B. LA LEVÉE PARTIELLE DE L'ANONYMAT DES DONNEURS DE GAMÈTES

1. Le dispositif proposé

Conçu sur le modèle du don d'organe ou de tissus, le don de gamètes est, depuis son origine, régi par le principe de l'anonymat, qui évite tout risque de rétribution ou de pression et conforte la filiation légale en interdisant toute concurrence de la filiation biologique.

Depuis plusieurs années cependant, des enfants nés d'une procréation avec tiers donneur de gamètes se sont adressés aux CECOS pour connaître l'identité du donneur.

Plusieurs institutions, dont le Conseil d'État, se sont prononcées pour une levée partielle de l'anonymat, à la majorité de l'enfant, à la condition que lui-même et le donneur y consentent. Le projet de loi du gouvernement prévoyait des dispositions en ce sens aux articles 14 à 18.

Les députés cependant, ont supprimé ce dispositif, considérant que cette levée partielle de l'anonymat entraînait une remise en cause de la primauté symbolique du caractère affectif et social de la filiation, qu'elle fragilisait la position des parents ou du donneur, et qu'elle risquait de se retourner contre les enfants si les parents décidaient désormais de garder secret le recours au tiers donneur.

2. La position de votre commission

Votre commission partage l'analyse défendue par les députés. Les demandes sont peu nombreuses (25 par an en moyenne) et ne justifient pas de prendre le risque d'une baisse des dons consécutive à la levée de l'anonymat. Surtout, autoriser, par cette levée de l'anonymat, le donneur à prendre une place dans l'histoire personnelle et familiale de l'enfant, fût-ce avec son consentement, installe au coeur de la filiation, un primat biologique, qui menace à la fois le lien familial que la loi tente de créer et la perception que chacun peut avoir de ce lien.

C. LE TRANSFERT POST MORTEM D'EMBRYON

1. Le dispositif proposé

La question du transfert post mortem d'embryon, que le législateur a déjà eu l'occasion d'examiner en 1994 et en 2004, et qu'il a, à chaque fois, refusé d'autoriser, renvoie à une situation dramatique : le décès de l'un des membres du couple s'étant engagé dans une assistance médicale à la procréation, alors que les embryons sont constitués mais qu'ils n'ont pas encore été transférés dans le corps de la femme. Faut-il autoriser ce transfert, alors que le conjoint ou le compagnon n'est plus et que l'enfant naîtra orphelin ?

Le projet de loi initial ne prévoyait pas de disposition en ce sens. Les députés ont adopté, contre l'avis du gouvernement, un dispositif complexe qui autorise un tel transfert post mortem , à condition que l'homme ait expressément donné son consentement en amont, et que le transfert intervienne entre six et dix-huit mois après le décès, pour éviter que la femme prenne sa décision sous l'émotion du deuil. La préservation des droits de l'enfant éventuel sur la succession serait assurée par le gel de la succession pendant dix-huit mois avec une administration légale de celle-ci.

L'une des principales raisons données pour justifier la levée de l'interdiction tient au choix impossible et douloureux que l'on impose à la femme de faire sur le sort des embryons : accepter qu'ils soient détruits, ou bien donnés à la recherche scientifique ou à un autre couple.

2. La position de votre commission

Aussi légitime et respectable que soit la détresse des femmes confrontées à une situation aussi dramatique, votre commission a considéré que cette détresse ne pouvait, à elle seule, guider le législateur lorsqu'elle aurait pour conséquence une remise en cause majeure de principes et de garanties essentiels.

Votre commission a jugé nécessaire que l'intérêt de l'enfant prime : l'assistance médicale à la procréation (AMP) ne peut être conçue que dans son intérêt, et celui-ci est de naître dans une famille constituée de deux parents qui pourront l'élever. L'intérêt d'un enfant ne peut être de naître orphelin. Le projet parental qui fonde le recours à l'AMP est celui d'un couple parental : il disparaît avec ce couple, lorsque celui-ci se sépare ou lorsqu'un des deux décède.

En outre, elle s'est inquiétée de la complexité et de l'incertitude du régime dérogatoire mis en place, notamment en matière de succession et d'établissement de la filiation.

Enfin, votre commission a considéré qu'autoriser le transfert post mortem d'embryons conduisait à ouvrir la voie de procréations envisagées dans un contexte de mort prévisible ou imminente, et celle de l'insémination posthume.

Pour toutes ces raisons, et constatant que le transfert post mortem d'embryon ne concernait qu'un nombre extrêmement faible de cas, à peine un par an, votre commission a adopté un amendement supprimant le dispositif proposé par l'Assemblée nationale.

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