C. UN PROJET MOBILISATEUR : LA CRÉATION D'UNE AGENCE CHARGÉE DE L'INFLUENCE CULTURELLE ET LINGUISTIQUE DE LA FRANCE À L'ÉTRANGER

La réforme de notre dispositif d'influence culturelle et linguistique à l'étranger a fait l'objet de nombreuses réflexions auxquelles le Sénat a pris une part significative.

Nos collègues les présidents Jacques Legendre et Josselin de Rohan ont publié, en juin 2009, un rapport d'information commun à leurs deux commissions formulant une série de propositions en faveur de la relance de notre action culturelle extérieure. Ce rapport est venu alimenter la réflexion de la mission de préfiguration de la future agence culturelle, dont la création a été annoncée par le ministre des affaires étrangères et européennes le 25 mars 2009. Les conclusions de cette mission ont conduit le Gouvernement à adopter, en conseil des ministres le 22 juillet 2009, un projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État , déposé en première lecture au Sénat 2 ( * ) .

Ce projet de loi s'inscrit dans un processus de réforme de notre action culturelle extérieure dont les axes ont été dessinés à partir des recommandations de la révision générale des politiques publiques . Afin que la diplomatie culturelle française passe d'une logique de rayonnement à une logique d'influence, le conseil de modernisation des politiques publiques, dans une recommandation en date du 11 juin 2008, a préconisé, en effet, le regroupement de l'ensemble des dimensions de l'influence culturelle et intellectuelle à l'étranger au sein de trois opérateurs : l' Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) , CulturesFrance et un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale .

1. Redonner un sens et des moyens à l'action culturelle extérieure

CulturesFrance est une association régie par la loi du 1 er juillet 1901, issue de la fusion en date du 22 juin 2006 de l'Association française d'action artistique (AFAA) et l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF), créées respectivement en 1922 et 1946.

Placée sous la tutelle des ministères des affaires étrangères et de la culture, l'association CulturesFrance, en liaison avec les institutions culturelles françaises et le réseau culturel français à l'étranger, exerce une mission d'opérateur au service des échanges culturels internationaux et de l'aide au développement culturel.

Elle est notamment chargée de :

- la promotion à l'étranger de la création contemporaine française dans les domaines des arts visuels, des arts de la scène, de l'architecture, du patrimoine, du cinéma patrimonial et documentaire, de l'écrit et de l'ingénierie culturelle ;

- l'organisation de saisons culturelles en France et à l'étranger ;

- la conception, la production et la diffusion de produits culturels adaptés aux publics étrangers ;

- la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement dans le secteur de la culture au travers des actions de formation, des échanges avec les cultures du monde, de l'accueil des artistes et des auteurs ;

- la mise en oeuvre de projets dans le cadre des programmes communautaires ;

- la mobilisation de nouveaux partenaires financiers (collectivités territoriales, fondations et grands mécènes).

En outre, CulturesFrance a vu son périmètre élargi en 2009 avec le transfert de compétences en matière de diffusion du cinéma et du documentaire français et de gestion du fonds d'Alembert, qui permet de cofinancer des projets pour la promotion de la pensée française et le programme d'aide à la publication. Ces compétences étaient auparavant assurées respectivement par la direction de l'audiovisuel extérieur et le bureau de l'écrit et des auteurs du ministère des affaires étrangères et européennes.

Dans le projet de loi de finances pour 2010, la subvention pour charges de service public de CulturesFrance, d'un montant total de 19 millions d'euros, se décompose de la façon suivante :

- une dotation de 9,7 millions d'euros au titre du programme 185 ;

- une dotation de 7,4 millions d'euros au titre du programme 209 ;

- une dotation de 1,9 million d'euros, versée par le ministère de la culture et de la communication, au titre de l'action « Action culturelle internationale » du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Un contrat d'objectifs et de moyens signé entre CulturesFrance et ses tutelles est entré en vigueur en mai 2007. Des objectifs de saine gestion et des objectifs opérationnels y sont introduits. Des indicateurs de performance précis et conçus pour être renseignés sans difficulté par CulturesFrance assortissent ce contrat.

Les commissions de la culture et des affaires étrangères du Sénat ont plaidé pour la mise en place d'une agence chargée de la coopération culturelle et linguistique, à partir de la transformation de l'association CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial, et placée sous la tutelle du ministre des affaires étrangères.

À la suite des critiques formulées par la Cour des comptes dans son audit de 2006 sur la gestion de CulturesFrance, une proposition de loi, présentée par notre collègue Louis Duvernois, transformant cette association en établissement public à caractère industriel et commercial, a été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat , le 13 février 2007. Cette formule juridique offre l'avantage de conserver le statut de droit privé qui est actuellement celui des personnels de CulturesFrance et de préserver son autonomie d'action, mais dans un cadre de gestion publique.

Le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État cherche à répondre à ce besoin d'évolution statutaire de CulturesFrance pour accompagner sa montée en puissance en tant qu'opérateur de l'État chargé des relations culturelles internationales et dont l'élargissement du périmètre d'action pourrait être envisagé progressivement.

Toutefois, un certain nombre de questions relatives au fonctionnement la future agence chargée de l'action culturelle extérieure sont laissées en suspens par le projet de loi dans sa version actuelle : sa tutelle ministérielle, son périmètre d'intervention et ses relations avec le réseau culturel, ses personnels et les ambassades.

2. La relance de notre diplomatie culturelle exige un projet ambitieux

Si votre rapporteur pour avis se félicite que le Gouvernement ait enfin engagé un processus de réforme de notre dispositif d'action culturelle à l'étranger, il estime que celle-ci ne saurait se limiter à la seule rationalisation de nos opérateurs via leur transformation en établissements publics à caractère industriel et commercial .

Le rapport d'information commun aux commissions de la culture et des affaires étrangères du Sénat, en date du 10 juin 2009, plaide pour un projet ambitieux et prévient contre toute réforme d'appoint qui ne se contenterait que de modifier le statut de CulturesFrance.

Votre rapporteur pour avis souhaite, ainsi, revenir sur un certain nombre d'exigences fondamentales au service d'une relance effective de notre dispositif d'influence culturelle et linguistique à l'étranger et pour lesquelles le rapport a formulé des propositions concrètes adoptées à l'unanimité des membres des deux commissions :

- la nécessaire clarification du pilotage stratégique de notre diplomatie culturelle suppose de placer la future agence culturelle sous la tutelle d'un ministère bien identifié, en l'occurrence le ministère des affaires étrangères. Le caractère transversal de notre politique culturelle extérieure doit nous conduire, en contrepartie, à assortir cette tutelle unique d'une dynamique interministérielle effective , en associant les ministères concernés au fonctionnement de cette agence, aussi bien au sein de son conseil d'administration qu'au sein d'un conseil d'orientation stratégique. À ce titre, votre rapporteur pour avis se réjouit que le ministère de la culture ait obtenu, à la suite d'arbitrages interministériels, un nombre de représentants égal à celui du ministère des affaires étrangères au sein du conseil d'administration du futur établissement public chargé de la coopération culturelle et linguistique ;

- chaque agence doit se voir attribuer un périmètre d'intervention cohérent , lui permettant de se concentrer sur son coeur de métier . Si l'exposé de leurs missions doit demeurer succinct dans la loi, le cas échéant en laissant au pouvoir réglementaire le soin de les décliner plus en détails au fur et à mesure de leur montée en puissance, il doit néanmoins permettre d'identifier aisément les coeurs de cible respectifs des trois opérateurs de notre influence culturelle et linguistique à l'étranger (AEFE, CulturesFrance et CampusFrance) afin de mieux envisager les éventuelles interactions et synergies entre eux ;

- le projet de réforme de notre action culturelle extérieure ne saurait faire l'impasse sur la rénovation du lien entre les opérateurs et le réseau culturel et diplomatique de la France à l'étranger . Si la réforme ne devait se réduire qu'à la simple transformation de nos agences en EPIC, sans pour autant leur donner la possibilité d'intervenir dans la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure au niveau des nos établissements culturels à l'étranger, elle conduirait à mettre en place des « coquilles vides » dépourvues de tout moyen réel d'action. C'est pourquoi le rapport d'information sénatorial précité a clairement plaidé pour le rattachement concerté et progressif de notre réseau culturel à la future agence chargée de la coopération culturelle et linguistique . Il convient naturellement de laisser s'achever la fusion des SCAC et des EAF culturels qui permettra d'assortir les services culturels de l'État d'un label unique conférant lisibilité et cohérence à notre présence culturelle à l'étranger. À terme, les futurs établissements culturels à autonomie financière fusionnés ont vocation à devenir les représentations locales de l'agence à l'étranger, en s'inspirant de l'expérience du transfert progressif du réseau commercial des missions économiques du ministère de l'économie à l'EPIC Ubifrance. Un tel rattachement ne s'oppose pas à ce que l'autorité des ambassades sur notre réseau culturel soit clairement réaffirmée et consacrée : un droit de regard de l'ambassadeur sur les affectations de personnels dans les établissements culturels à l'étranger (notamment des directeurs qui pourraient être les conseillers de coopération et d'action culturelle des ambassades) et sur leurs opérations (notamment via la présidence d'un comité d'orientation stratégique et de programmation placé auprès de chaque établissement) pourra être garanti ;

- la réforme a vocation à remobiliser le potentiel exceptionnel et le dynamisme de nos personnels culturels en poste à l'étranger. Cette réforme doit être la leur , elle requiert un projet mobilisateur qui leur permette de relancer sur le plan local leurs programmations culturelles avec le soutien appuyé de la future agence, en comptant notamment sur une meilleure gestion des carrières et des formations. La continuité des parcours professionnels, la spécialisation des carrières, le développement de passerelles entre administrations et entre les secteurs public et privé via une mobilité interne et externe renforcée doivent permettre à nos personnels culturels de reprendre confiance dans leur vocation professionnelle . Confier à la future agence la responsabilité de la formation et de la gestion des parcours professionnels de nos personnels culturels en poste à l'étranger constitue une condition nécessaire de la remobilisation de notre réseau.

Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis considère que le projet de loi déposé par le Gouvernement, dans sa version actuelle, ne répond pas encore pleinement aux exigences fondamentales approuvées à l'unanimité par les commissions de la culture et des affaires étrangères du Sénat . Il espère, en conséquence, que son examen parlementaire permettra de le compléter pour réunir les conditions d'une réforme réussie.

* 2 Projet de loi n° 582 rectifié (2008-2009)

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