C. MALGRÉ CELA LA FRANCE RISQUE DE NE PAS TENIR SES NOMBREUSES PROMESSES.
La France, quelle que soit la majorité au pouvoir, a depuis une décennie multiplié les engagements à l'égard des pays en développement.
L'engagement le plus connu est celui relatif l'atteinte en 2015 d'un taux d'effort d'APD équivalent à 0,7 % du revenu national brut.
Mais la France a pris de nombreux autres engagements en faveur des Pays les moins avancés, en faveur de l'Afrique subsaharienne, en matière de santé, en général, et de santé maternelle et infantile, en particulier, dans le domaine de l'agriculture ou de l'environnement.
Récemment, la France s'est illustrée par trois nouveaux engagements :
- en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique dans le cadre des accords de Copenhague (420 millions d'euros par ans sur la période 2010-2012) ;
- en faveur de la lutte contre la mortalité maternelle et infantile dans le cadre du G8 de Muskoka (500 millions d'euros sur la période 2011-2015 soient 100 millions d'euros supplémentaire par an) ;
- en faveur de la lutte contre le Sida dans le cadre du Sommet des Nations unies en septembre dernier (60 millions d'euros par ans).
Dans une période de restrictions budgétaires, ces promesses ne sont pas faciles à financer. Elles ne sont pas, d'ailleurs, faciles à retrouver dans le budget pour 2011.
Avant d'étudier le financement de ces nouveaux engagements, vos rapporteurs ont souhaité faire le point sur les engagements précédents.
1. La France n'atteindra pas les 0,7 %
Lors de sa dernière réunion, le 5 juin 2009, le Comité interministériel sur la coopération internationale et le développement (CICID) a rappelé l'engagement de la France de consacrer, d'ici 2015, 0,7 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement.
Cet engagement avait déjà été rappelé par le Président de la République, fin 2008, lors de la Conférence sur le financement du développement, à Doha.
En 2010, la France devrait se situer à 0,50 % du RNB.
La France n'atteindra pas 0,51 % en 2010 comme elle s'y était engagée dans le cadre de l'Union européenne.
Prévision de l'évolution de l'effort français en faveur de développement
Principaux types d'activités d'aide au développement |
2009 (a) |
2010 (b) |
2011 (c) |
2012 (c) |
2013 (c) |
Aide bilatérale |
5 041 |
5 961 |
5 891 |
6 477 |
5 556 - 7 356 |
Aide multilatérale |
4 007 |
3 804 |
3 664 |
3 567 |
3 572 |
Total |
9 048 |
9 765 |
9 555 |
10 044 |
9 128 - 10 928 |
Effort français d'APD |
0,46 |
0,50 |
0,47 |
0,47 11 ( * ) |
0,41% et 0,49 12 ( * ) |
La trajectoire présentée dans le Document de politique transversale (DPT) attaché au projet de loi de finances (PLF) pour 2011 indique une diminution de l'APD en 2011, qui n'atteindrait plus que 0,47 % du RNB.
Elle devrait d'après nos estimations rester stable en 2012.
En 2013, elle serait située entre 0,41 % et 0,49 % selon les hypothèses retenues pour les annulations de dettes.
En qui concerne l'objectif pour 2015, il faut noter que l'engagement français correspond à une projection de l'APD à plus de 17 milliards d'euros en 2015 .
L'APD 2011 étant estimée dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques à 9,2 milliards d'euros, l'atteinte de cet objectif suppose une croissance annuelle de l'APD de 17 % sur la période 2012-2015, ce qui est « très ambitieux » au regard de la situation des finances publiques.
Ces estimations présentent cependant une incertitude d'autant plus forte que leur horizon est éloigné. Elles sont soumises à une forte volatilité, en particulier pour ce qui concerne les annulations de dette qui sont fonction des traitements en Club de Paris et, comme telles, conditionnées au calendrier de conclusion d'accords entre les pays concernés et le FMI.
Toutefois, plusieurs facteurs pourraient contribuer à limiter le montant de l'APD française.
D'une part, la fin d'un cycle de désendettement. On l'a vu les opérations de dettes ont représenté entre 10 et 30 % de l'APD ces dernières années. Or nous arrivons à la fin d'un cycle. En 2009-2010, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'initiative d'allègement de la dette en faveur des PPTE et l'Initiative d'Allègement de la Dette Multilatérale (IADM), plusieurs pays ont atteint le point d'achèvement (République du Congo, Afghanistan, Libéria et République Démocratique du Congo).
Certes, le Club de Paris a conclu sept accords de restructuration de dette depuis juin 2009, tous avec des pays pauvres très endettés, mais cela n'engage la France qu'à hauteur de 464 millions d'euros.
D'autre part, la France va, à terme, rentrer dans un cycle de remboursement des prêts dont les montants ont été croissants depuis quelques années.
Dans ces conditions, il est peu probable que la France soit en mesure de tenir son engagement. Pour cela il aurait fallu établir une stratégie budgétaire adaptée dès 2011.
Comme le souligne la Revue à mi-parcours de l'aide de la France, établie le 16 septembre 2010 par le CAD : « Contrairement à la recommandation du dernier examen par les pairs, la France n'a pas encore développé une feuille de route pour son APD. N'ayant pas tenu son engagement pris à Monterrey en 2002 d'atteindre un ratio d'APD/RNB de 0,5 % en 2007, et ayant reporté son engagement d'atteindre 0,7 % de 2012 à 2015, la France prévoit que le ratio APD/RNB se situera entre 0,47 % et 0,51 % en 2010, le montant réalisé dépendant des hypothèses d'annulations de dette dans l'enceinte du Club de Paris (notamment pour la République démocratique du Congo). Il n'est donc pas assuré que la France atteigne le but européen de 0,51 % en 2010. Pour atteindre 0,7 % en 2015, engagement confirmé par la France, il lui faudra une feuille de route basée sur des apports d'APD budgétisés et donc plus prévisibles ».
Votre commission souligne que les engagements chiffrés sont ceux sur lesquels la crédibilité de notre politique est finalement perçue, tant de la part de nos partenaires du Nord que de la part des bénéficiaires de notre aide sur le terrain.
La France ne peut, dans ces conditions, que redoubler d'effort pour promouvoir des mécanismes de financements innovants.
Ce faisant, elle n'échappe pas à certaines contradictions quand elle évoque cette perspective lointaine pour faire oublier ses engagements passés, tout en s'engageant dans les enceintes internationales à ce que ces financements innovants soient additionnels par rapport à ceux qui ont été pris dans le cadre des OMD.
Si la France veut miser sur une diplomatie d'influence, si la France veut être à l'origine des nouvelles politiques publiques mondiales qui semblent émerger et peser sur les transformations de l'architecture des organisations internationales, il faut qu'elle en paie le prix et qu'elle illustre par ses engagements financiers la crédibilité de sa parole.
Vos rapporteurs estiment que la France aurait dû établir, dès 2007, une feuille de route budgétaire qui nous aurait permis de définir une stratégie crédible pour arriver à notre objectif. C'est ce qu'a fait la Grande-Bretagne qui ne manque pas d'ailleurs de le faire savoir dans les sommets internationaux, comme en septembre à l'ONU.
* 11et 2 estimation Sénat à partir des donnée du DTP