EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 24 novembre 2010, sous la présidence de M. Jacques Legendre, président, la commission examine le rapport pour avis de MM. Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » dans le projet de loi de finances pour 2011 .
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis . - Après une baisse de 7 % l'an dernier, les crédits de paiement affectés au sport diminuent encore de 15 %, pour s'établir à 208,5 millions. Les sports obtiennent un ministre de plein exercice, mais un budget en baisse : pour la première fois, le budget du programme « Sport » est inférieur à celui du programme « Jeunesse et vie associative », ainsi qu'au budget du Centre national de développement du sport (CNDS) ! La politique sportive est de moins en moins gérée par l'État, et de plus en plus par ses opérateurs...
Aux 10,7 millions inscrits dans l'action n° 1 pour le sport amateur s'ajoutent 16 millions issus du fonds de roulement du CNDS qui financent les politiques fédérales de développement de la pratique sportive en direction des publics cibles. Le dynamisme des taxes affectées au CNDS permet de financer le sport amateur au-delà de ce qui était prévu.
La dotation aux actions nationales des fédérations, de 21,6 millions, vise à renforcer le lien social, notamment en faveur des publics prioritaires, personnes handicapées ou défavorisées. Ambitions pertinentes, sachant que le taux de licences au plan national est 1,43 fois plus élevé que chez les femmes et 2,34 fois plus élevé qu'en zone urbaine sensible.
La promotion du handisport doit également être une priorité : c'est un moyen d'intégration extraordinaire pour les personnes handicapées, et les exploits de ces champions au moral d'acier nous font vibrer.
Quant au musée national du sport, qui perçoit 1,6 million, notre commission pourrait le visiter avant son déménagement à Nice en 2014...
M. Jacques Legendre, président . - Nous irons !
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis . - Les ressources affectées au CNDS s'élèvent à 247,4 millions d'euros pour 2011, contre 238,6 millions en 2010. Le CNDS finance la politique du sport pour tous à l'échelon territorial, en fonction des orientations fixées par le ministère, notamment en direction de publics prioritaires. L'efficacité de ces politiques n'est toutefois pas mesurée. Je demanderai à la ministre de nous transmettre les contrats de performance entre les opérateurs et l'État et les indicateurs qui y sont attachés.
Le budget du sport de haut niveau baisse de presque 20 %, du fait de la suppression du droit à l'image collective (DIC). Un « DIC sinon rien » nous dit l'État - ce que j'avais prophétisé l'année dernière ! Tout cela en pleine crise du football : les clubs ont perdu 180 millions la saison dernière, dont 40 millions à cause de la suppression du DIC. Cette filière pèse pourtant 4,3 milliards et représente environ 25 000 emplois non délocalisables.
Les crédits vont principalement aux fédérations sportives, pour 64 millions, dans le cadre de conventions d'objectifs. Il en va de l'image de la France et la vitalité du sport amateur, car les exploits de nos champions alimentent la passion des jeunes pousses !
Les crédits de l'INSEP, devenu Institut national du sport, de l'expertise et de la performance, sont stables. Le décret du 25 novembre 2009 en fait un grand établissement. Ses missions ont été précisées de sorte à concilier performance sportive et réussite scolaire, et l'établissement peut désormais délivrer des diplômes nationaux. L'INSEP devient ainsi le pendant du CNDS pour le sport de haut niveau. Ses nouvelles compétences en font un acteur majeur du sport professionnel, surtout dans les disciplines où il n'existe pas d'acteurs privés. Pour l'avoir visité, j'ai été convaincu de la pertinence du modèle proposé, mais je souhaiterais là aussi disposer du contrat de performance.
Discrètement, on change le mode de gouvernance du sport. Notre commission devra se pencher sur cette question, qui dépasse les seuls États généraux du football.
La lutte contre le dopage nous tient à coeur. L'Agence française de lutte contre le dopage doit disposer d'une ressource propre. En attendant de trouver la taxe adaptée, le Gouvernement a prévu une dotation de 7,8 millions, soit un maintien des crédits. C'est pour l'instant satisfaisant - en attendant 2012, année olympique.
Enfin, 700 000 euros sont consacrés à la prévention et à la lutte contre les incivilités dans le sport. Les actions prévues reprennent les propositions de mon rapport sur les associations de supporters, ainsi que du récent livre vert du supportérisme. Au-delà de la répression, il faut engager le dialogue avec les supporters, créer des instances locales de dialogue qui s'appuient sur des chartes élaborées par les clubs. Ces dispositions vont dans le bon sens, tout comme la nomination d'un directeur de projet chargé de la prévention et de la lutte contre la violence dans le sport.
Sur cette note positive et en dépit des baisses de crédits, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs au sport.
Article 57 decies
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis . - Mon amendement n° 1 supprime l'article 57 decies , introduit par l'Assemblée nationale, qui revient sur la position du Sénat : les sommes versées par le club à un agent sportif ne peuvent être considérées comme un avantage en nature accordé au joueur.
L'amendement est adopté .
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement au projet de loi de modernisation des professions judiciaires réglementées afin de permettre aux avocats de devenir agents sportifs sans passer la licence spécifique. Je vous inviterai le moment venu à supprimer cette disposition, qui revient sur la proposition de loi adoptée par le Sénat.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis . - Le programme « Jeunesse et vie associative » regroupe 212,4 millions en crédits de paiement, soit 50,5 % des crédits de la mission. C'est une progression de 10 %, qui fait suite à la hausse de 60 % enregistrée l'année dernière. Le programme pluriannuel 2009-2012 prévoyait pourtant une forte diminution de ces crédits. Je l'avais déplorée à l'époque, estimant que les collectivités territoriales n'auraient pas les moyens de compenser cette baisse. Il y a eu une prise de conscience du Gouvernement, que j'ai reconnue, tout en espérant que le financement du service civique ne se ferait pas au détriment des autres actions en faveur de la jeunesse.
Ce risque est loin d'être écarté en 2011. Hors service civique, le programme 163 s'établit en 2011 à 115 millions, en baisse de plus de 20 %. Pour habiller le service civique, on a donc dévêtu beaucoup de monde. Les principales victimes de ces baisses sont les actions menées localement par les services déconcentrés. Le Gouvernement se replie sur son administration centrale et sur ses interlocuteurs associatifs nationaux, au détriment des services déconcentrés et des associations locales.
L'action « développement de la vie associative » est dotée de 13,4 millions, en hausse de 9,5 %. Cette augmentation bénéficie aux subventions versées dans le cadre du Conseil du développement de la vie associative, qui financent des journées de formation pour les bénévoles, mais ne prend pas en compte les 3 millions supplémentaires déjà débloqués début 2010 : il s'agit donc en fait d'une stabilisation.
Les crédits de fonctionnement des délégués départementaux à la vie associative baissent de 680 000 à 500 000 euros ; les subventions aux fédérations nationales et régionales sur les projets relatifs à la vie associative, de 1 million à 900 000 euros. Les subventions Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) aux centres de ressources et d'information des bénévoles stagnent à 1,2 million.
Elles concernent, encore une fois, des crédits locaux. Sans compter que le ralentissement de la baisse des crédits alloués au FONJEP au sein de la mission est illusoire, puisque leur financement par la politique de la ville est presque divisé par deux entre 2010 et 2011 : il passe de 9,4 à 5,6 millions.
J'en viens aux politiques de la jeunesse et de l'éducation populaire. Le financement alloué au service civique s'établit à 97,4 millions d'euros, dont 64,4 millions pour l'indemnisation des engagés de service civique, 22,1 millions consacrés à la compensation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) des cotisations sociales et 7,9 millions d'euros à l'Agence du service civique. Si ce financement est conforme au dispositif imaginé, nous n'atteindrons pas l'objectif des 10 % de jeunes d'une classe d'âge engagés en 2014. Cela ne représente pas moins de 75 000 jeunes !
Les crédits du Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ) diminuent de plus de 40 %. Pour autant, ce dispositif expérimental bénéficiera des reports des crédits des années précédentes si bien que 2011 sera son point culminant. Les parlementaires ont besoin d'une évaluation approfondie de l'action du FEJ et des suites qui pourront y être données. Puisse l'instabilité ministérielle qui caractérise ce secteur ne pas nuire à la continuité de cette politique. En un an, trois ministres dont un haut-commissaire ...
Parlons maintenant des sujets qui fâchent. Le programme « Envie d'agir », supprimé par une circulaire du 12 août dernier, serait finalement maintenu, d'après les informations que M. Daubresse a transmises à la commission, via un abondement en exécution, éventuellement sur les crédits de la sous-action « Soutien aux actions locales ». A l'heure où ces derniers sont fortement réduits, cette information me laisse sceptique. Néanmoins, je salue la remise en service du site Internet du programme après notre audition.
Toutes les actions locales en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire sont regroupées sein d'une même sous-action appelée « politiques partenariales locales » pour faciliter la lecture des crédits, indique le bleu budgétaire. J'y vois surtout une technique pour vider de leur substance financière ces politiques : 12,7 millions de crédits de paiement en 2011, contre 22 millions en 2010. La réduction de ces crédits, essentiels à l'animation locale, fragilisera en particulier les zones rurales : l'État ne mettra pas un euro l'an prochain dans les contrats éducatifs locaux, malgré leur succès dans ces territoires. Selon le comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire (CNAJEP), 2 500 associations locales perdront leur subvention d'État. Face à ce nouveau désengagement massif de l'État, les associations, déjà désemparées devant la révision générale des politiques publiques (RGPP), se tourneront vers les collectivités territoriales, elles-mêmes étranglées par les transferts de compétences. Tirons la sonnette d'alarme ! La réussite d'un service civique, qui s'appuie à 80 % sur les associations, passe par un renforcement du maillage associatif.
Le volet animation du « programme animation sport » est fantomatique : 1 million de crédits seulement lui sont consacrés. Substituer le service civique à ce programme, que Martin Hirsch avait estimé inefficace lors de son audition, n'est pas illogique. Mais encore faut-il l'assumer ! L'an dernier, j'avais demandé un bilan de ce dispositif à l'inspection générale de la jeunesse et des sports que je n'ai jamais reçu.
D'autres actions, qui nous tiennent tous à coeur, enregistrent des diminutions de crédits : moins 26 % pour le soutien à la rénovation des centres de vacances, ce qui mettra en difficulté les collectivités territoriales qui ont investi ; moins 30 % pour les bourses BAFA et BAFD, dispositif pourtant utile aux publics en difficulté.
En fait, seuls les dispositifs d'État - offices franco-québécois et franco-allemand pour la jeunesse, l'Institut national pour la jeunesse et l'éducation populaire et le centre d'information et de documentation jeunesse - bénéficient d'un maintien de leurs crédits.
Avant de conclure, je vous indique que je présenterai les conclusions de la mission d'information qui m'a été confiée sur l'avenir des centres d'éducation populaire et de sport (CREPS) lors d'une prochaine réunion.
Le sacrifice des crédits locaux sur l'autel du service civique ou celui de la contrainte budgétaire m'incite à proposer un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission.
Mme Françoise Laborde . - Je me réjouis de ces rapports à deux voix, de l'enthousiasme et de l'humour des deux rapporteurs. La délégation aux droits des femmes, qui mène actuellement un travail sur sport et femmes, les auditionnera.
Pour les associations, le vrai problème est que les préfets, dans les départements, mettent un terme aux emplois aidés. Cela n'aidera pas le bébé du RDSE qu'est le service civique à grandir ! Les associations, qui doivent accueillir 80 % des engagés, disparaîtront, faute de moyens. En outre, je regrette la baisse des crédits destinés aux centres de vacances : en période de crise, c'est souvent le seul moyen de faire partir les enfants ! Je ne voterai pas ce budget en séance.
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La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».