale mis en place en 1999 selon une logique d'excellence internationale - notamment les programmes « Eiffel » et « Major » et « Quai d'Orsay-Entreprises » (14 millions d'euros en 2012).

Les postes diplomatiques octroient chaque année près de 15 500 bourses d'études et de stage pour étudiants et jeunes professionnels étrangers . Ces bourses sont gérées par deux opérateurs : le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et EGIDE. Toutes sont attribuées sur des critères rigoureux, avec des taux de sélection élevés qui avoisine 25 %. Une simplification du dispositif est en cours pour accompagner l'installation du nouvel opérateur Campus France, établissement public industriel et commercial (EPIC) qui regroupera les activités de l'actuel groupement d'intérêt public (GIP) CampusFrance, de l'association EGIDE et des activités internationales du CNOUS.

En 2010 et 2011, le ministère des Affaires étrangères a maintenu le nombre de bourses attribuées, en reconduisant les crédits alloués à leur financement. Le nombre total de mensualités versées est cependant en baisse régulière et s'établit, en 2010, à 78 348. En revanche, la hausse, depuis 3 ans, de la durée moyenne d'une bourse -5,1 mois contre 4,8 mois en 2007- traduit l'effort entrepris pour maintenir ou augmenter le nombre de bourses d'études par rapport aux bourses de stage.

La répartition géographique des boursiers BGF fait apparaître un rééquilibrage progressif au profit de l'Asie et de l'Amérique latine , conformément aux objectifs inscrits, dès juin 2003, dans le cadre de la politique d'attractivité de la France. La part relativement modeste des effectifs de boursiers en Europe s'explique, quant à elle, par la montée en puissance du programme communautaire Erasmus.

Évolution de la répartition géographique des bourses

Régions/Effectifs

2010

2008

Effectif

%

%

Union Européenne (26 pays hors France)

1 345

8,7 %

19,4 %

Autres pays d'Europe

1 646

10,7 %

Maghreb

3 271

21,3 %

41,6 %

Afrique subsaharienne

2 925

19,0 %

Proche et Moyen-Orient (dont Égypte)

1 761

11,4 %

12,2 %

Asie du Sud et du sud-est

1 319

8,6 %

17,1 %

Extrême orient et Pacifique

1 458

9,5 %

Amérique du nord

122

0,8 %

9,7 %

Amérique centrale et sud

1 533

10,0 %

Total

15 380

100

100

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes.

Le dispositif des bourses du Gouvernement français est complété dans plusieurs pays par des dispositifs de bourses non BGF, qu'il s'agisse de bourses de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), de collectivités territoriales ou d'institutions privées ; certains gouvernements étrangers disposent même de leur propre programme de bourses (Kazakhstan, Syrie, Gabon...).

Le programme de bourses « Excellence-Major » est destiné à aider les meilleurs élèves étrangers des lycées à programmes français de l'étranger à poursuivre des études de haut niveau dans l'enseignement supérieur français. Il se compose de deux volets : le premier « Excellence », financé sur crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), offre aux lycéens étrangers deux ans de bourse pour entrer en classes préparatoires ou dans un premier cycle d'études universitaires en France. Le second volet « Major » finance, sur crédits du ministère des Affaires étrangères et européennes, trois années supplémentaires de bourse pour permettre à ces étudiants de poursuivre leur cursus dans les grandes écoles ou les cycles universitaires jusqu'à l'obtention du master (bac + 5). L'AEFE assure, depuis le 1 er septembre 2007, la gestion unique des deux programmes. Elle consacre au premier volet du dispositif 2,52 millions d'euros et reçoit une subvention (3,55 millions d'euros en 2010 puis en 2011) du ministère des Affaires étrangères et européennes pour la mise en oeuvre du second. En 2010, sur les 15 380 boursiers du Gouvernement français, 1 012 (452 post-bac et 560 Major) ont bénéficié d'une bourse « Excellence-Major », selon la répartition géographique suivante : Maghreb : 31,2 %, Amérique : 22,6 %, Europe : 15,6 %, Afrique Sub-saharienne : 15,5 %, Proche et Moyen-Orient : 10,5 %, Asie : 4,4 %.

Les crédits consacrés aux bourses de l'action 4 « attractivité et recherche » sont maintenus sur l'ensemble de la période 2011-2013 et bénéficient, en 2012, d'un abondement exceptionnel de 3,3 millions d'euros.

3. La mise en place retardée de CampusFrance

Contrairement à l'Institut français et à France Expertise Internationale (FEI) -les deux autres EPIC créés par la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat-, Campus France n'est toujours pas opérationnel, en raison, semble-t-il, d'un défaut de pilotage ministériel de la réforme. D'après les indications transmises aux rapporteurs, sa mise en place devrait être effective au 1 er septembre 2012

Actuellement géré par l'association EGIDE et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS), le dispositif des bourses doit désormais être administré par l'agence CampusFrance, créée sous forme d'EPIC par la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État. Le nouvel EPIC disposera pour 2012 d'une dotation de 54,6 millions d'euros au titre du programme 185.

L'objectif de cette réorganisation vise à mettre en place une véritable chaîne de l'accueil des étudiants étrangers, allant de la promotion de l'enseignement supérieur français à la gestion, par un guichet unique, de la mobilité et de l'accueil des étudiants étrangers. L'EPIC CampusFrance doit également assurer le suivi régulier des ressortissants étrangers ayant accompli toutes ou partie de leurs études en France. La double tutelle sur l'EPIC CampusFrance du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l'Enseignement supérieur a été inscrite dans la loi du 27 juillet 2010 précitée.

Les modalités de l'intégration au sein de CampusFrance des activités internationales du CNOUS sont rapidement apparues comme le point d'achoppement de la mise en place du nouvel EPIC et à la définition de son équilibre économique général. Sur la base du rapport élaboré en juin 2011 par les Inspections générales des Affaires étrangères et de l'Education nationale, le MAEE estime que 67 emplois sont nécessaires pour garantir l'équilibre économique de l'EPIC. La création de l'EPIC bute jusqu'à présent sur ce transfert de ressources humaines : le CNOUS ne dispose en effet que de 73 personnes dans sa direction internationale et de 70 personnes dans les CROUS, qui ne sont pas exclusivement affectées à la gestion des bourses des étudiants étrangers. Il est souhaitable, conformément à un principe auquel les représentants des collectivités territoriales sont particulièrement attachés, d'accompagner ce transfert de compétence d'un transfert de moyens adapté.

Lorsque la répartition de la charge financière entre les deux ministères aura été arrêtée, l'EPIC devrait être mis en place en deux temps, avec une première phase de regroupement des missions d'Egide et du GIP CampusFrance, puis une intégration effective des activités internationales du CNOUS dans l'EPIC au 1 er septembre 2012 correspondant au début de l'année universitaire. Le décret relatif à l'organisation administrative, financière et comptable de l'établissement public devrait être promulgué avant la fin de l'année 2011.

4. Mettre un terme au conflit d'objectif entre la politique l'accueil des étudiants étrangers boursiers et la restriction des conditions de délivrance des titres de séjour

La réussite de la politique d'attractivité des étudiants étrangers boursiers repose sur la mise en oeuvre de la simplification du régime des bourses et de la garantie du maintien de l'accès au logement , géré par les CROUS, dont les étudiants étrangers bénéficiaient jusqu'alors (environ 30 % d'entre eux). L'article 36 du décret du 6 septembre 2011, pris pour l'application de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, l'intégration et la nationalité et relatif aux titres de séjour, a, en effet, modifié les conditions de délivrance de la carte de séjour « étudiant ». L'article R.313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit désormais que l'étranger doit justifier qu'il dispose de moyens d'existence correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base, versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français. Il convient, dès lors, que la situation matérielle et, en particulier, le logement en CROUS de ces étudiants soient pris en compte pour contrecarrer le risque de refus de titre de séjour à ces étudiants.

Par ailleurs, une circulaire du 31 mai 2011 relative à la maîtrise de l'immigration professionnelle dite « Guéant-Bertrand » complique la procédure de changement de statut -pour les étudiants demandant un titre de séjour professionnel- en appelant les préfectures à les soumettre à un « contrôle approfondi ». Ce texte invite également à appliquer rigoureusement l'exception prévue pour les étudiants qui sollicitent une autorisation provisoire de séjour dans le cadre d'une recherche d'emploi.

Circulaire du 31 mai 2011 relative à la maîtrise de l'immigration professionnelle
(extrait)

Résumé. - Le Gouvernement s'est fixé pour objectif d'adapter l'immigration légale aux besoins comme aux capacités d'accueil de d'intégration de la société française. Compte tenu de l'impact sur l'emploi de l'une des crises économiques les plus sévère de l'histoire, cet objectif implique une diminution du flux, conformément à l'objectif national annoncé récemment, en adoptant une approche qualitative et sélective. En effet, la priorité doit être donnée à l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi aujourd'hui présents, qu'ils soient de nationalité française ou étrangère, résidant régulièrement en France. Il vous appartient donc de veiller à ce que les demandes d'autorisation de travail soient instruites avec rigueur. Cette rigueur doit être d'autant plus marquée que l'emploi visé ne nécessite pas de qualifications particulièrement élevées. La procédure de changement de statut (étudiants demandant un titre de séjour professionnel) devra faire l'objet d'un contrôle approfondi. L'exception prévue pour les étudiants qui sollicitent une autorisation provisoire de séjour dans le cadre d'une recherche d'emploi doit rester rigoureusement limitée. Le fait d'avoir séjourné régulièrement en France en tant qu'étudiant, salarié en mission ou titulaire d'une carte « compétences et talents » ne donne droit à aucune facilité particulière dans l'examen de la procédure de délivrance d'une autorisation de travail. Ces règles visent aussi à permettre de renforcer la lutte contre les employeurs qui méconnaissent les règles protectrices du droit du travail. Vous vous assurerez personnellement de la bonne application des présentes instructions, en organisant à votre niveau une réunion de cadrage spécifique.

Il est essentiel de veiller à ce que les objectifs spécifiques de la politique de délivrance de titres de séjour n'entravent pas le parcours des étudiants étrangers accueillis en France. Comme l'a précisé le ministre des affaires étrangères et européennes au cours des débats à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2012 : « Ce serait une erreur considérable. J'ai l'habitude de dire qu'un étranger qui étudie un an ou deux chez nous est, à de rarissimes exceptions près, un ami de la France pour toujours. C'est donc pour nous un facteur d'influence tout à fait important. Ce n'est pas au moment où nous essayons de conférer à nos universités un rayonnement international qu'il serait judicieux de renoncer à l'accueil d'étudiants étrangers. Il nous faut au contraire - c'est un point de vue partagé par le ministère de l'enseignement supérieur - favoriser la venue d'étudiants de haut niveau, en master ou en doctorat, présentant des cursus utiles à leurs pays d'origine : cette stratégie est gagnante à la fois pour l'État d'envoi et pour notre pays. Sur l'accès des étudiants au marché du travail, je partage votre point de vue sur la nécessité d'une approche plus simple. Il faut permettre aux diplômés de haut niveau de travailler en France. »

Ces indications militent en faveur d'un assouplissement qui, conformément au principe de parallélisme des formes, devrait se traduire par l'abrogation des dispositions de la circulaire du 31 mai 2011. Il est, en effet, difficilement acceptable qu'une priorité budgétaire de rang législatif puisse être contrecarrée par les dispositions d'une circulaire.

M. Jean Besson rappelle, à ce sujet, qu'il est co-signataire de la proposition de résolution n° 95 (2011-2012) de Mme Bariza Khiari relative au séjour des étudiants étrangers diplômés. Cette initiative parlementaire invite le Gouvernement à respecter la lettre et l'esprit de l'article 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui vise à permettre aux étudiants étrangers ayant achevé avec succès un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master, de compléter leur formation par une première expérience professionnelle participant directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité . Le même article 311-11 prévoit ensuite de faciliter la délivrance d'un titre de séjour aux étrangers satisfaisant aux conditions énoncées ci-dessus et pourvus d'un emploi ou titulaire d'une promesse d'embauche répondant à certaines conditions.

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