2. De trop nombreux engagements.
L'engagement de Gleneagles (2005) visant à consacrer 0,7 % de la richesse nationale sous forme d'APD n'est pas le seul engagement que le France risque de ne pas tenir.
Le bilan de ces engagements est très inégal. Il donne parfois le sentiment que la France s'est engagé pour des milliards qu'elle n'a pas.
Alors que les moyens de notre coopération diminuaient, nos promesses se sont faites plus nombreuses.
L'habitude a été prise depuis longtemps d'annoncer dans les grands sommets internationaux des engagements que la France souhaiterait tenir, sans toujours prendre en compte sa capacité à les atteindre.
Cette habitude va finir par nuire à la crédibilité de notre parole.
Quand vos rapporteurs effectuent des missions en Afrique, leurs interlocuteurs africains, qui doivent faire face à des défis colossaux, leur rappellent les engagements de la France et s'étonnent de voir que nos promesses de sont pas tenues.
La France s'est engagée en faveur des Pays les moins avancés (PMA) à leur consacrer 0,15 % du RNB lors de l'adoption du Programme d'action 2001-2010 des Nations unies sur les PMA en 2001.
Le CICID du 18 mai 2005 avait acté l'atteinte de cet objectif d'ici 2012. Or l'aide publique en direction des PMA s'élevait à 0,11 % du RNB en 2008 (année la plus récente pour les données d'aide ventilées par zone géographique).
La France a pris de nombreux autres engagements vis-à-vis de l'Afrique.
Lors de l'adoption du Consensus européen sur le développement en 2005, la France a promis qu'un accroissement de 50 % de l'aide de l'Union européenne d'ici 2010 devrait aller à l'Afrique.
Dans le cadre d'un doublement de l'aide mondiale d'ici 2010, les membres du G8, à l'occasion du sommet de Gleneagles (2005), se sont également engagés à doubler d'ici 2010 leur aide pour l'Afrique, ce qui suppose d'avoir augmenté en 2010 de 25 milliards de dollars l'aide publique au développement à destination de l'Afrique par rapport à 2004.
A ce stade, il est encore prématuré de se prononcer sur l'atteinte ou non de l'objectif de doublement de l'aide vers l'Afrique, ces données d'APD pour 2009 et 2010, ventilées géographiquement, n'étant pas encore disponibles.
Mais en 2008, l'APD totale à l'Afrique s'est élevée à 43 milliards de dollars, soit une hausse de 15 milliards de dollars par rapport à 2004. Les pays du G8 ont participé de manière très significative à cet effort, la « contribution G8 » s'élevant à 30 milliards de dollars en 2008, soit près de 70 % du total.
Cette évolution ne correspond cependant qu'à une hausse de 10 milliards de dollars de l'APD du G8 vers l'Afrique par rapport à 2004, à comparer avec les 25 milliards promis.
Au niveau de l'Union européenne, l'aide à l'Afrique s'élève actuellement à 37 % de l'APD européenne totale. Ce chiffre est en légère baisse depuis 2005, date à laquelle l'aide pour l'Afrique s'élevait à 44 % du total de l'APD européenne.
En valeur absolue, la part de l'Afrique dans l'aide européenne a cependant substantiellement augmenté, passant de 7,2 milliards d'euros en 2005 à 9,7 milliards en 2009, dont 8,4 milliards pour l'Afrique subsaharienne.
Cette différence entre valeurs absolues et part relative de l'aide à l'Afrique s'explique par une progression importante de l'APD consacrée aux autres zones géographiques (Asie et Amérique latine, voisinage de l'Europe) dans le cadre de l'APD européenne.
En termes d'APD nette, la France a consacré en 2005, 5 800 millions d'euros à l'Afrique. Malgré un effort de concentration réaffirmé par le CICID de juin 2009, qui a décidé de concentrer 60 % de l'effort budgétaire français vers l'Afrique subsaharienne, la France éprouve des difficultés à atteindre cet objectif.
Un doublement supposait de passer à 11 600 millions d'euros en 2010. En 2008, l'aide de la France à l'Afrique est retombée à 2 400 millions d'euros.
Lors du discours du Cap en février 2008, le Chef de l'Etat a également indiqué que le total des engagements financiers français bilatéraux pour l'Afrique subsaharienne s'élèvera à 10 milliards d'euros sur les cinq prochaines années.
L'engagement dépasse le seul cadre de l'APD pour inclure les 2,5 milliards annoncés dans le cadre du soutien à l'initiative privée, dont des garanties et participations.
Le montant moyen de 2 milliards d'euros par an est à comparer avec la totalité de notre aide bilatérale programmable pour le monde, qui s'élevait, en 2008, à 2,2 milliards d'euros.
D'autres engagements concernent des secteurs en particulier.
Ainsi, à l'occasion du sommet d'Heiligendamm (2007), puis du sommet de Toyako (2008), les pays du G8 se sont engagés à consacrer 60 milliards de dollars, au cours des 5 prochaines années, à la santé en Afrique.
Le Président Sarkozy a précisé que la France y consacrerait pour sa part 1 milliard de dollars par an.
La France a consacré en 2009 plus de 12 % de son aide publique au développement à la santé dans les pays en développement, ce qui représente 973 millions d'euros, donc un peu plus d'un milliard de dollars dont 72 % sont affectés à un canal multilatéral.
Dans le domaine de l'éducation , à l'occasion du sommet France-Royaume-Uni en mars 2008, ces deux pays ont annoncé le lancement d'un partenariat en faveur de l'éducation en Afrique. Chacun de ces deux pays s'est engagé à scolariser 8 millions d'enfants en Afrique subsaharienne, d'ici 2010.
Dans le secteur de l'agriculture , la France s'est engagée en 2008 à investir 1 milliard d'euros dans l'agriculture africaine dans les cinq prochaines années .
Actuellement l'AFD investit 200 millions d'euros par an dans l'agriculture africaine.
Lors du G8 de L'Aquila, les Etats se sont engagés à hauteur de 20 milliards USD sur 3 ans en faveur de la sécurité alimentaire , toutes géographies confondues.
Les engagements français à Aquila portent sur 1,5 milliard d'euros sur 2009-2011.
En juin dernier, le sommet du G8 de Muskoka a prévu un financement additionnel de 7,3 milliards de dollars sur la période 2010-2015 afin de combler le retard dans l'atteinte des OMD n° 4 et n° 5.
Le Président de la République a indiqué à Muskoka que notre pays s'engagerait sur l'Initiative en matière de santé maternelle et infantile à hauteur de 500 millions d'euros sur la période 2011-2015, soit 100 millions supplémentaires par an.
Dans le domaine des biens publics mondiaux , l'accord de Copenhague, auquel près de 130 pays se sont associés par la suite, a permis d'annoncer la mise en place de « ressources financières additionnelles, prévisibles et adéquates » pour soutenir les actions d'atténuation, y compris grâce à la lutte contre la déforestation et la dégradation des forêts, l'adaptation, le développement et le transfert des technologies et le renforcement de capacités.
Les pays développés s'y sont ainsi d'ores et déjà engagés sur un financement dit « fast-start » de 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012. L'Union européenne s'est engagée à participer à cet effort à hauteur de 2,4 milliards d'euros annuels sur 2010-2012.
La contribution de la France à cet effort est de 420 millions d'euros par an sur la période 2010-2012.
Si notre pays n'est pas avare en promesses, il éprouve quelques difficultés à les tenir.
Ce bilan invite à user de plus de sobriété dans les effets d'annonce.
Votre commission souhaiterait par ailleurs que le document de politique transversale retrace les engagements de la France en matière d'aide au développement et en assure le suivi. C'est pourquoi, elle a prévu dans l'amendement qu'elle a adopté que le DPT retrace chaque année : « un récapitulatif des engagements internationaux de la France en matière d'aide publique au développement et un état des lieux de leur mise en oeuvre. »