D. LA NUMÉRISATION DU PATRIMOINE CULTUREL, ÉDUCATIF ET SCIENTIFIQUE : UN ENJEU PRIMORDIAL
Par ailleurs, le projet de loi prévoit un programme d'investissement dans le secteur des technologies numériques, doté de 4,5 milliards d'euros. Ces sommes seront versées à un Fonds national pour la société numérique (FSN) , dont la gestion sera confiée à la Caisse des dépôts et consignations.
Ce programme est placé sous la responsabilité du Secrétaire général du Gouvernement .
Il comprend deux actions : l'une consacrée au déploiement des réseaux à très haut débit (2 milliards d'euros), l'autre, au développement des usages, services et contenus numériques innovants (2,5 milliards d'euros).
Au sein de cette dernière, un axe est dédié à la numérisation de « co ntenus patrimoniaux culturels, éducatifs et scientifiques », à hauteur de 750 millions d'euros .
Une annexe au présent rapport présente une synthèse des différents projets portés par les ministères concernés ou par leurs opérateurs pouvant bénéficier des crédits de l'emprunt. Cependant, des arbitrages devront être rendus compte tenu des besoins exprimés.
Pour ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche, la numérisation du patrimoine scientifique permettra de nouveaux usages pour la formation initiale et continue, pour l'organisation des travaux de recherche, ou encore pour la valorisation des résultats, avec l'émergence de modèles économiques associés. L'effort de numérisation devrait s'accompagner du développement d'infrastructures mutualisées de stockage, de sauvegarde et de diffusion des données (comme des portails unifiés ou de nouveaux types de bibliothèques sur le modèle des « learning centers »).
Le Premier ministre a confié à notre collègue député Jean-Michel Fourgous une mission sur le passage de l'expérimentation à la généralisation des technologies de l'information dans l'éducation . Celui-ci vient de remettre son rapport sur le numérique dans l'éducation le 15 février 2010. Parmi ses préconisations figure la création d'un « laboratoire d'ingénierie pédagogique de demain ». Pour votre rapporteur, ce type de projet pourrait relever de l'emprunt national.
S'agissant de la numérisation des oeuvres culturelles , on peut citer parmi les pistes envisagées par le ministère de la culture et de la communication :
- pour la numérisation de la presse , une prise de participation dans une structure autonome (du type filiale) avec une société spécialisée dans la diffusion en ligne et la valorisation scientifique des archives de la presse ;
- pour les films , des levées de fonds privés auprès des ayants droit devraient permettre de compléter les capitaux publics (objectif : au moins 30 % de fonds privés) ;
- pour la numérisation des livres , un prêt à la BnF qui serait remboursé à partir des recettes produites par l'exploitation et la diffusion des données numériques par des sociétés commerciales avec lesquelles la BnF passerait des accords.
Outre la numérisation, la diffusion et la valorisation des contenus, le FSN financera des actions destinées à renforcer l'utilisation légale des contenus numériques et des projets d'amélioration des technologies de production, de traitement, de gestion, et de diffusion (cinéma, télévision, image, musique, contenus culturels, éducatifs et scientifiques, jeux vidéos) de ces contenus.
Votre commission soutient pleinement l'ensemble de ces projets fondamentaux pour le développement de l'économie de la connaissance et pour le rayonnement de la culture française.
Elle avait d'ailleurs appelé de ses voeux une mobilisation du Gouvernement sur la question de la numérisation des fonds des bibliothèques, notamment lors d'un échange de vues en son sein le 21 octobre 2009 et au cours du débat organisé en séance publique le 16 novembre 2009 à l'initiative de notre collègue Jack Ralite. Il était alors apparu que seul un effort budgétaire supplémentaire permettrait d'envisager des projets ou des partenariats équilibrés permettant de concilier à la fois les objectifs de numérisation en nombre, indispensables à un accès universel aux contenus culturels, notamment en langue française, et ceux de protection des droits d'auteur et de garantie de la diversité culturelle.
Le projet de loi précise que « le FSN investira dans la numérisation et l'exploitation (y compris par la création de services associés) des contenus patrimoniaux culturels, éducatifs et scientifiques, avec le souci de maximiser l'effet de levier des fonds publics et d'utiliser les compétences du secteur privé dans l'indexation, les outils de traitement et la mise à disposition ainsi que des outils avancés de consultation des contenus auprès du grand public.
La numérisation des contenus effectuée avec le concours du FSN s'accompagnera systématiquement d'une évaluation des possibilités de création d'activités économiques :
- grâce à leur mise à disposition auprès d'opérateurs commerciaux créant des services à valeur ajoutée, donnant lieu soit à des abonnements payants, soit à des recettes publicitaires. Dans ce cas, l'État pourrait percevoir des redevances sur les revenus générés par ces services ;
- lorsqu'ils sont directement mis à disposition gratuitement ou dans le cadre de services « premium » payants comme le font actuellement l'Institut national de l'audiovisuel (INA), sous la forme de téléchargements payants, ou certains quotidiens qui permettent de consulter gratuitement le numéro du jour mais font payer l'accès à leurs archives. »
Cette approche explique sans doute le souhait de limiter à 25 % la part des crédits du « grand emprunt » pouvant être alloués à ces actions par le biais de subventions ou avances remboursables. 75 % des crédits seront donc alloués sous la forme de prises de participations ou de prêts.
Votre commission s'interroge néanmoins sur ce cadre très strict prévu par le présent projet de loi de finances, car elle voit dans le « grand emprunt » une chance à saisir : amplifier le projet de numérisation des livres de la BnF en coopération avec des partenaires privés, mais dans un rapport de force qui lui soit favorable , ainsi qu'il sera précisé ci-après.