EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
(art. 515-9 à 515-13 [nouveaux], 220-1
et 257 du code civil)
Création d'une ordonnance de protection des
victimes
Objet : Cet article met en place une procédure d'urgence de protection des victimes de violences conjugales.
I - Les dispositions initiales de la proposition de loi
L'article 1 er instaure une nouvelle procédure d'urgence destinée à protéger les victimes de violences conjugales. Dans la proposition de loi initiale, il crée ainsi, après le titre XXI bis du livre IV du code de procédure pénale, un titre XXI ter relatif aux mesures de protection des victimes au sein duquel les articles 706-63-2 à 706-63-5 donnent au juge délégué aux victimes la possibilité de délivrer une ordonnance de protection en cas de violences au sein du couple.
Le nouvel article 706-63-4 énonce les compétences dont dispose ce juge à l'occasion de la délivrance de l'ordonnance de protection. Son 3° indique ainsi qu'il est compétent pour statuer sur la résidence séparée du couple.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a estimé que l'ordonnance de protection devait relever de la compétence non pas d'un juge dédié aux victimes mais du juge aux affaires familiales. L'article 1 er , dans la rédaction transmise au Sénat, crée donc désormais, après le titre XIII du livre I er du code civil, un titre XIV relatif aux mesures de protection des victimes de violences. Dans ce titre, les articles 515-9 à 515-13 donnent au juge aux affaires familiales la possibilité de délivrer une ordonnance de protection en cas de violences au sein du couple.
Le nouvel article 515-11 énonce les compétences dont dispose ce juge à l'occasion de la délivrance de l'ordonnance de protection. Son 3° indique qu'il est compétent pour statuer sur la résidence séparée des époux « en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal » , ajoutant que « sauf circonstances particulières, la jouissance » du logement conjugal « est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences » .
Enfin, un 3° bis prévoit que le juge aux affaires familiales a la même compétence d' « attribuer la jouissance du logement ou de la résidence du couple au partenaire ou au concubin qui n'est pas l'auteur des violences » lorsque les partenaires sont pacsés ou concubins.
III - La position de votre commission
Votre commission estime qu'il est légitime de privilégier la victime des violences dans la procédure de choix du conjoint à qui serait accordée l'occupation du logement du couple.
Néanmoins, dans certains cas, la victime se considère en danger et ne souhaite pas rester dans un lieu connu de son partenaire.
Votre commission s'est donc interrogée sur l'opportunité de subordonner l'attribution du logement à la demande de la victime, afin qu'il soit tenu compte de sa volonté dans la décision de justice. A l'inverse, d'autres arguments militent en faveur du maintien de cette affectation automatique par le juge dans le souci d'éviter que des pressions s'exercent sur la victime et contribuent à empoisonner davantage une relation déjà très dégradée. En conséquence, votre commission a choisi de ne pas déposer d'amendement mais insiste néanmoins sur la nécessité, pour le juge, de s'enquérir expressément du souhait de la victime avant de prendre sa décision.
Sous cette réserve, elle vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 3
(art. 371-1, 373-2-1, 372-2-9 du code
civil,
art. L. 112-4 du code de l'action social et des
familles)
Protection de l'enfant en cas de violences conjugales
Objet : Cet article complète la définition de l'intérêt de l'enfant et renforce les dispositions relatives au droit de visite et d'hébergement.
I - Les dispositions initiales de la proposition de loi
Dans sa rédaction initiale, cet article complète la définition de l'intérêt de l'enfant, telle qu'elle figure dans le code de l'action sociale et des familles et le code civil, et adapte les dispositions relatives au droit de visite et d'hébergement pour tenir compte des situations spécifiques de violences dans le couple parental.
L'article L. 112-4 actuel du code de l'action sociale et des familles dispose que « l'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant » .
En conséquence, le paragraphe I propose de définir désormais l'intérêt de l'enfant comme « la prise en compte de ses besoins fondamentaux, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits et la garantie de sa protection » .
Le paragraphe II assure la coordination entre cette nouvelle définition du code de l'action sociale et des familles et l'article 371-1 du code civil qui traite de l'autorité parentale en se référant à l'intérêt de l'enfant (1°) .
Il renforce également les dispositions relatives au droit de visite et d'hébergement dans le cas où le juge confie l'exercice de l'autorité parentale à un seul parent (2°) :
- le deuxième alinéa de l'article 373-2-1 du code civil qui, pour l'heure, restreint le refus du droit de visite et d'hébergement au seul cas de motifs graves, affirmerait désormais que les motifs graves doivent conduire le juge à refuser ce droit ;
- le troisième alinéa de l'article 373-2-2 du même code imposerait désormais au juge aux affaires familiales d'organiser le droit de visite dans un espace de rencontre neutre, « pour assurer la continuité et l'effectivité des liens de l'enfant avec ce parent » , alors qu'il s'agit jusqu'à présent d'une simple possibilité.
Par cohérence, il organise la coordination de la nouvelle définition énoncée à l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles avec l'article 373-2-6 du code civil qui traite de l'intervention du juge aux affaires familiales en se référant à l'intérêt de l'enfant (3°) .
Enfin, il modifie le dernier alinéa de l'article 373-2-9 du code civil, relatif à la résidence de l'enfant, qui imposerait désormais au juge aux affaires familiales d'organiser le droit de visite dans un espace de rencontre neutre, « lorsque l'intérêt de l'enfant le commande » , ce qui n'est actuellement qu'une faculté (4°) .
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a profondément remanié cet article :
- elle a transposé la définition élargie de l'intérêt de l'enfant à l'article 371-1 du code civil ;
- elle a précisé que le juge devra désigner un lieu neutre, non seulement pour le droit de visite, mais aussi pour la remise de l'enfant. Lorsque ceux-ci ont lieu dans un espace de rencontre sécurisé, à la suite d'une ordonnance de protection, un représentant de la personne morale désignée pour accompagner la victime pendant toute la durée de l'ordonnance de protection pourra assister aux visites ou remises de l'enfant ;
- elle a indiqué que c'est l'intérêt de l'enfant qui détermine l'obligation de recourir à ce lieu sécurisé ;
- elle a renforcé la coordination de la définition énoncée à l'article 371-1 du code civil avec l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles.
III - La position de votre commission
Votre commission considère que la protection de l'enfant doit constituer une priorité en cas de violences conjugales. Elle approuve les compléments apportés à la définition de l'intérêt de l'enfant et le renforcement des procédures de droit de visite spéciales, notamment en cas d'ordonnance de protection. Le fait que l'organisation du droit de visite et d'hébergement ne soit plus une simple possibilité mais une obligation pour le juge, lorsque l'intérêt de l'enfant le commande, représente un signal fort sur la nécessité de recourir aux espaces rencontre en cas de violence conjugale et sur la volonté de protéger les victimes, qu'il s'agisse des victimes directes ou des enfants.
Cependant, elle tient à signaler que la mise en oeuvre des modalités de l'exercice de l'autorité parentale peut entrer en contradiction avec l'exigence de protection de la victime des violences conjugales. Au cours de ses auditions, votre rapporteure a ainsi constaté que l'absence de coordination entre les différents juges appelés à statuer peut faire courir des risques à la personne victime de violences . Un juge aux affaires familiales qui statue sur l'exercice de l'autorité parentale n'est, par exemple, pas forcément informé de mesures, présentes ou passées, d'éloignement du compagnon violent.
Le décret n° 2009-398 du 10 avril 2009 relatif à la communication de pièces entre le juge aux affaires familiales, le juge des enfants et le juge des tutelles a renforcé la transmission d'informations entre les différents juges civils. Ainsi, l'article 1072-1 du code de procédure civile impose au juge aux affaires familiales de vérifier l'existence éventuelle d'une procédure d'assistance éducative à l'égard du mineur. Le cas échéant, il peut demander au juge des enfants de lui fournir la copie des pièces du dossier en cours. Ce décret semble à même de répondre à la majeure partie des cas où plusieurs procédures civiles ont été engagées. Votre commission estimerait opportun de mettre en place un dispositif similaire de transmission d'information entre le juge aux affaires familiales et le procureur.
Sous cette réserve, elle vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 10 bis B
Remise d'un rapport du Gouvernement au
Parlement sur l'instauration
d'une formation spécifique en
matière de violences faites aux femmes
Objet : Cet article, ajouté par l'Assemblée nationale, demande l'établissement d'un rapport par le Gouvernement sur la mise en place d'une formation spécifique en matière de violences faites aux femmes.
I - Les dispositions initiales de la proposition de loi
L'article 11 de la proposition de loi initiale rendait obligatoire la mise en place d'une formation spécifique des professionnels intervenant auprès des femmes victimes de violences : personnels médicaux et paramédicaux, travailleurs sociaux, magistrats, personnels de l'éducation nationale, personnels d'animation sportive et culturelle et personnels de gendarmerie et de police.
En application de l'article 40 de la Constitution, cet article été déclaré irrecevable avant son examen par la commission saisie au fond.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Afin de contourner l'irrecevabilité du dispositif envisagé, l'Assemblée nationale a inséré en séance publique cet article 10 bis B qui prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur la mise en place d'une formation spécifique destinée aux professionnels intervenant dans le domaine de la prévention et de la prise en charge des violences faites aux femmes.
III - La position de votre commission
Considérant que la formation des professionnels est une des clés de la réussite de la lutte contre les violences faites aux femmes, votre commission approuve la remise de ce rapport.
Toutefois, elle n'estime pas suffisant d'attendre sa publication pour agir dans le domaine de la formation. S'appuyant sur l'exemple de la réussite de la formation des membres des brigades de protection de la famille expérimentées actuellement, votre commission demandera au Gouvernement, en séance publique, s'il envisage la généralisation de ces pratiques à l'ensemble des professionnels concernés.
Sous cette réserve, elle vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 11 A
(art. L. 312-15 et 721-1 du code de
l'éducation)
Education à l'égalité entre les
hommes et les femmes
Objet : Cet article, ajouté par l'Assemblée nationale, prévoit la mise en place d'une formation des élèves à l'égalité entre les hommes et les femmes, la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes au sein de l'enseignement de l'éducation civique et dans le cursus dispensé par les instituts universitaires de formation des maîtres.
I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Le paragraphe I modifie l'article L. 312-15 du code de l'éducation, qui recense les formations spécifiques que doit contenir l'enseignement de l'éducation civique à tous les stades de la scolarité. Il y ajoute une formation « consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la connaissance des causes, caractéristiques et sanctions relatives aux violences faites aux femmes » et précise que cette formation peut être mise en place avec le concours d'associations de défense des droits des femmes.
Le paragraphe II complète l'article L. 721-1 du code de l'éducation relatif aux missions des instituts universitaires de formation des maîtres. Il introduit dans les formations initiale et continue des personnels enseignants des « actions de sensibilisation à la lutte contre les discriminations, aux enjeux de l'égalité entre les femmes et les hommes et aux violences à l'encontre des femmes » .
II - La position de votre commission
Votre commission approuve l'introduction de ces formations, tant au bénéfice des élèves que des enseignants.
Elle considère que la problématique de l'égalité entre les hommes et les femmes trouve parfaitement sa place dans l'enseignement de l'éducation civique. La réflexion sur la place des hommes et des femmes et sur les représentations qui s'y rattachent est fondamentale dans la formation de l'esprit critique des élèves.
Elle estime que la formation des enseignants dans ce domaine est un corollaire indispensable à la sensibilisation des plus jeunes.
Elle vous propose donc d'adopter cet article sans modification.
Article 14 bis
Remise d'un rapport sur la création
d'un observatoire national
des violences faites aux femmes
Objet : Cet article, ajouté par l'Assemblée nationale, prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement sur la création d'un observatoire national des violences faites aux femmes.
I - Les dispositions initiales de la proposition de loi
L'article 15 de la proposition de loi initiale créait, après le chapitre IV du titre IV du livre premier du code de l'action sociale et des familles, un chapitre V relatif à l'observatoire national de violences faites aux femmes. Au sein de ce chapitre, un article L. 145-1 définissait ainsi la mission de l'observatoire : « collecter, analyser et diffuser les travaux et données relatifs aux violences faites aux femmes » .
En conséquence :
- l'observatoire aurait mené des actions d'études, de recherche et d'évaluation et collecté les données relatives aux violences faites aux femmes ;
- les administrations de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics auraient dû lui communiquer les données utiles à ses travaux ;
- l'observatoire aurait pu conclure des partenariats avec les organismes locaux, nationaux et internationaux compétents ;
- il aurait remis chaque année un rapport public au Premier ministre et au Parlement.
Toutefois, en application de l'article 40 de la Constitution, l'article 15 a été déclaré irrecevable avant son examen par la commission saisie au fond.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Dans le même souci de contourner les règles d'irrecevabilité financière, l'Assemblée nationale a introduit cet article 14 bis qui prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement sur la création d'un observatoire national des violences faites aux femmes.
III - La position de votre commission
Votre commission constate, pour le déplorer, l'absence de données fiables chiffrées sur le phénomène des violences faites aux femmes qui conduit à une sous-estimation manifeste de l'ampleur de la situation et constitue un frein à une lutte efficace contre ce fléau.
Même si elle mesure l'efficacité aléatoire des demandes de rapport au Gouvernement, elle vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 16
(art. 41-1 du code de procédure
pénale)
Interdiction du recours à la médiation
pénale
en cas de violences conjugales
Objet : Cet article proscrit le recours à la médiation pénale dans tous les cas de violences conjugales.
I - Les dispositions initiales de la proposition de loi
La mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, créée par l'Assemblée nationale en juillet 2009 6 ( * ) , préconisait, dans sa proposition n° 54, de proscrire le recours à la médiation pénale comme réponse aux situations de violences au sein du couple. Elle considérait en effet que cette mesure, quand elle est mal utilisée, constitue une réponse inadaptée et inefficace aux cas de violence conjugale dès lors qu'elle met en présence le conjoint violent et sa victime.
Actuellement définie par le 5° de l'article 41-1 du code de procédure pénale, la médiation pénale constitue l'une des mesures alternatives aux poursuites que le procureur de la République peut ordonner.
En conséquence, cet article exclut totalement la médiation pénale des suites à donner en cas de violences au sein du couple, et même dans les cas où l'infraction commise au sein du couple n'est pas accompagnée de violences (non-représentation d'enfants, non-paiement de pension alimentaire par exemple).
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a retenu le principe de l'interdiction de la médiation pénale mais seulement dans le cas de violences conjugales. La victime est alors « présumée ne pas consentir à la médiation pénale » , non seulement quand le juge aux affaires familiales a été saisi d'une ordonnance de protection en application du nouvel article 515-9 du code civil, mais aussi dans tous les cas de violences au sein du couple.
En revanche, dans les autres cas, la médiation pénale est envisageable mais subordonnée à la demande ou à l'accord de la victime , alors qu'elle nécessitait jusqu'à présent l'accord des parties.
III - La position de votre commission
Votre commission estime que le recours à la médiation pénale dans les cas de violences au sein du couple nécessite une vigilance particulière.
Actuellement, cette procédure doit être utilisée dans les limites recommandées par le guide de l'action publique sur la lutte contre les violences au sein du couple, publié par le ministère de la justice : l'acte de violence doit être isolé et de gravité limitée, commis pour la première fois par un auteur qui reconnaît pleinement sa responsabilité. Le couple doit par ailleurs désirer poursuivre la vie commune.
Dans ces cas précis, on peut imaginer que la médiation pénale constitue une alternative efficace aux poursuites, d'autant que les autres mesures disponibles (rappel à la loi notamment) s'avèrent moins efficaces et peuvent laisser un sentiment d'impunité.
Ceci étant, on peut aussi considérer que cette procédure de médiation présente l'inconvénient de mettre en présence les deux parties à une relation très conflictuelle et constituer notamment une épreuve supplémentaire pour la victime. Votre commission approuve donc son interdiction prévue par l'article 16. Néanmoins, si les débats au Sénat devaient conduire à n'exclure que les cas de prononcé d'une ordonnance de protection, votre commission tient à obtenir des engagements sur l'usage de cette procédure dans les autres cas, notamment de violences psychologiques :
- d'une part, elle souhaite s'assurer que les recommandations du guide de l'action publique sur la lutte contre les violences au sein du couple seraient strictement appliquées ;
- d'autre part, réaffirmant le rôle fondamental de la formation dans le domaine des violences conjugales, votre commission soulève la question de celle des médiateurs, qui semble actuellement insuffisante et disparate. En effet, si l'article R. 15-33-33 du code de procédure pénale prévoit des garanties de compétence nécessaires pour l'exercice de médiateur du procureur de la République, il n'exige aucune formation. Celle-ci est actuellement assurée par les deux principales fédérations d'associations pratiquant la médiation pénale (la fédération des associations socio-judiciaires « Citoyens et justice » et l'institut national d'aide aux victimes et de médiation - Inavem). Considérant qu'une harmonisation de la formation au niveau national est nécessaire, votre commission attend de la Chancellerie des engagements sur les mesures qui seront prises en ce sens : peut-on envisager la mise en place par l'école nationale de la magistrature (ENM) d'une formation pour les médiateurs du procureur, sur le modèle de celle des délégués du procureur ? Une circulaire définissant des référentiels de formation est-elle en préparation dans les services du ministère ?
Sous ces réserves, elle vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 17
(art. 222-14-3 et 222-33-2-1 [nouveaux] du code
pénal)
Création d'un délit de violences psychologiques
au sein du couple
Objet : Cet article crée un délit de violences psychologiques au sein du couple, inspiré de la définition du harcèlement moral en entreprise.
I - Les dispositions initiales de la proposition de loi
Jugeant les sanctions pénales existantes insuffisantes pour répondre à toutes les situations de violence au sein du couple, la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes de l'Assemblée nationale avait choisi de s'appuyer sur la définition du harcèlement moral, telle que précisée à l'article L. 1152-1 du code du travail, pour proposer la création d'un délit de violences psychologiques au sein du couple.
S'inspirant de cette proposition, cet article insère dans le code pénal un nouvel article 222-33-2-1 qui prévoit de punir de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de soumettre son compagnon ou ancien compagnon à des violences psychologiques. Ce délit serait constitué, au sein des couples actuels ou séparés, en cas d'agissements ou de paroles répétés entraînant une dégradation des conditions de vie de la personne qui les subit, susceptible de provoquer une atteinte à ses droits et à sa dignité ou une altération de sa santé physique ou mentale.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a approuvé le principe de ce nouveau délit mais a précisé la définition des formes de violences à inscrire dans le code pénal : le nouvel article 222-14-3 dispose que les violences prévues par les dispositions de la section consacrée aux atteintes volontaires à l'intégrité de la personne seront « réprimées quelle que soit leur nature, y compris s'il s'agit de violences psychologiques » .
Dans un arrêt du 18 mars 2008 de sa chambre criminelle, la Cour de cassation a étendu la notion de violences aux actes destinés à causer un trouble psychologique, en énonçant que « le délit de violences est constitué, même sans atteinte physique de la victime, par tout acte de nature à impressionner vivement celle-ci et à lui causer un choc émotif » . Il est donc ici procédé à la codification de cette jurisprudence.
En revanche, si l'Assemblée nationale a maintenu le délit de violences psychologiques au sein du couple dans un nouvel article 222-33-2-1 du code pénal, elle a supprimé la mention de l'atteinte aux droits et à la dignité de la victime dans la définition.
III - La position de votre commission
Votre commission est très favorable à la création d'un délit de violences psychologiques au sein du couple susceptible d'apporter une réponse judiciaire à des situations difficiles.
Elle considère toutefois que la reconnaissance de ce nouveau délit dépendra étroitement de l'interprétation qu'en feront les juges. En effet, pour l'identifier de manière efficace, il conviendra de s'appuyer sur un faisceau de preuves, ce qui nécessitera d'adapter les protocoles de dépôt de plainte aux violences psychologiques. En outre, l'analyse des documents bancaires devrait être utilisée pour attester, par exemple, de l'emprise financière du conjoint sur la victime. Enfin, sur le modèle du harcèlement moral en entreprise, le recueil de témoignages devrait être systématisé.
Sous cette réserve, elle vous propose d'adopter cet article sans modification.
*
* *
Réunie le 16 juin 2010, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie pour avis.
* 6 Rapport d'information de Guy Geoffroy, au nom de la mission d'évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes de l'Assemblée nationale, n° 1799 (AN - XIII e législature), « Violences faites aux femmes : mettre enfin un terme à l'inacceptable ».