B. LES CONDITIONS DU SUCCÈS

1. Un mécanisme complexe, dont il faut souhaiter le succès

Tout d'abord, votre rapporteur pour avis ne peut que constater l'ardente nécessité pour la France de faire évoluer l'organisation de son marché de l'électricité au vu des risques énormes encourus en cas de condamnation par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE). Comme indiqué précédemment, non seulement une lourde amende pourrait sanctionner le manquement à la transposition de la directive 2003/54/CE précitée, mais les entreprises bénéficiaires de tarifs qui seraient considérés comme constitutifs d'une aide d'Etat pourraient avoir à rembourser ladite aide, ce qui pourrait mettre en péril d'importants sites industriels.

A partir de ce constat, votre rapporteur pour avis observe que le présent projet de loi propose de mettre en place un mécanisme de cession forcée d'environ un quart de la production « nucléaire historique » d'EDF aux fournisseurs alternatifs. Ce dispositif revient donc à troquer l'actuelle régulation du marché « en aval », par les tarifs réglementés de vente aux consommateurs finals, contre une régulation « en amont » . Il s'agit probablement de l'organisation la plus régulée possible dont on puisse raisonnablement espérer la conformité au droit communautaire ( cf. infra ).

Pour complexe qu'il soit, ce mécanisme visant à augmenter artificiellement la part de marché des concurrents d'EDF est nettement préférable , aux yeux de votre rapporteur pour avis, à toute solution qui aurait conduit à une augmentation mécanique des prix de vente aux clients finals, qui aurait pénalisé à la fois le pouvoir d'achat de nos concitoyens et la compétitivité industrielle de la France.

Votre rapporteur pour avis souhaite donc sans ambiguïté le succès de cette nouvelle organisation du marché de l'électricité. Cependant, ce succès dépendra de plusieurs conditions.

2. La conformité au droit communautaire

Le premier facteur de succès, déterminant, est la conformité du dispositif proposé au droit communautaire. Dans le cas contraire, évidemment, il ne servirait à rien et l'ouvrage devrait, très vite, être remis sur le métier.

Or, la Commission européenne a paru avaliser les principes du présent projet de loi . Ainsi, dans un échange de lettres avec le Premier ministre en date du 15 septembre 2009, les commissaires européens chargés de la concurrence, alors Neelie Kroes, et de l'énergie, alors Andris Piebalgs, ont ainsi écrit qu'ils souscrivent à l'objectif de « développement de la concurrence sur le marché de détail de l'électricité au bénéfice des consommateurs » poursuivi par le Gouvernement au travers de ce texte et que « les principes généraux de l'accès régulé à la base [devenu l'Arenh] (...) [leur] apparaissent conformes au droit communautaire ».

Si les commissaires se sont montrés prudents quant au texte final qui sera adopté et aux décrets d'application, il s'agit là néanmoins d'un signe encourageant, notamment au regard de l'extinction des procédures précitées engagées contre la France.

Toutefois, il convient de remarquer d'une part, que cet échange de lettres n'engage pas l'ensemble des autorités communautaires, en particulier la CJCE, et, d'autre part, que le commissaire chargé du marché intérieur n'a pas signé ce document.

Or, certains pourraient douter de la conformité de la « clause de destination implicite », c'est-à-dire du système de complément de prix à acquitter par les acteurs alternatifs à EDF au titre de leurs volumes excédentaires, à l'article 35 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne 5 ( * ) . Selon certaines analyses, le complément de prix pourrait constituer un obstacle à la libre exportation du « bien » électricité.

Votre rapporteur pour avis considère, pour sa part, que ce système, nécessaire pour éviter les abus, est proportionné à l'objectif poursuivi, c'est-à-dire l'ouverture à la concurrence du marché français . En effet, une exportation massive de l'électricité cédée dans le cadre de l'Arenh, outre qu'elle pénaliserait les consommateurs français, risquerait d'aboutir à ce qu'EDF conserve ses parts de marché actuelles, ce qui ne pourrait satisfaire personne. De plus, le complément de prix n'empêche en rien l'exportation de l'électricité issue de l'Arenh à un prix reflétant les conditions des marchés européens.


* 5 « Les restrictions quantitatives à l'exportation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les Etats membres ».

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