B. LE MAINTIEN DE L'EFFORT EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE
1. Les particularités de la délinquance et de la criminalité dans les départements d'outre-mer
Le taux de délinquance dans les départements d'outre-mer dépasse en moyenne en 2009 celui de la métropole. L'indice de criminalité, ratio du nombre d'infractions constatées sur la population, s'établit ainsi à 59,4 %o contre 57,5 %o en métropole. Cette moyenne recouvre toutefois des différences considérables selon les départements.
Cette évolution résulte pour l'essentiel du fort accroissement des faits constatés en Guyane, avec plus 22 %, en raison notamment de l'importance des infractions à la législation sur les étrangers, et, dans une moindre mesure, en Guadeloupe, la situation étant stable dans les deux autres départements. La baisse perçue en Guyane en 2008 ne s'est pas confirmée, tandis que la hausse tendancielle en Guadeloupe se poursuit. La situation est très préoccupante en Guyane. En revanche, la baisse tendancielle se poursuit à la Réunion, tandis que la situation demeure relativement stable en Martinique. Votre rapporteur s'étonne toutefois de la variabilité des statistiques en Guyane depuis 2007.
Sur moyenne période, depuis 2005, la délinquance a augmenté dans les départements d'outre-mer de 2,6 %, alors qu'en métropole elle a diminué de 6,7 %. Votre rapporteur déplore que les efforts durables ayant permis la réduction de la délinquance en France métropolitaine n'aient pas obtenu les mêmes résultats dans l'ensemble domien.
Dans la totalité des départements d'outre-mer depuis 2005, les atteintes à l'intégrité physique poursuivent leur progression tendancielle : seulement 2,68 % en Guyane, ce qui semble en décalage avec l'impression ressentie sur le terrain, mais 11,12 % en Guadeloupe, 16,82 % à la Réunion et 22,7 % en Martinique, où la situation globale est pourtant stable. Les formes de délinquance et de criminalité évoluent donc différemment.
Taux de criminalité dans les départements d'outre-mer en 2009
Guadeloupe |
Guyane |
Martinique |
Réunion |
Moyenne |
67,3 %o |
126,5 %o |
55,5 %o |
39,5 %o |
59,4 %o |
Source : calcul à partir de chiffres communiqués par le ministère chargé de l'outre-mer.
Évolution du nombre de faits de délinquance constatés dans les départements d'outre-mer depuis 2005
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
Évolution
|
Évolution
|
|
Guadeloupe |
24 765 |
24 872 |
25 939 |
26 032 |
26 970 |
+ 3,6 % |
+ 8,9 % |
Martinique |
22 252 |
21 585 |
21 244 |
22 114 |
22 069 |
- 0,2 % |
- 0,8 % |
Guyane |
23 458 |
24 333 |
24 839 |
22 084 |
26 953 |
+ 22,0 % |
+ 14,9 % |
Réunion |
34 177 |
31 518 |
30 914 |
31 404 |
31 336 |
- 0,2 % |
- 8,3 % |
Total DOM |
104 652 |
102 308 |
102 936 |
101 634 |
107 328 |
+ 5,6 % |
+ 2,6 % |
Total métropole |
3 775 838 |
3 725 588 |
3 589 293 |
3 558 329 |
3 521 256 |
- 1,0 % |
- 6,7 % |
Source : ministère chargé de l'outre-mer et ministère de l'intérieur.
Afin de mieux faire face aux spécificités de la délinquance dans les départements d'outre-mer, l'État a entrepris un effort de renforcement sur la longue durée des effectifs de police et de gendarmerie, particulièrement net en Guyane. Les effectifs semblent ajustés à la réalité de la situation. Force est de déplorer cependant que cet effort n'a pas permis d'enrayer la dégradation de la situation, en particulier en Guyane.
Progression des effectifs entre 2000 et 2010
Police nationale |
Gendarmerie nationale |
|
Guadeloupe |
+ 31,90 % |
+ 12,15 % |
Guyane |
+ 63,88 % |
+ 29,05 % |
Martinique |
+ 36,68 % |
+ 9,83 % |
Réunion |
+ 36,18 % |
+7,71 % |
Source : ministère chargé de l'outre-mer.
Nombre de policiers ou de gendarmes pour 1 000 habitants en 2010
Guadeloupe |
Guyane |
Martinique |
Réunion |
3,98 |
5,39 |
3,59 |
2,27 |
Source : ministère chargé de l'outre-mer.
Le département de la Guyane est particulièrement vulnérable, du fait de l'immigration illégale et de l'orpaillage clandestin. Pour lutter contre ce fléau de l'orpaillage clandestin, générateur de criminalité associée, l'opération « Harpie » a été reconduite en 2009 et 2010, par périodes de six mois, associant la gendarmerie et les forces armées : 285 opérations en 2009 et 232 en 2010. Des moyens matériels supplémentaires ont été apportés par l'État. Cependant, pour la première fois en 2010, un militaire est décédé en opération.
Votre rapporteur signale que le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale, signé le 23 décembre 2008, a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 6 octobre 2010. Il est souhaitable que cette coopération bilatérale puisse permettre d'améliorer la lutte contre l'orpaillage clandestin.
Concernant la lutte contre le trafic de stupéfiants, à la suite de la mise en place en 2004 en Martinique d'une antenne caraïbe de l'office central pour la répression du trafic de stupéfiants (OCRTIS), compétente pour les trois départements français d'Amérique, un détachement de cette antenne a été créé à Saint-Martin en août 2009, de façon à adapter le dispositif opérationnel dans ce secteur géographique qui constitue un carrefour des routes du trafic de drogue, et singulièrement de cocaïne, vers l'Europe.
Enfin, les départements d'outre-mer sont également concernés par le déploiement des groupes d'intervention régionaux (GIR). Ainsi, les quatre départements sont aujourd'hui dotés d'un tel groupe, le dernier ayant été mis en place en Martinique au début de l'année 2009. Votre rapporteur observe que le GIR de Guyane n'a pas conduit d'opération en 2009 contre l'orpaillage clandestin. Le bilan des GIR d'outre-mer, qui comptent également Mayotte et la Polynésie française, s'élève à environ un million d'euros de saisie d'avoirs criminels au 30 juin 2010, contre 2,9 millions à la même date en 2009.
2. Le maintien de la priorité de la lutte contre l'immigration clandestine
La situation des départements d'outre-mer demeure hétérogène en matière de pression migratoire et d'immigration clandestine. Alors que la Martinique et la Réunion ne sont guère concernées, la Guadeloupe et surtout la Guyane connaissent des entrées irrégulières massives, entraînant des risques de déstabilisation de la société locale, en premier lieu en Guyane.
Selon le Gouvernement, le nombre d'immigrés clandestins peut être estimé à 40 000 personnes en Guyane, soit 25 % de la population, et à 10 000 personnes en Guadeloupe, soit 2,5 % de la population. La pression migratoire en Guyane provient d'abord du Brésil (52,7 % des reconduites à la frontière du 1 er janvier au 31 août 2010) puis du Surinam (43 %), tandis qu'en Guadeloupe elle provient surtout d'Haïti (plus de 62 % des reconduites en 2009). En Guyane, les infractions à la législation sur les étrangers représentent quasiment la moitié des crimes et délits constatés en 2009, leur nombre a augmenté de 50 % depuis 2005.
Votre rapporteur estime que la coopération transfrontalière avec les États voisins est un moyen de lutter plus efficacement contre l'immigration illégale. Cette coopération n'est malheureusement pas assez développée, y compris avec le Brésil. Des prémices très récentes de coopération avec plusieurs États méritent d'être suivies, sous forme notamment de commissions mixtes (avec le Surinam depuis 2009 et le Guyana depuis 2010 notamment).
Concernant la Guyane, votre rapporteur déplore que le projet d'extension du centre de rétention administrative de Cayenne soit encore à l'étude, mais salue le projet de création d'un local de rétention administrative à Saint-Laurent-du-Maroni, face au Surinam.
Les opérations de lutte contre l'orpaillage clandestin sont également l'occasion de relever les infractions à la législation sur le séjour des étrangers.
Avec la départementalisation de Mayotte en 2011, le défi de la lutte contre l'immigration clandestine se posera dans l'ensemble domien de façon plus aiguë. Toutefois, il est prévu le maintien des règles spécifiques à Mayotte en matière d'entrée et de séjour des étrangers. A cet égard, votre rapporteur salue la récente mise en place d'un observatoire des mineurs isolés, qui doit permettre de mieux coordonner et de mutualiser les actions des pouvoirs publics nationaux et locaux, ainsi que des autorités judiciaires et de la société civile, à l'égard des mineurs étrangers.