II. LE PROJET DE LOI - LA RECHERCHE DE L'ÉQUILIBRE ENTRE DEUX OBJECTIFS CONSTITUTIONNELS
Le chapitre VI du projet de loi relatif à la programmation militaire vise à répondre aux préconisations du Conseil d'Etat dans le souci de concilier les intérêts liés à la défense nationale à ceux qu'inspire la recherche de la vérité.
Le législateur s'est déjà efforcé, dans d'autres domaines, d'établir un équilibre entre différents intérêts légitimes, qu'il s'agisse du secret médical, du secret professionnel ou des droits de la défense. Le dispositif proposé reprend en particulier certains principes retenus par la procédure applicable aux perquisitions au cabinet ou au domicile d'un avocat.
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Modalités de perquisition lorsque l'intéressé est soumis au secret professionnel
Avocat |
Journaliste |
Médecin, notaire, avoué, huissier |
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Art. 56-1 Code de procédure pénale |
Art. 56-2 Code de procédure pénale |
Art. 56-3 Code de procédure pénale |
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Lieu de la perquisition |
Cabinet ou domicile |
Locaux d'une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle |
Cabinet |
Qui perquisitionne |
Magistrat, les OPJ ne peuvent prendre connaissance des documents |
Magistrat |
Magistrat |
Qui doit être présent lors de la perquisition |
Bâtonnier ou son délégué |
- |
Personne responsable de l'ordre ou de l'organisation professionnelle à laquelle appartient l'intéressé ou de son représentant |
Respect d'un principe spécifique de proportionnalité |
Le magistrat veille à ce que les investigations ne portent pas atteintes au libre exercice de la profession d'avocat |
Le magistrat veille à ce que les investigations ne soient pas un obstacle ou ne conduisent pas à des retards injustifiés dans la diffusion de l'information |
- |
Nécessité d'une décision écrite préalable |
Décision portée à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué |
Non |
Non |
Objets saisis |
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Tout objet ayant trait à l'infraction poursuivie |
Tout objet ayant trait à l'infraction poursuivie |
Recours |
-
Lors de la perquisition
: Le bâtonnier peut
s'opposer à la saisie d'un document qu'il considère comme
irrégulière.
=> Le document est soit restitué soit versé au dossier. - A l'issue de la perquisition : Demande de nullité de la saisie |
Demande de nullité de la saisie |
Demande de nullité de la saisie |
A. LE TEXTE INITIAL DU GOUVERNEMENT
Le chapitre VI du projet de loi de programmation comporte trois articles.
L' article 12 complète le code de procédure pénale afin de prévoir dans un nouvel article 56-4 les modalités de perquisition dans trois catégories de lieux : les lieux précisément identifiés et qui sont déclarés à la CCSDN comme susceptibles d'abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale, les lieux neutres où sont incidemment découverts des éléments classifiés, les lieux classifiés.
Dans le projet de loi initial, le régime de perquisition dans les lieux susceptibles d'abriter un secret de la défense nationale ou dans les lieux classifiés était très proche. Il répondait en effet à cinq conditions identiques :
- la perquisition ne pourrait être effectuée que par un magistrat ;
- elle devrait se dérouler en présence du président de la CCSDN ou de son représentant ;
- elle ne pourrait être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite et motivée des magistrats qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci ;
- cette décision serait transmise au président de la Commission consultative ;
- elle serait portée à la connaissance du chef d'établissement ou de son délégué au commencement de la perquisition.
Une condition supplémentaire serait requise pour la perquisition dans les lieux classifiés : la déclassification préalable de ces lieux. A cette fin, le président de la Commission consultative, saisi par le magistrat au moment de la transmission de la décision de perquisition, ferait connaître sans délai son avis à l'autorité administrative compétente sur la déclassification temporaire - totale ou partielle- du lieu.
Dans le troisième cas de figure, lorsque la perquisition se déroule dans un lieu qui se révèle abriter des secrets de la défense nationale, le magistrat en informerait le président de la CCSDN. La perquisition ne pourrait alors se poursuivre qu'en présence du magistrat et du président de la Commission consultative ou de son représentant.
Une fois ces différentes conditions réunies selon les trois cas de figure envisagés, la perquisition se déroulerait selon les mêmes principes :
- seul le président de la Commission consultative ou son représentant prendrait connaissance d'éléments classifiés découverts ;
- le magistrat ne saisirait, parmi les éléments classifiés, que ceux relatifs aux infractions sur lesquelles portent les investigations ;
- chaque élément saisi serait après inventaire par le président de la CCSDN, placé sous scellés et remis au président de la Commission consultative qui en deviendrait le gardien.
La déclassification de ces documents interviendrait selon les règles fixées par la loi du 8 juillet 1998.
L' article 13 réunit les différentes modifications du code pénal.
Il procède d'abord à plusieurs adaptations de la définition actuelle des éléments couverts par le secret de la défense nationale : il y intègre notamment, les réseaux informatiques.
Par ailleurs, il remplace la notion de « renseignements » par celle jugée plus générique d'« informations ».
Surtout, il institue les « lieux classifiés » définis comme les « lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale ». Il prévoit par ailleurs les différentes incriminations destinées à réprimer la violation de ces lieux classifiés.
L' article 14, enfin, tend à compléter le code de la défense afin de prendre en compte dans l'énoncé des pouvoirs du président de la Commission consultative les nouvelles missions qui lui sont confiées dans le cadre des perquisitions visées à l'article 12.