2. L'inadéquation des procédures explique largement la faiblesse des résultats
a) Un arsenal juridique et opérationnel complexe...

Préoccupation ancienne, liée à la révolution industrielle, la lutte contre l'insalubrité est inhérente au développement de l'hygiénisme. La première loi traitant de cette question date d'ailleurs du 13 avril 1850 et entend limiter l'un des acquis essentiels de la Révolution française : le droit de propriété. L'article 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 précise que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Ce droit de propriété est aujourd'hui constitutionnellement protégé.

La loi relative à la protection de la santé publique du 19 février 1902 crée la police municipale de salubrité, ainsi que l'autorisation de construire délivrée par le maire sur la base d'un règlement sanitaire municipal. En 1935, face aux résultats décevants, la lutte contre l'habitat insalubre est transférée à l'Etat, principalement au préfet. De nombreux autres textes, par exemple pour lutter contre les bidonvilles de la France d'après-guerre, ont complété au fil des années ces principes.

L'expression « bidonvilles » est d'ailleurs toujours inscrite dans le code de la construction et de l'habitation 8 ( * ) , qui précise que « l'Etat ou ses opérateurs nationaux supportent seuls la charge financière de l'acquisition » des terrains sur lesquels sont utilisés aux fins d'habitation des locaux ou installations impropres à cet objet.

La législation relative à la lutte contre l'habitat insalubre et indigne est extrêmement prolifique, répartie entre diverses lois et plusieurs codes, principalement ceux de la santé publique et de la construction et de l'habitation.

Ainsi, l'article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement précise : « constituent un habitat indigne les locaux ou installations utilisés aux fins d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ».

Au sein du code de la santé publique, plusieurs articles concernent la salubrité des immeubles et attribuent au préfet une compétence spéciale de police, qui peut s'appuyer sur diverses procédures :

- l'article L. 1331-22 : « les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux » ;

- l'article L. 1331-23 : « des locaux ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux, dans des conditions qui conduisent manifestement à leur suroccupation » ;

- l'article L. 1331-24 permet au préfet d'enjoindre à une personne de rendre l'utilisation de locaux conforme à certaines prescriptions, lorsque leur utilisation présente un danger pour la santé ou la sécurité des occupants ;

- l'article L. 1331-25 autorise le préfet à définir un périmètre dans lequel il déclare l'insalubrité des locaux utilisés aux fins d'habitation, mais impropres à cet objet pour des raisons d'hygiène, de salubrité ou de sécurité. L'arrêté du préfet vaut interdiction définitive d'habiter. Cet article ne traite cependant pas de l'insalubrité « diffuse » dans un quartier où coexistent des locaux salubres et insalubres ;

- l'article L. 1331-26 permet au préfet de prendre un arrêté d'insalubrité lorsqu'un immeuble constitue un danger pour la santé des occupants ou des voisins. Le maire doit alors fournir un plan parcellaire de l'immeuble avec l'indication des noms des propriétaires tels qu'ils figurent au fichier immobilier de la conservation des hypothèques ;

- l'article L. 1331-26-1 autorise le préfet à mettre en demeure le propriétaire ou l'exploitant de prendre les mesures propres à faire cesser un danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité de l'immeuble.

Ces articles distinguent l'insalubrité irrémédiable de celle qui peut être corrigée, lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction.

Par ailleurs, la loi dite Vivien 9 ( * ) crée des dispositions dérogatoires facilitant l'expropriation de certains terrains en vue de résorber l'habitat insalubre.

Au total, les textes nationaux sont complexes et épars ; les acteurs sont multiples : préfet, maire, président de groupement de communes, président du conseil général pour certains aspects sanitaires, agence régionale de santé, aménageurs publics ou privés, sans oublier la population, trop souvent mise devant le fait accompli lors d'opérations de RHI.


* 8 Article L. 522-1.

* 9 Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre.

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