D. LES ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES : LA DÉCENTRALISATION REMISE À L'ORDRE DU JOUR
1. La relance du débat sur la décentralisation des enseignements artistiques au Sénat
Aujourd'hui, 150 000 élèves sont accueillis dans quelque 500 établissements, dont 283 conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal, 106 conservatoires à rayonnement départemental et 42 conservatoires à rayonnement régional. Ce réseau témoigne de l'ambition de l'État et des collectivités territoriales de favoriser l'accès du plus grand nombre à une pratique artistique, notamment musicale.
C'est pourquoi votre commission y attache une importance particulière.
En effet, rappelons qu'elle a adopté, il y a quinze mois, le rapport 9 ( * ) sur la décentralisation des enseignements artistiques, liée à la réforme prévue par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales . Cette réforme n'a pas opéré un nouveau transfert de compétences mais a clarifié le rôle de chaque niveau de collectivités publiques. Elle a confié aux communes et à leurs groupements l'organisation et le financement de l'enseignement initial et l'éducation artistique dispensée par les établissements spécialisés :
• les départements ont mission
d'élaborer un schéma départemental de développement
des enseignements artistiques destiné à en améliorer les
conditions d'accès ;
• les régions organisent et financent le cycle
d'enseignement professionnel initial (CEPI), désormais sanctionné
par un diplôme national d'orientation professionnelle (DNOP) et
intégré au plan régional de développement des
formations professionnelles (PRDF) ;
• enfin, l'État conserve ses
prérogatives, classement et contrôle pédagogique des
établissements, définition des qualifications des enseignants et
tutelle des établissements d'enseignement supérieur artistique.
La loi a prévu le transfert aux départements et régions des crédits que l'État apporte à ces établissements. L'objectif était de rééquilibrer une charge financière pesant à près de 80 % sur les communes.
Cette loi a suscité de très fortes attentes, mais sa mise en oeuvre est toujours en panne et le rapport du Sénat en a analysé les causes . Pour répondre à la demande des collectivités, l'État, dès le 10 juillet 2008, a mis en place un groupe de travail consacré aux enseignements artistiques au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel.
La situation de blocage n'évoluant pas, ou peu, notre collègue Mme Catherine Morin-Desailly a déposé en juillet 2009 une proposition de loi reprenant des recommandations de son rapport et prenant en compte à la fois ses récentes consultations et les travaux conduits par des associations d'élus.
2. Les pistes proposées
Un premier point de convergence consiste à reconnaître le rôle de l'échelon régional en matière d'aménagement du territoire et de planification :
- d'une part, par l'élaboration d'un schéma régional des formations artistiques à vocation professionnelle ;
- d'autre part, par la création d'une commission régionale des enseignements artistiques.
Il apparaît également nécessaire de préciser les modalités d'application de la loi, afin notamment que les communes n'aient pas à assumer seules le financement de l'enseignement professionnel initial, et d'étudier la question des transferts de crédits.
L'examen à venir des projets de loi de réforme des collectivités territoriales a conduit Mme Catherine Morin-Desailly à demander l'organisation d'un débat, le 29 octobre 2009 , plutôt que l'inscription de sa proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat. A cette occasion, elle a demandé à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, quelle était son analyse et sa stratégie pour sortir de cette situation dommageable pour tous : les professionnels, les élèves et leurs familles et les élus eux-mêmes.
3. La position du gouvernement
Le ministre a souligné que la politique en matière d'enseignement artistique devait reposer sur un partenariat solide et clarifié avec les collectivités territoriales.
S'agissant des principales causes du blocage, dont l'estimation erronée des coûts de la réforme, une question reste en suspens : les crédits de fonctionnement, d'environ 30 millions d'euros, soit 9 % du budget global des enseignements artistiques spécialisés que l'État verse aux communes pour les conservatoires. Alors que l'État n'est plus compétent dans ce domaine depuis plus de vingt cinq ans, il détient encore les crédits correspondants, qui ne sont pas directement mis à la disposition des collectivités territoriales compétentes.
La loi de 2004 prévoyait un transfert de ces crédits aux régions et aux départements, selon des clés de répartition fixées par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Trois possibilités se présentent :
- élargir aux communes la liste des collectivités attributaires des crédits de l'État qui transitent par les DRAC, et ainsi mettre fin à une situation où la loi n'est pas appliquée car trop restrictive. Chaque DRAC attribuerait les crédits de l'État aux différentes collectivités en fonction de leur implication réelle ;
- transférer l'ensemble de ces crédits aux communes, qui créent et financent les conservatoires ;
- faire bénéficier les régions de ce transfert, dans l'esprit de loi de 2004. Dans ces deux derniers cas, les départements recevraient une contribution unique et forfaitaire correspondant à l'élaboration des schémas départementaux.
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* 9 Voir le rapport n° 458 (2007-2008) présenté par Mme Catherine Morin-Desailly : « Décentralisation des enseignements artistiques : des préconisations pour orchestrer la sortie de crise ».